Enseignement des mathématiques

bonjour

j'organise actuellement quelques petites seances de révision du bac dans un lycée et je suis frappé par le manque de pratique des étudiants ; il semble qu'il ne savent plus faire des exercices

ils manquent sérieusement d'initiative devant un exo qui ne ressemble pas aux exos types qu'ils ont vus en cours (vus et non fait...) pourtant la prise d'initiative me parait etre fondamentale dans la formation de l'esprit scientifique ;

plus de trois lignes de calcul en rebuttent meme quelques-uns

certain parmis eux se rendent compte du fait de n'avoir pas suffisement de pratique des mathématiques ;

certe on pourra rétorquer que c'est a eux de savoir qu'il faut travailler et d'essayer par eux meme de chercher divers exo trouvé a droite a gauche (annales, livres...) mais a cet age on est encore très matterné (au niveau scolaire j'entend)

tout ca pour demander si ce phenomene est courant, a savoir la dominance ecrasante du cours magistral sur la pratique ; ne pensez vous pas que des seances de TD comme cela se pratique en université (dévoués exclusivement a la résolution d'exercice) serait une bonne chose pour ces charmantes tetes blonde ?

Notons également que le plus sur moyen d'apprecier les maths c'est la joie (intense) que procure la résolution par soi-même d'un exercice, et qu'encourager à la pratique ne saurait etre que bénéfique à l'image des mathématiques

je pense que ce debat fait parti d'une question plus vaste (reforme complete du systeme d'education), mais a l'echelle du simple cours de maths déja quelque chose pourrait etre entrepris me semble-t-il

Réponses

  • " ne pensez vous pas que des seances de TD comme cela se pratique en université (dévoués exclusivement a la résolution d'exercice) serait une bonne chose pour ces charmantes tetes blonde ? "

    C'est ce qui se fait déja avec le dédoublement et les groupes.
    De plus je ne connais pas d'enseignants qui ne font pas d'exercices en classe, mais ça ne veut pas dire qu'il n'y en a pas. Le collègue qui a tes élèves en fait peut-être partie...
  • bonjour

    tu parles de domination écrasante du cours magistral sur la pratique

    n'exagérons pas: dans le cycle secondaire il est bien prévu des exercices riches et variés et d'ailleurs les manuels en regorgent

    des séances spécifiques consacrées aux exercices ne me paraît pas judicieux: du point de vue pédagogique il vaut mieux alterner lorsque c'est possible cours et applications; les élèves sinon risquent se lasser

    je suis d'accord bien-sûr sur l'importance des exercices; le mieux est d'en donner aux élèves à préparer pour la séance suivante et de les encourager à utiliser au maximum leurs livres (en général bien faits);
    pour le bac c'est presque indispensable

    cordialement
  • " ne pensez vous pas que des seances de TD comme cela se pratique en université (dévoués exclusivement a la résolution d'exercice) serait une bonne chose pour ces charmantes tetes blonde ? "

    Non !

    Tout simplement parce que je pratique cela en DUT avec des "ex-lycéens" et que la plupart continuent, comme au lycée, d'attendre la correction des exercices pour essayer d'en faire un autre, identique (En tout cas, au début de l'année).
    C'est une conséquence de la décision de faire faire à tous les écoliers, collégiens, lycéens les exercices du programme, quitte à les répéter de nombreuses fois. Cela devient une habitude : On va faire et refaire l'exercice, pourquoi chercher à le faire la première fois, le prof va bien nous dire comment faire.

    Je suis d'une génération pour laquelle faire un exercice était en rechercher une solution. Celui qui ne savait pas faire était qualifié d'imbécile. Bien que 10% seulement d'une classe d'âge réussisent le bac, la moitié était "nuls en maths". Ona amélioré la situation et des exercices difficiles pour mes camarades d'école sont maintenant réalisés par 50 à 60% d'une classe d'âge. Mais on en paye le prix en termes de compétence.

    Je n'ai pas trouvé grand chose pour changer la situation, si ce n'est de ne jamais refaire des exercices analogues (Sauf dans les "gammes" sur une technique nouvelle, style calcul de dérivées) et de faire des exercices sans correction (On se contente de dire si ce qu'a fait l'élève est bon ou non).

    Cordialement
  • Bonjour à tous !

    Voici un sujet intéressant : le manque de pratique des élèves... n'étant pas encore prof (l'an prochain), je n'ai qu'un avis relatif sur la situation actuelle, mais les nombreux cours particuliers que je donne m'ont permis de me rendre compte que beaucoup d'élèves ont perdu la curiosité, la notion "d'effort", de recherche. Il y a là une conséquence d'un vrai mal profond, sans doute, de la société : donnez-nous ce que l'on veut sans immense investissement ! Evidemment, je ne fais pas une généralité, mais cela me semble la tendance actuelle...

    A mon sens, et je rejoins totalement Jean Lismonde et GERARD là-dessus, il faut une interactivité cours du prof/exercices corrigés/ exercices non corrigés/ lecture du cours du bouquin. Il faut aussi, à mon avis, et j'imagine que beaucoup de futur collègue le font déjà, rendre vivante une matière souvent considérée pleine de systématisme par les élèves, la rendre intéressante, utile, mais aussi abstraite, ludique ! Un bon patchwork de tout cela permettrait, peut-être (est-ce véritablement réalisable sur le terrain, je le verrai par moi-même !), un plus grand investissement des élèves !

    Il y a aussi, d'après moi, un problème de cohérence de programme qui fait que les élèves ne comprennent pas réellement ce qu'ils font... combien d'étudiants disent qu'une fonction décroît quand sa dérivée est négative sans réellement savoir pourquoi ? Ceci est un exemple un petit peu "anodin", car finalement la "règle" ne gêne pas grand monde, mais si les bases étaient mieux comprises dès le collège et le lycée, en traitant les mathématiques comme une science et non pas comme seulement un outil (il y a des choses en physique que l'on applique beaucoup plus facilement car on a vu pourquoi cela marchait, et surtout qu'il y avait une réalité derrière !), cela engagerait sans doute beaucoup plus d'élèves à faire des efforts, à se forger une culture mathématiques qui, même si elle n'est pas indispensable à tout un chacun, doit faire partie de la Culture générale, et à vivre dans un "monde Mathématique" structuré et non constitué uniquement de liste de choses à apprendre ou de recettes parfois incohérentes..... je suis souvent très étonné par les élèves qui appliquent vraiment bêtement des règles apprises en classe sans savoir pourquoi !

    Enfin voilà mon sentiment sur le sujet... Il faut favoriser la recherche autonome, la confrontation aux exercices, aux devoirs maisons, dans un climat de travail, d'objectifs...et de confiance !

    Cordialement à tous,

    Laurent
  • N'etant ma prof je ne vais pas tenter de donner des conseils puisque je ne me rend pas compte de la realite dans une classe.

    Mais il faut pas oublier un truc a mon sens : la majorite des eleves de lycee n'aiment pas les maths, il n'en feront d'ailleurs plus des la fin de la term car ils ont trouve quelque chose qu'ils preferent (meme s'il est vrai que souvent il y en a un peu)

    Il y a beaucoup d'eleves qui voient les maths comme un tas de formules tombees du ciel et qui les apprennent pour ne pas se ramasser le jour du bac.

    Ensuite certains ne cherchent pas car ils voudraient etre sur d'aboutir des la premiere tentative et dans ce cas la correction du prof est la meilleure facon d'avoir un cahier sans rature
  • Gérard parle d'or (Jean et Laurent aussi).
  • Mes élèves de Math Sup sont souvent très étonnés lors des premiers devoirs surveillés de s'apercevoir qu'on leur demande de faire des choses qu'ils n'ont jamais faites !
    Effectivement, pendant les années de collège et de lycée, les moments où l'on demande aux élèves de chercher et où on leur en laisse le temps sont rares.
    Certains trouvent cela très bien car ils se contentent de copier... et ils s'en sortent jusqu'au bac. D'autres voudraient bien comprendre par eux-mêmes mais n'en ont pas le loisir.

    Comment faire comprendre à des élèves qui exécutent des calculs comme on réalise une vieille recette de cuisine transmise de génération en génération que le calcul qu'ils font est dénué de sens s'ils oublient de préciser tel ou tel point sur lequel ils ne se sont jamais posés de question car la situation ne s'est jamais présentée ?

    Dans le but d'une refonte de leur façon d'aborder un exercice qui jusqu'à présent se limitait à "je connais cet exo" ou "je ne connais pas cet exo", j'essaie la plupart du temps d'organiser mes feuilles d'exos en séparant les exercices d'application du cours (ceux qu'on doit savoir faire sans avoir besoin de réfléchir) et ceux qui demandent de s'être approprié la nouvelle notion.
    Par ailleurs, mes séances d'exercices se déroulent très rarement avec une correction venant de moi. La plupart du temps, ce sont les élèves qui passent au tableau fournir leur solution (en distinguant bien "solution" et "correction"). Au début, il est difficile de trouver des volontaires, mais une fois qu'ils ont compris l'utilité de se tromper... ils se désignent plus facilement.
  • Bisam : En vous lisant, je viens d'avoir une révélation !

    Je m'explique : Je donne des cours particuliers à deux élèves en CPGE (un en sup, l'autre en spé). Et combien de fois, j'ai entendu l'élève de sup me dire : le prof nous a donné des exercices en DS qui n'ont rien à voir avec ceux qu'il a corrigé en cours. J'avoue avoir été assez sec quant à la façon de répondre jusqu'à maintenant.

    Mais maintenant cela est tout trouvé ! Merci !

    PS : Peut-être seriez-vous me renseigner sur la manière de procéder pour donner des colles l'année prochaîne ? J'en serais enthousiasmé.
  • Un texte intéressant sur la recherche d'exos :

    "STRATÉGIE POUR TROUVER

    Vous avez dû remarquer que votre façon de trouver en mathématiques est souvent éloignée de la façon de faire du professeur à la correction. Les explications du professeur ou du livre, vont droit de l’énoncé à la réponse, en trouvant les idées qu’il faut, en n’oubliant rien, ce qui les fait apparaître évidentes et irréfutables…et pourtant souvent, vous ne pouvez pas vous empêcher de vous sentir agacé, comme s’il y avait un « truc », un tour de passe-passe, comme si, derrière cet exposé si évident, on vous cachait encore quelque chose.
    Eh! Bien vous avez raison: il y a eu escroquerie. S’il est vrai que les choses doivent être exposées de cette façon : carrée, directe, convaincante pour qu’elles soient vraiment démontrées et qu’on soit sûr de leur exactitude, il est faux de croire qu’elles ont été trouvées de cette façon.
    La vérité, c’est qu’une bonne partie des idées qui permettent de « trouver » en mathématiques, ne sont pas des idées mathématiques !
    On ferait mieux de le dire franchement.
    Le sujet de cet article, est justement, pour une fois, d’étudier les idées qui permettent de trouver. Il s’agit de prendre un énoncé comme une série de questions qui, parfois s'enchaînent , parfois sont indépendantes, de comprendre sa psychologie et d’élaborer une stratégie pour trouver.
    La pensée - qui - trouve n’est pas facile à saisir: elle va rarement tout droit ; elle zigzague, revient sur ses pas, sautille, marche parfois à reculons ou sur un pied ; elle va tantôt vite et tantôt très lentement ; il lui arrive de prendre des sens interdits ; elle est fantaisiste ; Elle prêche le faux pour savoir le vrai, utilise quantité de ruses inavouables, écoute aux portes, se nourrit des idées des autres, ne recule même pas devant l’usage de la torture pour faire parler un énoncé ; Elle préfère dix fois « essayer sur un exemple » que se lancer dans « une démonstration générale » ; enfin elle aime bien faire ce qu’on dit de ne pas faire…
    Elle est si secrète qu’il est difficile d’en parler.
    Vous trouverez tout de même quelque unes de ces idées (les plus simples) dans ce chapitre. Vous les avez déjà inventés tout seul. Il s’agit de les mettre au grand jour, car tout le monde les utilise, élèves comme professeurs, et d’apprendre à s’en servir le mieux et le plus consciemment possible.
    En un mot « trouver, ça s’apprend aussi »

    II. L’énoncé en sait plus long qu’il n’y paraît : il faut le faire parler :

    Vous auriez tort de considérez l’énoncé comme un ennemi : il peut être un bon allié si vous savez le mettre de votre côté
    Remarquez d’abords qu’on ne vous propose jamais de problème « ouvert », c’est à dire de problèmes nouveaux que personne n’à encore cherché, ou alors que personne n’a encore trouvé !
    Au contraire, dans l’enseignement « classique »des maths, on se dirige toujours du côté de ce qui est connu depuis longtemps, et quand vous lisez l’énoncé d’un problème, vous pouvez être sûr que l’auteur connaît la solution !
    Ceci a une conséquence importante pour votre stratégie.

    La façon dont les questions sont posées donne beaucoup d’indications (volontaires ou involontaires ) sur la façon de trouver les réponses.

    Voici une liste de ces indications plus ou moins cachées.

    1) Vérifier, démontrer ou déduire ?
    Ces mots ne sont pas employés au hasard. Si vous les décodez, vous savez vers ou et comment commencer à chercher.
    Quand l’énoncé dit « démontrer » ou « montrer » (ces mots sont synonymes en mathématiques, c’est à vous de trouver de quelle façon.
    Par contre : Si l’énoncé dit « vérifier », il n’y a rien à inventer l’énoncé donne la solution vous n’avez qu’à constater qu’elle est bonne sans avoir à dire comment elle a été trouvée.

    Exemple 1 :
    x étant un réel, on pose f(x) = (2x²-7x+7)/(x-2).
    vérifier que, pour x différent de 2, on a : f(x) = 2x – 3 + 1/(x - 2).

    Ne vous creusez pas la tête pour savoir comment on peut trouver
    2x – 3 + 1/(x - 2). à partir de la première écriture de f(x): il suffit de vérifier que: 2x – 3 + 1/(x - 2) est égal à (2x²-7x+7)/(x-2) en partant de 2x – 3 + 1/(x - 2).

    que l'énoncé donne, par exemple en réduisant au même dénominateur.

    Exemple 2 :
    Pour " vérifier que x = 2 est solution de l'équation x3 - 2x2 + 4x - 8 = 0 ",
    il suffit de remplacer x par 2 dans x3 - 2x2 + 4x - 8 et de constater que cela donne bien zéro.

    2) Les questions se suivent.

    Faire parler l'énoncé
    - Vérifier, démontrer ou déduire
    - Les questions se suivent
    - Dans un énoncé: tout est là!
    - La réponse est dans l'énoncé
    - Chercher du côté simple "
  • Il y a dans la même veine l'excellent "comment poser et résoudre un problème" de Polya, que j'avais acheté pour quelques francs en 1967, qui vaut très(trop) cher chez Gabay.
  • Le manque d'initiative des élèves est du aux reformes successives et pédagogistes sur l'école :

    - Confusion entre pédagogisme et maïeutique socratique : Qui serait contre le socratisme "penser par soi-même" ? Chercher la liberté de penser par soi-même me semble être un projet honnête. Mais c'est aussi profondément malhonnête et pervers dans sa réalisation. Avant de penser par soi-même, ne faut-il pas apprendre et acquérir des connaissances ? Comme le montrent les dialogues de Socrates, la maïeutique socratique est un dispositif artificiel qui n'a rien à voir avec la spontanéïté naturelle. A la façon d'un prof, c'est Socrate qui construit les questions, qui guide et qui organise tout pour faire accoucher du savoir. Laisser un élève à lui-même comme le demande les programmes actuels, il ne va rien découvrir. On peut chercher des solutions à des exercices de mathématiques. Mais comment savoir si notre solution et bonne ? Et si c'est oui, comment savoir que c'est la solution la plus élégante et la plus rapide possible ?

    - Les pédagogistes ont attaqué le rôle de la mémoire de manière erronée. La mémoire est essentielle à tout humain : oublier qui on est comme les malades d'Alzheimer, ça fait un peu peur ! Aucun progrès en apprentissage n'est possible si on n'enregistre pas les résultats qu'on doit avoir immédiatement à notre disposition pour résoudre un exercice. Le bon sens montre qu'on ne peut retenir les propriétés de manière viable que si on pousse l'étude de manière approfondie. Seule une étude approfondie permet une compréhension totale. Qui a-t-on aidé à mieux comprendre en vidant le contenu des programmes. Il y a des contenus qui ne servent à rien à la formation de l'esprit, je pense notamment aux TICE, au B2i, à la calculatrice au collège, etc.

    - Avec Claude Allègre, les pédagogistes ont tapé sottement sur le rôle des automatismes de calcul. Les automatismes sont une forme de mémoire, moins noble certes, mais très important car ils libère l'esprit de certaines tâches. Mais qui dit automatisme, dit vérification, et cela demande de l'esprit critique. Le drame aujourd'hui, c'est de vouloir imposer certains mécanismes avant de bien comprendre les différentes opérations intellectuelles (raisonnement par l'absurde, conjonction, etc.), et en refusant aux élèves cet outil de critique. On obtient alors des machines aveugles qui ne se contrôlent pas.

    - Opposition ridicule entre intuition et rigueur : j'entend trop souvent cette phrase "il est fort en maths car il a beaucoup d'intuition". On trouve aussi souvent dans les copies "manque de rigueur", mais on n'enseigne jamais aux élèves les règles de la logique, à croire que l'intuition et la rigueur sont des dons. Faut-il rappeler que l'intuition qui n'est pas aiguillonnée par la rigueur est stérile, et inversement. Pourquoi ne pose-t-on pas la question de savoir si tout cela s'éduque, l'intuition comme la rigueur ?

    - Attaques systématiques contre les exercices : les pédagogistes aiment almagamer les exercices avec le bachotage. Oublient-ils que les exercices d'entrainement permettent de développer la concentration de l'esprit ? Et lorque l'esprit saisit une question comme une provocation, il peut accroitre considérablement ses capacités à fournir un effort. Le défi de surmonter une question, voilà qui motive les élèves considérablement.

    - Problèmes des programmes : Les programmes scolaires sont à la fois trop chargés et trop allégés. Trop allégés sur les questions fondamentales et pérennes et trop lourds sur des questions secondaires. On diminue les heures de mathématiques et de français. On rajoute des cours de technologie, d'éducation à la citoyenneté, de vie de classe ou je ne sais quoi.

    - Crise de désir et de motivation : Un prof de philo explique beaucoup mieux que moi : "En ce qui concerne les désirs, il n'y a aucune raison pour que les élèves d'aujourd'hui soient moins désireux que ceux d'hier d'avoir de bonnes notes, d'être reconnus, d'avoir un métier qui leur plaît ou de comprendre le monde dans lequel ils vivent ou, à tout le moins, certains de ses objets ou processus. Mais, de fait, c'est pourtant bien l'impression qu'ils donnent souvent. Ne désireraient-ils plus rien ?

    En réalité, si les désirs sont en crise, ce n'est pas parce que les sources du désir sont taries, c'est parce qu'ils ne sont plus scolarisés. A savoir : leurs objets ainsi que les trajets qu'ils projettent ne donnent pas de nécessité à l'école, ne l'imposent pas comme un moyen et encore moins comme une fin en elle-même. L'école n'est même plus tout à fait vécue par les élèves comme un mal nécessaire.

    Pour plusieurs raisons. D'abord parce que de vains calculs et des confusions sur sa fonction font dire qu'elle ne sert à rien, au sens où elle ne garantit pas de trouver du travail et encore moins d'exercer la profession qui plairait. Ensuite parce que la disparition de fait de la sélection dans le secondaire, elle-même causée par la pauvreté et l'inadaptation des possibilités d'orientation, a conduit à ce que bien des élèves soient totalement dépassés par les exigences propres au niveau auquel ils accèdent. Or, lorsque l'écart entre ce qui est exigé et ce qu'on serait capable de faire s'accroît, on désire d'autant moins répondre à ce qui est exigé qu'on ne peut guère espérer réussir et être reconnu pour cela. Ensuite encore parce que l'acquisition et la possession de savoirs ne sont plus guère valorisées par rapport à d'autres modes d'être dont on dit qu'ils rendent heureux. Pire, la possession d'un savoir est même souvent entachée du soupçon d'être, avec l'arrogance, l'attribut naturel de la richesse et du pouvoir quand elle n'est pas tout simplement perçue comme un simple moyen de manipulation. Enfin parce qu'on estime que désormais l'école n'a plus le monopole de la diffusion des savoirs, qu'elle est concurrencée en cela par d'autres sources non moins fiables, auxquelles elle devrait d'ailleurs s'ouvrir (livres, journaux, télévision, Internet…). Ce qui serait vrai si elle avait effectivement pour seule fonction la diffusion des savoirs.

    En somme, les désirs sur lesquels s'appuie l'enseignement se dissolvent ou s'affaiblissent parce que les désirs en général, et notamment celui d'être heureux, ne sont plus structurés quant à leurs fins et leurs modalités de façon à ce que l'école s'impose comme un moyen et un des lieux de leur satisfaction."

    - Cours magistral : La parole toujours à ce prof de philo : "Le ‘cours magistral’ tel que vous le décrivez (un orateur devant l’hémicycle) n’a jamais existé à l’école. Vous le confondez avec ce qu’on pourrait appeler le ‘cours dialogué’. Ce dernier est ‘directif’ au sens où le maître ne fait pas semblant d’ignorer ce qu’il enseigne (ou pire : l’ignore vraiment) et laisse les élèves ‘construire eux-mêmes leurs propres savoirs’. Mais il accorde une place considérable (les 3/4 du temps) à l’observation, à la lecture, à l’écriture, au jeu des questions et réponses, des interrogations écrites et orales, des exercices de révision et d’application, etc. Bref, au travail individuel et collectif des élèves eux-mêmes, sans lequel aucun savoir ne saurait être acquis. Il suppose aussi un usage réglé des ‘méthodes actives’, comme dans les merveilleuses ‘leçons de choses’ de l’école primaire, dont la ‘main à la pâte’ constitue une version dérisoire, confuse et affadie. La ‘pratique’, sous sa forme la plus concrète, n’a jamais été absente de l’école. Avant même les lois Ferry, une enquête lancée par Victor Duruy en 1867 montre que, dans plus de la moitié des écoles françaises, les élèves cultivaient un jardin attenant à l’établissement [mutatis mutandis, cela rejoint vous remarques sur les STS]. Tant il est vrai que l’écoute passive de la parole du maître, le gavage et le par cœur n’ont jamais constitué de bonnes méthodes d’enseignement. C’est ainsi qu’Alain pouvait écrire en 1929 : "Et enfin, il n’y a pas de progrès, pour nul écolier au monde, ni en ce qu’il entend, ni en ce qu’il voit, mais seulement en ce qu’il fait." Ou, bien avant lui, Ferdinand Buisson : "Faites en sorte que l’élève ne subisse pas l’instruction mais y prenne une part active."(1878)

    Lorsque vous citez l’ecclesia grecque et les ‘contraintes technologiques’ qui auraient justifié, dans un lointain jadis, le ‘cours magistral’ vous reprenez, consciemment ou pas, l’argumentation développée par Philippe Meirieu dans ‘Le choix d’éduquer’ (p. 117-118). D’après lui le ‘cours magistral’ (ce que j’appelle le ‘cours dialogué’, le seul qui ait jamais existé dans l’école républicaine) date "d’une époque où l’imprimé était rare". En fait, il s’est mis en place entre 1860 et 1890. Marge d’erreur : quatre siècles. C’est cette invraisemblable ignorance des théoriciens de la pédagogie sur leur propre histoire qui explique un phénomène étrange : frappés d’auto-amnésie, les pédagogistes peuvent constamment nous resservir les mêmes plats, mal congelés, oubliés dans un vieux frigo, puis retrouvés, réchauffés et présentés avec une sauce nouvelle pour en faire passer le goût. Immangeables et fort dangereux pour la santé de l’école publique. Pourquoi et comment ces vieilleries seraient-elles plus adaptées aux élèves ‘tels qu’ils sont’ aujourd’hui, si ‘différents’ de ce que nous fûmes ? On nous parle "d’innovations" et on se contente de redécouvrir périodiquement l’eau chaude.

    Car il est vrai que, depuis très longtemps, certains courants pédagogiques ont prôné des méthodes plus ‘actives’ et moins ‘directives’. C’est en particulier le cas de l’Education nouvelle qui, après une longue période de gestation, fut créé en France en 1922 (il s’agit d’un mouvement international). Ce qui distingue l’Education nouvelle d’autres courants d’inspiration chrétienne (Montessori), c’est sa liaison avec le mouvement ouvrier, anarchiste et communiste. Utopie révolutionnaire et utopie pédagogique se rejoignent alors puisqu’il s’agit de créer, dès aujourd’hui et à l’école, les hommes et les femmes libres de la future société sans classes. Le slogan actuel de l’Education nouvelle, est le suivant : ‘Tous capables, tous chercheurs, tous créateurs’. Comme je le disais dans un message précédent : tous savants, tous sportifs et tous artistes. Ce slogan fait évidemment écho aux quelques lignes de Marx consacrées à l’homme de la société sans classes, tour à tour et simultanément métallurgiste, paysan, peintre, poète, etc. La théorie disait en effet qu’après une courte période de dictature du prolétariat, le communisme mettrait fin pour toujours à la division du travail. (Par parenthèse et pour corriger un contresens fréquent : la notion de ‘fin de l’histoire’ est marxiste et non pas libérale).

    On peut se demander pourquoi l’Education nouvelle a survécu à la chute du Mur de Berlin et à la disparition de l’Union soviétique. L’explication me semble assez simple. Dans un cas l’expérience révolutionnaire a provoqué la paralysie des institutions, la ruine de l’économie et la destruction du lien social. Au lieu de déboucher sur la société sans classes, la dictature du prolétariat a donc préparé l’avènement d’un capitalisme de jungle avec accaparement des richesses nationales par les plus roués et les plus corrompus des anciens apparatchiks communistes, devenus du jour au lendemain entrepreneurs libéraux. Dans l’autre, une utopie aussi généreuse et de même nature a seulement contribué à la destruction de l’école. C’est moins spectaculaire… Et tandis que les militants de l’Education nouvelle continuent de rêver à l’humanité future, les banquiers et les chefs d’entreprise construisent, sur les décombres de l’école publique, le nouvel empire des ‘sociétés de la connaissance’. Comme ils s’appliquent à faire entrer dans l’orbite de la mondialisation néo-libérale les anciens pays communistes (y compris la Chine, bien sûr). Certains se recyclent aisément : un ancien dirigeant mao est ainsi devenu Inspecteur Général et conseiller de Claude Allègre. Il faut dire que ce n’était pas le plus brillant du lot.

    Reste la question de l’efficacité comparée du ‘cours magistral’ et des ‘pédagogies innovantes’. J’y reviendrai une autre fois."
  • Les remarques de ryo sont trés vraies. On a en face de nous des élèves qui ne s'intéressent que trés modestement aux maths et il faudrait être naïf pour imaginer pouvoir changer ça par plus de concret, plus de sens, plus d'exercices variés, ou je ne sais quoi. Il faut faire avec. Lutter contre le comportement consumériste sans trop se faire d'illusion. Il doit rester des dinosaures qui font du cours magistral à plein temps (ou des exos magistraux c'est pareil) , mais ils devraient s'éteindre.
    Il est clair que le passage de 9H de math/semaine en TC jusqu'en 94, à seulement 5H30 aujourd'hui a des effets terribles (7H30 pour la petite minorité qui choisit spémath).
    J'ai noté une bonne idée de Gérard : exercices sans correction (bon ou pas bon). Pas facile à faire accepter par les élèves à mon avis, alors que c'est sûrement bon pour eux.
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