Chute des effectifs scientifiques de terminale

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Réponses

  • troisqua
    Modifié (September 2022)
    @Soc : oui, le truc c'est que les étudiants qui candidatent chez nous via Parcoursup, candidatent dans de nombreuses autres formations. Du coup ta dernière phrase prend tout son sens. Le problème c'est que les écoles d'ingénieur font actuellement face à une mutation du vivier recruté (connaissances et compétences en moyenne en baisse) mais, bien que les enseignants le signalent, la réaction de l'administration se fait attendre (car modifier le premier cycle a des implications immédiates sur tous les autres, ce qui implique une réforme globale, et donc décourage la mise en route). Donc même au niveau des écoles, écrire un programme, avec des attendus raisonnables, c'est déjà une étape très compliquée. Comme je ne voudrais pas généraliser, je précise que je parle de là où je bosse uniquement (une INSA), ailleurs je ne sais pas.
  • Justement, l'idée était de ne pas changer les enseignements de première année, mais uniquement de stipuler aux élèves très clairement ce qu'ils sont sensés connaitre et à charge à eux de se mettre à jour avant le début des cours si besoin est. C'est plus un travail de communication que de refonte du coup, mais ça permet aussi en interne d'être au clair sur les prérequis.
    The fish doesnt think. The Fish doesnt think because the fish knows. Everything. - Goran Bregovic
  • @Soc : on ne sait pas officialiser un programme chez nous. On (les enseignants) se dit qu'il faudrait changer mais ça stagne côté officialisation/administration, ça cache la misère.
  • dp
    dp
    Modifié (September 2022)
    @troisqua Serait-il possible que tu nous fasses part de ce que pourrait être le minimum vital attendu d'un élève sortant de Terminale qui souhaiterait intégrer ton INSA ? :)
  • @dp : en fait le programme de TS + spé math était largement suffisant (donc avant la fameuse réforme). On s'en accommodait très bien.
    Notre problème c'est que nous ne pouvons pas nous permettre d'être trop exigeants sur les options choisies ce qui diversifie trop les parcours de formation mathématique. Quand tu rajoutes à ça, la baisse du niveau des élèves qui a induit une augmentation artificielle, et très élevée, des moyennes des classes en math et donc qui ne permet plus de faire un classement pertinent, ça nous donne au final 20% d'échec en fin de première année en math. Alors on remonte les étudiants, on les sauve, on fait semblant et ils arrivent en département (3ème année) avec un niveau de math très, très faible. Ça donne des ingénieurs qui, techniquement, sont de plus en plus fragiles sur le plan scientifique.
  • dp
    dp
    Modifié (September 2022)
    Je comprends ! Il y a quelques années j'avais proposé de passer la première année de post-bac à prodiguer un enseignement digne du bac C de 1986*. Que penses-tu de cette idée ? Comme je l'avais mentionné, il est vrai que c'est sans doute une perte de temps au début, mais il est bon de savoir marcher avant de courir; et ce temps perdu au début permettrait d'en gagner énormément par la suite.
    *: Je n'ai pas choisi 1986 au hasard mais bien parce qu'il est le premier programme récent à retirer toute notion de structure algébrique (donc, ni groupe, ni anneau, ni corps, ni espace vectoriel) du secondaire. Si ces notions semblent importantes, il est possible de choisir le programme du bac C de 1983 qui en est très proche tout en conservant quelques notions des structures algébriques (mais bien loin des mathématiques modernes !)
    De plus, évidement, nous sommes sur un forum de mathématiques donc j'y parle de mathématiques mais il va sans dire que cette proposition concerne aussi la physique-chimie et toutes autres matières.
  • troisqua
    Modifié (September 2022)
    On a une EC pour les jeunes arrivants de 1ère année qui suit le programme:
    • chapitre I
      produit scalaire dans le plan, trigonométrie, construction des nombres complexes (définition d'un + sur les coordonnées cartésiennes, d'un x sur les coordonnées polaires et preuves des propriétés de ces opérations, nomenclature de ces propriétés), lien avec des problèmes classiques de géométrie plane, construction de nombres à la règle et au compas, quelques propriétés algébriques de ces nombres.
    • Chapitre II
      Vocabulaire des ensembles et de la logique (niveau élémentaire), écrire/manipuler des ensembles, manipulation des quantificateurs, signification de l'implication, applications (injectivité, surjectivité etc) dénombrement, formule du binôme.
    • Chapitre III
      Z/nZ, définition et construction des lois, réutilisation de la nomenclature. Algorithme d'Euclide étendu et problèmes d'arithmétique classiques associés (calcul d'inverse modulaire, résolution d'équations diophantiennes). Petit théorème de Fermat, application au chiffrement RSA.
    • Chapitre IV :
      k[X] avec k un corps. Similarités arithmétiques avec le chapitre III. Factorisation/racines, D'Alembert Gauss, détermination de restes modulo un polynômes par évaluation sur les racines d'un diviseur (pour préparer l'exponentiation de matrices au second semestre).
    Avant, tout ceci fonctionnait très bien, moins de 10% devait passer des rattrapages, dont la moitié démissionnait car non motivée par l'école de façon plus générale. Aujourd'hui, avec des sujets beaucoup plus simples (presque ridicules parfois), une notation très large, on a 20% d'étudiants qui devraient passer les rattrapages. Mais l'administration nous censure dans les jurys en nous reprochant "qu'on doit se remettre en question". Pourtant les étudiants en question n'ont qu'un tout petit niveau de 1ère S quand, il y a 20 ans, j'enseignais en 1ère S. 
    Nous (enseignants) sommes assez démunis devant la situation et très clairement cette réforme participe, accentue, cette hausse de nos élèves en difficulté à hauteur de 20%.

  • C'est de ta faute troisqua (ironie), tu n'as qu'à leur faire passer l'examen sous forme de grand oral ! Étant donné qu'on passe le troisième trimestre de terminale à glander là dessus, plutôt que de les faire progresser en maths.
    Karl Tremblay 1976-2023, je t'appréciais tellement.
  • gai requin
    Modifié (September 2022)
    Et tu leur dis que $n=\{0,1,\ldots,n-1\}$ ? ;)
  • Ça ne glande pas ! On note quand même quels sont les absents et quels sont les présents. 
    L’assiduité, « y a que ça de vrai ! ». 
  • Rescassol
    Modifié (September 2022)
    Bonjour,
    > Dom: L’assiduité, « y a que ça de vrai ! ».
    FdP, sors de ce corps.
    Cordialement,
    Rescassol
  • troisqua a dit :
    On a une EC pour les jeunes arrivants de 1ère année qui suit le programme (...)
    C'est peut-être beaucoup pour une seule EC. Ca représente combien d'heures de cours ?

  • Blueberry
    Modifié (September 2022)
    Sur la baisse des effectifs des disciplines scientifiques, je vois également deux facteurs :
    - d'abord la baisse des horaires en 1ère en sciences (en tout cas en maths) qui ne permet pas de faire décemment le programme. D'où un traitement incomplet ou plus superficiel qui diminue l'intérêt de la discipline ;
    - la disparition d'une des disciplines scientifiques sur les 3 en terminale qui ne permet pas d'y trouver son compte : celui qui est plus intéressé par les sciences expérimentales que par les maths va devoir abandonner totalement les maths, celui qui a une préférence pour les sciences dures maths-physiques va devoir lâcher la svt alors que c'est une discipline essentielle et passionnante. Là encore on rend le cursus scientifique beaucoup moins attractif.
    Bref on a organisé (consciemment ou non) la dégradation voir le délabrement de l'enseignement des sciences.
  • dp
    dp
    Modifié (September 2022)
    @troisqua Intéressant, c'est très proche du programme de l'UE "d'arithmétique" qu'on m'a infligé au premier semestre de L1! Je ne vais pas te mentir, j'avais échoué pour deux raisons
    1. Beaucoup de redite avec le programme de terminale S pour les complexes et l'arithmétique dans Z. Ça m'avait démotivé d'apprendre pour les polynômes et a fortiori pour les fractions rationnelles qu'ont suivi me disant que ça ne serait pas trop compliqué (ça ne l'était effectivement pas mais quand on ne connait rien bah ça ne s'invente pas en L1...)
    2. Comme je l'ai écrit ici et , j'avais accumulé du retard (comme tes étudiants actuels qui ont subit la réforme ainsi que le COVID) et c'est en partie ce qui déjà m'avait "coûté" la prépa mais en plus faisait que je prenais plus de temps que les autres sur certains aspects, double peine donc : j'ai du retard au début et j'en rajoute en cours de route.
    Bref, j'étais un branleur en arrivant en L1.
    Finalement, ce qui m'a sauvé aura été de prendre un cours de mathématique moderne du début à la fin et de sécher tous mes cours de l'année (sauf les TD obligatoires... mais je n'y faisais rien de ce qui était demandé... merci à tous les chargés de TD qui comprenaient la situation et me laissait faire !) et de passer les rattrapages en juin.
    Voilà donc pourquoi je me dis que ce qui manque aux étudiants de nos jours c'est d'une certaine façon l'intuition que vous avez acquise au cours de vos secondaires, toi et les autres intervenants aux bacs C, à l'aide de cours structurés et ambitieux, donnant un véritable aperçu de ce que sont les mathématiques ainsi que leurs interactions avec les autres sciences. En effet, il ne faut se leurrer, comment quelconque futur scientifique ou ingénieur peu se dire que les mathématiques leur seront utiles quand on peut, comme aujourd'hui, faire jusqu'en terminale de la physique sans jamais avoir rencontré en mathématique la notion de dérivation ou d'intégration ?
    Cela semble aussi être l'avis de certains enseignants, comme par exemple à l'Université de la Sorbonne, qui passent l'année de L1 (S1, S2) à prodiguer un cours dont le programme est proche de la Terminale C de 1983.
  • Vassillia
    Modifié (September 2022)
    @troisqua Juste par curiosité, vous regardez les chiffres d'élèves en difficulté mis en corrélation avec les spécialités choisies dans le secondaire ? Si oui, ce serait intéressant de les communiquer.
    In mémoriam de tous les professeurs assassinés dans l'exercice de leurs fonctions en 2023, n'oublions jamais les noms de Agnes-Lassalle et Dominique-Bernard qui n'ont pas donné lieu aux mêmes réactions sur ce forum (et merci à GaBuZoMeu)
  • @troisqua : Protocole possible?
    * Chaque enseignant de première année liste les prérequis pour son module (il y a des choix d'options à faire ou tout le monde suit la même première année?), éventuellement en pointant les domaines particulièrement faibles des élèves.
    * Une âme dévouée compile les listes, l'intersection donnant le très essentiel et l'union la liste exhaustive.
    * Vous communiquez cette liste de prérequis aux admis (sans forcément le faire avant pour ne pas effrayer les âmes sensibles), éventuellement en pointant vers des pdf de mise à niveau sur votre site (là il y a une certaine charge de travail initiale pour vous, mais une fois mis en place c'est plus ou moins fini).
    * Optionnellement, vous proposez des tests dès la rentrée (avant?) aux élèves pour qu'ils constatent leurs éventuelles lacunes et sachent où rattraper.
    Cela ne nécessite pas vraiment de validation par l'administration et permet de rehausser un peu les élèves en retard mais sérieux en pointant les besoins et en leur donnant un cadre.
    The fish doesnt think. The Fish doesnt think because the fish knows. Everything. - Goran Bregovic
  • @zeitnot : oui quel temps perdu d'apprentissage ce troisième trimestre de terminale :(
    @JLT : 13 CM de 1h30, 26 TD de 1h30. Ça a toujours très bien fonctionné depuis 2005 où je suis arrivé (le programme incluait même fractions rationnelles et rudiments sur les groupes mais tout cela a été supprimé en 2012).
    @gai requin  oui je leur dis !! C'est même le cours de rentrée (amphi truqué) :) Sans rire, c'est excellent de voir cela avec les étudiants, dès qu'ils ont compris ça, ils comprennent le lien avec l'info (où ils voient des listes en Python et dont les éléments peuvent être ....des listes !). C'est quelque chose qui aide à bien écrire les ensembles donc ça prépare le cours de probas et les évènements.
    @dp : quand je construis mon cours, j'ai sans cesse en tête comment j'étais en terminale C et les difficultés que j'ai eues en prépa. J'essaye de donner un enseignement qui fait une liaison douce avec (beaucoup) moins d'ambition que mon cours de math sup de fin des années 80.
    @Vassillia : je n'ai pas accès à ces informations sur les étudiants (même si ça semble être possible). Je me suis contenté de demander en TD, à différents moments, "qui n'a jamais vu les complexes au cours de son lycée ?", "qui a fait "NSI ?" et autres questions du genre pour tâter le terrain. Rapidement, en TD, je vois qui est en difficulté, je ne vois pas toujours de corrélation. C'est normal car on appelle que le haut du panier chez les gens qui n'ont pas fait les spécialités conseillées. Donc c'est biaisé.
    @Soc : cette liste de prérequis c'est le programme de TS c'est tout, et on recommande vivement math expertes mais on ne peut pas le rendre obligatoire. Pendant l'été ils ont un MOOC de révisions à faire et un Tremplin Calculs (adoré par les profs de physique). Ils voient bien là où ça pêche.
    Notre problème est surtout l'hétérogénéité de plus en plus forte qui, à budget constant, nous oblige à baisser le niveau pour tout le monde et entraîne par effets de bords des changements de programme un peu partout (donc personne n'est chaud car ça engage une montagne de réunions pour se mettre d'accord sur un programme entier de premier cycle). D'autre part l'administration ne veut "officialiser" aucune baisse du niveau chez une proportion croissante de nos recrutés et donc n'est pas trop chaude pour engager ce type de transformation pédagogique (à vrai dire l'administration s'en fiche un peu des problèmes pédagogiques)
  • @troisqua Un peu moins de 60h pour ce programme, ça pouvait suffire il y a quelques années mais depuis la réforme les nombres complexes ne sont plus au programme de la spécialité mathématiques de terminale.
  • Oui JLT, je suis bien d'accord. Cela dit une grande majorité a suivi la bonne option (rares sont les étudiants qui n'ont jamais vu les complexes en arrivant même si la proportion augmente). Les exigences sur ce contenu sont descendues par les collègues pour s'adapter mais ce n'est pas du bon boulot à mon avis. En effet, ce programme fonctionne bien sur 80% de nos étudiants, mais les 20% en échec, c'est nouveau, ça devrait initier une réforme des contenus (ou bien une pré-spécialisation) ou bien un accompagnement plus fort des étudiants en difficulté. Malheureusement, il semble qu'il faille ne pas dire  qu'il y a un problème, donc aucune mesure pédagogique n'est prise.
  • dp
    dp
    Modifié (September 2022)
    @troisqua Je ne me rend pas bien compte de ce que représentent tes 20%. S'agit-il de 20% de 30 étudiants auquel cas c'est "juste" 6 étudiants et ce n'est pas si "énorme" et le problème est en partie localisé. Ou bien est-ce 20% de 300 étudiants auquel cas on arrive à 60 étudiants qui entrent en école d'ingénieur sans avoir les bases.
  • troisqua
    Modifié (September 2022)
    C'est 20% de 260. Normalement ils devraient avoir les bases, mais force est de constater qu'ils ne les ont plus. Mais attention, ils reste quand même minoritaires. Cela dit l'augmentation fout les jetons !
  • dp
    dp
    Modifié (September 2022)
    Ah oui... le phénomène n'est donc pas aussi isolé que ce qu'on aurait pu croire. Enfin, ce n'est pas comme si on s'en doutait pas déjà !
    Quand tu dis préparer ton cours de sorte à réaliser une douce transition entre le lycée et le sup je te crois totalement ! J'ai simplement peur que le souci ne se situe avant : les étudiants qui arrivent dans le supérieur n'ont tout simplement pas, pour la majorité, le niveau lycée... il suffit de voir ce que disent de nombreux professeurs aussi bien sur le présent site que sur d'autres.
    Je te souhaite en tout cas bien du courage pour tenter d'endiguer le phénomène à ton échelle, car je suis certain qu'aidé de toute l'équipe enseignante de ton INSA tu y arriveras ! :)
  • @dp : malheureusement j'ai perdu beaucoup d'énergie et je crois que le phénomène me, nous, dépasse. Le métier d'ingénieur évolue vers autre chose (comme ça a été décrit dans le fil) ce qui n'est pas très bon, à mon avis, pour l'innovation.
  • C'est aussi mon avis. J'espère qu'un jour les décideurs, que dis-je, les Français dans leur ensemble, finiront par se réveiller... si possible avant que cela ne soit trop tard. M'enfin, je n'ai pas trop d'espoir. Quand je vois comment je suis fortement incité à quitter mon poste pour partir faire des réunions où sont présentés des powerpoint sans intérêt ni lien avec la réalité du "terrain"...
    Mais bon, il faut bien que Philibert puisse avoir un boulot aux six figures (à lire en anglais) pour faire plaisir à papa quand bien même il ne serait doué en rien (oui, je suis salé de voir mes heures, où je cherche à faire le meilleur boulot possible, sous-évaluées par rapport aux leurs :D).
  • troisqua ta dernière remarque est juste, notamment en raison de la prolifération du cancer commercialiste qui a métastasé vers les éléments les plus sains.

    Pour ce qui est de l'adéquation des effectifs, l'effondrement du nombre de lycéens correctement formés et les besoins non pourvus donne une équation difficile pour les prochaines années.
    https://www.mondedesgrandesecoles.fr/penurie-de-talents-ingenieurs-comment-y-remedier/

    À cela s'ajoute des changements d'orientation dans des secteurs raisonnablement bien payés mais très contraignants (fréquents déplacements dans le BTP par exemple) et qui connaissent des difficultés de recrutement critique.
    "J'appelle bourgeois quiconque pense bassement." Gustave Flaubert
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