Besoin d'un topo sur les formes différentielles

Positif
Modifié (September 2022) dans Géométrie différentielle
Hello
Je fais ce thread  pour vous poser une question qui semble “basique” mais  à laquelle je ne trouve pas vraiment de réponse dans mon ouvrage.
Je lis l’ouvrage “Differential geometry of curves and surfaces” de Kobayashi, recommandé par un forumeur. Il est excellent, très clair, et lorsque quelque chose est un peu nébuleux on s’attarde tranquillement 5 ou 10 min et on arrive à trouver l’explication. Kobayashi l fait  un peu abstraction de la rigueur pour manipuler les surfaces, pour qu’on puisse appréhender plus facilement les concepts.
Le premier problème ce sont les formes différentielles. Je n’ai jamais fait cela à l’école. J’ai l’impression que, rigoureusement, cela consiste à obtenir une application linéaire à partir d’une fonction (la différentielle donc), puis une application bilinéaire à partir d’une forme de degré 1, puis une application trilinéaire à partir d’une forme de degré 2. L'auteur n'explique pas véritablement ce qu'est une forme différentielle, il fait des calculs avec les $ \mathrm{d} u,  \mathrm{d} v,  \mathrm{d} u \wedge  \mathrm{d} v $.

Je vais dans la suite considérer des fonctions définies sur un ouvert $U$ de $\mathbf{R}^2$, à valeurs réelles et de classe $C^{+\infty}$ et $f_u, f_v$ doivent se comprendre comme $\partial_u f, \partial_v f $.

1 ) C’est quoi une forme différentielle de degré 1 et de degré 2 ?

Voici ce que j’en comprends d’après le livre :
$f \mapsto  \mathrm{d} f $ ; $ \forall (u, v) \in U ; \ \mathrm{d} f_{(u, v)} \cdot [h, k] = \mathrm{d} f (h, k) =  f_u (u, v) \cdot h + f_v (u, v) \cdot k $ , la 1-forme différentielle associée à la 0-forme différentielle $f$ est donc simplement l’application linéaire tangeante. Maintenant, étant donné une 1-forme différentielle $\varphi = g \mathrm{d} u + h \mathrm{d} v $, la 2-forme obtenu par application de l’opérateur $\mathrm{d} $ est $\mathrm{d} \varphi = \left( h_u - g_v \right) \mathrm{d} u \wedge \mathrm{d} v $. Cela devrait se comprendre comme une application bilinéaire $(h, k) \mapsto \left( h_u - g_v \right) h \cdot k $ ? 

Bon évidemment on ne comprend rien avec ce formalisme et on manipule les $\mathrm{d} u, \mathrm{d} v, \mathrm{d} u \wedge \mathrm{d} v $,  mais est-ce la “définition rigoureuse” que je me suis imaginée est correcte ?

Encore une fois cela semble stupide mais ce n’est pas expliqué clairement dans le bouquin, on manipule juste des expression comme $a_1^1 \mathrm{d} u + a_1^2 \mathrm{d} v $, on fait des produits scalaires de formes différentielles, on nous explique avec beaucoup de clarté le changement de variables de formes différentielles etc ... mais toutes ces explications font directement appel à notre intuition plutôt que notre rigueur de mathématicien.


2 ) [produit d’une 0-forme par une 1-forme] Il écrit  :

"Si $f$ est une fonction (une 0 forme) et $\varphi$ est une 1 forme, alors $\mathrm{d} (f \cdot \varphi) =\mathrm{d} f \wedge \varphi + f \cdot \mathrm{d} \varphi $ ; par de surprise c’est analogue à la célèbre formule qui donne la différentielle d’une app bilinéaire. En revanche il écrit plus bas :

$ \mathrm{d} ( \varphi \cdot f ) = f \cdot \mathrm{d} \varphi - \varphi \wedge \mathrm{d} f  $

En nous expliquant que c'est “parce que $\varphi \wedge \mathrm{d} f = - \mathrm{d} f \wedge \varphi $  ”, mais j'ai l'impression qu'il veut dire que $f \cdot \varphi $ et $\varphi \cdot f $ c'est la même chose, la multiplication d'une 1-forme par une 0-forme est commutative  et qu'on ne peut pas définir un produit si la multiplication par un scalaire n'est pas commutative. La justification que je me suis construis dans ma tête c'est "okay j'ai une formule pour $\mathrm{d} ( f \cdot \varphi ) $  et pour garder le meme résultat pour $ \mathrm{d} ( \varphi \cdot f ) $   je ne peux pas dériver "à vue" stupidement en $ \mathrm{d} \varphi \cdot f + \varphi \wedge \mathrm{d} f $  , je dois mettre le  −1 ou ce n'est pas commutatif."

C'est comme si le produit á gauche était défini : $(f,\varphi) \mapsto  f \cdot \varphi  $ avec une dérivation dessus, mais que le produit "à droite" pose problème et donc on se ramène au meme résultat obtenu en dérivant le produit à "gauche" mais avec un −1.

(est-ce que je suis clair ? Je me permets de joindre la page du PDF : )


3 ) Je suis dans le cas des surfaces, donc 2D. L’auteur nous dit que la différentielle extérieure d’une 2-forme est nulle mais comme cet objet mathématique n’est pas vraiment défini, cela ne me parait pas limpide. Est-ce parce que $ \mathrm{d} u \wedge \mathrm{d} u \wedge \mathrm{d} v $  est un produit associatif ? Est-ce que le caractère alternée devrait nous permettre de passer de $ \mathrm{d} u \wedge \mathrm{d} v \wedge \mathrm{d} u  $ à $- \mathrm{d} u  \wedge \mathrm{d} u \wedge \mathrm{d} v $ ?

4 ) Lien avec la mesure produit 

Il nous dit que $\mathrm{d} u \wedge \mathrm{d} v$ doit se comprendre comme la mesure surfacique $\mathrm{d} u \mathrm{d} v $ mais je ne comprends pas pourquoi $\mathrm{d} u \wedge \mathrm{d} u = 0$ dans ce cas. 
---> I believe in Chuu-supremacyhttps://www.youtube.com/watch?v=BVVfMFS3mgc <---

Réponses

  • Connais-tu la notion d'algèbre extérieure ? 
  • Non.
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  • Essaie de regarder un bouquin qui en parle… Tu connais le livre de Lafontaine ? Je le trouve très bien !
  • Renart
    Modifié (September 2022)
    Avertissement : je suis loin d'être un "pro" de la géométrie différentielle, des gens plus compétents que moi corrigeront/complèteront peut-être.

    J'avais commencé à répondre à tes questions avant de me rendre compte que cela revenait presque exclusivement à écrire proprement les définitions de chaque objet et de chaque opération (ce qui est assez long). C'est étrange qu'un livre de math sur les formes différentielles ne définisse pas proprement ce que c'est. Par conséquent le mieux est sans doute que tu ailles lire un livre qui contient ces définitions rigoureuses, sinon elles sont aussi sur wikipédia.

    Pour ne pas rien expliquer tout de même, voici quelques infos. Plaçons nous sur $U$ un ouvert de $\R^2$, une $k$-forme différentielle $\omega$ sur $U$ est une application $\omega : x \mapsto \omega_x$ définie sur $U$ telle que $\omega_x : \R^k \to \R$ soit une application $k$-linéaire alternée, on demande de plus à ce que $\omega$ soit régulière (disons $C^\infty$) par rapport à la variable $x$. Ce n'est rien de plus que cela. Si on s'intéresse aux formes différentielles définies sur une variété $M$ alors $\omega_x$ sera définie cette fois sur $T_xM$. Maintenant il faut savoir que l'espace des formes $k$-linéaires alternées sur un espace vectoriel de dimension $n$ est $\binom n k$. En particulier pour $k=n$ on a un espace de dimension $1$ engendré par le déterminant et pour $k>n$ il n'y a que la forme nulle.  Tu peux ensuite aller voir la définition sur wikipédia du produit extérieur de formes différentielles, le fait que $\mathrm  d u \wedge \mathrm  d u $ est alors immédiat. On voit de plus que en dimension $2$ et si j'ai bien compris tes notations $\mathrm du \wedge  \mathrm  dv (a,b) = \det(a,b)$. Or, le déterminant des vecteurs $a$ et $b$ est exactement l'aire (orientée) du parallélogramme engendré par $a$ et $b$. On voit alors le lien avec la mesure $\mathrm  du \mathrm  dv$.

    Autre point de vue, pour les surfaces plongées dans $\R^3$. une $1$-forme différentielle est équivalente à un champ de vecteur. En effet si $\omega$ est une $1$-forme alors par isomorphisme entre $\R^n$ et son dual il existe pour chaque $x$ un unique vecteur $w_x$ tel que $\omega_x : v \mapsto \langle w_x,v \rangle$. Évidemment l'existence et unicité de ce $w_x$ dépendent du choix d'un produit scalaire préalable. Typiquement, si j'ai bien compris tes notations, dans le cas d'un ouvert $U\subset \R^2$ la forme $\mathrm  du$ est équivalente au produit scalaire par $(1,0)$ et $\mathrm dv$ est équivalent au produit scalaire par $\mathrm (0,1)$. Prenons une surface $S\subset \R^3$, prenons deux $1$-formes différentielles $\mathrm d \alpha$ et $\mathrm d \beta$. Soit $p$ un point de $S$, on peut voir $T_pS$ comme un sous-espace vectoriel de $\R^3$ et $(\mathrm d\alpha \wedge \mathrm d \beta)_p$ est définie sur $(T_pS)^2$. En prenant sur $T_pS$ le produit scalaire induit par celui de $\R^3$ on a un unique couple de vecteurs $(a_p,b_p)\in(T_pS)^2\subset (\R^3)^2$ tels que $\mathrm d \alpha_p  : X\mapsto \langle a_p,X\rangle $ et $\mathrm  d\beta _p : X \mapsto \langle b_p , X\rangle  $. Soient $u$ et $v$ deux vecteur du plan tangent $T_pS$  (toujours vu comme sous-espace de $\R^3$), on peut alors montrer que \[ (\mathrm d\alpha \wedge \mathrm d \beta)_p(u,v) =\pm \det (u,v,a_p\wedge b_p ) \] où $a_p\wedge b_p$ représente le produit vectoriel de $a_p$ et $b_p$. J'ai mis un $\pm$ devant le déterminant car je ne suis plus sûr de l'orientation, mais ce n'est pas l'important ici. Ceci explique un peu pourquoi le produit extérieur et le produit vectoriel son notés de la même façon et permet de comprendre pourquoi dans ce cas $\mathrm d \alpha \wedge \mathrm d \alpha =0$.
  • Positif
    Modifié (September 2022)
    Merci beaucoup pour ta réponse, j'apprécie énormément. Elle m'aide dans ma compréhension du sujet. 
    Le livre ne traite pas rigoureusement les formes différentielles car il est à destination des undergrads (L3) et se veut plutôt orienté exercices pratiques pour que les étudiants soient armés afin d'affronter le vrai cours de géo diff de M1. Techniquement, il aurait pu faire tout le livre sans formes différentielles parce qu'en dimension 2, elles ne sont pas nécessaires. Je pense qu'il les introduit exprès pour que la suite soit plus facile à appréhender pour les étudiants.
    L'utilisation des formes différentielles, ou la façon dont il les manipule, ça fait un peu "astuce magique de physique" pour simplifier les calculs.
    Voici ce qu'il en fait : il consacre plusieurs sections à la méthodes des repères orthonormées des surfaces et comment on arrive aux équations de structure, simplement, grâce aux formes différentielles.
    En gros : $ U \in \mathbf{R}^2 \rightarrow \mathrm{R}^3 , (u, v) \mapsto p(u, v) $ est notre paramétrisation. $p_u, p_v$ est donc une base de l’espace tangent, et $e_3 = c \cdot p_u \wedge p_v $ ( $c$ tel que la norme est 1 ) le troisième vecteur. On orthonormalise $( p_u, p_v) $ en $(e_1, e_2)$ et on écrit que $\mathrm{d} p = p_u \mathrm{d} u + p_v \mathrm{d} v = \theta^1 e_1 + \theta_2 e^2 $
    On a également une relation $\mathrm{d} e_i = \sum_{j = 1}^3 \omega_i^j \cdot e_j $.
    De là il déroule plein de relations, en se servant des formules $ \mathrm{d} \mathrm{d} p = 0, \mathrm{d} \mathrm{d} e_i = 0 $.
    Petite question subsidiaire : si $\varphi$ est une 1-forme différentielle et $f$ une 0-forme différentielle, on peut définir la différentielle du produit $f \cdot \varphi$ par :
    \[ \mathrm{d} ( f \cdot \varphi ) = \mathrm{d} f \wedge \varphi + f \cdot \mathrm{d} f \]
    Mais pourquoi il inscrit que :
    \[ \mathrm{d} (\varphi    \cdot f ) = - \varphi \wedge \mathrm{d} f  + f \cdot \mathrm{d} \varphi \] ?
    J'ai l'impression, puisque $- \varphi \wedge \mathrm{d} f   = -\mathrm{d} f \wedge \varphi $ que c'est pour conserver le fait que le produit $f \cdot \varphi $ est commutatif et toujours égal au produit $\varphi \cdot f $ (voir 2nd screen du premier post)
    ---> I believe in Chuu-supremacyhttps://www.youtube.com/watch?v=BVVfMFS3mgc <---
  • Les formes différentielles sont commutatives au sens gradué : si $\omega_1$ et $\omega_2$ sont deux formes de degrés respectifs $p_1$ et $p_2$, alors $\omega_2\wedge \omega_1=(-1)^{p_1p_2}\omega_1\wedge\omega_2$.
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