Automorphisme externe de l'univers

Bonjour à tous,
Voici mon problème. Soit $\mathcal{M}=(M,E)$ un modèle de ZFC. On appelle automorphisme de l'univers toute application $j:M \to M$ qui est bijective et qui satisfait $\forall x \forall y (x E y \Leftrightarrow j(x)Ej(y))$. Un tel automorphisme est dit interne s'il est définissable dans $\mathcal{M}$, et externe dans le cas contraire. Il est clair (par exemple par la borne de Kunen) que le seul automorphisme interne de l'univers est l'identité.
Mais j'ai lu quelque part que si $\mathcal{M}$ est non standard, alors il existe un automorphisme externe non trivial. Je précise ma terminologie. Si $\alpha$ est un ordinal, on dit que le modèle est $\alpha$-standard s'il n'existe pas, dans $\alpha^{\mathcal{M}}$, de suite infinie décroissante pour la relation $E$. Et un modèle standard est un modèle qui est $\alpha$-standard pour tout $\alpha$.
Mais ceci étant dit je ne sais pas comment construire un automorphisme externe. Mon idée est que si $\mathcal{M}$ est non standard, par définition il existe une suite $(\alpha_n)_{n \in \omega}$ vérifiant
$$\alpha= \alpha_0 \ni \alpha_1 \ni \alpha_2 \ni...\ni \alpha_n \ni \alpha_{n+1} \ni...$$
Mais maintenant je ne sais pas comment définir l'automorphisme.
A vrai dire je sais le faire dans le cas où $\alpha$ est un entier (non standard). Dans ce cas il suffit de poser $\alpha_n = \alpha -n$, puis de décréter que $j(\alpha)=\alpha-1, j(\alpha-1)=\alpha-2$ etc. Ensuite on définit inductivement $j$ par $j(y)=\{j(x) : x \in y\}$. Cette définition est cohérente puisqu'alors
$$j(\alpha)=\{j(\alpha-1), j(\alpha-2),...\} = \{\alpha-2, \alpha-3,...\}= \alpha-1,$$
et on y retrouve bien ses petits.
Mais ce raisonnement ne marche plus dans le cas général, à cause de la distance non égale à $1$ entre au moins un $\alpha_n$ et le $\alpha_{n+1}$ correspondant. (Même si $\alpha$ est successeur, au bout d'un moment on va tomber sur un ordinal limite, et là on sera coincés).
Quelqu'un a une idée ?
Merci d'avance
Martial

Réponses

  • Pourquoi ton $j$ est bien défini dans le cas de $\alpha$ entier non standard ? Il me semble que si $\mathcal M$ n'est pas $E$-bien fondé, cette formule n'a pas de raison de définir un $j$, si ? (je parle du "inductivement", pas du $j(\alpha)$) )

    Sinon, tu peux pas faire la même chose en prenant un automorphisme quelconque de la partie "non standard de $\mathcal M$" ? Je m'explique : la propriété "$\mathcal M$ est non-$\alpha$-standard" est close vers le haut, donc si tu trouves un automorphisme non trivial de $\{\alpha \mid \alpha$ non standard $\}$ (je veux dire: automorphisme pour l'ordre induit par $E$), tu devrais pouvoir l'étendre aussi facilement que dans le cas d'un entier (enfin je ne sais toujours pas pourquoi c'est bien défini mais ça tu me le diras :-D ). 

    En particulier, il s'agit de prouver que cet ensemble totalement ordonné mais pas bien ordonné admet un automorphisme non trivial. Il est certainement sans extrêmités (il n'y a pas de plus petit ordinal non standard) et tout le monde a un successeur.

     Soit $P$ cet ordre.J'appelle composante connexe un sous-ensemble $C$ de $P$ stable par successeur et prédécesseur lorsqu'ils existent, et minimal pour ces propriétés (i.e. les composantes connexes du graphe non orienté associé à $P$ pour la relation 'successeur'). Les composantes connexes partitionnent $P$. Une composante connexe admet un minimum, ou pas. Si elle admet un minimum, elle est isomorphe à $\mathbb N$, et sinon à $\mathbb Z$ (je te laisse prouver ça d'un ordre total à successeurs et connexe et sans maximum). Si tu as ne serait-ce qu'une composante sans minimum, tu as un $\mathbb Z$ et donc un automorphisme. En admettant que ma stratégie de plus haut marche, on a gagné. 

    Sinon, tu dois avoir une chaîne descendante infinie de composantes connexes isomorphes à $\mathbb N$. J'ai envie de les shifter, mais pas sûr que ce soit possible. Voyons voir. J'appelle $Q := P/$connexes l'ordre obtenu en tuant les composantes connexes de $P$. Il est toujours totalement ordonné, mais je me demande s'il a des successeurs. Bah si j'ai une composante connexe avec pour minimum $\alpha$, j'ai l'impression qu'elle est définissable dans $\mathcal M$ par $\{\alpha +n, n\in\omega\}$, de sorte que la composante connexe de $\alpha + \omega$ lui succède. 

    Du coup on peut faire de même avec $Q$ et itérer : ou bien on trouve un $\mathbb Z$ dans $Q$, et on a gagné, ou bien... Bon, on est un peu coincé pour itérer parce que rien ne nous dit que ça doit aboutir. Je crois quand même (intuitivement) qu'il devrait y avoir un automorphisme, ou bien tu vas être bien fondé mais j'ai pas d'argument. Désolé pour un long texte avec finalement peu d'utilité
  • @Maxtimax : Ouf ! Enfin une réponse !
    Il va falloir que je potasse ça à tête hyper-reposée, i.e. pas ce soir.
    En tous cas grand merci pour ton aide !
  • @Maxtimax : j'ai à peu près compris ce que tu proposes. Mais tu as souligné le principal problème, qui persiste même si tout va bien : c'est que, justement parce que le modèle est mal fondé, la définition par récurrence transfinie $j(x)=\{j(y) : y \in x\}$ risque de ne pas marcher. (Il y a peut-être des $x$ bien planqués dans $M$ qui vont échapper à ce processus).
    Franchement, je ne vois pas comment me dépatouiller de ce truc. Je vais demander à Boban, et si réponse je te tiens au jus.
  • J'ai jeté un rapide coup d'oeil en ligne. Il y a un papier de Cohen, "Automorphisms of set theory", qui devrait t'intéresser - je ne l'ai pas trouvé mais si tu le trouves... 
    Ce que je trouve en ligne ça a plutôt l'air de parler d'extensions de $\mathcal M$. 

    Par ailleurs j'ai trouvé des slides où on nous dit "Automorphisms of $\mathcal M$ are entirely determined by their action on $Ord^\mathcal M$". ça a le mauvais goût d'être imprécis (est-ce qu'on nous dit que $\sigma \mapsto \sigma_{\mid Ord^\mathcal M}$ est injectif, ou bijectif ?), mais ton idée initiale n'est peut-être pas à jeter, et peut-être manque-t-il juste une astuce pour étendre un automorphisme de $Ord^\mathcal M$ à $\mathcal M$ tout entier (ça ne paraît pas abracadabrantesque, même sans bien fondation - de toute façon, si t'es bien fondé, les automorphismes de $Ord^\mathcal M$, c'est mort - à ne pas confondre bien sûr avec des endomorphismes)

    (et ensuite pour trouver un automorphisme de $Ord^\mathcal M$, mais ça ce sera plus tard)
  • Merci. Je vais essayer de trouver le papier de Cohen.
  • Je n'ai pas trouvé le papier de Cohen. Si quelqu'un a une idée...
    @Maxtimax : j'ai l'impression confuse qu'au moins l'une de tes composantes connexes est isomorphe à $\mathbb{Z}$. (Ce qui nous arrangerait bien, dans un premier temps). Mais le raisonnement qui suit est trop beau pour être juste. Tu vas me dire si je délire ou pas (à mon avis tu vas dire oui).
    Notons $S=\{\alpha : \alpha \text{ non standard }\}$. Pour $\alpha \in S$, on note $C_{\alpha}$ la composante connexe de $\alpha$. Si tous les $C_{\alpha}$ sont isomorphes à $\mathbb{N}$, c'est que $\forall \alpha \in S, \exists \beta \in S, C_{\alpha}= [\beta, \beta+\omega[$. Soit $T$ l'intersection de tous les $C_{\alpha}$. $T$ est un segment initial des ordinaux, donc un ordinal. Si $T$ est vide ça voudrait dire que $0$ est non standard, et ça se saurait. Donc $T=\beta_0$ pour un certain ordinal non nul $\beta_0$ (peut-être un entier mais on s'en fout). Mais alors $\beta_0$ est le plus petit ordinal non standard, et ça fait désordre.
    Tu en penses quoi ?
  • @Maxtimax : sorry, ce que j'ai écrit hier ne tient pas debout. (Et pourtant je n'avais pas bu avant d'écrire, j'aurais peut-être dû). Ce que je voulais intersecter ce ne sont pas les composantes connexes (qui sont 2 à 2 disjointes, oeuf corse), mais les $[\beta, \infty)$. Je le refais plus clairement. Soit $S=\{\alpha : \alpha \text{ non standard}\}$. Si toutes les composantes connexes sont isomorphes à $\mathbb{N}$, on peut définir une "fonction" $\varphi : S \to S$ par $\varphi(\alpha)=\min(C_{\alpha})$. Pour éviter de manipuler des classes propres on fixe $\gamma \in S$, et on considère l'ensemble $X=\{\varphi(\alpha) : \alpha \leq \gamma\}$. $X$ est un ensemble non vide d'ordinaux limites.
    Jusqu'ici tout va bien, mais c'est maintenant que je me pose une question métaphysique. Ai-le droit d'écrire ceci : "$X$ est un ensemble non vide d'ordinaux, donc: il admet un plus petit élément $\beta_0$. Mais alors $\beta_0$ est le plus petit ordinal non standard, absurde".
    A vrai dire je pense que je n'ai pas le droit de l'écrire puisque le modèle est mal fondé. Mais peut-être y a-t-il une idée là-dessous ?
  • Ouais, comme tu dis je vois pas comment définir $\min(X)$ (puisque $S$ n'est pas définissable dans $\mathcal M$ et $X$ non plus, donc on ne peut pas tricher comme ça). 
    Pour ton idée précédente, l'intersection des $C_\alpha$ est vide puisque les composantes connexes sont deux à deux disjointes
  • Martial
    Modifié (June 2022)
    @Maxtimax. Pour ta 2ème ligne je le savais.
    Pour ta 1ère ligne je le craignais fort.
    En résumé : on est dans la m...
    J'ai fini par trouver le papier de Cohen dans le livre "Proceedings of the Tarski Symposium". Mais Cohen utilise le forcing à donf la sekai pour montrer l'existence d'un automorphisme d'ordre 2, (i.e. involutif). Je n'y comprends rien, et nous on n'a pas besoin de ça, on veut juste un automorphisme non trivial.
  • Oui, et l'automorphisme d'ordre 2 n'existe que dans une extension, mais j'imaginais qu'il dirait d'autres trucs dans ce papier (dans le "background"). Mais bon, si ça n'y est pas...
  • @Maxtimax : Il y a très peu de background. Il commence par une allusion aux modèles d'Ehrenfeucht-Mostowski, en précisant qu'ils ne sont pas satisfaisants.
    Ensuite il y a quelques explications au tout début de la preuve. Je te cite 2 passages :
    "By general results on formal systems (see A. Ehrenfeucht and A. Mostowski : "Models of axiomatic theories admitting automorphisms", 1958), we know that there exist models with automorphisms. (...) Harvey Friedman has observed that no model in which AC holds admits an automorphism which leaves the ordinals fixed".
    Et ensuite il met directement les mains dans le cambouis.
    Ce que je retiens de tout ça c'est que notre stratégie consistant à faire bouger les ordinaux est la bonne. Maigre consolation...
  • Je viens de jeter un oeil au papier d'Ehrenfeucht et Mostowski cité ci-dessus, mais ça pique grave les yeux !
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