Un texte de Chevallard sur l'état de l'enseignement des mathématiques
Je sais que Chevallard n'a pas que des admirateurs mais je suis récemment tombé sur ce texte :
Aujourd'hui vers la fin de ma première année au collège, j'ai cru repérer ces « symptômes ». Ce qu'il appelle « monumentalisme » : le fait que des notions sont enseignées seulement parce qu'elles l'étaient auparavant, et qu'elles sont visitées comme du patrimoine scolaire. Par exemple, le fait que les hauteurs d'un triangle sont concourantes ou le tracé d'une parallèle à une droite passant par un point en faisant glisser l'équerre le long d'une règle.
« Formalisme » aussi, qui semble être un travers de l'enseignement en général, parfois producteur de pseudo-savoirs. Par exemple, la convention de priorité opératoire enseignée en 5ème « dans une suite de multiplications et de divisions, on effectue les opérations de gauche à droite » et certains exercices relatifs aux priorités opératoires.
L'expression « insignifiance ludique » parle d'elle-même, etc.
Finalement, quelles mathématiques enseigner au collège (et comment) ?
L’état de l’enseignement secondaire des mathématiques soulève aujourd’hui de fortes
interrogations. Plusieurs symptômes résument cette situation : monumentalisme, formalisme,
inauthenticité épistémologique, oubli du monde et péjoration de ses « besoins », illusion
lyrique, fantasme d’insularité et recherche de la pureté, fuite dans l’insignifiance ludique et la
puérilité, foi naïve en une rédemption logicielle « mutualisée », etc. (...) L’enseignement du latin et du
grec tenait, naguère encore, le haut du pavé. Son avenir était certain. Sa brutale déroute, sa
débâcle presque complète en quelques décennies devaient paraître impensables aux lauréats
de l’agrégation de lettres classiques de 1965. Elles sont aujourd’hui accomplies.
Aujourd'hui vers la fin de ma première année au collège, j'ai cru repérer ces « symptômes ». Ce qu'il appelle « monumentalisme » : le fait que des notions sont enseignées seulement parce qu'elles l'étaient auparavant, et qu'elles sont visitées comme du patrimoine scolaire. Par exemple, le fait que les hauteurs d'un triangle sont concourantes ou le tracé d'une parallèle à une droite passant par un point en faisant glisser l'équerre le long d'une règle.
« Formalisme » aussi, qui semble être un travers de l'enseignement en général, parfois producteur de pseudo-savoirs. Par exemple, la convention de priorité opératoire enseignée en 5ème « dans une suite de multiplications et de divisions, on effectue les opérations de gauche à droite » et certains exercices relatifs aux priorités opératoires.
L'expression « insignifiance ludique » parle d'elle-même, etc.
Finalement, quelles mathématiques enseigner au collège (et comment) ?
Cette discussion a été fermée.
Réponses
Sur "quelles maths enseigner au collège?", je suis partisan de construire une axiomatique d'enseignement (c'est à dire limitée et éventuellement imparfaite) mais suffisamment solide pour pouvoir appuyer dessus une progression cohérente. Cela dit, cette idée enthousiasme peu de personnes en dehors de moi-même et certainement pas l'inspection qui me regarde bizarre quand j'en parle.
Pour être un peu plus concret sur ce que tu évoques, c'est difficile si tu ne développes pas plus précisément. Quelques points tout de même:
* La construction des parallèles via l'équerre qui glisse permet de faire le lien avec le théorème de 6e sur les deux droites perpendiculaires à une même troisième qui vient justifier cette construction.
* Les hauteurs du triangle, on peut faire de jolies maths autour, mais c'est complètement hors de portée de 90% des collégiens d'aujourd'hui.
* Sur le formalisme, il faudrait que tu sois plus explicite.
Il y a sans doute pléthore de meilleurs exemples de formalisme. Ce cas me semble en relever car la convention discutée est, je crois, passablement connue en dehors de l'école (je l'ignorais il y a un an) et peu utile. Le gain : éviter de possibles ambiguïtés (les parenthèses sont nos amies) me semble difficilement justifier l'introduction de cette règle tant les expressions qu'elle clarifie sont rares. De plus, de pareilles règles donnent lieu à des exercices que proposent les manuels comme ceux qui consistent à dire que l'expression 2 + 5 * 8 - 4 / 2 est une différence, ce qui me semble aberrant, même si j'en ai donnés en début d'année.
On comprend mieux le terme "formalisme", ridicule aujourd'hui et la réaction anti-informatique.
J'avais raison de demander la référence, ce texte est daté et fut anecdotique.
Cordialement
Attention à l'effet Barnum. Ne prêtez pas à Y. Chevallard des propos qu'il n'a pas tenus.
Si vous cherchez à examiner proprement ses propos, vous remarquerez que l'on est dans un verbiage long et dénué d'arguments clairs et pertinents sur le sujet. Tout au plus certaines phrases sont équivalentes à des enfonçages de portes ouvertes.
Un texte où l'auteur se gargarise de mots dont lui seul a le sens exact qu'il leur attribue est totalement inutile. Quant la personne est en plus un ponte reconnu dans le monde de l'éducation en mathématiques français, cela en dit long sur l'état de cet élément dans le milieu éducatif public français.
Et encore, je suis gentil en n'allant pas pointer le doigt sur les textes de didactique Chevallaresques qui nagent dans le monumentalisme, un formalisme démesuré, un oubli du monde réel et une péjoration de ses « besoins », une illusion lyrique, le fantasme d’insularité et recherche de la pureté.
Chaurien, "ladite" et non "la dite"
Cordialement,
Rescassol
Avoir des postes de mcf en didactique permet à ceux qui ont "étudié" cela d'avoir un travail et de gagner leur croûte sans disons devoir passer un capes ou autre concours de l'enseignement, tout en ayant des conditions relativement posées (on écrit du charabia très ésotérique pour paraître très pointu, on fait des etudes in situ avec des statistiques au doigt mouillé et de petits effectifs, on fait ses cours à de futurs profs où on raconte bien ce qu'on veut, et on se repose le reste du temps).
De l'autre côté, l'EN a cherché un groupe de gens prêts a former à peu de frais les étudiants pour en faire des profs.
C'est le but des ESPE,INSPE. On ne cherche pas la qualité, mais l'économie de moyens.
Il n'y a pas de grandes directives là-bas non plus, ceux en INSPE se débrouillent comme ils peuvent et comme ils pensent.
En cela, ce sont des idiots utiles.
A l'intérieur de toute la chose, ils peuvent en voir beaucoup de travers, mais je n'ai pour le moment pas vu de didacticien prendre la parole pour dénoncer le hors-sol des MEEF, bien au contraire. A côté les retours d'enseignants, eux, ne manquent pas.
Une partie est dans son monde, n'ayant jamais touché au secondaire (comme Chevallard), une autre le sait mais se tait pour garder sa place au chaud. Les INSPE subissent eux aussi des coupures budgétaires et doivent faire avec de moins en moins de moyens. Alors le vite fait-pas bien fait reste une solution pour majorer son temps de travail vis-a-vis du salaire qu'on touche.
Par le passé il y a eu des moments ou des mathématiciens capables ont bifurqué dans le monde de la didactique, mais de tous ceux que j'ai lus, de tous les gens passés par le MEEF que j'ai interrogés, aucune chose pertinente, bien rédigée, et utile pour un enseignant n'en est jamais sortie.
On notera à cet effet que côté PRAG, on autant ou plus de postes en maths en Inspe que de postes en maths dans de vraies formations (en général 1/3 maths, 1/3 inspe, 1/3 maths-info), alors que la proportion de "didacticiens" est relativement faible. Vu la difficulté d'entrer dans le supérieur, c'est une vraie porte pour qui se contrefout un peu de ne pas être utile et pour qui a su étoffer son cv de quelques bricoles "bien vues" (un bon rang à l'agreg, une ENS, une thèse avec publications, de l'accompagnement d'etudiants n'étant pas des éléments de profil recherchés).
L'INSPE est aussi l'élément que l'EN n'a jamais remis en question quant aux soucis des enseignants (le manque de formation se traduira toujours par des enseignants pas assez assidus ou auxquels il faut rajouter des formations en plus)
On en fait quoi après de tous ces types qu'on a poussés dans des filières bidons, juste pour les avoir dans les statistiques 'étudiants' plutôt que 'chômeurs' ?
On les occupe, en les recrutant à l'EN, pour les avoir dans les statistiques 'fonctionnaires' plutôt que 'chômeurs'.
Tant qu'on poussera des gens à faire des études longues bidons, on créera des postes bidons pour les occuper, et en plus, on manquera de plombiers.
Je vais encore rappeler que le mouvement de secondarisation achevé tardivement en France dans les années 70 a conduit au plus gigantesque effort de formation d'enseignants et de constructions d'établissements (1 par jour en moyenne pendant plus de 10 ans), avec une élévation sans précédent du niveau des élèves qui a abouti dans les années 80 et au début des années 90 à de très bons classements dans les comparatifs internationaux des élèves du collèges (par exemple en maths en 1995 les élèves de 4e sont au niveau de la Russie). L'effondrement est bien plus tardif car amorcé avec la loi de 1989.
Ce que tu racontes inlassablement est invariablement faux. Le déni de l'effort national et de ses résultats me parait relever plutôt d'une idéologie anti-française.
lourrran il y a environ 39% des élèves d'une classe d'âge bacheliers en filière pro (soit 300 000 élèves) où il y a au moins 5 ou 6 spécialités qui ont pour objet la plomberie. J'aimerais bien que tu nous donnes des chiffres précis ...
Il est effectivement complètement fondamental de mener cette réflexion sur la transmission. Pourquoi personne ne s'étonne du grand paradoxe de l'EN? Il n'y aucune transmission institutionnelle de la pédagogie. Quand un stagiaire arrive, l'IUFM/INSPE insiste au contraire pour ne pas lui transmettre les cours. Il faut qu'il reprenne tout, tout seul, depuis le début... sinon on pourrait avoir affaire à un fumiste! Quelle drôle d'idée que d'éventuellement le faire bénéficier du fruit du travail de ses collègues. Cela fait beaucoup plus sens d'avoir 800 000 Sisyphe qui montent leur boulet simultanément plutôt que de leur faire produire ensemble un contenu tellement plus riche. Mais il faut aussi faire tourner l'édition (quel inspecteur n'aime pas mettre son nom sur le nouvel Omo et toucher son chèque ?)...
la géométrie proposait deux choses à bannir car ça créait et renforçait les inégalités :
- le raisonnement
- la rédaction de lignes en français
Pour garantir « l’Égalité », terme important de notre devise, il fallait l’enlever puis exiger dans les programmes qu’aucune technicité sur le calcul littéral soit exigible, ni sur les fractions ou autres thèmes qui classaient les élèves. On enlevait aussi les racines carrées du collège car on n’arrivait pas à faire faire des exercices à tous les élèves (phrase d’un inspecteur, sur les racines carrées, ça je ne l’invente pas mais rien ne dit d’ailleurs qu’il avait raison).
Je fais de la géométrie pour le plaisir parce que j'aime ça et je me fous totalement de son utilité.
C'est grave, docteur Négatif ?
Cordialement,
Rescassol
Ben, la fac ça sert à se loger et manger pour pas trop cher.
Cordialement,
Rescassol
Car l'aspect culturel, il n'est légitime de le financer que pour ces deux publics. Tout le reste est justifié par l'aspect utilitaire.
Par ailleurs il ne faut pas oublier que seule la France met les gens dans des cases pour les emplois avec un luxe de détails ridicules qui confirme la démence administrative propre à notre pays. Dans les pays anglos-saxon, un PDG (y compris dans la banque) peut avoir une formation classique, d'historien, voire de musicologue.
Blague à part ce n’est pas les maths le critère. La caste s’en sert juste comme prétexte pour perpétuer son endogamie en pointant du doigt les pauvres qui n’ont pas pu devenir bilingues avec le formidable système d’enseignement d’anglais (coef 6 je précise , sur 40) ou qui ont eu la stupidité de ne pas faire des études secondaires dans des établissements huppés. Au moins en Angleterre il y a des grammar schools qui recrutent sur des critères totalement objectifs .
Mon propos était plus de discuter la faiblesse de la didactique chevaline, parce que quand on regarde les disciplines au recrutement critique (maths, lettres classiques, allemand, et maintenant la physique) on constate que ce sont celles qui sont sans doute les plus exigeantes.
Comme il n'est pas possible de broder en maths, il n'est pas possible de donner une version de latin ou de grec sans avoir une compétence raisonnable (la construction des phrases et la grammaire sont trop différentes pour espérer une traduction intuitive à l'arrache à coup de dico).
Après sur la question de la culture générale je suis d'accord, que ce soit pour prendre du recul sur la grammaire que pour l'accès à des textes fondateurs.