En maths, « l'excellence pour tous » ?
Olivier Rey, né en 1964, est polytechnicien, docteur en mathématiques, philosophe, essayiste, chercheur à l’Institut d’histoire et de philosophie des sciences et des techniques (CNRS).
Voici un entretien qu'il a publié dans Le Figaro de ce samedi 7 mai 2022.
« Depuis des décennies, le souci unique des réformes de l’enseignement est d’inclure tout le monde, hier jusqu’au lycée, aujourd’hui jusqu’au bac, demain peut-être jusqu’au doctorat. L’alignement sur les élèves en difficulté se justifie par le fait que les autres, "ils s’en sortiront toujours ". Ils s’en sortent sans doute, mais à un niveau inférieur à celui qui aurait été le leur si leurs capacités avaient été correctement cultivées. L’excellence pour tous proclamée, cela donne dans les faits l’excellence pour personne. »
Bonne journée.
Fr. Ch.
Cette discussion a été fermée.
Réponses
Dans une autre fil, je demandais « qu’est-ce qu’une bonne École ? ».
Ta question est intéressante Dom mais il n'y a pas de bonne réponse car il n'y a surement pas d'ordre total entre les différentes écoles possibles.
On peut seulement faire une liste d'indicateurs et si on mesure le niveau des "élites" il faut aussi mesurer les disparités de niveau au sein d'une même classe d'age (à mettre en corrélation avec des facteurs influençants).
Et même le terme niveau c'est très imprécis, la capacité à résoudre un exercice dépend forcément des programmes donc n'est pas directement comparable.
A partir de la liste d'indicateurs, je suis clairement partisane d'aller vers un compromis de tous les curseurs correspondants, compromis qui serait souhaitable ou au pire acceptable par une majorité des citoyens. A ce sujet, c'est certain que la politique entre en jeu pour placer le curseur plus à droite ou plus à gauche.
Et enfin, il n'est sans doute pas aisé de prévoir l'effet d'une réforme sur l'ensemble de ces indicateurs sans compter le manque de moyen pour les mettre en pratique ni l'évolution de la société qui aura de fait un impact sur les enfants et donc leur scolarité.
Mais de toute façon, est-ce que ce fil va être utilisé pour une discussion peut-être passionnée mais aussi passionnante ou juste pour le plaisir de se plaindre que c'était mieux avant (ce qui est très constructif comme tout le monde le sait) ?
S'il ferme comme de nombreux autres avant lui, ce sera une nouvelle preuve que le niveau en maths n’immunise pas contre des attitudes ayant pour conséquence de rendre les interactions sociales difficiles. A coté de l'impossibilité de vivre ensemble, la baisse du niveau en maths n'est pas si grave il me semble donc c'est peut-être le premier point qu'il faut travailler finalement et c'est à prendre en compte pour une "bonne école".
Mais on peut essayer de réfléchir quand même.
Supposons qu'on sache quantifier la performance de l'école sur chaque groupe d'élèves.
Supposons que sur le groupe 1 l'école ait une performance 70 et sur le groupe 2 (effectif proche du groupe 1), l'école ait une performance de 40.
Supposons que via une décision X, on ait la possibilité d'arriver à 60 sur le groupe 1, et 45 sur le groupe 2.
Faut-il mettre en place cette décision X ?
Certains pensent que oui, il faut mettre en place cette décision, parce qu'elle réduit les inégalités : l'écart entre les 2 groupes passe de 30 à 15.
D'autres pensent que non, il ne faut pas mettre en place cette décision, parce qu'elle réduit le niveau global : le niveau moyen passe de 55 à 52.5
Que faut-il faire dans cette configuration ?
https://www.reseau-canope.fr/mixite-sociale/quelle-politique-educative-pour-la-reussite-de-tous/mixite-sociale-a-lecole-des-effets-peu-connus.html
« Ainsi, la mixité entraîne la performance en favorisant l’équité : « Si l’on prend en compte les acquis scolaires de toute une classe d’âge, ce sont les classes hétérogènes qui s’avèrent les plus “productives”, maximisant les progrès des plus faibles sans obérer proportionnellement les progrès des plus forts », (Duru-Bellat, 2003) ce qui conduit donc à un meilleur résultat d’ensemble. »
J’ai choisi de mettre en gras les passages qui, en filigrane, expriment ce qu’illustre lourrran.
Je suis TRES dubitatif sur cette phrase, qui relève d'une opinion pure et non d'un fait avéré. Je ne vois aucune étude allant dans ce sens.
Il faudrait quand même savoir « objectivement » ce qu’il en est : quelle proportion a « perdu » dans son excellence ?
tous les oiseaux volent dans le ciel
-- Schnoebelen, Philippe
Bien sûr que l'on peut être bon en maths et raconter n'importe quoi. Je le savais plus ou moins mais les interventions sur ce forum le prouvent quasi quotidiennement.
De même, on peut être nul en maths et raconter bcp de choses vraies !
ps: je ne sais plus si c’est Sacha Guitry ou Pierre Dac qui disait: « Je plains les nains car ils sont les derniers à savoir qu’il pleut ! ».
On est tous d’accord (?) sur un mot mais personne n’est d’accord sur ce qu’il signifie.
Si on dépense 2 fois plus pour un individu x qui apprend lentement, pour que cet individu atteigne un niveau plus ou moins comparable à l'individu y, c'est de l'égalité ou pas ?
Si on dépense la même somme, si on accorde les mêmes moyens pour tous les enfants, c'est de l'égalité ?
Je veux bien qu'on me dise qu'il faut viser l'égalité, mais j'ai besoin qu'on m'explique ce que ça veut dire.
Egalité de résultat, ou égalité de moyens ?
L'égalité, telle qu'elle est souhaitée, c'est l'égalité des moyens : l'état doit accorder les mêmes moyens à chaque citoyen. Et toute décision qui tendrait à mettre plus de moyens dans certaines zones est inégalitaire, et contraire à nos principes.
Supprimons les ZEP et autres mesures de ce genre.
C'est ça l'égalité souhaitée par tous, et revendiquée par ceux qui crient haut et fort qu'il faut plus d'égalité.
Par contre, il est clair qu'auparavant l'enseignement pouvait faire passer un élève de niveau "moyen -" à "moyen +" voir "moyen ++". Ce n'est certainement plus le cas à présent.
-- Schnoebelen, Philippe
(...)
La notion d'égalité
L’égalité est un principe à valeur constitutionnelle. L'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que "la loi doit être la même pour tous". Les personnes dans la même situation doivent être traitées de manière identique.
Le code pénal sanctionne les distinctions fondées sur l'origine, le sexe, la situation de famille, la grossesse, l'apparence physique, la vulnérabilité résultant de leur situation économique, le nom, le lieu de résidence, l'état de santé, le handicap, l'orientation sexuelle, etc.
Le principe d'égalité ne s'applique pas de façon stricte dans tous les domaines. Des différences de traitements sont admises pour rétablir une égalité insuffisante. Ainsi des dispositifs éducatifs, économiques ou sociaux existent pour "compenser un handicap individuel, social ou géographique" : bourses d'études, exonérations d'impôt, par exemple.
Lutte contre les disciminations (sic !) : l'exemple de l'égalité des sexes
La lutte pour l’égalité entre les hommes et les femmes est l'une des plus marquantes de la société française. Les différences de traitement concernent tous les domaines : inégalités salariales, sociales, minorité dans l'espace public et en particulier politique, etc.
Le droit français a longtemps interdit les discriminations positives. Deux révisions de la Constitution (1999 et 2008) ont permis à la loi de favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives (la loi "parité" instaure des quotas sur les listes aux élections) et aux responsabilités professionnelles et sociales.
(...)
Source : Le principe d'égalité, droit et grands enjeux du monde contemporain | vie-publique.fr
Tout dépend de ce qu'on l'on entend par "dans la même situation". Les situations sociales variant, l'égalité n'est rigoureuse que devant la Loi et sous réserve des moyens permettant de l'obtenir. Après c'est affaire d'appréciation.
Ce qui est certain c'est qu'une stricte égalité sociale, signifierait toujours plus de misère, toujours plus d'ignorance, toujours plus de violence et conduirait à une société totalitaire. Ce n'est donc pas un objectif pour une société de libertés.
Merci Chaurien pour l'article, qui reconnait largement le cancer gangrénoïde des "écoles de commerces" aux dépens des vrais métiers productifs et notamment ceux des filières d'ingénieurs. Le bémol que je vois quand même, c'est qu'il me semble que la "passion égalitaire" me semble bien surestimée au regard d'autre facteurs plus tangibles :
- incompétence des concepteurs de programmes,
- incurie politique,
- démagogie belkaciste,
- invasion mortifère pour les processus cognitifs du "numérique",
etc.
Dom la "bonne école" c'est tout simplement celle qui parvient à faire mentir une prédiction défavorable.
"Ce qui est certain c'est qu'une stricte égalité sociale, signifierait toujours plus de misère, toujours plus d'ignorance, toujours plus de violence et conduirait à une société totalitaire." C'est ce qu'on voit dans les pays nordiques chez qui l'égalité a plus de prégnance culturelle que chez nous.
C'est sûr que le modèle saoudien est préférable.
Les pays nordiques ne me paraissent pas plus égalitaires que la France (problème des migrations mis à part).
Si tu me l'accorde, on peut alors discuter de l'intérêt de telle ou telle mesure, mais sans prendre l'"égalité tout court" comme idéal indépassable.
En ce qui concerne le rapport le ratio revenu des plus riches / revenu des plus pauvres, le pays le plus "égalitaire" est le Japon, et bien sûr les pays nordiques sont tous dans des positions plus favorables que la France. Il y a une cohérence partielle avec l'indice de Gini aussi.
Ta perception négative de l'égalité sociale est tout simplement contraire à la réalité.
1) L'égalité d'accès.
2) L'égalité des chances.
3) L'égalité des acquis (scolaires).
4) L'égalité des acquis sociaux.
Historiquement la France et la plupart des pays européens ont orienté leur éducation vers 1) et 2). L'école doit être gratuite pour tous et chacun doit avoir la chance de pouvoir y réaliser son potentiel. Le gros problème c'est que ce système est "inéquitable" puisque le potentiel des élèves n'est pas le même au départ. On est alors, plus récemment, parti sur 3) ou le but est que chaque élève ait les mêmes acquis scolaires à l'arrivée. Pour ça on assume, par exemple, de consacrer plus de temps aux élèves en difficulté, i.e. de faire de la pédagogie différenciée. Ainsi pour favoriser un certain type d'égalité, on doit en sacrifier un autre. Finalement, 4) devient de plus en plus à la mode et est encore bien plus ambitieux que 3). L'idée est de faire en sorte qu'à la sortie de l'école, tous les élèves aient la possibilité d'avoir le même "succès social", le terme étant volontairement flou. (Comprenez : chacun doit pouvoir devenir médecin ou avocat).
En résumé on est passé de "l'égalité à l'entrée", ce que tout le monde a toujours applaudi des deux mains à "l'égalité à la sortie" qui requiert toutes sortes d'ingénieries sociales.
-- Schnoebelen, Philippe