Probabilités sur un espace dénombrable : une devinette
Je vous soumets une petite devinette qui s'est présentée à moi récemment. Soit $(\Omega, \mathcal P(\Omega), P)$ un espace probabilisé dénombrable, existe-t-il une suite $(X_n)_n$ de variables aléatoires indépendantes et identiquement distribuées qui ne soient pas presque sûrement constantes ? Et si l'on enlève l'hypothèse "identiquement distribuées" ?
Un peu de contexte : j'ai essayé de bricoler un cours de probabilités discrètes qui devait tenir dans un nombre limité d'heures. Je ne voulais ni sacrifier la rigueur ni passer trop de temps sur la notion de tribu, j'ai donc décidé de me limiter aux espaces probabilisés dénombrables ce qui simplifiait pas mal les choses. Mais quand est venu le moment de parler de la loi faible des grands nombres j'ai subitement été pris de doutes... Allais-je démontrer des choses sur les éléments de l'ensemble vide comme dans toutes ces histoires apocryphes ?
J'imagine que l'exercice est déjà connu, mais c'était la première fois que je tombais dessus.
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Réponses
J'étais arrivé aux mêmes conclusions d'une façon un peu différente pour la première question. Supposons qu'une telle suite $(X_n)_n$ existe, on a alors un ensemble $A$ tel que $P(X_n\in A) = \alpha \in ]0;1/2]$. Soit $\omega \in \Omega$ une issue, pour chaque entier $k$ on a $\omega \in X_k^{-1}(A)$ ou $\omega \in X_k^{-1}(A^C)$, elle est donc dans une intersection infinie de ces sous-ensembles. Tous ces sous-ensembles sont de mesure au plus $1-\alpha$ et par indépendance on trouve donc $P(\omega) \leq (1-\alpha)^n$ quel que soit l'entier $n$, ce qui entraine $P(\omega)=0$. Par additivité dénombrable on retrouve $P(\Omega)=0$, ce qui est absurde.
Ceci montre d'ailleurs que pour obtenir une suite $(X_n)_n$ de variables aléatoires indépendantes sur un espace dénombrable il faut forcément qu'elles se rapprochent en probabilités de variables aléatoires constantes. Et sur un espace $\Omega$ quelconque où l'on a une suite de variables aléatoires iid non constantes la probabilité $P$ ne peut avoir aucun atome. Chose qui doit être connue mais que j'ignorais.
Tout ça pour dire qu'il va falloir que je reprenne mes notes de cours.
Je ne suis pas sûr d'avoir compris tout ce qui a déjà été fait. Foys a démontré qu'un espace probabilisé dénombrable ne possède pas de suite infinie de variables de Bernoulli indépendantes [édit : de paramètre $\frac12$], mais il n'a pas démonté la non existence sur un tel espace de n'importe quelle suite iid, non ? Il a juste donné une condition suffisante pour la non existence dans son deuxième message.
De plus, son troisième message montre l'existence sur un espace dénombrable d'une suite de variables indépendantes, mais pas iid il me semble.
Commençons par montrer que pour tout $\omega\in\Omega$ il existe $A_\omega\in T$ minimal contenant $\omega$. Soit $\omega\in\Omega$. On pose $A = \bigcap_{B\in T, B\ni \omega} B$. Alors pour tout $\varpi\in A^c$, il existe $B_\varpi \in T$ tel que $\omega\in B_\varpi$ et $\varpi \not\in B_\varpi$. Donc $A = \bigcap_{\varpi\in A^c} B_\varpi$. Cette intersection est dénombrable, donc $A\in T$. Ok.
Ensuite, si on pose $\mathcal{A} = \{A_\omega\mid\omega\in\Omega\}$, on a $1=\Bbb P(\Omega) = \sum_{A\in\cal A} \Bbb P(A)$ (*), donc $\exists A\in \mathcal{A}, \Bbb P(A)>0$. Et ce $A$ est un atome car : $\forall B\in T, B\subset A \Rightarrow B=\varnothing \text{ ou }B=A$.
(*) Edit : car $\mathcal A$ est une partition de $\Omega$
Edit : La tribu grossière de bisam est un exemple plus simple (je n'avais pas compris au début à quoi il répondait). Disons que mon exemple autorise l'existence de v.a. non constantes, donc, dans le contexte du fil, ça n'est pas complètement inintéressant.
En fait, pour un peu mieux voir les choses, tu as défini une mesure de proba qui fonctionnerait bien sur les 2-adiques $\Bbb Z_2$ (en posant $E_{a,n} = \{k\in \Bbb Z_2 \mid k\equiv a \,[2^n]\}$). Elle est équivalente à la mesure d'une suite infinie de variables de Bernoulli iid [édit : de paramètre $\frac12$] via la bijection naturelle $\Bbb Z_2 \cong \{0,1\}^{\Bbb N}$. Et via cette bijection, $\Bbb N$ est envoyé sur les suites de $\{0,1\}^{\Bbb N}$ à support fini, qui sont en nombre dénombrable donc de mesure nulle. Donc ça ne peut pas marcher.
* algèbre dans le sens d'ensemble de parties stable par unions et intersections finies et passage au complémentaire
Merci @Foys. Je suis d'accord.
Ça me fait penser que j'ai oublié de préciser "de paramètre $\frac12$" à chaque fois que parlais de Bernoulli de paramètre $\frac12$. Je vais le rajouter.
Et reformuler ce que j'ai dit avec une relation d'équivalence n'est pas inutile ; c'est plus clair comme ça à mon ais. Au début, j'avais carrément oublié de préciser que les atomes mesurables forment une partition, alors que c'est un point crucial ! [smiley alcoolique (qui n'est malheureusement plus disponible)] C'était une erreur de ma part, que j'ai corrigée.