Cette fonction continue n'existe pas

Bonjour
Soit $0\leqslant a < b$ des nombres réeles. Prouvez qu'il n'existe pas de fonction continue $f:[a;b]\to \mathbf{R}$ telle que
$$
\int_a^b f(x)x^{2n} \mathrm dx>0 \qquad \text{et} \qquad \int_a^b f(x)x^{2n+1} \mathrm dx <0,
$$ pour tout nombres entier $n\geqslant 0$.

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Merci

Réponses

  • L'application qui à $t$ associe $\int_a^b f(x)x^t{\rm d}x$ est continue sur $\R^+$ et s'annule sur tout segment $[k,k+1]$ ; on peut donc construire une suite $(t_n)$ telle que $n<t_n<n+1$ et $\int_a^b f(x)x^{t_n}{\rm d}x=0$ pour tout $n$. Comme le sev engendré par la famille des $x\mapsto x^{t_n}$ est dense dans ${\rm C}([a,b], \R)$, on conclut tézément.

    J'ai bon, m'sieu ?
  • Nota bene : j'ai publié un peu succinctement, de peur d'être grillé comme cela se produit souvent ; la densité invoquée de la famille de monômes est une conséquence du théorème de Müntz-Szasz, puisque la série $\sum\frac1{t_n}$ diverge. Il y a donc de quoi généraliser nettement les hypothèses de l'exercice (j'en soupçonne l'auteur d'avoir choisi celles-ci afin de brouiller les pistes).
  • J'ai rarement vu autant de violence concentrée sur aussi peu de lignes.

    e.v.
    Personne n'a raison contre un enfant qui pleure.


  • La violence, y a rien d'mieux pour se détendre (tu)
  • Les mathématiques sont belles et parfois belliqueuses mais de manière bienveillante.
  • John_john: Merci beaucoup pour la suggestion détaillée pour résoudre le problème. Je suis assez bloqué sur la construction de $(t_{n})_{n\geqslant 1}$ que vous mentionnez
  • Je ne suis pas familier avec Teorema de Müntz.
  • C'est simplement le TVI pour la première histoire.
    Je suis curieux de la version sans lance-roquette (disons niveau licence sans théorème sujet de concours admis).
  • Hello, pour la solution élémentaire.

    Quitte à remplacer $b$ par $b'$ tel que $a<b'<b$ on peut supposer que $f(b) \ne 0$.
    On se ramène ensuite par changement de variable à une situation $\displaystyle \int_a^1 f(x)x^{2n} \mathrm dx>0 \text{et} \int_a ^1 f(x)x^{2n+1} \mathrm dx <0$, avec $0 \leqslant a<1$.

    À ce moment là, par continuité, il y aura un petit intervalle $[1- \epsilon ;1]$ sur lequel $f$ sera du signe de $f(1)$ et quand $n \rightarrow +\infty$, tout le poids de l'intégrale se porte sur l'intervalle $[1- \epsilon ;1]$ puisque la variable $x \in [a ; 1]$.

    Donc à partir d'un certain rang $n$, $\displaystyle \int_a^1 f(x)x^{n} \mathrm dx$ sera du signe de $f(1)$.
  • Très joli John_john.

    Blueberry : Pourquoi existerait-il un $b'$ qui vérifierait aussi les conditions de l'énoncé ? Ça ne me semble pas correct.
  • Effectivement tu as raison Renart, car aussi proche que $b'$ soit de $b$ et $f(b') \ne 0$ il se peut que $f$ change signe de entre $b'$ et $b$ ...
    Ça invalide totalement ma "démonstration".
  • Avec $I=[a,\,b]$ et $J=\R^+$, on pose $F : (x,\,t)\in I\times J\mapsto f(x)x^t$ ; les hypothèses du thm de continuité sous le signe somme sont satisfaites, et en particulier il y a une domination par une constante sur $I\times S$, quel que soit le segment $S\subset J$. Cela établit la continuité de $t\geqslant0\mapsto\int_{a}^{b}f(x)x^t\,{\rm d}x$.

    Le TVI prouve alors l'existence de la suite $(t_n)$ annoncée. Le thm de Müntz prouve à présent que le sev engendré par les $x\mapsto x^{t_n}$ est dense (pour la norme uniforme) dans ${\rm C}([a,\,b])$ pour $a>0$ et, si $a=0$, dans le sev de ${\rm C}([a,\,b])$ formé des fonctions nulles en $0$. Pour la norme $||\cdot||_2$, ce sev est donc toujours dense dans ${\rm C}([a,\,b])$.

    Dans tous les cas, on déduit des égalités $\int_{a}^{b}f(x)x^{t_n}\,{\rm d}x=0$ pour tout $n$ que $f=0$, puisque $f$ est orthogonale à un sev dense. Cela contredit enfin le fait que $\int_{a}^{b}f(x)x^0\,{\rm d}x>0$.

    Renart : la preuve est jolie, certes, mais l'idée de l'exercice l'est encore plus ! Il en fallait, de la profondeur de vue, pour songer à poser la question !!!
  • Blueberry : ma première idée avait été tout à fait analogue à la tienne : si $f(b)\neq0$, alors les intégrales gardent un signe constant pour $n$ assez grand, et cela contredit les hypothèses ; hélas, ensuite, cela se goupillait mal pour exclure $f(x)\neq0$ pour un $x$ dans l'intérieur de l'intervalle.

    Je reste évidemment intéressé par toute preuve sans bazooka !
  • Je vais tenter avec « existe-t-il un polynôme ? » pour tenter ensuite d’approcher $f$ avec Stone-Weirestrass.
    Il me faut une feuille et un crayon…
  • Bonne idée, Dom ! Des polynômes, il n'y en a mie et il reste à voir si la stonification fonctionne.
  • Edit : voir plus bas.
  • sol, une toute petite remarque : le fait de montrer que $f$ est à valeurs dans $\R^+$ suffit pour montrer qu'elle ne peut exister (les intégrales seraient alors toutes positives ou nulles).

    J'ai d'ailleurs systématiquement omis d'enfoncer une porte ouverte en ne signalant pas que $f=0$ implique que $f$ n'existe pas.
  • J’ai aussi songé à considérer des produits scalaires (en espérant utiliser $<f,id.g>=<f.id,g>$.

    Mais franchement, je n’ai que la possibilité de balancer des idées vagues pour le moment (j’espère avoir la possibilité de me poser bientôt papier-crayon en main). Vous me pardonnerez.
  • Je me suis emberlificoté avec les signes plus haut et personne ne m'a rien dit ! Reprenons en plus simple.

    On considère la transformée de Laplace, qui admet un développement en série entière (avec rayon de convergence infini) :
    $$
    L(\lambda) = \int_a^b e^{-\lambda x}f(x)\,dx = \sum_{n=0}^{+\infty} \left(\int_a^b (-1)^n x^n f(x)\,dx\right) \frac{\lambda^n}{n!}.
    $$ Les hypothèses montrent alors directement que $L(0) > 0$ et que $L$ est strictement croissante sur $\R_+$.
    Mais par ailleurs $L$ tend vers $0$ en $+\infty$ d'après la majoration suivante valable pour tout $\lambda > 0$ :
    $$
    |L(\lambda)| \leqslant \|f\|_\infty \int_a^b e^{-\lambda x}\,dx \leqslant \|f\|_\infty \frac{1}{\lambda}.
    $$ Donc $0 < L(0) \leqslant 0$, ce qui est absurde.

    P.S. Ceci se généralise à toute fonction $f$ intégrable sur $[a,b]$ quitte à utiliser de la convergence dominée à la fin.
  • Très joli (et très simple), sol ! Je n'avais pas eu le temps de vérifier la preuve dans le message effacé, mais la seconde version semble irréprochable. MM. Müntz et Szasz peuvent aller se rhabiller, à présent.
  • Oui, extrêmement simple, et d'autant plus joli que la transformée donne tous ses fruits sans rien d'autre que sa définition. Vraiment bien vu.
  • Je viens de recevoir un texto furibond de Müntz : <<comment cela, aller me rhabiller :-X ; remplacez donc dans l'énoncé $n$ par $p_n$, où $p_n$ est le $n$--ième nombre premier, et Laplace fera moins le malin. Na !>>.

    Dont acte
  • Dis-lui que Riemann le trouve puéril (inutile de préciser lequel).
  • @sol très joli preuve
  • john_john tu pourras répondre à Müntz que Laplace aussi a d'autres tours dans son sac ! Cela dit j'aime beaucoup ta solution, d'autant plus qu'elle illustre bien la généralité de ce théorème de Müntz--Szaz, qui m'avait injustement semblé anecdotique quand je l'ai rencontré la première fois.
  • Bonjour, sol ! Cette prosopopée se voulait être juste un clin d’œil et ne doit pas être prise au pied de la lettre, car je n'avais nulle intention de comparer les deux méthodes (et surtout pas de faire le jaloux), d'autant plus qu'elles sont <<orthogonales>>, quoique pas d'intersection tout à fait vide puisqu'elles ont toutes deux besoin de beaucoup de valeurs de $n$.
    Au reste, j'avais soupçonné l'auteur de l'exo de faire une hypothèse portant sur tous les $n$ afin de noyer le poisson et de planquer le recours à Müntz ; ta solution montre qu'il en a peut-être eu l'idée à partir de la transformée de Laplace et, là, les hypothèses retenues s'imposent.

    Saucisse sur le gâteau, comme on dit cheux nous en Moselle, ta solution fera un exxxxxxcellent énoncé inédit de colle (les programmes sur les séries de fonctions ne vont pas tarder). Et même deux exos puisqu'il y a le cas particulier où $f$ est polynomiale (cf le message de Dom).

    Bien cordialement, j__j
  • @ sol

    Otto Szász (1884–1952) a droit au respect de son patronyme.

    Ta démonstration a droit à mon respect.

    Amicalement,

    e.v.

    [ @ John & John. Doucement avec ton expression mosellane : j'aurais pu être en train de boire mon café. Il y a un copyright ? ]
    Personne n'a raison contre un enfant qui pleure.


  • Petite anecdote à propos de Szasz (je renonce à chercher comment taper un \'a dans le forum ; je présente de ce fait mes excuses aux Magyars qui tiennent à prononcer ce patronyme Sass et non pas Soss) : ce nom ressemble tellement au substantif allemand Satz (théorème) que l'on lit parfois Théorème de Müntz-Satz (pléonasme) ou tout simplement Müntz Satz. Dans les années soixante-dix et quatre-vingt (sans 's' à vingt), les annales de l'UPS s'étaient fait une spécialité de cette petite confusion.
  • John_john soulève une question ardue mais intéressante avec ses années quatre-vingt sans « s » :
    https://www.btb.termiumplus.gc.ca/tpv2guides/guides/chroniq/index-fra.html?lang=fra&lettr=indx_titls&page=9EoC8Iq7aq0M.html
  • Bonsoir, Chaurien : c'est un ALT+ quelque chose ?

    L'absence de 's' est une règle apprise à l'Ecole primaire ; mais où sont les neiges d'antan ?

    Forum du Figaro, 2019 : C'est tout simplement parce qu'il s'agit de l'adjectif numéral ordinal ; on sous-entend les années quatre-vingtièmes, de la même façon que l'on écrit page quatre-vingt (pour page quatre-vingtième).

    Cela dit, si vous parlez des années 1980, il faut le préciser, car nous avons changé de millénaire… On ne peut plus dire les années 80 pour les années 1980.
  • Bonsoir j__j
    Pour les caractères qui ne sont pas au clavier, je me suis fait une réserve dans laquelle je vais piocher quand j'en ai besoin : pour á, pour les majuscules comme À ou Ç, pour des jolis «...» au lieu de tes vilains <<...>> ;-), etc. J'ai eu du mal il y a peu avec Alina Sînt$\mathsf{\breve{a}}$m$\mathsf{\breve{a}}$rian, je n'ai peut-être pas trouvé la meilleure solution, mais j'ai quand même réussi à faire passer sur le forum ce drôle d'accent roumain en demi-lune, qu'il refusait si je tentais un simple copier-coller.
    Pour les années, comme nous sommes au XXIème siècle, j'écrirai « les années 1980 », et pas de souci.
    Bonne soirée.
    RC
  • On ne va quand même pas chanter « femmes des années 1980 ».
  • Et pourquoi pas ?
  • Re-bonsoir, Chaurien,
    pour cela, rien ne vaut la simplicité de LaTeX : Sînt\v am\v arian
  • Très bonnes solutions. Personnellement je n'ai pas vu l'utilisation de Laplace, approche intéressante de @sol.

    Le problème semble être un problème de compétition, le problème 6 d'une liste de 6 problèmes classés du moins au plus difficile. Je travaille sur les autres problèmes.

    Pour le problème 6, il semble que l'idée de @sol fasse disparaître le problème en quelques coups, n'auraient-ils pas remarqué l'existence d'une solution comme celle que @sol présente ?
  • Bonjour, Evariste,
    n'auraient-ils pas remarqué l'existence d'une solution comme celle que @sol présente ?


    tout est envisageable ! Les concepteurs de l'exo peuvent s'être demandé quelles hypothèses conduisaient à une monotonie de ${\cal L}(f)$ incompatible avec les limites aux bornes. Après cela, dériver sous le signe d'intégration ne donne pas grand-chose alors que développer l'exponentielle en série fournit une excellente condition suffisante.

    Inversement, ils ont peut-être recherché un énoncé conduisant à Müntz-Sz\'asz et l'ont planqué derrière un argument de TVI, sans s'apercevoir de la possibilité d'une solution élégante plus simple.
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