Groupes d'ordre $4$

Bonjour
Un exercice classique est le suivant.

Déterminer à isomorphisme près tous les groupes d'ordre $4$.

On peut raisonner comme ceci :
  1. Si $G$ est cyclique alors $G$ est isomorphe à $\Z/4\Z$.
  2. Supposons $G$ non cyclique.
    1. Alors en notant $G=\{e,a,b,c\}$ avec $e$ le neutre, on montre que $a, b$ et $c$ sont d'ordre $2$ et que le produit de deux de ces éléments est égal au troisième.
    2. À partir de là, en dessinant la table de $G$, et à côté celle de $(\Z/2\Z)^2$, on remarque que ces deux groupes sont isomorphes, ce qui clôt l'exercice.
Toutefois, je n'aime pas du tout cette étape 2.b., donc j'aimerais la remplacer par un truc plus élégant/formel.

J'ai pensé définir un isomorphisme : $f:G\rightarrow (\Z/2\Z)^2$ mais j'ai un doute dans ma démarche.
Comme $G=\langle(a,b)\rangle$ et que $(\Z/2\Z)^2=\langle ((0,1),(1,0))\rangle$, j'ai envie de dire que poser $f(a)=(0,1)$ et $f(b)=(1,0)$ suffit. Mais effectivement, même si ça marche, je ne suis pas sûr à 100% de comprendre pourquoi c'est légitime.
Est-ce qu'il "faut" passer par les $\Z$-modules pour justifier cela ? Car ces familles sont en fait sauf erreur des bases, et si on a le même théorème qu'en algèbre linéaire des $\K$-ev disant qu'une application linéaire est uniquement déterminée par sa valeur sur une base (gros doute sur ça...). S'il y a moyen sans $\Z$-modules, je préfère.

Réponses

  • Il y a un théorème plus général qui dit que si le groupe $G$ est fini et que tous ses éléments (sauf le neutre) sont d'ordre 2, alors $G$ est commutatif, de cardinal $2^p$ et isomorphe à $(\Z/2\Z)^p$.
    Ca te convient en terme d'élégance ?
  • Soit e, a, b, c les él. du groupe. On observe aa.
    Si aa = a alors a = e, exclu.
    Si aa = b alors bb = (aa)(aa) = aaaa. Groupe cyclique. Idem si aa = c.
    Reste un seul cas : aa = bb = cc = e. Groupe de Klein.

    Les possibilités sont épuisées...
  • Dans le même genre, j'aime bien l'exercice suivant. Il peut se traiter avec des bagages théoriques variés.

    Déterminer, à isomorphisme près, tous les anneaux commutatifs unitaires de cardinal $4$.
  • Merci pour vos retours.
  • @Paul : Ton dernier exercice est étonnant !
    Je trouve $\mathbb F_4$, $\mathbb Z/4\mathbb Z$, $(\mathbb Z/2\mathbb Z)^2$ et le sous-anneau de $\mathcal M_2(\mathbb Z/2\mathbb Z)$ engendré par $A=\begin{pmatrix}0&1\\0&0\end{pmatrix}$, à savoir $\{0,I_2,A,A+I_2\}$.
  • On part du morphisme d'anneaux $\Z\to A$, $k\mapsto k\cdot1$ (façon de parler). Comme l'a dit Lagrange, l'ordre de $1$, qui est un générateur du noyau, est $2$ ou $4$ (mais pas $1$ sinon l'anneau est l'anneau nul).

    Il y a le cas où le morphisme est surjectif, alors $\Z/4\Z$.

    Désormais, on suppose que $1+1=0$. L'anneau contient alors un autre élément $\alpha$ hors de $\{0,1\}$ et le dernier élément est $\alpha+1$. On distingue des cas selon la valeur de $\alpha^2$ :
    • si $\alpha^2=0$, on trouve le dernier anneau de gai requin, engendré par $\left(\begin{smallmatrix}0&1\\0&0\end{smallmatrix}\right)$, connu sous le nom de « nombres duaux », i.e. $\newcommand{\f}{\mathbf{F}_2}\f[X]/(X^2)$ ;
    • si $\alpha^2=1$, alors $(\alpha+1)^2=0$ (car $1=-1$ et $2=0$) et on retrouve le même anneau à isomorphisme près ;
    • si $\alpha^2=\alpha$, alors $e=\alpha$ est un idempotent, $\alpha+1=1-e$ aussi et on voit que l'anneau $A$ est $Ae\oplus A(1-e)\simeq\Z/2\Z\times\Z/2\Z$ ;
    • si $\alpha^2=\alpha+1$, alors $\alpha$ est racine du polynôme irréductible $X^2+X+1$ et l'anneau est $\f[X]/(X^2+X+1)\simeq\mathbf{F}_4$.
  • Merci Math Coss pour l'appellation "nombres duaux" que je ne connaissais pas !
    Je n'ai pas pensé à $\mathbb F_2[X]/(X^2)$, mais $\alpha^2=0$ m'a donné l'idée d'une matrice nilpotente la plus simple possible...
  • Le résultat se généralise sans difficulté pour la classification des anneaux de cardinal $p^2$ avec $p$ premier.
  • Sur le même thème, j'ai une question sur la classification des groupes d'ordre $6$.

    Sur ce message, seule la fin ne me semble pas évidente, pourriez-vous me le détailler :

    « Dans ces conditions, on définit un morphisme $f:G\rightarrow \mathfrak S_3$ à partir de $f(x)=(12)$ et $f(y)=(123)$ et c'est clairement un isomorphisme ».

    Vu que ça évite le recours à la comparaison avec la table de $\mathfrak S_3$, ça me plaît mais je ne comprends pas ce point, bien que je sache que $G=\,<x,y>$ et $\mathfrak S_3=\,<(12),(123)>$. J'ai l'impression qu'il y a une notion de prolongement de morphisme qui est cachée mais je n'ai jamais vu ça dans le cadre des groupes.
  • La fonction $f$ ainsi construite avec les sous-entendus qu'on imagine respecte les deux tables donc est un isomorphisme.
  • Il y a deux points distincts :

    1. Le morphisme $f : G \to \mathfrak S_3$ est bien défini car $\{x,y\}$ est une partie génératrice du groupe et $\langle x \rangle \cap \langle y\rangle = \{1\}$. C'est l'analogue de la définition des applications linéaires sur une base.

    2. L'image directe $f(G)$ est un-sous groupe de $\mathfrak S_3$ qui contient une partie génératrice, donc c'est $\mathfrak S_3$ lui même. Par égalité des cardinaux, on en déduit que $f$ est un isomorphisme.
  • Si tu sais que $G = \langle x, y \rangle$ alors pour n'importe quel groupe $\tilde G$ et n'importe quels éléments $a, b \in \tilde G$, il n'existe au plus qu'une seule manière de définir un morphisme de groupes $f : G \to \tilde G$ tel que $f(x)=a$ et $f(y)=b$ puisque tout élément de $G$ est un mot en $x^{\pm 1}$ et $y^{\pm 1}$.

    Il reste à voir qu'un tel morphisme existe quand $\tilde G = \mathfrak S_3, a = (12)$ et $b=(123)$. Cela vient du fait que $x^2=y^3=e, xy=yx^2$ et $(12)^2=(123)^3=\mathrm{id}, (12)(123) = (213)(12)$, i.e. $x$ et $y$ d'une part, $(12), (123)$ d'autre part, satisfont les mêmes relations. On peut vérifier à la main que l'on peut prolonger une telle application en un morphisme de groupes (qui est unique d'après le premier point). Le problème c'est que c'est fastidieux et se prête peu à la généralisation, contrairement à ce qui va suivre.

    Formellement, on va construire un morphisme dans l'autre sens et on va utiliser que $\mathfrak S_3 \simeq \langle s, t \mid s^2=t^3=e, st=t^2s \rangle,$ où évidemment $s$ représente $(12)$ et $t$ représente $(123)$. Soit $F_2$ le groupe libre à deux générateurs $a$ et $b$. Par définition, $\langle t, s \mid t^2=s^3=e, st=t^2s \rangle = F_2/R$ où $R$ est le sous-groupe distingué de $F_2$ engendré par $\{a^2, b^3, aba^{-1}b^{-2}\}$. Il existe (propriété universelle des groupes libres) un unique morphisme de groupes envoyant $a$ sur $x$ et $b$ sur $y$. Comme $x^2=y^3=e$ et $xy=y^2x$, ce morphisme est trivial sur $R$, et donc se factorise en un morphisme de $\mathfrak S_3$ dans $G$ vérifiant $f(s)=x$ et $f(t)=y$, ce qui était ce qu'on voulait.
  • Merci infiniment sol et Poirot !

    Je vais essayer de comprendre ça et je reviens si j'ai des questions.
  • Pour le 1. de sol, je comprends que comme $\{x,y\}$ engendre $G$, il existe au plus un morphisme $f:G\rightarrow \mathfrak S_3$ tel que $f(x)=(12)$ et $f(y)=(123)$. Cela vient sauf erreur d'une propriété plus générale qu'on énoncerait ainsi et qui est facile à montrer :

    Soient $G$ et $H$ deux groupes, $A$ une partie génératrice de $G$ et $\varphi:A\rightarrow H$ une application. Alors il existe au plus un morphisme de groupes $f:G\rightarrow H$ tel que $f_{|A}=\varphi$.

    Par contre, même si j'imagine que l'ajout de l'aspect $\langle x\rangle\cap\langle y\rangle=\{e\}$ donne l'existence, j'ai plus de mal à le justifier.

    Pas de problème pour le 2.
  • Désolé pour le flou sur le point 1 : la condition donnée n'est pas suffisante pour assurer directement l'existence. Il faut regarder plus en détail comme suggéré par Poirot.
  • Merci, ça marche. Je vais d'abord m'assurer de bien comprendre la notion de groupe libre puis je reviendrai sur le message de Poirot.

    Sinon, sauf erreur, pour éviter de devoir comparer "entièrement" avec la table de $\mathfrak S_3$, il suffit de constater que comme $x$ et $y$ ne commutent pas (sinon $G$ serait cyclique), on a $G=\{e,y,y^2,x, xy=yx^2, yx=xy^2\}$ ce qui détermine entièrement la loi de $G$. Il existe donc un unique groupe non cyclique d'ordre $6$. Or $\mathfrak S_3$ est aussi un groupe d'ordre $6$ non commutatif, donc $G$ est isomorphe à $\mathfrak S_3$.
Connectez-vous ou Inscrivez-vous pour répondre.