Matrices de Hilbert

gilles benson
Modifié (August 2022) dans Analyse
Bonjour, je reviens sur une question posée sur ce forum il y a quelques années ; une réponse avait été donnée qui n'était pas complète et je pense que la question méritait d'être revisitée ; voici la question.

On donne une fonction $f$ vérifiant :
1) $f$ est continue sur le segment $[0; \; 1]$.
2) pour un entier $n$ supérieur ou égal à $1$, on a : $$ \forall k \in [0; \; n-1] , \qquad \int_0^1 x^k f(x) \mathrm dx \; = \; 1. $$ On veut prouver que dans ces conditions, on a $ \displaystyle \int_0^1 f(x)^2 \mathrm dx \geq n^2$.
A demon  wind propelled me east of the sun

Réponses

  • Pour $k=0$, l'égalité donne $\int_0 ^1 f(x) \: dx = 1$.
  • J'ai corrigé ...
    A demon  wind propelled me east of the sun
  • Simple Cauchy-Schwarz.
  • Avec la correction, effectivement Cauchy-Schwarz apparaît naturellement, mais moi je ne trouve pas du $n^2$ ...
  • Je précise, j'applique Cauchy-Schwarz avec $f$ et $g:x\mapsto x^k$, cela me donne au final que $\int_0^1 (f(x))^2 dx$ se minore par tout $2k+1$, et donc par $2n-1$, mais je ne suis pas encore au carré. Il doit falloir l'appliquer de manière plus subtile
  • Disons qu'une première étape consisterait à introduire le sev $E_n = \mathbb{R}_{n-1}[X]$.
    A demon  wind propelled me east of the sun
  • Moi ça me fait penser à une question de norme de projection orthogonale, et il doit y avoir du polynôme de Legendre la dedans, mais je n'ai pas le courage de m'y lancer.

    Il est vrai que Cauchy-Schwarz aurait été mon premier réflexe lorsque tu as ajouté le carré, mais contrairement à RLC, je n'y suis pas parvenu.
  • Oui moi aussi je suis de l'avis de math 2.

    L'hypothèse dit que pour tout polynôme $P$ de degré inférieur à $n-1$ on a
    $$
    \int_0^1 f(x) P(x) dx = P(1).

    $$ Considérons $L_k$ la base orthonormée des polynômes pour le produit scalaire $\langle f , g\rangle =\int_0^1 f(x) g(x) dx$.
    On a donc $$\int_0^1 f^2(x) dx \ge \sum_{k=0}^{n-1} \langle f , L_k \rangle ^2=\sum_{k=0}^{n-1} L_k(1)^2.

    $$ Ce n'est pas exactement les polynômes de Legendre car le produit scalaire est sur $[0,1]$. Notons $P_k$ le $k$-ème polynôme de Legendre qui est un système orthogonal pour le produit scalaire sur $[-1,1]$ avec la convention $P_k(1)=1$ et $<P_k,P_k>_{[-1,1]}=\frac{2}{2k+1}$. Sauf erreur de ma part, avec le changement de variables et la normalisation on aurait
    $$ L_k(x) =\sqrt{2k+1} P_k (2 x-1),

    $$ en injectant dans l'équation on a $$\int_0^1 f^2(x) dx \ge \sum_{k=0}^{n-1} (2k+1)=n^2.$$
  • Bonsoir psychcorse, tous les ingrédients de la solution sont bien là (et dans ce cas, on ne voit pas intervenir les matrices de Hilbert) ; ceci étant le calcul de la norme et la définition des polynômes de Legendre ne sont pas non plus une mince affaire et tu remplaces un problème par un autre ; pour information, le problème avait été soulevé par un élève de terminale à l'époque.
    A demon  wind propelled me east of the sun
  • Bonjour
    Soit $<u,v>$ le produit scalaire $\int_0^1 u(x) v(x) dx$
    et $L_j$ la famille de polynômes orthogonaux t.q $<L_j,L_j>=1,\ \deg(L_j)=j $ et on impose que le coefficient dominant soit $>0$ de façon à avoir l'unicité.
    Posons $H_n=\sum_{j=0}^{n-1} \sqrt{2j+1} L_j.$
    L'étude des $L_j$ étant (supposée) connue, on démontre par récurrence que
    $H_n$ vérifie $<H_n,L_j>=1,j=0,\ldots,n-1$ et que $<H_n,H_n>=n^2$

    En fait il est facile de voir que $H_n$ est l'unique élément de $\R_{n-1}[X]$ vérifiant les hypothèses.

    Maintenant une fonction $f\in C([0,1],\R)$ se décompose de façon unique en $f=p+ g$ avec $p\in \R_{n-1}[X]$ et $g$ dans l'orthogonal. Si $f$ vérifie les hypothèses alors $p=H_n$ et le résultat découle de Pythagore.
     
  • Possible que je me sois gourré en faisant de tête comme toujours.
    Mon idée était d'exprimer l'intégrale de $x^{n-1}f(x)$ au carré sous forme d'une intégrale double, de séparer les $f$ d'un côté et les puissances de l'autre par Cauchy-Schwarz.

    Edit : je vois le problème. Dommage, je pensais que l'astuce de l'intégrale double gommerait le problème du carré en jouant sur le fait que l'intégrale vaut 1
  • Les matrices de Hilbert interviennent lorsque l'on cherche le polynôme $P\in \R_{n-1}[X]$ qui est la projection orthogonale de $f$ sur $\R_{n-1}[X]$, ce qu'a fait bd2017 ci-dessus.

    En effet un tel polynôme vérifie $\langle P, x^k\rangle=1$ pour tout $k\in [\![0,n-1]\!]$ et et développant selon les coefficients $p_0,...,p_{n-1}$ de $P$, on se retrouve à résoudre le système $H_n \begin{pmatrix}
    p_0\\
    \vdots \\
    p_{n-1}
    \end{pmatrix}= \begin{pmatrix}
    1\\
    \vdots \\
    1
    \end{pmatrix}$

    où $H_n$ est la matrice de Hilbert $n\times n$.

    Pour finir, $\|f\|^2\geq \|P\|^2=\langle P,P\rangle = P(1)=\sum_k p_k$.

    En notant $e$ le vecteur de $\R^n$ qui ne contient que des 1, la dernière somme devient : $\sum_k p_k=\langle \begin{pmatrix}
    p_0\\
    \vdots \\
    p_{n-1}
    \end{pmatrix}, e\rangle= \langle H_n^{-1}e,e\rangle$ et cette dernière valeur est égale à la somme des coefficients de la matrice inverse de Hilbert qui vaut... $n^2$.

    Voir partie IV ici https://www.maths-france.fr/MathSpe/Problemes/Centrale/2011/Centrale_2011_MP_M2_Enonce.pdf

    et corrigé ici https://www.maths-france.fr/MathSpe/Problemes/Centrale/2011/Centrale_2011_MP_M2_Corrige.pdf

    surtout la question IV.A.6.

    PS. bon ça revient à ce qu'a fait bd2017 et psychcorse mais on voit intervenir les matrices de HIlbert... ce qui rend le tout plus long finalement.
  • Bonjour, à l'époque nous avions beaucoup "galéré" avec ce problème. Je note $(f|g) = \displaystyle \int_0^1 f(t)g(t) \mathrm dt $ le produit scalaire de deux fonctions de $E$ l'espace vectoriel des fonctions continues de $[0;\; 1]$ vers $\mathbb{R}$. Comme il a été dit, pour une fonction $f$ vérifiant la propriété indiquée plus haut ,on a $(f|P) = P(1)$ pour toute fonction polynomiale de $E_n$ et si $Q$ est la projection orthogonale de $f$ sur $E_n$, on a :
    $$
    f \; = \; \underbrace Q _{ \in E_n} +\underbrace {f-Q} _{ \in {E_n}^{\bot}} \; = \; Q + H.

    $$ De sorte que l'on a bien $ \displaystyle \int_0^1 f(t)^2 \mathrm dt = (f|f) = (Q+h|Q+h) = (Q|Q) + (h|h) \geq (Q|Q)$ car $Q\bot h$; il reste donc à évaluer $Q^2 = (Q|Q)$.
    Comme l'a dit Raoul, on a si $U = \left(\begin{array}{c}
    1 \\
    1\\
    \dots \\
    1
    \end{array} \right) $, alors si $Q(x) = \displaystyle \sum_{k=0}^{n-1} q_kx^k$ et $V = \left(\begin{array}{c}
    q_0 \\
    q_1\\
    \dots \\
    q_{n-1}
    \end{array} \right) $, on a $H\times V = U$ avec $H_n = \left(\begin{array}{ccc}
    \dots &\dots & \dots \\
    \dots & \dfrac{1}{i+j+1}&\dots \\
    \dots&\dots &\dots

    \end{array} \right) $ la matrice de Hilbert de taille $n$.

    On déduit de ceci que $Q(1) = n^2 \Leftrightarrow U^t H_n^{-1} U = n^2$, le membre de droite correspondant à la somme des entrées de l'inverse de la matrice de Hilbert (qui est notoirement difficile à inverser numériquement).

    La solution du problème qui nous a été donnée est la suivante: je note $f_k : x \to x^k$; on vérifie que $Q$ (la projection orthogonale de $f$ sur $E_n$ est telle que pour $0 \leq i < n$:
    $$
    Q \in vect (f_{i+1} - f_i)^{\bot},
    $$ cet orthogonal étant une droite vectorielle dans $E_n$ pour des raisons de dimension.
    On rappelle que $ \displaystyle \sum_{i=0}^{n-1} q_i \dfrac{1}{i+j+1} = 1 $ pour $0 \leq j < n$ (propriété de $f$).

    On pose alors $G(x)= \displaystyle \sum_{i=0}^{n-1} q_i \dfrac{1}{x+i+1} \; = \; \dfrac{N(x)}{ \displaystyle \prod_0^{n-1} (x+i+1 )} $, le degré de $ N$ ètant inférieur ou égal à $n-1$.
    On écrit $ (f|f) \geq (Q|Q) = \displaystyle \sum_{i=0}^{n-1} q_i$ et $ \displaystyle \lim_{x\to \infty} xG(x) = \displaystyle \sum_{i=0}^{n-1} q_i$ qui est aussi le coefficient de $x^{n-1}$ dans $N$.
    Sachant que $G(j) = 1$, on obtient $ N(j) = G(j) \times \displaystyle \prod_0^{n-1} (i+j+1 ) \; = \; \dfrac{(n+j)!}{j!}$

    Arrivent désormais les polynômes interpolateurs de Lagrange associés au système d'interpolation $\{0;\; 1;\; \dots ; n-1 \}$ qui permettent d'écrire $N(x) = \displaystyle \sum_{i=0}^{n-1} N(i) L_i (x) $ avec :
    $$
    L_i(x) = \prod_{j=0}^{n-1}_{i\neq j} \dfrac{x-j}{i-j} .

    $$ On veut donc le terme de degré $n-1$ dans $N$ soit $ \displaystyle \sum_{j=0}^{n-1} N(j)\dfrac{(-1)^{n-1-j}}{j!(n-j-1)!} $

    Bilan:

    $$ (Q|Q) = Q^2 = \displaystyle \dfrac{1}{(n-1)!}\sum_{j=0}^{n-1} (-1)^{n-1-j} \binom{n-1}{j} \dfrac{(n+j)!}{j!}

    $$ Il reste à évaluer cette somme: on part du polynôme $P_n(X) = X^n (1-X)^{n-1} $ et on évalue sa dérivée n-ième en 1 :
    1) $P_n(X) =\displaystyle \sum_{j=0}^{n-1} (-1)^j \binom{n-1}{j} X^{n+j}$, soit:
    $$
    P_n^{(n)}(X) =\displaystyle \sum_{j=0}^{n-1} (-1)^j \binom{n-1}{j} \dfrac{(n+j)!}{j!}X^{j}

    $$ et : $$

    P_n^{(n)}(1) =\displaystyle \sum_{j=0}^{n-1} (-1)^j \binom{n-1}{j} \dfrac{(n+j)!}{j!}

    $$ 2) on développe $P_n$ en puissances de $X-1$ : $$

    P_n(X) = \displaystyle \sum_{j=0}^{n} \binom{n}{j} (X-1)^{n+j-1} (-1)^{n-1}.

    $$ On peut alors en tirer la dérivée d'ordre $n$ en 1: $P_n^{(n)}(1) = n!\binom{n}{1}(-1)^{n-1}$. En comparant ces deux expressions, on obtient le résultat souhaité.
    Et tout cela est diablement long et compliqué d'où l'intérêt d'avoir reposé cette question 10 ans après.
    A demon  wind propelled me east of the sun
  • Je propose une extension de ce problème : On suppose qu'on a $n \geq 1$ et $f \in L^2 ([0;1])$, à valeurs réelles, telle que $\int _0 ^1 t^k f(t) \: dt $ a la même valeur pour tous $1 \leq k \leq n$. Montrer qu'alors $\int _0 ^1 f^2 (t) \: dt \geq (n \int _0 ^1 f (t) \: dt)^2 $ (remarquons que pour $n=1$, cela découle de Jensen ou de Cauchy-Schwarz).

    Je ne sais pas si les polynômes de Legendre suffisent. Je suggère plutôt de regarder du côté des déterminants de matrices de la forme $m_{i,j} = \frac{1}{a_i + b_j }$, mais il y a sans doute plusieurs méthodes.
  • @F. B je ne vois rien de vraiment nouveau. Le fait que f soir dans $L^2$ ne change rien et puis si tu désignes par $a$ la valeur commune, il suffit d'appliquer ce qui a été fait à la fonction $\dfrac{1}{a} f.$
     
  • Ici, on commence à $k=1$ et non à $0$.
  • Si tu prends $n=3$ et $f(x)=2-30 x^2+35x^3$

    On a $<f(x),x>=<f(x),x^2>=<f(x),x^3>=1/2$

    $<f(x),f(x)>=4$ et $(n <f(x),1>)^2=81/16>4$


    ça ne marche pas
     
  • Bon, je me suis peut-être trompé, alors.
  • Je propose la correction suivante de l'inégalité que je voulais proposer :
    On suppose que $\int _0 ^1 t^k f(t) \: dt $ a la même valeur pour tous $1 \leq k \leq n$ où $n$ est un entier pair.

    Alors $\int _0 ^1 f^2 (t) \: dt \geq {n+2 \choose 2} \left( \int _0 ^1 f(t) \: dt \right) ^2 $.

    J'espère que celle-ci est juste, même si elle ne généralise pas vraiment l'inégalité de départ.
  • Lars
    Modifié (August 2022)
    Bonsoir,
    Je cherchais autre chose et je tombe sur ce fil.
    Difficile de trouver ce qu'on cherche sur ce forum.
    Concernant la question initiale, on peut signaler l'inégalité suivante (réf. "Inequalities, Hardy-Littlewood-Pólya") équivalente à l'inégalité de Hilbert version $l^2 $ :
    $$\forall f\in L^2[0;1], \qquad\sum_{n\in \N} m_{n}^{2} \le \pi \int_{0}^{1} f^2$$ où $m_n=\int_{0}^{1}x^n f$ avec inégalité stricte sauf si $f$ est le vecteur nul.
    (J'imagine, je suppose, qu'on doit pouvoir améliorer cette inégalité si on tronque la série en utilisant la norme de la matrice de Hilbert correspondante. Oui, avec la preuve sous les yeux).
Connectez-vous ou Inscrivez-vous pour répondre.