Matrices de Hilbert
Bonjour, je reviens sur une question posée sur ce forum il y a quelques années ; une réponse avait été donnée qui n'était pas complète et je pense que la question méritait d'être revisitée ; voici la question.
On donne une fonction $f$ vérifiant :
1) $f$ est continue sur le segment $[0; \; 1]$.
2) pour un entier $n$ supérieur ou égal à $1$, on a : $$ \forall k \in [0; \; n-1] , \qquad \int_0^1 x^k f(x) \mathrm dx \; = \; 1. $$ On veut prouver que dans ces conditions, on a $ \displaystyle \int_0^1 f(x)^2 \mathrm dx \geq n^2$.
On donne une fonction $f$ vérifiant :
1) $f$ est continue sur le segment $[0; \; 1]$.
2) pour un entier $n$ supérieur ou égal à $1$, on a : $$ \forall k \in [0; \; n-1] , \qquad \int_0^1 x^k f(x) \mathrm dx \; = \; 1. $$ On veut prouver que dans ces conditions, on a $ \displaystyle \int_0^1 f(x)^2 \mathrm dx \geq n^2$.
A demon wind propelled me east of the sun
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Réponses
Il est vrai que Cauchy-Schwarz aurait été mon premier réflexe lorsque tu as ajouté le carré, mais contrairement à RLC, je n'y suis pas parvenu.
L'hypothèse dit que pour tout polynôme $P$ de degré inférieur à $n-1$ on a
$$
\int_0^1 f(x) P(x) dx = P(1).
$$ Considérons $L_k$ la base orthonormée des polynômes pour le produit scalaire $\langle f , g\rangle =\int_0^1 f(x) g(x) dx$.
On a donc $$\int_0^1 f^2(x) dx \ge \sum_{k=0}^{n-1} \langle f , L_k \rangle ^2=\sum_{k=0}^{n-1} L_k(1)^2.
$$ Ce n'est pas exactement les polynômes de Legendre car le produit scalaire est sur $[0,1]$. Notons $P_k$ le $k$-ème polynôme de Legendre qui est un système orthogonal pour le produit scalaire sur $[-1,1]$ avec la convention $P_k(1)=1$ et $<P_k,P_k>_{[-1,1]}=\frac{2}{2k+1}$. Sauf erreur de ma part, avec le changement de variables et la normalisation on aurait
$$ L_k(x) =\sqrt{2k+1} P_k (2 x-1),
$$ en injectant dans l'équation on a $$\int_0^1 f^2(x) dx \ge \sum_{k=0}^{n-1} (2k+1)=n^2.$$
Soit $<u,v>$ le produit scalaire $\int_0^1 u(x) v(x) dx$
et $L_j$ la famille de polynômes orthogonaux t.q $<L_j,L_j>=1,\ \deg(L_j)=j $ et on impose que le coefficient dominant soit $>0$ de façon à avoir l'unicité.
Posons $H_n=\sum_{j=0}^{n-1} \sqrt{2j+1} L_j.$
L'étude des $L_j$ étant (supposée) connue, on démontre par récurrence que
$H_n$ vérifie $<H_n,L_j>=1,j=0,\ldots,n-1$ et que $<H_n,H_n>=n^2$
En fait il est facile de voir que $H_n$ est l'unique élément de $\R_{n-1}[X]$ vérifiant les hypothèses.
Maintenant une fonction $f\in C([0,1],\R)$ se décompose de façon unique en $f=p+ g$ avec $p\in \R_{n-1}[X]$ et $g$ dans l'orthogonal. Si $f$ vérifie les hypothèses alors $p=H_n$ et le résultat découle de Pythagore.
Mon idée était d'exprimer l'intégrale de $x^{n-1}f(x)$ au carré sous forme d'une intégrale double, de séparer les $f$ d'un côté et les puissances de l'autre par Cauchy-Schwarz.
Edit : je vois le problème. Dommage, je pensais que l'astuce de l'intégrale double gommerait le problème du carré en jouant sur le fait que l'intégrale vaut 1
En effet un tel polynôme vérifie $\langle P, x^k\rangle=1$ pour tout $k\in [\![0,n-1]\!]$ et et développant selon les coefficients $p_0,...,p_{n-1}$ de $P$, on se retrouve à résoudre le système $H_n \begin{pmatrix}
p_0\\
\vdots \\
p_{n-1}
\end{pmatrix}= \begin{pmatrix}
1\\
\vdots \\
1
\end{pmatrix}$
où $H_n$ est la matrice de Hilbert $n\times n$.
Pour finir, $\|f\|^2\geq \|P\|^2=\langle P,P\rangle = P(1)=\sum_k p_k$.
En notant $e$ le vecteur de $\R^n$ qui ne contient que des 1, la dernière somme devient : $\sum_k p_k=\langle \begin{pmatrix}
p_0\\
\vdots \\
p_{n-1}
\end{pmatrix}, e\rangle= \langle H_n^{-1}e,e\rangle$ et cette dernière valeur est égale à la somme des coefficients de la matrice inverse de Hilbert qui vaut... $n^2$.
Voir partie IV ici https://www.maths-france.fr/MathSpe/Problemes/Centrale/2011/Centrale_2011_MP_M2_Enonce.pdf
et corrigé ici https://www.maths-france.fr/MathSpe/Problemes/Centrale/2011/Centrale_2011_MP_M2_Corrige.pdf
surtout la question IV.A.6.
PS. bon ça revient à ce qu'a fait bd2017 et psychcorse mais on voit intervenir les matrices de HIlbert... ce qui rend le tout plus long finalement.
$$
f \; = \; \underbrace Q _{ \in E_n} +\underbrace {f-Q} _{ \in {E_n}^{\bot}} \; = \; Q + H.
$$ De sorte que l'on a bien $ \displaystyle \int_0^1 f(t)^2 \mathrm dt = (f|f) = (Q+h|Q+h) = (Q|Q) + (h|h) \geq (Q|Q)$ car $Q\bot h$; il reste donc à évaluer $Q^2 = (Q|Q)$.
Comme l'a dit Raoul, on a si $U = \left(\begin{array}{c}
1 \\
1\\
\dots \\
1
\end{array} \right) $, alors si $Q(x) = \displaystyle \sum_{k=0}^{n-1} q_kx^k$ et $V = \left(\begin{array}{c}
q_0 \\
q_1\\
\dots \\
q_{n-1}
\end{array} \right) $, on a $H\times V = U$ avec $H_n = \left(\begin{array}{ccc}
\dots &\dots & \dots \\
\dots & \dfrac{1}{i+j+1}&\dots \\
\dots&\dots &\dots
\end{array} \right) $ la matrice de Hilbert de taille $n$.
On déduit de ceci que $Q(1) = n^2 \Leftrightarrow U^t H_n^{-1} U = n^2$, le membre de droite correspondant à la somme des entrées de l'inverse de la matrice de Hilbert (qui est notoirement difficile à inverser numériquement).
La solution du problème qui nous a été donnée est la suivante: je note $f_k : x \to x^k$; on vérifie que $Q$ (la projection orthogonale de $f$ sur $E_n$ est telle que pour $0 \leq i < n$:
$$
Q \in vect (f_{i+1} - f_i)^{\bot},
$$ cet orthogonal étant une droite vectorielle dans $E_n$ pour des raisons de dimension.
On rappelle que $ \displaystyle \sum_{i=0}^{n-1} q_i \dfrac{1}{i+j+1} = 1 $ pour $0 \leq j < n$ (propriété de $f$).
On pose alors $G(x)= \displaystyle \sum_{i=0}^{n-1} q_i \dfrac{1}{x+i+1} \; = \; \dfrac{N(x)}{ \displaystyle \prod_0^{n-1} (x+i+1 )} $, le degré de $ N$ ètant inférieur ou égal à $n-1$.
On écrit $ (f|f) \geq (Q|Q) = \displaystyle \sum_{i=0}^{n-1} q_i$ et $ \displaystyle \lim_{x\to \infty} xG(x) = \displaystyle \sum_{i=0}^{n-1} q_i$ qui est aussi le coefficient de $x^{n-1}$ dans $N$.
Sachant que $G(j) = 1$, on obtient $ N(j) = G(j) \times \displaystyle \prod_0^{n-1} (i+j+1 ) \; = \; \dfrac{(n+j)!}{j!}$
Arrivent désormais les polynômes interpolateurs de Lagrange associés au système d'interpolation $\{0;\; 1;\; \dots ; n-1 \}$ qui permettent d'écrire $N(x) = \displaystyle \sum_{i=0}^{n-1} N(i) L_i (x) $ avec :
$$
L_i(x) = \prod_{j=0}^{n-1}_{i\neq j} \dfrac{x-j}{i-j} .
$$ On veut donc le terme de degré $n-1$ dans $N$ soit $ \displaystyle \sum_{j=0}^{n-1} N(j)\dfrac{(-1)^{n-1-j}}{j!(n-j-1)!} $
Bilan:
$$ (Q|Q) = Q^2 = \displaystyle \dfrac{1}{(n-1)!}\sum_{j=0}^{n-1} (-1)^{n-1-j} \binom{n-1}{j} \dfrac{(n+j)!}{j!}
$$ Il reste à évaluer cette somme: on part du polynôme $P_n(X) = X^n (1-X)^{n-1} $ et on évalue sa dérivée n-ième en 1 :
1) $P_n(X) =\displaystyle \sum_{j=0}^{n-1} (-1)^j \binom{n-1}{j} X^{n+j}$, soit:
$$
P_n^{(n)}(X) =\displaystyle \sum_{j=0}^{n-1} (-1)^j \binom{n-1}{j} \dfrac{(n+j)!}{j!}X^{j}
$$ et : $$
P_n^{(n)}(1) =\displaystyle \sum_{j=0}^{n-1} (-1)^j \binom{n-1}{j} \dfrac{(n+j)!}{j!}
$$ 2) on développe $P_n$ en puissances de $X-1$ : $$
P_n(X) = \displaystyle \sum_{j=0}^{n} \binom{n}{j} (X-1)^{n+j-1} (-1)^{n-1}.
$$ On peut alors en tirer la dérivée d'ordre $n$ en 1: $P_n^{(n)}(1) = n!\binom{n}{1}(-1)^{n-1}$. En comparant ces deux expressions, on obtient le résultat souhaité.
Et tout cela est diablement long et compliqué d'où l'intérêt d'avoir reposé cette question 10 ans après.
Je ne sais pas si les polynômes de Legendre suffisent. Je suggère plutôt de regarder du côté des déterminants de matrices de la forme $m_{i,j} = \frac{1}{a_i + b_j }$, mais il y a sans doute plusieurs méthodes.
On a $<f(x),x>=<f(x),x^2>=<f(x),x^3>=1/2$
$<f(x),f(x)>=4$ et $(n <f(x),1>)^2=81/16>4$
ça ne marche pas
On suppose que $\int _0 ^1 t^k f(t) \: dt $ a la même valeur pour tous $1 \leq k \leq n$ où $n$ est un entier pair.
Alors $\int _0 ^1 f^2 (t) \: dt \geq {n+2 \choose 2} \left( \int _0 ^1 f(t) \: dt \right) ^2 $.
J'espère que celle-ci est juste, même si elle ne généralise pas vraiment l'inégalité de départ.