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Théorie des représentations et chimie

Bonjour à tous
J'essaye de comprendre l'utilité de la théorie des représentations, notamment en physique. Pour cela, je me suis lancé dans de la chimie théorique et ses histoires d'orbitales moléculaires. J'aimerais ainsi savoir si mon explication ci-dessous de l'utilité de la théorie des représentations est juste (et si non, je serais immensément reconnaissant à l'âme charitable qui pourrait m'expliquer son utilité).

Version courte. Pourquoi utiliser la théorie des représentations / table de caractères en "chimie quantique" ? Apparemment car cela nous permet de trouver une base qui diagonalise l'hamiltonien grâce aux représentations irréductibles. Est-ce que j'ai bon ?

Version longue. On se place initialement dans l'espace vectoriel formé des orbitales de "valence" de chaque atome de la molécule. Notons n la dimension de cet espace (dans le cas de l'eau cet espace est de dimension 6).

L'objectif est de diagonaliser notre hamiltonien dans cet espace : trouver des vecteurs propres, ie une configuration d'orbitales de valence, dont l'énergie est définie, et qui nous formeront une base de notre espace.

Mais plutôt que de s'attaquer à l'hamiltonien, on va passer par le groupe de symétries associé à cette molécule. Dans l'espace que nous considérons, les représentations des symétries commutent avec l'hamiltonien. On peut donc diagonaliser l'hamiltonien et ces matrices représentant nos symétries à l'aide d'une seule et même base de vecteurs propres.

Et, si j'ai bien compris, l'utilité de la théorie des représentations, est de permettre cette diagonalisation sans passer par l'étape habituelle du calcul et de la résolution du polynôme caractéristique.

En effet, on peut, grâce à la table de caractère associée à notre groupe de symétries, décomposer notre espace en un ensemble de représentations irréductibles et obtenir une base pour cette décomposition en projetant notre base d'orbitales de valences.

Bref, au risque de me répéter, l'intérêt de la théorie des représentations est qu'elle permet de trouver des vecteurs propres de l'hamiltonien sans avoir à passer par le polynôme caractéristique (j'imagine que l'on fait cela car le calcul / la résolution du polynôme caractéristique est trop complexe à partir d'une certaine dimension n).

En remerciant, encore une fois, tout ceux qui voudront bien m'aider à y voir plus clair.

Réponses

  • Je n'avais pas vu ce fil, et je suis un peu désolé de le faire remonter pour une si courte réponse, mais je voulais formuler une petite idée que j'ai mis du temps à comprendre.

    Une théorie physique doit, pour chaque situation du monde réel, proposer un objet mathématique représentant cette situation, et, de plus, pour chaque changement de situation, proposer une transformation de l'objet mathématique qui reflète ce changement de situation.

    La physique quantique se propose d'associer à chaque truc un espace de Hilbert, et à chaque situation un vecteur de norme $1$ ; les transformations correspondant aux changements de situation doivent alors être des opérateurs unitaires.

    Ainsi, peu importe l'objet que tu considères, s'il est muni d'un groupe de symétries concret $G$, alors le minimum que doit te fournir la physique quantique, c'est un espace de Hilbert $\mathcal{H}$ et une représentation $G \rightarrow U(\mathcal{H})$.

    En outre, comme tu l'as dit, le hamiltonien, censé représenter l'énergie qui, par définition, est la quantité préservée par les symétries, se retrouve donc à commuter aux opérateurs unitaires de la représentation.

    Bref, le truc fondamental, ce n'est pas que la théorie des représentations est utile pour diagonaliser le hamiltonien : c'est que c'est l'objet de base !
  • Désolé pour le temps mis à répondre. Je ne m'attendais plus à une réponse :)

    Merci Georges pour ton point de vue. Il est très intéressant et fait sens.

    Tu dis que c'est une "petite idée que [tu as] mis du temps à comprendre". Cela veut-il dire qu'une autre raison expliquerait l'usage de la théorie des représentations ou, autre possibilité, qu'on enseigne ses principes sans donner les raisons ou le contexte historique ?
  • Ben je dirais que les physiciens et physiciennes ne se soucient pas vraiment des « détails d’implémentation » des objets mathématiques qui formalisent les objets physiques auxquels ils ou elles. Une fois, sur un forum, un intervenant a dit que quelqu’un notait de la même façon un groupe de Lie et son algèbre de Lie, au motif que les deux sont « les mêmes » puisque l’un est « une version infinitésimale de l’autre ». De plus, j’ai l’impression (sans pouvoir donner d’exemple précis) que certains artifices de calcul sont promus au rang de réalités physiques. Pour donner quand même un exemple qui est probablement anachronique et exagéré, l’énergie, d’un point de vue matheux, peut juste être vue comme une intégrale première d’un système conservatif, et donc juste une remarque du style « en fait cette équation nous permet d’utiliser une astuce qui fait baisser de un la dimension de l’espace des phases et simplifie donc le problème de sa résolution ». Mais bien évidemment, en physique, ça a été monté en épingle au plus haut point !

    Bref, la relation qu’entretient la physique avec les maths qui formalisent ses théories me semble complètement utilitariste et que la réponse à une question de la forme « pourquoi cet objet plutôt qu’un autre ? » est « parce que ça marche », ce qui ne me satisfait personnellement pas du tout (enfin, en partie mais bon).
    Cela dit, il me semble y avoir une petite communauté physique qui est plus sensible à ces questions.
  • Ce qui me dérange, pour prendre l'exemple de la mécanique quantique, c'est que j'ai l'impression que l'on pose des axiomes a priori, un espace de Hilbert, un vecteur de norme 1. Comment en est-on arrivé à poser ces axiomes et pas d'autres ?
    Cordialement.
    Jean-Louis.
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