Transfert et gain algébrique ?

Bonjour,
j'essaie d'aider mon petit-frère qui passe de la Sup à la Spé cet été, après avoir été dans sa situation, et j'avoue que cela m'amuse :-)
Un des exercices de vacances consiste à étudier la variable aléatoire $X$ qui vérifie $P(X=k)=\frac{1}{k(k+1)}$.
Plusieurs choses sont demandées qu'il a bien traitées : montrer que c'est une proba, qu'elle n'admet pas d'espérance, des inégalités, trouver sa série génératrice. Bref du classique :-)
Mais à la fin, il y a un aspect sur lequel on bloque.

On demande de calculer une espérance de gain algébrique : on imagine que l’on est au casino, si $X$ est pair, on gagne $X$ (donc si $X = 2$, le joueur gagne 2€) et si $X$ est impair, on perd $X$ (donc si $X = 3$, le joueur perd 3€). On demande de calculer l’espérance du gain algébrique du joueur. J’étais parti pour dire que ce gain s’écrit $(-1)^X * X$ et alors on aurait $E(G)=\sum_{k=1}^{\infty} \frac{(-1)^k}{(k+1)}=\ln(2)$. Ça me semble bon. Le problème, c’est que dans le cours on exige, pour appliquer le théorème de transfert ou calculer une espérance, que la série des $f(x_k) P(X=x_k)$ converge ABSOLUMENT. Ce n’est pas le cas de la série de tg $(-1)^k/(k+1)$ qui converge mais pas absolument (grâce au cssa).
Voyez-vous comment contourner cette impasse ? Ou alors on ne peut pas calculer d’espérance ? Je pense qu’on peut parce qu'il me semble déjà avoir vu ce genre de questions quand j'étais à sa place ;)

Et aussi, une question que je me posais personnellement. Auriez-vous une idée d'un phénomène que pourrait modéliser cette variable aléatoire… J’ai essayé de trouver une situation, de voir le problème avec des dés, des urnes, des boules, des permutations, mais rien ne marche. Je suis bloqué par le fait que l’univers est $\N^*$ donc on imagine une expérience « infinie ». Auriez-vous des pistes ?

Je vous souhaite une excellente soirée !

Réponses

  • Bonjour,
    L'espérance n'est pas définie puisque la série [qui] devrait servir à la calculer ne converge pas absolument. C'est dans la définition d'une espérance.
  • Bonsoir,

    merci pour votre réponse !
    La question serait donc un piège du professeur, pour voir si on pense à toutes les hypothèses pour bien définir l'espérance ? C'est astucieux de sa part !

    Ma question va probablement être très stupide, mais qu'est-ce qui justifie qu'on exige ici l'absolue convergence ?
    La somme est pourtant calculable, donc on a l'impression qu'on peut lui donner un sens...

    Avez-vous une idée aussi pour le problème modélisé par cette loi ?

    Bonne nuit !
  • ???
    On doit pouvoir associer les termes 2 à 2. P(X=k)+P(X=k+1) est calculable ; Le gain correspondant au cumul des ces 2 cas, on peut calculer son espérance.
    Et on doit obtenir une série qui a toutes les bonnes qualités, non ?

    Comme vous me faites douter, on doit pouvoir croiser 2 calculs : d'une part on associe (1,2) (3,4) ... (2k+1, 2k+2)... et on fait le calcul ainsi.
    Et on refait le calcul en prenant 1 tout seul puis (2,3),(4,5), ...(2k,2k+1) ...

    Si ces 2 calculs donnent bien le même résultat (vous me faites douter), alors je ne vois vraiment pas ce qui nous interdirait de faire cette démarche.
    Si ces 2 calculs ne donnent pas le même résultat, il y a quelque chose qui m'échappe.
    Tu me dis, j'oublie. Tu m'enseignes, je me souviens. Tu m'impliques, j'apprends. Benjamin Franklin
  • Bonjour,

    tout d'abord la somme de la série qui donnerait l'espérance vaut $\ln 2-1$ et pas $\ln 2$.

    On impose la convergence absolue pour définir l'espérance car l'espérance est une moyenne (pondérée par les probabilités) et elle ne doit pas dépendre de l'ordre dans lequel on fait intervenir les valeurs (pour la série harmonique alternée la somme dépend de l'ordre dans lequel on écrit les termes).
    Une autre façon de le voir ici est de considérer qu'on a un gain $G_1$ si $X$ est pair et une perte $P_1$ si $X$ est impair :
    $G_1=2k$ si $X=2k$, 0 sinon
    $P_1=2k+1$ si $X=2k+1$, 0 sinon
    Il est clair que $G_1$ et $P_1$ n'ont pas d'espérance finie donc il est normal que $G=G_1-P_1$ n'en ait pas.

    Enfin on peut modéliser $X$ de la façon suivante.
    On dispose d'une infinité d'urnes telles que l'urne $U_k$ ($k\geq1$) contienne $k+1$ boules numérotées de 1 à $k+1$.
    On effectue des tirages d'une boule dans ces urnes, dans l'ordre $U_1,U_2,\dots$, jusqu'à ce qu'on obtienne une boule numérotée 1.
    $X$ est le nombre de tirages effectués.
  • Bonjour,

    @Lourran, je vous avoue que je suis moi aussi un peu perdu maintenant, notamment après la première réponse de @Calli…

    Si on décide de grouper deux termes consécutifs, on est amené à calculer
    $$\sum_{k=1}^{\infty} (-1)^{2k-1} \frac{2k-1}{2k(2k-1)} + (-1)^{2k} \frac{2k}{2k(2k+1)}= \sum_{k=1}^{\infty} -\frac{1}{2k} + \frac{1}{2k+1}=\sum_{k=1}^{\infty} -\frac{1}{2k(2k+1)}$$
    Qui, cette fois, converge absolument par Riemann. Si on sortait alors $H_n$ et son équivalent à $\ln(n)+\gamma+o(1)$, on devrait raisonnablement pouvoir refaire apparaître $\ln(2)-1$ je pense.

    Mais même si on a « réarrangé » le calcul de l’espérance, on n’a pas vraiment appliqué la définition de l’espérance qui exige l’absolue convergence, j’ai vraiment l’impression qu’on triche et qu’il y a quelque chose de plus ambigu…
    Qu’est-ce-qui serait attendu selon vous, si cette question était posée à l’oral (l’exercice est un sujet d’oral en fait) ?

    Bonne journée !
  • L'idée intuitive de l'espérance c'est qu'elle est presque égale à la moyenne empirique d'une répétition de l'expérience aléatoire quand le nombre de répétitions devient très grand, non ? L'espérance est la "valeur moyenne qu'on peut espérer" lors d'une répétition de l'expérience aléatoire. Autrement dit, on voudrait que si $(X_n)$ est une suite v.a. indépendantes de même loi que $X$, $\frac{X_1+\dots+X_n}n$ converge avec probabilité 1 vers $\Bbb E[X]$ quand $n\to \infty$. C'est ce qu'on appelle la loi forte des grands nombres. Dans le cas contraire, la notion d'espérance n'aurait que peu d'intérêt puisqu'elle perdrait son interprétation statistique. Quand $\sum_{x\in X(\Omega)} |x|\,\Bbb P(X=x)$ converge (absolument), cette loi est vérifiée.

    Soit $(G_n)$ une suite de v.a. indépendantes de même loi que le $G$ défini dans le premier message. A-t-on $\color{blue}{\frac{G_1+\dots+G_n}n \longrightarrow \ln(2)-1}$ p.s. ? Non ! En fait, $\frac{G_1+\dots+G_n}n$ n'est même pas borné. Voilà ce qui se passe quand $\Bbb E[|G|]=+\infty$ !

    Prouvons-le. Notons, pour tout $n$, $\overline G_n := \frac{G_1+\dots+G_n}n$. Soient $B$ l'événement $ \{(\overline G_n) \text{ est borné}\}$ et, pour tout $n$, $A_n:=\{ |G_n|>n \ln n\}$. Puisque $\forall n, \frac{G_n}n = \overline G_n-\frac{n-1}n \overline G_{n-1}$, on a $B\subset \{(\frac{G_n}n) \text{ est borné}\}$. Donc $B\cap(\limsup A_n) = \varnothing$. Or $\Bbb P(A_n) = \sum_{k>n\ln n} \frac1{k(k+1)} \sim \frac1{n\ln n}$ donc $\sum_{n=1}^\infty \Bbb P(A_n) =+\infty$. Comme les $(A_n)$ sont indépendants, le lemme de Borel-Cantelli montre que $\Bbb P(\limsup A_n)=1$, puis que $\Bbb P(B)=0$.
  • ThomPark a écrit:
    Qu’est-ce-qui serait attendu selon vous, si cette question était posée à l’oral (l’exercice est un sujet d’oral en fait) ?

    « L'espérance n'est pas définie puisque la série qui devrait servir à la calculer ne converge pas absolument. C'est dans la définition d'une espérance. » :-D
  • Un autre truc : C'est naturel pour vous (ThomPark et lourrran) de sommer $\sum_{k=1}^\infty (-1)^k k\frac1{k(k+1)}$ dans l'ordre croissant des $k$ et d'appeler ça "espérance de $G$", bien que d'autres ordres de sommation donnent des valeurs complétement différentes (théorème de réarrangement de Riemann). Ça se comprend. Mais si je pose la v.a. discrète $Y$ telle que $\forall (n,m)\in(\Bbb N^*)^2,\; \Bbb P(Y=(-2)^n(-3)^{-m}) = \dfrac1{\ln(2) \,n\,2^n} \dfrac1{m(m+1)}$, vérifiant $\Bbb E[|Y|]=+\infty$ et $\sum\limits_{y\in Y(\Omega)} y\,\Bbb P(Y=y)$ ne diverge pas grossièrement, quel ordre de sommation choisissez-vous pour calculer $\Bbb E[Y]$ ? :-D
  • Bonjour,

    merci pour vos réponses !

    En postant à peine quelques secondes après jandri, je suis passé à côté de votre réponse ! En effet, j'avais fait une petite erreur (c'est bien la peine de lui dire de connaître ses DSE par coeur...) dans les indices et dans le calcul de la somme. Votre modélisation correspond exactement à ce que j'essayais d'imaginer, c'est super ! Merci beaucoup :)

    En effet, maintenant que vous le dites, on est face à une série semi-convergente, et "physiquement", il est assez inacceptable que la somme dépende de l'ordre de sommation des termes. Je comprends mieux maintenant cette condition ! (Après, je dois avouer que même après avoir vu des preuves et plein d'exemples tout à fait juste et qui m'ont convaincu, j'ai toujours trouvé "magique" le fait que changer l'ordre des termes change la valeur...)
    Calli a écrit:
    « L'espérance n'est pas définie puisque la série qui devrait servir à la calculer ne converge pas absolument. C'est dans la définition d'une espérance. »
    Finalement, c'est de toute façon vrai ! L'examinateur ne pourra pas lui reprocher de méconnaître son cours ;)
    Merci également pour la preuve, il m'a fallu un peu de temps pour tout comprendre, mais en puisant dans mes souvenirs, ça l'a fait. Je la trouve vraiment très instructive, je la montrerai à mon frère, ça lui permettra de "jouer" un peu avec les séries !
    Calli a écrit:
    quel ordre de sommation choisissez-vous pour calculer E[Y] ?
    La somme qui ne dépend que de $m$ va pouvoir s'écrire $\sum_{m=1}^{\infty}(-1)^m \frac{1}{m 3^m}-\frac{3}{(m+1) 3^{m+1}}=\ln(4/3)-3(\ln(4/3)-1)=-3-2\ln(4/3)$ et la somme qui dépend de $n$ nous redonne $-1$. Si la famille était sommable, on pourrait isoler les deux sommes et obtenir le produit des deux. Cela, c'est si je fais défiler alternativement les $m$ et $n$. J'imagine que si on prend un ordre qui découle de la bijection utilisée pour montrer que $Y(\Omega)$ est dénombrable, on obtient alors autre chose (même si je ne vois pas trop comment le prouver) ?

    Encore merci et bon après-midi !
  • J'ai retrouvé une variante de la modélisation pour $X$ telle que $P(X=k)=\dfrac{1}{k(k+1)}$ :

    une urne contient au départ une boule blanche et une rouge. On fait des tirages d'une boule : à chaque tirage, si la boule tirée est blanche on la remet dans l'urne avec une autre blanche, si elle est rouge on s'arrête. $X$ désigne le nombre de tirages effectués.
  • Bonjour jandri,

    en effet, cela marche tout à fait et c'est peut-être plus simple à concevoir (plutôt qu'une infinité d'urnes^^).
    Merci à tous pour votre aide ! Je poserai peut-être d'autres questions s'il m'en vient au gré de ses révisions !
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