Phases d'interprétation d'un énoncé

Quelles étapes devrait suivre un élève (fin primaire/collège) pour extraire les équations d'un énoncé et comment devrait-il les mener ?

Bien sûr il n'y a aucune méthode générale applicable à tous. Je parle ici du processus classique d'identification-traduction, basique et commun à tous les problèmes.

Une proposition de plan :

1) Lecture globale de l'énoncé ?

2) Relecture : Identification de ou des inconnues ?

3) Recherche d'une ou plusieurs équations ? Comment expliquer très proprement cette étape ?



D'avance merci pour vos conseils.

Réponses

  • Il s'agit de la phase de modélisation. Comme disait George Box, "Tous les modèles sont faux mais certains sont utiles". La première étape est donc d'identifier ce que l'on souhaite obtenir comme information à partir d'une modélisation. Au collège, c'est souvent une seule valeur. Lui donner un nom et lui attribuer le statut d'inconnue est une étape assez classique. Ensuite, la transposition d'hypothèses de l'énoncé sous forme algébrique permet d'obtenir un modèle utilisable. Enfin, la technique mathématique permet de déterminer l'inconnue. Il convient ensuite de vérifier la cohérence du résultat et de discuter le cas échéant de la pertinence et des limites du modèle. C'est là qu'en pratique, on se rend souvent compte que c'est l'énoncé qui est plus ou moins bancal.
  • Je ne sais absolument pas répondre et je pense qu’il n’y a aucune méthode véritablement. Le mieux est de prendre des exemples concrets. Voici un énoncé.
    Nina s'amuse à faire des ricochets au bords de l'eau. Elle lance un caillou qui effleure l'eau à 3m d'elle. Cette pierre effectue alors 3 rebonds :
    - la longueur du 2ème rebond est égale aux trois quarts de la longueur du premier;
    - la longueur du dernier rebond mesure le tiers du deuxième rebond.
    Sachant que le cailloux coule à 7m de Nina, déterminer la longueur de chaque rebond.
    Grand classique : l’élève zappe ce ’’alors’’ et considère que le premier rebond a une longueur de 3 mètres, bien entendu à la fin il y a un problème avec ce 7 mètres...Certains fronceront les sourcils et d’autres valideront sans sourciller...J’ai donné le même exercice récemment à une élève qui rentre en terminale spé maths et bien entendu elle a fait la même chose mais plus étonnant encore : le 7 mètres ne l’a pas dérangé et elle a même pensé que c’était une donnée ’’piège’’ inutile, elle avait compris que la pierre était tombée à une profondeur de 7 mètres...
  • Je ne sais pas répondre non plus.
    Dans ces exercices les problèmes viennent de la compréhension du français, d’abord.
    Ensuite, il peut manquer du lexique mathématique.
    Le fameux (et ringard ?) « retrancher » par exemple, pose la plupart du temps un problème. Et ce n’est pas un problème mathématique.
  • Sur l'exercice de 6e :

    Il y a 3 rebonds et on veut connaitre leurs longueurs inconnues respectives qu'on peut appeler r1, r2 et r3. L'élève devrait faire un schéma pour bien représenter la situation et éviter des erreurs de modélisation.

    Sans trop se casser la tête, mais en sachant à quoi ressemble un lancé à ricochets (il faut s'assurer que les élèves sachent ce que c'est) et en choisissant comme unité de longueur le mètre, on écrit 3+r1+r2+r3=7. En analysant ensuite les informations surréalistes de l'énoncé on peut écrire que r2=(3/4)r1 et r3=(1/3)r2.

    Arrivent ensuite les difficultés mathématiques, du calcul fractionnaire (dur en 6e ?) : r3=(1/3)(3/4)r1=(1/4)r1 donc l'égalité facile à écrire du début donne : 3+r1+(3/4)r1+(1/4)r1=7 d'où, encore une difficulté de calcul fractionnaire, 3+2r1=7 d'où, technique de résolution d'équation (en 6e ?), 2r1=4 et donc r1=2 puis r2=1,5 et r3=0,5.

    Ces longueurs sont cohérentes pour un lancé à ricochets. Le modèle suppose que le caillou avance en ligne droite. La hauteur de vol du caillou est négligée.

    Dans quel mesure l'exercice n'est pas totalement artificiel ? Supposons avoir une photo avec les impacts mais d'échelle inconnue. On peut mesurer les rapports r3/r2 et r2/r1 sur la photo. Si Nina s'est placée à trois pas du bord, qu'on suppose qu'un pas mesure 1 mètre et qu'elle vise le début de l'étendue d'eau, les hypothèses sont vérifiées. Seulement, on obtient par proportionnalité la distance totale de 7m non mesurable en pratique sans se mouiller, on pourrait directement obtenir r1, r2 et r3 de la même manière... Donc il faudrait inventer une histoire où on mesure les 7 mètres en allant dans l'eau... Enfin, quel est l'intérêt de connaître la longueur des rebonds dans cette histoire ? Le but du jeu est d'en faire le plus possible et d'aller le plus loin possible ! C'est une histoire à dormir debout !

    Je ne suis pas toujours sûr de la pertinence pédagogique à long terme de proposer des "faux problèmes" pour mettre en œuvre des compétences mathématiques, il y en a assez de vrais ! Cela vide la résolution de problèmes de sa substance je trouve.

    Revenons sur la difficulté mathématique, le modèle ci-dessus est difficilement exploitable par un élève de 6e. Par contre, il peut faire un schéma avec 1 carreau correspondant à la longueur du dernier rebond, construire les deux rebonds précédents par compréhension élémentaire des fractions, compter en tout 8 carreaux pour le vol en rebond et en déduire, en remarquant que la distance de vol en rebond est de 7m-3m=4m, et que donc 1 carreau représente 50 cm. C'est pas mal d'un point de vue scientifique mais cela donne l'impression que c'est compliqué.
  • La compréhension est instantanée avec la balance http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?18,2122094,page=1 l'inconnue est apparente.
    La question de la maîtrise du français est secondaire pour ce genre de chose, je dirais qu'elle est plus importante pour des problèmes en plusieurs étapes.
    Si tu veux aller plus loin, les problèmes "en barre" peuvent s'écrire aussi facilement et comme ça on peut apprendre à extraire les systèmes d'équations et aussi facilement les substitutions.

    Un indice préalable pour savoir si la dextérité calculatoire va s'installer vite et de faire un distributivité simple puis double par rapport à l'addition.

    Après on peut toujours "faire confiance" à la progression EN, creuser le pourquoi du comment sur un contenu conceptuel inexistant et aborder la double distributivité fin 3e et les identités remarquable en seconde ...

    Edit : le genre de problème exposé par Biely est bien pour poursuivre, mais pour introduire il faut vraiment que ce soit très simple, sinon ça ne marchera pas.
    "J'appelle bourgeois quiconque pense bassement." Gustave Flaubert
  • Aborder la résolution de problèmes de ce type sans technique de résolution d'équation (la balance convient tout à fait) est en effet un véritable exercice de contorsion ! Un aspect mathématique important qui manque aussi, est de se demander, si les informations données sont suffisantes pour garantir l'existence et l'unicité d'une solution.
  • Merci beaucoup à tous pour cette pluie de réponses !


    Au final bien comprendre la syntaxe d'une phrase pour en comprendre le sens est le coeur du problème, soit purement un problème de maîtrise du français.

    Mais je pense que ces lacunes trouvent leur source encore plus en amont. Le ruisseau qui alimente ces faiblesses coule par manque d'envie de comprendre ce qui nous fait obstacle.

    Si seulement il existait un filtre d'amour pour la logique pour faire barrage à ces erreurs en cascade...8-)

    Quelqu'un veut faire des ricochets ?
  • Un cours avec beaucoup de reformulations, qui utilise pas mal de synonymes (voir antonymes) peut-il diminuer ces problèmes ?

    Pour que les jeunes se réapproprient facilement des énoncés en des mots qui sont les leurs, ça me paraît être une solution.
  • Pour être facilement compris, un énoncé doit utiliser un vocabulaire simple composé de peux de mots. Chaque phrase doit idéalement ne contenir qu'une seule information. Si une ambiguïté est possible, elle doit être explicitement levée.

    Il n'est pas nécessaire que les jeunes "s'approprient" les énoncés avec "leurs mots" pour qu'ils les comprennent. C'est l'occasion de leur apprendre la précision du vocabulaire. Les re-formulations approximatives sont souvent l'occasion d'appuyer sur cette précision en montrant en quoi une autre formulation peut avoir un sens différent.

    Évidement, entre un énoncé analysé collectivement en classe ou un énoncé de devoir surveillé, les opportunité d'enseignement sont très différentes ! En classe, on peut faire participer le plus grand nombre à l'analyse en s'appuyant sur un schéma typique suivant cette chronologie :

    1) élève moyen qui manque de précision
    2) élève faible qui se trompe mais qui au moins aura participé et deviendra attentif
    3) élève fort qui explique correctement

    Dans tous les cas, le niveau de langue ne devrait pas être un obstacle à l'analyse d'un énoncé en mathématiques. Le lieu de l'enrichissement du vocabulaire est plutôt celui du cours de français.
  • @philou22 Je suis entièrement d'accord avec toi mais j'en arrive quand même à me demander s'il faut faire des cours de français adaptés aux mathématiques...:)o:-(:-S Il me semble que certains professeurs de français n'arrivent pas à faire ou ne font pas un travail d'enrichissement du vocabulaire, de la grammaire etc...suffisant au niveau primaire/collège. C'est très dur je le conçois, mais il est tout aussi dur de reprendre le flambeau en parallèle pour un prof de maths, si les matières ne se suivent, ni ne se complètent pas l'une l'autre.

    C'est beau d'étudier des grands classiques de la littérature mais à quoi bon si les $\frac{3}{4}$ d'une classe peinent à comprendre le sens des phrases voir même des mots.
  • Bonjour,

    @philou22 : Si on écrit, dans l'expression peu de mots, le mot peu avec un x, alors c'est qu'il est au pluriel et que donc il y en a beaucoup, finalement, de mots. Contradiction.:-D

    En ce qui concerne les énoncés il est bon je pense d'en varier les structures grammaticales ainsi que le vocabulaire, en commençant bien sûr par les plus simples. Malheureusement, il est difficile d'envisager d'étudier les plus complexes de ce point de vue, par manque de temps.
  • Il suffit de voir les erreurs classiques avec les traditionnels « deux de plus », « deux fois plus » qui sont traduits avec l’opération $+$ le plus souvent (« ben.. y a écrit ”plus” ») et parfois sans aucune compréhension.
    Par exemple, voici un énoncé très court qui mêle plusieurs problèmes de compréhension :

    « Robert a huit ans et deux ans de plus que moi, quel âge ai-je ? »

    - la tournure de la phrase est très difficile (je l’ai fait exprès) avec ce « et » qui rend même le style assez moche
    on pourrait même écrire « [...] à huit ans et deux de plus que moi » pour enfoncer le clou et créer des froncements de sourcils en pagaille (:P)
    - la question aussi est difficile car peu courante quand elle est posée de cette manière (il vaudrait mieux écrire par exemple « quel est mon âge ? », là aussi je l’ai fait exprès).
    - les nombres sont écrits en lettres (je pense pourtant que c’est ce qu’il faut faire contrairement au dogme qui demande de les écrire en chiffres, en effet, comme les enfants sont fainéants - comme les adultes ! - et cherchent les nombres en premier sans s’intéresser à ce qu’ils représentent, il vaut mieux selon moi les écrire en lettre pour obliger à comprendre le sens - sauf peut-être pour les prix, les dates ou les gros nombres)
    - la majorité va écrire 8+2 même si l’on écrit une phrase plus simple en compréhension. J’ai déjà assisté à des remédiations du genre « quand tu vois ”plus”, tu écris ”+” » ce qui ne fonctionne pas ici sauf à maîtriser l’abstraction et l’utilisation d’une lettre ou d’un « trou » dans l’addition.

    Je reformule l’exercice pour qu’il pose moins de problèmes liés au français.

    « Robert a huit ans. Quel est mon âge, sachant qu’il a deux ans de plus que moi ? »

    J’ajoute un autre exercice et j’invite tous les profs à l’essayer dans n’importe quel niveau.
    « Jacques a 6 stylos dans la poche gauche et 9 stylos dans la poche droite. Quel âge a-t-il ? ».
    Régalez-vous, c’est cadeau !
    a) ceux qui comprennent très bien l’exercice vont s’exclamer « je ne comprends pas ! ». C’est bras-m’en-tombesque !
    b) d’autres vont trouver 15 ans
    c) quelques uns vont trouver « 69 ans » et si vous échangez droite/gauche vous aurez aussi des « 96 ans ».
    d) bravo à l’élève (pourtant qualifié de « moyen ») qui va écrire « on ne peut pas savoir » ou quelque chose d’équivalent.
  • Le problème principal est effectivement une mauvaise compréhension du français mais aussi un manque de bon sens (style comprendre que la pierre coule à une profondeur de 7 mètres avec la phrase ’’sachant que le caillou coule à 7 mètres de Nina, calculer la longueur des rebonds") même si là on touche quelque chose qui est peu palpable. On a beau conseiller de prendre un brouillon, de faire des schémas (pour la grande qui rentre en terminale elle avait fait un schéma avec 3 rebonds puis un grand trait vertical que je n’ai pas compris sur le coup :-D), de souligner les morceaux de phrases importantes etc, cela a peu d’effets et parfois certains conseils trop ’’précis’’ se retournent contre nous.
    Je ne suis pas partisan de l’enseignement du français en cours de mathématiques car j’estime qu’il y a suffisamment de travail à faire sur le plan mathématiques. Sur l’énoncé des rebonds, Philou22 a bien relevé trois difficultés qui sont bien purement mathématiques (voir que $\frac{1}{3}×\frac{3}{4}×x=\frac{1}{4}×x$, que $\frac{3}{4}x+\frac{1}{4}x=x$ et la résolution de l’équation 3+2x=7 qui est effectivement hors programme en sixième mais je pense que l’on espérait que l’élève avec son schéma se focalise sur les rebonds et donc 2x=4 d’où x=2 car 2×2=4, pas besoin de balance mais de ’’bon sens’’ qui est un peu le principe de l’équation à trou).
    Je rêverais surtout que tous les profs de collège interdisent totalement la calculatrice car quand j’entends une élève de sixième qui est capable de calculer 15% de 40 en faisant $\frac{15}{100}×40=\frac{15}{10}×4=\frac{3×5}{2×5}×2×2=2×3=6$ et qu’elle me dit ’’oui mais mon prof (de classe) ne veut pas que que je fasse comme cela , Il veut que l’on fasse 0,15×40 avec la calculatrice...Le ’’bon sens’’ cela se travaille aussi avec le calcul surtout quand on voit des élèves prendre leur calculatrice pour faire 1÷2.
  • Le rêve de la non calculatrice :
    - c’est cuit, ce ne sera en effet qu’un rêve.
    - dans l’utopie la plus folle, je sais déjà qu’on aura de l’abandon bien plus tôt que de la motivation à calculer de tête et surtout un abandon très massif.

    Sur ce dernier point on est en droit de dire « et alors ? qu’ils abandonnent, ce n’est pas mon problème ».
    Mais c’est en raison de l’idéologie du moment qui j’en déduis le premier point.
    C’est terminé le calcul mental. Même pour des broutilles « 20+5 ».
  • Robert a huit ans et deux ans de plus que moi, quel âge ai-je ?

    Avec une seule information par phrase :

    Robert a huit ans. Robert a deux ans de plus que moi. Quel est mon âge ?

    La structure devient : hypothèse 1 ; hypothèse 2 ; question 1

    C'est le même problème mathématique et pourtant, formulé ainsi, il a davantage de probabilité d'être résolu avec succès.
  • Oui, oui, c’est vrai.
    En ce sens on sort presque de la question du fil.
    C’est l’auteur de l’énoncé qui « crée » la méthodologie.

    Mais je crois que c’est pertinent. Notamment pour les publics avec difficultés diverses.
  • Oui, la méthodologie on l’a: se restreindre à des énoncés très simples avec des phrases très courtes sans superflu. Avec de l’expérience on sait en général à peu près déterminer à quels endroits un énoncé posera des problèmes de compréhension même si il y a toujours des originaux pour nous surprendre. Effectivement on sort du fil mais à moins de reconvertir tous les profs de maths en profs de français je ne vois pas comment régler le problème (cela ne réglerait rien du tout d’ailleurs car du coup c’est la partie mathématiques qui ferait complètement défaut et vu le niveau actuel on a vraiment pas besoin de cela).
  • philou22 a écrit:
    Le lieu de l'enrichissement du vocabulaire est plutôt celui du cours de français.

    Je ne suis pas d'accord avec cette phrase. Je pense qu'on peut enrichir son vocabulaire dans toutes les disciplines(musique, EPS... compris par exemple.). Et je suis également persuadé que toutes les occasions sont bonnes !
    Je pense que certains enseignants ont tendance à dire : "il n'a pas compris l'énoncé, ce n'est pas le problème des maths, c'est celui des profs de français. Donc je m'en lave les mains." Les problèmes d'analyse d'un énoncé sont tellement transversaux, celui qui est en difficulté à ce niveau en mathématiques, l'est souvent dans pleins d'autres matières également, bio, phys, h.g...
    Karl Tremblay 1976-2023, je t'appréciais tellement.
  • Et quitte à ne pas être d’accord, un prof de maths est un prof de français.
    Certes pas avec le même regard.
    Les mots « le », « un », « tous », « pas tous », etc. sont essentiels dans la langue mathématique.
    Puis tout le reste (« de plus », « fois plus », « le double du carré », « le carré du double », etc.).
  • @zeitnot

    Lorsque je dis que le lieu de l'enrichissement du vocabulaire est plutôt celui du cours de français, cela ne veut pas dire que je n'enseigne pas de vocabulaire ou d'expressions françaises lorsqu'une opportunité se présente. Par contre, à titre d'illustration, s'il y a du bleu sur une figure, je ne présente pas les différentes nuances : bleu aigue-marine, bleu égyptien, bleu horizon, bleu outremer, bleu Tiffany etc.
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