Catégories : casser quelques malentendus

Maxtimax
Modifié (December 2021) dans Catégories et structures
Bonsoir,

Je fais ce post, peut-être un peu tard (:-D), pour donner mon point de vue sur la théorie des catégories. Le but n'est pas de faire du prosélytisme, ni de conclure "une fois pour toutes" les différents débats qu'on a pu observer sur le forum (ne serait-ce que parce que c'est mon point de vue), c'est plutôt de répondre à quelques malentendus, préjugés, dogmes etc. à leur sujet, afin que les futurs débats/discussions (s'il y en a) soient plus éclairés et plus pertinents.

Je présuppose que vous savez ce qu'est une catégorie :-P
Avant de commencer, un petit sommaire (je le fais pour moi-même, pour structurer le post :-D et aussi parce que le post va être long donc pour vous y retrouver) :

0- Un peu d'histoire
I- Les catégories comme outil d'organisation, de "book-keeping", comme langage
II- Les catégories comme outil mathématique et comme objet d'étude
III -Ce que les catégories ne sont pas (un outil miraculeux)
IV- Les catégories comme source d'inspiration
V-Les catégories comme "fondements des mathématiques" (Christophe, si tu me lis, lis ce que j'ai à y dire avant de commenter ;-) )
VI- $\infty$-catégories et la nécessité d'une théorie formelle des catégories en théorie de l'homotopie

0- Les catégories ont été introduites par Eilenberg et MacLane dans les années 40-50. Elles n'ont pas été introduites par pur désir d'abstraction (non pas que c'eût été un problème), mais pour répondre à un désir précis: clarifier la notion de "transformation naturelle", nécessaire pour leurs travaux en topologie algébrique : par exemple, le morphisme de Hurewicz $\pi_1(X,x)\to H_1(X)$ est un morphisme "naturel"; ou encore le morphisme d'un espace vectoriel vers son bidual $V\to V^{**}$.
Elles ont commencé à imprégner le langage de cette spécialité et, notamment sous l'impulsion de Grothendieck un peu plus tard, à entrer dans celui de la géométrie algébrique, et au cours du temps ça a pénétré un peu partout, en algèbre, en topologie, en géométrie etc. Aujourd'hui, elles sont un peu partout, de la logique à l'analyse fonctionnelle en passant évidemment par la topologie algébrique. Bon, il faut bien entendu relativiser: une grande (la majeure ?) partie des maths se fait sans catégories, je veux juste dire qu'on en trouve un peu partout (et elles sont essentiellement inévitables dans les spécialités qui leur ont donné naissance: topologie algébrique et géométrie algébrique (abstraite) ). En probabilités et en analyse elles sont pratiquement absentes, même si comme je l'ai dit elles commencent à arriver en analyse, notamment via la théorie des faisceaux (et beaucoup plus récemment l'espoir de Clausen-Scholze est de faire de l'analyse fonctionnelle "sérieuse" de manière algébrique, en utilisant notamment un certain nombres d'outils catégoriques).

I- On entend souvent des choses comme "les catégories, c'est un langage, c'est pas un vrai domaine des maths; il y a pas de vrais théorèmes". Dans ce paragraphe, je veux expliquer dans quelle mesure une telle phrase peut être vraie; en fait pour beaucoup de personnes qui les pratiquent, c'est à ça qu'elles se résument (à nouveau, c'est à ne pas prendre péjorativement: l'introduction de notations comme le $x$ dans la théorie des équations n'était vraiment qu'un outil de langage, pourtant on sait ce que ça a permis comme avancées).

En fait, l'argument derrière ce genre de phrases c'est que les catégories sont beaucoup trop générales pour avoir des "vrais" théorèmes, et que donc ça doit se résumer à des questions langagières. En un sens, ce n'est pas faux: si on ne rajoute pas de structure, d'hypothèses, et qu'on ne fait que des catégories "pures", on ne pourra rien dire qui dépasse le langage. Pourtant, ce langage est déjà riche et extrêmement aidant.; et extrêmement applicable, précisément du fait de la généralité.
Par exemple, reconnaître que la notion de somme directe d'espaces vectoriels possède une certaine analogie avec celle d'union disjointe d'ensembles; que les constructions du "monoïde libre" sur un ensemble ou de l'algèbre symétrique sur un espace vectoriel sont analogues, etc. etc. permet de diminuer grandement le nombre de théorèmes à retenir.
L'exemple typique est celui du produit tensoriel en algèbre linéaire: on peut avoir du mal à se souvenir de quels genre de constructions il préserve (les noyaux ? les images ? ); mais si on prend le point de vue catégorique, il suffit de se souvenir de sa définition pour se rendre compte que $M\otimes_A -$ est adjoint à gauche, et donc préserve les colimites.

En ce sens, la théorie des catégories a un pouvoir organisateur très fort. Beaucoup de résultats qui pourraient parasiter notre compréhension des choses se réduisent à des principes presque langagiers facile à retenir, précisément parce qu'ils sont formels et essentiellement triviaux. Ainsi, on peut faire comprendre à son auditoire pourquoi on ne passe pas du temps sur telle partie de la preuve en disant que c'est du "abstract nonsense". Cela permet de séparer le "complètement formel" du moins formel, ce qui est général de ce qui est particulier dans notre situation, de se débarrasser des parasites dans notre preuve.

Un autre aspect langagier que les résultats basiques/triviaux de catégories qui est particulièrement utile est l'usage de diagrammes. $f\circ g = h$, je comprends tout à fait, mais dès qu'on passe sur des égalités de composition à plus de facteurs, cela devient extrêmement compliqué pour moi de comprendre, de mettre un sens sur ce que je lis. Par exemple, dans la définition de transformation naturelle, $\eta_Y\circ F(f) = G(f) \circ \eta_X$ m'est difficile d'accès, contrairement à l'énoncé "Ce diagramme commute : $$\xymatrix{F(X) \ar[r]^{F(f)} \ar[d]_{\eta_X} & F(Y) \ar[d]^{\eta_Y} \\ G(X) \ar[r]^{G(f)} & G(Y)}$$"
(bon, c'est plus long en LaTeX, mais ça vaut le coup) On y voit particulièrement bien la relation entre les objets et entre les flèches - si bien que (au grand dam de Christophe) on n'a souvent plus besoin de nommer les flèches, et il suffit de dire que ce sont celles qu'on sait (je maintiens qu'il faut quand même le dire - "la flèche canonique" par exemple -, au risque de faire des grosses bêtises)

Bon, ça c'est subjectif, et il me semble que Foys (tu me corrigeras sinon) avait exprimé le fait que pour lui, c'était l'inverse, et c'était moins lisible. Mais il y a un aspect légèrement plus objectif à cette affaire, qui est que si j'écris $f\circ \eta_X \circ D(g)^* = h\circ \theta_Y\circ k$ je ne vois pas les étapes intermédiaires (le codomaine de $\theta_Y$ par exemple !) alors que dans un diagramme, je les vois. Cela permet en particulier de simplifier les preuves par "diagram-chasing" (elles ont ce nom pour une raison:-D) en introduisant des diagrammes commutatifs intermédiaires dans le gros diagramme pour prouver qu'il commute. Cet aspect visuel n'est simplement pas retrouvable autre part.

Bon, ce n'est pas à proprement parler de la théorie des catégories, d'ailleurs on retrouve des diagrammes chez des gens qui ne font pas de catégories pour ces raisons, mais il n'y a pas de doute qu'elle a aidé à populariser les diagrammes, qui sont d'une grande aide (à mon sens, le même genre d'aide que l'introduction des variables pour décrire les équations)

En ce sens, on peut traiter la théorie des catégories comme un simple langage, un simple outil de bookkeeping, et néanmoins y avoir un intérêt. Petite anecdote personnelle: c'est ce que j'ai fait en prépa - il n'y a évidemment pas moyen d'appliquer de la vraie théorie des catégories aux concours, mais cet aspect bookkeeping/langage m'a beaucoup aidé à comprendre un certain nombre de choses et à me simplifier la vie dans de nombreux exercices.
Mais alors pourquoi il y a de la recherche en théorie des catégories ?

II- Eh bien, au même titre que si on fait de la théorie des ensembles, on ne dit pas juste "soit $X$ un ensemble. Alors [ théorème ultra stylé qui casse tout ]", on ne peut pas s'attendre à faire de la théorie des catégories en disant juste "soit $C$ une catégorie. Alors [ pareil ]". Il faut rajouter des informations, de la structure. Et alors, cela devient un vrai sujet d'étude, avec de véritables applications.

Je ne vais ici parler que d'un de ces objets d'études, mais il faut comprendre que c'est parce que je ne suis pas en train d'écrire un bouquin de théorie des catégories, et qu'il y en a bien d'autres :-D
Je veux vous parler de la théorie des catégories (localement) présentables. Une catégorie présentable, c'est une catégorie, généralement grosse (typiquement celle des groupes abéliens, $\mathbf{Ab}$ - je ne rentre pas dans les questions de taille et de "est-ce que c'est vraiment tous les groupes abéliens ?" ici, ça ne m'intéresse pas pour cette discussion) qui est néanmoins contrôlée par un ensemble petit d'objets ( dans le cas de $\mathbf{Ab}$, on peut prendre les groupes abéliens de type fini - à isomorphisme près, il n'y en a qu'un ensemble, dénombrable d'ailleurs). On peut dire énormément de choses déjà plus intéressantes que sur des catégories générales au sujet de ces catégories présentables.
Par exemple, presque par design, on a un théorème du foncteur adjoint extrêmement puissant : un foncteur $F:C\to D$ entre catégories présentables est un adjoint à gauche si et seulement si il préserve les colimites. En d'autres termes, on peut définir des foncteurs uniquement en vérifiant une propriété !! (il y a un énoncé un peu plus technique qui dit quand un foncteur est un adjoint à droite)
On a aussi une théorie des localisations de catégories présentables qui se comporte extrêmement bien et permet de faire plein de choses.

Un autre théorème important dans ce cadre est : une catégorie présentable est toujours une localisation d'une catégorie de la forme $Fun(C, \mathbf{Ens})$ où $C$ est une petite catégorie. Pourquoi c'est important, vous me direz ?
Eh bien parce que ça nous dit que la plupart des catégories qui nous intéressent vraiment (groupes abéliens, espaces vectoriels, complexes de chaînes, anneaux, ...) peuvent se voir comme des catégories de foncteurs! En d'autres termes, on peut voir nos objets d'étude usuels comme des objets catégoriques, formels, "triviaux" donc, et appliquer nos théorèmes généraux de théorie des catégories, par exemple pour calculer des $\hom$, des co/limites, etc.
Tout ça repose en particulier sur le lemme de Yoneda, une trivialité quand on écrit tout bien. Bref, peu de travail, beaucoup de gain.

Qu'est-ce que je veux que vous reteniez de ça ? Que les catégories permettent de changer de point de vue sur nos objets favoris, en les voyant comme des objets catégoriques, auxquels on peut donc appliquer nos théorèmes favoris de catégories "générales". En particulier nos objets favoris sont (quasi tout le temps) des objets "formels" qui n'existent qu'en tant que colimites formelles d'objets simples. Ce genre de choses permet de réduire beaucoup d'énoncés à des énoncés triviaux, ou faciles à vérifier.

Bon, je me suis cantonné à la théorie des catégories présentables comme exemples, mais il y a aussi par exemple les catégories monoïdales (une étude de la dualité dans ces catégories permet de réduire énormément le travail nécessaire pour le théorème de Lefschetz, comme le montrent Dold et Puppe) et toutes leurs variantes linéaires, les catégories abéliennes qui fournissent un cadre général et approprié pour l'algèbre homologique, les groupoïdes (j'y pense principalement pour tout ce qui est groupe fondamental et Van Kampen parce que ça simplifie quasiment toute la théorie, mais il y a d'autres endroits où c'est utile), les sites/topologies de Grothendieck, indispensables pour une grosse partie de la géométrie algébrique (on m'a souvent répété que pour ça, la théorie des topos n'est pas vraiment nécessaire, par contre les sites eux, si), etc.etc. Et je ne rentre même pas dans la question de la théorie de l'homotopie, que je compte aborder à la fin.

Je veux conclure ce paragraphe en mentionnant un truc qui n'est souvent pas bien compris, notamment quand on demande l'utilité des catégories e.g. en topologie algébrique. Les catégories sont devenus un objet d'étude tellement basique dans ce genre de domaines que beaucoup d'objets d'études de base sont définis en termes catégoriques, et n'ont pas d'interprétation simple sans ces termes, si bien qu'il n'est pas même question de travailler sans: c'est ce qu'on étudie !


III- Avant de passer à la suite, je veux faire la contrebalance du paragraphe précédent. En effet, je ne voudrais pas qu'on puisse croire que j'ai laissé entendre que les catégories sont un outil miraculeux, et comme les deux premiers paragraphes ne font que leur apologie, c'est ce que ça pourrait laisser croire. J'ai déjà mentionné qu'il y avait un malentendu sur la nature de la théorie des catégories du style "il n'y a pas de vrais théorèmes, ça ne sert à rien", ici je vais m'attaquer au malentendu opposé, parfois malheureusement tenu par des personnes qui découvrent les catégories et trouvent cette théorie très belle. Le malentendu opposé est "Les catégories sont un outil miraculeux qui permet de tout résoudre à coups de diagrammes commutatifs".
Et pour que l'image des catégories ne soit pas ternie par ce malentendu, je me dois d'être très clair : ce n'est pas le cas !!!.
Comme je l'ai dit en I-, pour beaucoup de gens (et donc une grosse partie du boulot de cette théorie) c'est d'éclairer les preuves en éliminant le superflu, les répétitions, les résultats formels, pour se concentrer sur les questions spécifiques à la situation à laquelle on est confronté. Mais il y a des questions spécifiques à la situation à laquelle on est confronté.

Si vous voulez démontrer le théorème de structure des groupes abéliens de type fini (ou plus généralement des modules sur un anneau principal), vous pouvez utiliser un peu d'intuition catégorique pour vous simplifier la vie, mais à la fin de la journée, il va falloir prouver quelque chose qui est vrai pour les anneaux principaux et pas d'autres anneaux, i.e. il va falloir mettre les mains quelque part, et pas juste dans une "catégorie abélienne quelconque". Et c'est assez étrange à quel point on retrouve souvent ce genre de problème: une personne a un exercice qui a des hypothèses très spécifiques, et poste une question sur un forum (je pense principalement à MSE, il y a peu de catégoricien-ne-s en France) où elle n'a visiblement fait que du catégorisme et dit ne pas réussir à conclure - en voyant ça, on se demande ce que cette personne imaginait.
Bref, un des inconvénients de la théorie des catégories, c'est que quand on la rencontre on est impressionné et on cherche à l'appliquer à tout, mais surtout pour tout. Alors autant, pour la plupart des travaux dans une maison, un tournevis vous sera utile, autant si vous devez mettre un tiroir dans son encochure (aucune idée du bon mot ici) ça ne va pas vous aider.
Pour ça il faudrait l'enseigner mieux - souvent les élèves se trouvent forcé-e-s à l'étudier seul-e-s et donc la voient comme une solution miracle. En l'enseignant correctement, on pourrait bien voir ses pouvoirs et ses limites, et ne pas arriver face à ce genre de situation. Pour distinguer le formel du particulier, le catégorique du non catégorique.

D'un autre côté, parfois il faut savoir être audacieux-se et voir l'aspect catégorique d'un problème qui ne l'est pas forcément a priori. C'est un des points du paragraphe suivant.

IV- Dans ce paragraphe je veux parler d'un apport souvent aussi peu compris de cette théorie : l'inspiration.
Avant tout, il faut voir que par sa généralité, la théorie des catégories permet de se poser un grand nombre de questions "automatiques" face à une situation.
Quand on est face à une construction, on peut se demander "est-ce un foncteur ? est-ce une transformation naturelle ? est-ce un adjoint à gauche, à droite ? préserve-t-il les co/limites ? un certain type de co/limites ?" etc. etc. Bref une batterie de questions automatiques qui permet de dire des choses, même si pas forcément intéressantes.
Cela permet aussi souvent de savoir quel genre d'énoncés formuler, typiquement la notion de propriété universelle permet de formuler beaucoup d'énoncés (à défaut de pouvoir les prouver, cela suggère un grand nombre de questions à se poser).

Au-delà de ça, il y a un certain nombre de phénomènes qu'on a pu observer en théorie des catégories qui ont pu mener à de véritables résultats/intuitions en dehors. Je pense par exemple à la notion d'isomorphisme canonique/naturel qui permet d'expliquer dans une certaine mesure l'existence de la cohomologie, de la non orientabilité etc. qui sont en principe des questions géométriques.

La théorie des catégories permet aussi de se poser des questions qu'on ne pourrait tout simplement pas se poser sans. Je vais donner deux exemples de ce phénomène, et je vous laisse me faire confiance quand je vous dis qu'il y en a plus :-D

Le premier exemple est la théorie de Morita: un principe très général en algèbre linéaire est l'idée qu'on peut comprendre un objet en comprenant la manière dont il agit - par exemple on peut "comprendre" un anneau en comprenant ses modules (un groupe en comprenant ses représentations). La théorie des catégories permet de répondre à la question "dans quelle mesure c'est vrai ?". Par exemple, on dit que deux anneaux sont Morita-équivalents lorsque leurs catégories de modules sont équivalentes : "quand est-ce que $A$ et $B$ sont Morita-équivalents ? " est une question qui n'est pas formulable sans ce langage. Dans le même genre d'idées, on trouve la reconstruction Tannakienne par exemple.

Le second exemple est celui de la théorie des schémas. En fait, on s'est rendu compte (je ne sais pas comment ça s'est fait historiquement) que la donnée du schéma affine $Spec(A)$ était équivalente à la donnée de $A$. Plus précisément, $A\mapsto Spec(A)$ est une équivalence entre la catégorie des schémas affines et l'opposé de celle des anneaux commutatifs. Via Yoneda et le fait que tout schéma est obtenu en recollant des schémas affines, on en déduit que la catégorie des schémas peut se voir comme une sous-catégorie de la catégorie des foncteurs $Fun(\mathbf{CRing, Ens})$ - on retrouve ce dont je parlais en II. Mais ici on peut caractériser précisément les foncteurs en questions. On peut alors se demander : que se passe-t-il si on agrandit un peu cette classe de foncteurs ? En allant dans cette direction, on peut avoir des objets géométriques plus généraux, comme par exemple les schémas formels ou encore les (pré)champs, mais aussi avoir un nouveau point de vue sur des objets géométriques qu'on connait bien - le point de vue "foncteur" est particulièrement utilisé pour les groupes algébriques par exemple.

La morale de ce paragraphe c'est que la théorie des catégories permet de se poser beaucoup de questions - ce n'est pas spécifique bien sûr à cette théorie, mais à mon sens c'est un critère d'évaluation de la qualité d'un domaine des maths: quel genre de questions peut-on s'y poser, ou se poser grâce à lui ?
Une théorie qui permet non seulement d'avoir des questions automatiques, mais aussi de se poser des questions moins automatiques, plus sérieuses et qui mènent à des maths riches, c'est une théorie qui a du succès. Et puis, même si j'ai moins appuyé dessus, ça permet d'obtenir un nouveau point de vue sur des phénomènes qu'on connaissait déjà et qu'on arrivait moins à expliquer.

V- Bon, ce paragraphe c'est celui où il va y avoir des morts :-D Non, bien entendu je rigole
Avant de me lancer, je précise que mon avis a beaucoup évolué sur la question au cours du temps, et risque d'encore évoluer, qui sait ?
Déjà, je parle ici de "fondements" au sens communément entendu, pas au sens de Christophe (qui, de toute façon, ne permet que la théorie des ensembles comme fondement alors bon, autant ne pas en parler :-P enfin, Christophe, c'est ton théorème, non ? ;-) ).
Donc est-ce que les catégories peuvent être vues comme un fondement des mathématiques ? Bah déjà il faut savoir que c'est pas du tout leur vocation initiale (cf. paragraphe 0), c'est plus une envie de Lawvere qui voulait une théorie (des ensembles !!) plus proche de la pratique mathématique usuelle.
Le point de vue défendu par Lawvere est que l'"ontologie ZF-ienne" des ensembles ne correspond pas à la pratique des mathématicien-ne-s : la plupart d'entre nous pense de manière typée (par exemple, on n'a pas envie de réfléchir à savoir si $\pi \in 46$, d'autant plus que ça pourrait dépendre de la manière dont on a fait nos identifications en construisant $\mathbb R$, d'ailleurs de notre construction de $\mathbb R$; mais surtout parce que ce n'est pas une question pertinente), et on pense plus fonctionnellement que ensemblistement. Bref, il défend que les mathématicien-ne-s ont par défaut un esprit catégoriste/typiste plus qu'ensembliste et que les "fondements" des mathématiques devraient prendre ça en compte.
Dans un premier temps, j'étais relativement d'accord avec ça. Sauf que je me suis rendu compte que la pratique mathématique, hors TDEistes et autres fondementistes, était complètement agnostique aux "fondements", et donc que cet argument est en un sens hypocrite.
Par ailleurs le texte mentionné ici m'a convaincu que les fondements ZF-iens étaient plutôt pas mal.
D'autant plus que le point de vue de Lawvere est surtout adapté pour les spécialités algébro-topologo-géométriques, mais pas vraiment pour l'analyse, les probas.

En fait, un fondement catégorique (je précise un peu ce que j'entends par là, même si je suis pas sûr de ma définition: une théorie du premier ordre dans laquelle tout le monde ferait ses maths, à exceptions près) me semble surtout un peu lourd, et je n'y vois plus vraiment l'utilité - en fait j'y vois même des inconvénients pour certaines spécialités.

Pour autant, ne restons pas dans le monde de l'opinion, il y a des théorèmes précis qui disent que ce n'est pas impossible. Spécifiquement, certaines personnes ont comparé la consistency-strength de ETCS à celle de ZF(C), et c'est à peu près la même modulo le remplacement (qu'on peut, je crois, ajouter peu ou prou à ETCS; mais je ne connais plus les détails techniques).
Mais je suis clairement peu enthousiaste au sujet de ce genre de tentative, et beaucoup plus au sujet de tentatives comme HoTT : à nouveau, non pas que je considère que ce soit des Christophe-fondements, mais je suis très optimiste que ça puisse simplifier l'étude synthétique des $\infty$-catégories (voir paragraphe suivant).

Bref, pour ce paragraphe, je vais rejoindre l'avis de Christophe que les catégories sont plus une théorie unificatrice que fondatrice, même si je reste enthousiaste au sujet de HoTT, mais pas tant pour des raisons fondationnelles que pour des raisons pragmatiques d'homotopiste; même si, formellement, il y a des théories "fondatrices" catégoriques (à la Lawvere) qui ont une consistency strength comparable à ZF(C) et donc suffisantes pour faire des maths dedans.

VI- On arrive sur la fin, merci d'avoir lu jusqu'ici déjà !
Bon, ce paragraphe concerne des développements plus récents et en un certain sens plus techniques. En fait, tout ce que j'ai dit plus haut s'applique mutatis-mutandis en rajoutant le symbole $\infty$ devant le mot "catégorie" - une $\infty$-catégorie c'est comme une catégorie, mais on a des morphismes entre morphismes (on les appelle $2$-morphismes) puis des morphismes entre $2$-morphismes (qu'on appelle $3$-morphismes) et ainsi de suite jusqu'à l'infini.
L'exemple prototypique d'un tel gadget c'est l'$\infty$-groupoïde fondamental d'un espace : plutôt que de quotienter par la relation d'homotopie entre chemins, on rajoute les homotopies comme $2$-morphismes, et les homotopies entre homotopies comme $3$-morphismes, et ainsi de suite. Ce gadget encode non seulement $\Pi_1(X)$, mais aussi les $\pi_n(X;x), n\geq 2$; plus précisément il encode tout le type d'homotopie de $X$ (le type d'homotopie faible, techniquement).

Mais il y a d'autres objets de ce genre, par exemple on pourrait considérer l'$\infty$-catégorie des espace, où les objets sont les espaces, les $1$-morphismes les applications continues, les $2$-morphismes les homotopies, les $3$-morphismes les homotopies entre elles, etc. etc.
En fait, ces objets se sont révélés extrêmement utiles en théorie de l'homotopie, que ce soit sous leur forme "ancestrale" de catégories de Quillen, ou sous leur forme plus moderne des quasicatégories.

Ce que ce paragraphe est censé dire, c'est que manipuler ces objets, c'est relativement compliqué (à nouveau, peu importe le modèle) puisque nos constructions ne sont plus censées respecter uniquement les isomorphismes, elles sont censées respecter toutes les homotopies et les équivalences d'homotopie qui vont avec etc. Bref, il faut faire attention que tout ce qu'on fasse soit "homotopiquement pertinent". Cela fait une théorie difficile à manier, et pour se faciliter la vie, il est important d'avoir une théorie formelle solide des catégories qu'on peut espérer exporter dans ce monde plus homotopique.

Comme dans le cas des catégories, la théorie de l'homotopie (au sens large, à la Quillen disons) a permis de se poser plein de nouvelles questions, de découvrir plein de nouveaux objets et de résoudre un certain nombre de problèmes qu'on avait (conceptuels et/ou techniques), et donc avoir un outil qui permet de la gérer est un grand plus.

Ainsi, la théorie des catégories est essentielle et nécessaire à la théorie de l'homotopie telle qu'on la conçoit aujourd'hui, que ce soit parce que les objets qu'on étudie sont par nature ($\infty$-)catégoriques, ou parce que même pour les objets plus classiques, pour les manipuler de manière à respecter toute la structure qui est présente on se doit de faire les choses formellement.

C'est notamment pour ça que j'aime beaucoup HoTT : aujourd'hui, il faut toujours faire gaffe quand on manipule des $\infty$-catégories. J'ai passé une bonne partie de mon mémoire de M2 à me familiariser avec ce genre de choses et aujourd'hui je dirais que je me débrouille bien avec, mais il y a quand même pas mal de moments où "c'est galère". Une théorie synthétique des $\infty$-catégories permettrait de se débarrasser d'un bon nombre de ces restrictions, parce que la pertinence homotopique serait immédiatement encodée dans le langage.

Mais je m'égare. En conclusion de ce paragraphe, la théorie des catégories est importante, ne serait-ce que parce qu'elle permet de faire de la théorie de l'homotopie et des catégories supérieures. D'ailleurs, une remarque amusante est que Eilenberg et MacLane ont inventé cette théorie essentiellement pour parler de transformations naturelles, i.e. pour exhiber la structure $2$-catégorique de $\mathbf{Cat}$, la catégorie des catégories. En d'autres termes, la théorie des catégories a dans le radar les catégories supérieures depuis sa création.

Bon je vais m'arrêter là - j'ai déjà passé trop de temps sur ce post :-D bon d'ailleurs je ne me suis pas relu donc... bah tirez-en les conclusions que vous voulez, disons
Mais j'espère que j'aurai cassé quelques mythes et que ce (long) post aura été intéressant malgré tout.

Je me rends compte qu'il y a un autre aspect dont j'aime bien parler mais que je n'ai pas mentionné... bon, ce sera pour une prochaine fois :-D

Réponses

  • Le temps que mes pâtes cuisent, petit bonus pour Christophe qui parlait du fait que les catégories c'était constructif : l'exemple des catégories présentables est justement un des trucs où on ne sait pas tout faire constructivement !!
  • J'ai tout lu, merci pour ce post très intéressant. Personnellement je n'ai pas à me servir de catégories dans les maths que je pratique, mais je comprends que ce soit quelque chose d'utile pour beaucoup de gens. Ça ne m'a pour autant pas aidé à comprendre la cohomologie galoisienne, qui doit être la chose la plus proche des catégories dans mon secteur. :-D
  • Poirot : ah bah tu vois la cohomologie de groupes c'est clairement un truc où je comprendrais rien si je n'avais pas l'aspect "book-keeping" des catégories (et j'ai personnellement appris l'algèbre homologique via les catégories abéliennes, mais ce n'est clairement pas nécessaire pour quelque chose comme ça). Mais c'est intéressant de savoir que ce n'est pas universel !
  • Merci pour cet effort Maxtimax, je lirai ça avec plaisir!
  • Bonjour,
    Maxtimax a écrit:
    à mon sens c'est un critère d'évaluation de la qualité d'un domaine des maths: quel genre de questions peut-on s'y poser, ou se poser grâce à lui ?

    C'est bien un truc de chercheur ça : trouver que quelque chose est intéressant quand ça crée des questions plutôt que quand ça en résout. :-D;-)
  • Calli : c'est pour ça qu'on parle de "Recherche" et pas de "Trouverche" (:P)
  • Merci pour cet intéressant propos Maxtimax.

    De ma place de débutant, je dirais que les catégories sont un outil de clarification formelle.

    Il me vient immédiatement une question à laquelle répond sans doute le texte auquel tu fais référence : qu'est-ce-que fonder les mathématiques ? Cela passe-t-il nécessairement par une forme de réductionnisme ?

    Il me semble qu'historiquement, la théorie des ensembles est apparue de manière hybride comme une théorie mathématique de l'infini et une théorie de la vérité, afin de vérifier que l'on ne démontre pas tout et son contraire lorsqu'on fait des maths. La théorie des ensembles comme théorie mathématique de l'infini me semble toujours indépassable, mais je n'en suis pas aussi sûr pour le côté théorie de la vérité où la théorie des topos me semble importante ( il est fort possible que je fasse une confusion entre théorie des ensembles et logique, que je ne distingue pas très bien...).

    ignatus.
  • Maxtimax, je suis moyennement convaincu par ton point III, peut-être parce que je suis un grand débutant...

    Je m'explique : les topos semblent justement être ce moyen de traiter par les catégories des situations pour lesquelles il est besoin d'informations typiques. C'est-à-dire, tel que je le comprends, parvenir à écrire ces situations particulières sous forme de langage formel du premier ordre, et constater, via le topos classifiant, comment la situation particulière n'est qu'un modèle parmi d'autres du'une situation syntactique. Je ne sais pas ce que tu en penses...

    ignatus.
  • ignatus : les topos sont (parmi d'autres choses) un outil pour faire de la logique, ce que j'essayais d'expliquer du point de vue des fondements c'est qu'ils ne sont pas particulièrement plus adaptés pour "fonder" les maths que la théorie des ensembles.

    Quant à ton deuxième point, par rapport à III, il y a plusieurs problèmes avec ce que tu dis :
    Le premier, pour lequel on n'a rien à savoir sur la théorie des topos pour savoir, c'est qu'une bonne partie de la pratique mathématique ne concerne pas particulièrement des théories du premier ordre (géométrique, qui plus est).

    Mais surtout, même face à une théorie géométrique, rien ne permet de penser que "savoir qu'on peut l'encoder par un topos classifiant" permer de faire un quelconque progrès dessus, d'obtenir une quelconque information supplémentaire. "At the end of the day", il va falloir faire quelque chose de spécifique à ta théorie, à ta situation, et ça les catégories ne pourront pas te sauver
  • :-D

    Pour l'instant je n'ai lu que
    max a écrit:
    Christophe, si tu me lis, lis ce que j'ai à y dire avant de commenter

    donc je respecte ta consigne. A vrai dire, ces derniers temps, j'étais vraiment focalisé sur autre chose (ce qui me contrarie car j'aurais bien aimé conservé une continuité sur Alembert, j'étais chaud, mais l'actualité m'a cassé cette concentration"

    Bon de toute façon, sur les catégories, je rappelle que je n'ai rien contre en soi, que si mes propos passés ont pu être mal interprétés c'est parce qu'ils pouvaient sembler être des contre-arguments A DES ARGUMENTS préalables déjà énoncés, MAIS SURTOUT, je l'ai surement déjà dit:

    parce que j'appartiens à un groupe d'amis que j'aime beaucoup, qui sont loin d'être tous très calés en maths, dont certains, des anges de générosité et de gentillesse, des gens âgés, peu riches et qui "donnent" leur retraite pour se plonger dans ce qu'ils estiment ou croient être un objet un peu "arche perdue, puis retrouvée".

    Il se trouve (ce n'est pas forcément malin, ni efficace car je ne sais pas à qui je parle), que les slogans publicitaires les plus habituels ont pu m'apparaitre publiés parfois surle forum, et je les ai contrés EN TANT QUE TELS. Parce que je ne voulais pas voir des débutants se laisser happer par des usines à gaz en croyant que ça allait magiquement leur donner "la compréhension de toute chose".

    Des gens comme toi et bien d'autres, qui connaissant ne risquent absolument pas de tomber dans ce genre de panneau, et je ne me suis (théoriquement, même si je suis bavard) jamais occupé de commenter les avis experts.

    J'essaierai de lire (mais il fait beau, pardonne-mi, vu le couvre-feu...): mais j'ai entre aperçu "ce n'est pas de la magie" dans ton post, et ça résume en peu de mots, LA SEULE chose que je dis, donc mêm eayant lu, il m'apparait peu probable que j'aurai des choses à ajouter si tu as toi-même dessiné les limites.

    Pour terminer sur une note moins decevante (j'ai habitué les gens à aboyer, je ne veux pas qu'ils pensent que je suis malade, mes non-aboiements étant des symptômes en attestant), je vais essayer en 30s d'être un peu chieur, mais on va dire que l'entrain n'y est pas quandje vois le soleil dehors qui attend ma balade.

    Pour terminer donc, je mets en garde sur la confusion maths-physique chez beaucoup d'apprentis mathéamticiens, qui espèrent souvent trouver dans des suites finies de symboles, quels qu'ils soient une émergence de profondeur transcendantale donnant accès à un éclairage, une sorte d'élévation spirituelle.

    En réalité, ce que nous faisons principalement avecles maths, via les preuves c'est de découvrirla structure linéaire $\N$ et quelles suites existent (parce qu'on les écrit) et lesquelles n'existent pas. Le reste se passe dans la partie "émotion" du cerveau.

    Voili voilou, je reviens ce soir pour lire.
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Bon j'ai à peu près tout lu, et il n'y avait pas de raison de craindre que je sois en désaccord de fond. Je ne le suis pas du tout et je m'en doutais.

    Ce que tu appelles "Christophe-fondements" me semble nécessiter d'être rappeler pour pas que certains pensent que c'est "perché".

    Nous n'avons en fait pas le moindre désaccord autre que les mots utilisés. Max va même un peu plus loin que moi, paradoxalement, en prenant une position de fond que de par ma vie, je n'ai pas vraiment le temps, ni la compétence de prendre*

    * (Max est bien plus fort que moi en maths et à un niveau profond, pas juste plus cultivé, de sorte qu'il a des éléments que je n'ai pas le temps ni le niveau technique d'analyser, même si j'ai l'âge qui peut me donner parfois une vision plus "paisible" (à la vitesse où il va, on comprendra que contempler les fleurs sur le bas-côté pendant le Rally de montagne lui est moins accessible))

    J'ai souvent, sur le forum, essayé de réduire l'étendue du mot fondement à ce que l'ENFANT de 10 à 15ans peut accepter sans peiner. C'est tout. Les maths de hautes voltige, QUELLES QU'ELLES SOIENT travalilent à autre chose ou, au mieux UNIFIENT. Ca ne va pas plus loin, à l'eception du fait que ma tournure a un petit défaut extrêmement technique équivalent au slogan suivant, lui aussi vrai et qui lui aussi a le même défaut:

    les théorèmes de maths tout le monde est d'accord dès avant la naissance

    Ce qui est à la fois vrai pour des raisons que tout le monde comprendre ... chez les scientifiques mais que le quidam non compétent ne comprendrait pas.

    Cela est dû au fait qu'on a "nous-mêmes" et à la place des gens retiré tout ce qu'ils refuseraient, objecteraient et bien plus". Et ça pose le problème "qu'ils n'étaient pas là pour confirmer qu'on n'a pas triché".

    Pour être un poil plus formel, si je peux sembler défendre la TDE (ou la théorie des fonctions, c'est la même), c'est parce que l'espace entre deux mots y reçoit un nom définitif et basta.

    En comparaison (j'avais un fil sur le sujet), si on mettait par exemple, une sorte de paradigme en amont catégoricien à l'amende, on comprendrait vite qu'il exprime un désir de NE PAS partir de cette primitive, mais d'une primitive ASSOCIATIVE. Pour être précis:

    TDE: f(g)

    ParadigmeCat: $f\circ g$

    Bon mais la question ne se pose même pas puisque comme le rappelle Max, les working matheux, y compris les catégoriciens pur jus travaillent avec l'espace entre les mots.


    Bon histoire d'aboyer (mais je vais être TOTALEMENT SINCERE et je n'ai pas eu à réfléchir), je vais redire ce que je CRITIQUE GRANDEMENT et SINCEREMENT et qui n'a rien à voir avec le reste. Le paragrpahe où Max parle de langage (et je suis d'accord) et de diagrammes est le seul ici abordé.

    OUI en théorie abstraite je suis formellement, mais sans valeur d'accord qu'on peut appeler langage ce genre de chose, mais plus en aval et pragmatiquement JE SUIS EN TOTAL DESACCORD avec le fait que dessiner en deux dimensions se présente dans les soirées où on décide et vote de la politique scientifique avec un déguisement de langage.

    Je pense qu'une fracture (encore très légère) est en train de se construire et qu'elle risque de devenir un ésotérisme, entre les gens qui se sont entrainés (mais sans date de début, ni de fin) à lire de la dimension2 (des dessins) et les autres qui lisent des messages "en ligne" de dimension1 avec des parenthèses. Je ne cesse de répéter que c'est ou peut devenir un problème majeur. Il ne faut pas attribuer à l'humain toutes les connaissances des CIO et de choix de stratégies étudiantes.

    Je rappelle que nous aurons le bonheur d'applaudir sur le forum d'ici moins de 10 ou 15 ans la réception par Max de la médaille Field, il n'est pas du tout représentatif des étudiants lambda. Quelques personnes, DE LEUR PROPRE INITIATIVE, ou bien parce qu'elles ont confiance en elle ou bien parce que leur petit doigt le leur a suggéré, prennent l'initiative (et ça constiue un investissement probablement important) de se "déformer" du la dim1 (car il faut s'en "dé"former et de se former à la "lecture dim2".

    Bien que ça puisse provoquer des moqueries ou des sourires, je pense très sérieusement que ce problème devra être abordé un jour. J'écris depuis 25ans que la disparition des sciences dans le secondaire conduira à une retour de l'obscurantisme et du religieux, et j'ai fait sourire mes lecteurs durant 20ans. Cela doit faire dans les 5-6ans que plus personne ne sourit devant le constat dramatique que c'était vrai, et même "une prévision exacte".

    Je pense qu'il en ira de même avec la "lecture dim2", même si bien entendu, on n'est pas du tout à la même échelle de catastrophe planétaire en conséquence.

    @Max: peut-être pourrais-tu ajouter des sauts de llignes et répéter les titres de chapitre de ton premier post en face des chiffres romains pour faciliter la lecture, j'ai dû faire des scroll nombreux.
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • ignatus a écrit:
    Il me vient immédiatement une question à laquelle répond sans doute le texte auquel tu fais référence : qu'est-ce-que fonder les mathématiques ? Cela passe-t-il nécessairement par une forme de réductionnisme ?

    Il me semble qu'historiquement, la théorie des ensembles est apparue de manière hybride comme une théorie mathématique de l'infini et une théorie de la vérité, afin de vérifier que l'on ne démontre pas tout et son contraire lorsqu'on fait des maths. La théorie des ensembles comme théorie mathématique de l'infini me semble toujours indépassable, mais je n'en suis pas aussi sûr pour le côté théorie de la vérité où la théorie des topos me semble importante ( il est fort possible que je fasse une confusion entre théorie des ensembles et logique, que je ne distingue pas très bien...).

    Je crois que cette question n'existe que depuis qu'on a découvert qu'elles étaient contradictoires. Il y a eu une bonne 80zaine d'années où un platonisme quasi-pavlovien voulait "rétablir la garantie de consistance" et ce malgré le théorème de Godel qui garantissait justement que c'était sans espoir (on peut descendre beaucoup plus bas que Peano)

    Actuellement, si j'ose dire, on ne voit cette question évoquée que par des gens qui n'ont en fait pas suivi ni acquis l'information sur les progrès fait depuis cette crise. Ca ne leur interdit pas de s'exprimer, mais je pense qu'il faut avoir conscience qu'il existe comme toujours dans ces cas-là un risque de redécouvrir l'eau chaude (mais à la rigueur ce n'est pas très gravepour cette question)

    In fine, la question est EXTERIEURE. Elle n'est pas de fonder les maths, qui n'ont, c'est très très important, pas besoin d'être fondées puisqu'elles ne cachent jamais ce qui a été supposé!!

    Elle est de préserver la non ambiguïté au fur et à mesure des acquis et du zippage des archives. Ca apparait très prosaique et "bas du front" de le dire comme çà, car on ne met plus l'accent sur la consistance mais sur la PRESERVATION de ce qui a été supposé comme bien lisible par tout le monde (et peu importe si plus tard, des mêmes hypothèses et sans en ajouter, on déduit $0=1$)

    Pour les discours un peu "ambitieux" tenus par les gens qui prétendent qu'ils vont un jour contourner le théorème de Godel et qui parfois bien que forts, n'ont hélas pas étudié assez les progrès faits, la complexité ou l'apparente subtilité des processus construits résultent "tout bêtement" du but poursuivi: aller contre (éventuellement asns le dire) Godel (qui est un théorème et non une opinion.

    Ce n'est pas toujours avoué, mais tu as des "gesticulations réccurrentes" continuelles de ce genre de cette "communauté". Je ne les critique pas (et même au contraire, je serais content de lire un éventuel succès un jour :-D ) mais je crois que pour garder des crédits en pépètes sonnantes et trébuchantes, ils se condamnent à "ne pas trop avouer ça", et donc à mettre la focalisation sur l'utilité de leurs travaux autres (apports à la physique, à l'homotopie, etc). M'est avis que ça les "met sous pression".

    - Est-ce que cette pression est fructueuse? Surement. Quel est le prix à payer? Je ne sais pas trop

    - Est-ce qu'elle aurait gagné à "se détendre, s'apaiser" en se résignant à ce que faire de la science c'est taffer dans des théories contradictoires (en exploitant un fragment partiel desdites)? Idem: difficile à dire si on reste objectif. Actuellement je conseille à OShine d'accepter le "stress" et d'arrêter de fuir le tatoueur professionnel chez qui il s'est rendu (en venant sur le forum), mais en train de courir partout dans la boutique de tatouage pour pas que le tatoueur le touche et lui fasse "mal à la peau", donc si j'ose dire, je ne suis pas en mode "critique du stress".
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Christophe: non justement je ne pensais pas qu'il y aurait de désaccord de fond, mais je me disais que peut-être en voyant uniquement le titre "Les catégories comme fondements" (et comme je sais que tu réponds parfois sans tout lire ;-) ) tu aurais pu croire qu'il y en ait un

    D'ailleurs (alors même que je n'y réfléchissais pas particulièrement ces derniers temps), au delà du fond, même sur les mots ("fondement") je crois que je te rejoins (comprends) de plus en plus - mais ce post n'est pas adapté à cette discussion, il faudra qu'on en reparle autre part !
  • @christophe c et Maxtimax : personnellement, cela m'intéresserait que vous ouvriez un nouveau fil sur cette question des fondements.

    Je n'ai vaguement pris conscience de l'importance de la théorie des ensembles que lors de mon passage dans une fac de philosophie, et absolument pas en faisant des maths. En philosophie, le problème du fondement est très important, et il est aussi relié avec le caractère de la logique. Avec l'explosion des "types" de logiques, les philosophes se demandent comment comprendre cette explosion et si elle n'est pas qu'un raffinement d'une logique une et universelle... Bon, ceci est une digression...

    Je suis curieux d'avoir une idée de comment des résultats plus récents changent cette problématique du fondement. Et accessoirement, il faudrait peut-être le dire aux philosophes qui ont l'air d'être très en retard...

    Je crois d'ailleurs que cet éclaircissement sur ce qu'est un fondement permettrait de mieux comprendre la place que l'on doit donner aux catégories. Personnellement, je sais comment les catégories entre les mains de Grothendieck ont totalement révolutionné la géométrie algébrique. Est-ce que c'est parce que Grothendieck, dans son génie, a tout de suite flairé que c'était le langage adéquat pour cette discipline, ou est-ce que c'est une situation qui peut se répéter dans d'autres domaines ?

    ignatus.
  • Bonsoir,

    Je te remercie beaucoup, Maxtimax, pour ta généreuse contribution. Je vous invite à écouter attentivement cet échange. L'on y apprend des choses très intéressantes.

    Bonne nuit.

    Thierry

    Rédigé le 22 février 2021 à 00:10.
    Mis à jour le 22 février 2021 à 10:17, grâce à Mohammed R, que je salue et remercie.
    Le chat ouvrit les yeux, le soleil y entra. Le chat ferma les yeux, le soleil y resta. Voilà pourquoi le soir, quand le chat se réveille, j'aperçois dans le noir deux morceaux de soleil. (Maurice Carême).
  • Bonsoir,
    Février plutôt non ?
  • Bonsoir.

    Je suis aussi intéressé par l'ouverture d'un autre fil sur la question du fondement pour éviter de dévoyer celui-ci.

    À bientôt.

    Cherche livres et objets du domaine mathématique :

    Intégraphes, règles log et calculateurs électromécaniques.

  • Il y a aussi ce papier sur l'excellent site indiqué par Thierry Poma :


    http://wwwa.unine.ch/unilog/jyb/ens-cat.pdf
  • Merci Max pour ton texte.

    Je suis d’accord avec toi, en particulier sur la question des fondements (catégoriques -> bof, MLTT ou HoTT -> interessant).

    Concernant les catégories je crois que tu n’as pas abordé le point suivant : quand on cherche à définir de nouveaux objets, dorénavant on se pose systématiquement la question des morphismes entre ces objets et, des propriétés de la catégorie définie.

    Par exemple, le fait que la catégorie des schémas admette les produits fibrés (ie les tirés en arrière) est un signe que ces objets sont bien formés.
  • 708 : tout à fait, d'ailleurs "définir de nouveaux objets" devient plus ou moins synonyme de "définir une nouvelle catégorie".

    Je suis un peu moins d'accord pour la question des produits fibrés; c'est certainement une propriété désirable mais pas sûr qu'elle soit une indication de grand chose (d'ailleurs la catégorie des schémas n'est pas optimale à beaucoup de points de vue ;-) )
  • Lien vers la présentation (en français) de Olivia Caramello sur les Topos :



    Texte associé :


    https://www.oliviacaramello.com/Papers/CaramelloLectureGrothendieckienne.pdf
  • Pourquoi ne parles-tu pas de la présentation d'Olivia Caramello plutôt ?
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