Endomorphisme symétrique

Bonjour
Je me pose des tas de questions sur l'exercice suivant (c'est un mines-pont Mp 2019).

$E=\R_n[X]$ est muni du produit scalaire : $$<P,Q>\,=\int_0^1P(t)Q(t)dt.
$$ Pour $P\in E$, on pose : $$u(P)(x)=\int_0^1(x+t)^nP(t)dt.
$$ 1. Montrer que $u$ est un automorphisme symétrique.
2. Pour $(B_0, B_1, \ldots, B_n)$ une base de valeurs propres de $u$, en notant $\alpha_k$ les valeurs propres associées, montrer que : $$\forall(x,y)\in\R^2,\qquad (x+y)^n=\sum_k\alpha_kB_k(x)B_k(y).
$$ 3. Calculer la trace de $u$.

Ça coince !
1. Ok pour le côté endomorphisme.
J'ai montré la symétrie de $u$ en travaillant sur les vecteurs de la base canonique de $E$.
Je n'ai pas trouvé d'argument pour la bijectivité...
2. Juste commencé.
Il me semble que si on pose $P=(X+y)^n$, alors $u(P)(x)=u(P)(y)$, donc $u(P)$ est constant.
Faut-il alors chercher à montrer que $u\big(\sum_k\alpha_kB_k(x)B_k(y)\big)$ est la même constante ?
Hum...
Merci pour vos coups de main !


Edit : l'énoncé correct...

$E=\R_n[X]$ est muni du produit scalaire : $$<P,Q>\,=\int_0^1P(t)Q(t)dt.
$$ Pour $P\in E$, on pose : $$u(P)(x)=\int_0^1(x+t)^nP(t)dt.
$$ 1. Montrer que $u$ est un automorphisme symétrique.
2. Pour $(B_0, B_1, \ldots, B_n)$ une base orthonormée de vecteurs propres de $u$, en notant $\alpha_k$ les valeurs propres associées, montrer que : $$\forall(x,y)\in\R^2,\qquad (x+y)^n=\sum_k\alpha_kB_k(x)B_k(y).
$$ 3. Calculer la trace de $u$.

Réponses

  • Bonjour,
    Pour la 1), en développant le binôme de Newton pour $(x+t)^{n}$ on a $u(P)=\sum_{k=0}^{n}\binom{n}{k}\left \langle X^{n-k} \mid P \right \rangle X^{k}$ ce qui permet de voir que:
    • c'est un endormorphisme de $E$, car linéaire en $P$ et à valeur dans $E$
    • il est symétrique (auto-adjoint), en écrivant $\left \langle u(P) \mid Q \right \rangle$, développant, effectuant un changement d'indice ($\tilde{k}=n-k$) et en remontant à $\left \langle P \mid u(Q) \right \rangle$
    • son noyau est assez réduit car si $P \in E$ est tel que $u(P)=0$, alors les coefficients dans la base canonique des $(X^{k})_{k}$ sont nuls, c'est à dire que pour tout $0\leq k\leq n$, $\binom{n}{k} \left \langle X^{n-k} \mid P \right \rangle = 0$. $P$ est donc nul: $u$ est injectif, donc bijectif ($E$ étant de dimension finie)
  • Après avoir lu l'énoncé il me semble que la symétrie se fait plutôt avec Fubini.
    $\langle u(P)\mid Q\rangle=\int_0^1\int_0^1(u+t)^nP(t)Q(u)dt\,du,$
    et l'on échange les variables $u$ et $t$.

    Pour la bijection.
    Après un coup de binôme, $u(P)=0=\sum C_n^kX^k\langle X^{n-k}\mid P\rangle\Longleftrightarrow\langle X^{n-k}\mid P\rangle=0,\ $ pour tout $k\leq n$.
    Autrement dit $P\bot Vec\langle 1,\dots,X^n\rangle={\Bbb R}_n[X],\,$ donc $P=0$ par non dégénérescence du produit scalaire.
    À suivre ...

    [Guido Fubini (1879-1943) mérite le respect de son patronyme. AD]
  • Merci Polka,
    ta première relation éclaire toute cette question effectivement !
  • @noradan :
    Oui, c'est ce que j'ai fait, en me contentant de travailler sur $P=X^i$ et $Q=X^j$
    (puis en évoquant la linéarité de $u$...)
  • Pour finir :
    On écrit $(X+Y)^n=P_Y(X)$ dans la base $B_k(X)$ qui est orthonormée :

    $(X+Y)^n=\sum \langle P_Y\mid B_k\rangle B_k(X)$.

    Maintenant : $\langle P_Y\mid B_k\rangle=\int_0^1P_Y(t)B_k(t)\,dt=\int_0^1(t+y)^nB_k(t)\,dt=u(B_k)(Y)=\alpha_k\,B_k(Y)$.

    Très joli comme exo ! Je vais le poser en colle !
  • Oui !
    Je vérifiais l'énoncé, effectivement, les $B_k$ forment une base orthonormale (on sait que ça existe, mais l'énoncé stipule bien que la base proposée est orthonormée, ce que j'ai oublié de mentionner).
  • Enfin, la trace de $u$ est la somme des valeurs propres...
    Y a-t-il autre chose à dire dans cette question 3 ?
  • Je ne sais pas, mais si on vient de faire apparaître quelque chose qui y ressemble fortement, ça serait surprenant (et décevant) comme fin d'exercice ! :-D
  • C'est tellement automatique que je n'ai même pas vu que ce n'était pas précisé dans l'énoncé !
    (Mes élèves ont une très mauvaise influence sur moi ! je ne lis plus les énoncés X:-( )

    Pour ce qui est de la trace je dirais :
    $\mathrm{tr}(u)=\sum u_{ii}=\sum \langle u(X^k)\mid X^k\rangle=\sum C_n^k\langle X^{n-k}\mid X^k\rangle=\frac1{n+1}\sum C_n^k=\frac{2^n}{n+1},$
    puisque $ \langle X^{n-k}\mid X^k\rangle=\int_0^1t^{n-k}t^k\,dt=\frac1{n+1}$
  • ça paraît une bonne idée... je crois qu'il y a une erreur dans ce que tu proposes...?
    Je m'embrouille encore ou ce qui suit est correct ?
    \begin{align*}
    \mathrm{tr}(u)&=\sum_{i=0}^n < u(X^i) \mid X^i >
    & \text{or}\\
    u(X^i)& = \sum_{j=0}^n C^j_n < X^{n-j} \mid X^i > X^j,
    &\text{donc} \\
    \mathrm{tr}(u) &= \sum_{i=0}^n \sum_{j=0}^n C^j_n < X^{n-j} \mid X^i > < X^j \mid | X^i >.
    \end{align*}
  • Pas d'accord avec les précédents calculs de trace : si $u$ est un endomorphisme symétrique dans un espace euclidien de dimension $n$, et si $f$ est une base non orthonormale alors $(\langle f_i,u(f_j)\rangle)_{1\leq i,j\leq n}$ n'est pas en général la matrice représentative de $u$ dans la base $f.$ Pour $n$ quelconque, quel objet intéressant que cet $u!$

    L’énoncé est d'ailleurs bizarre : le 2 trébuche en parlant de valeurs propres au lieu de vecteurs propres, et vu qu'un vecteur propre comme $B_k$ pour la valeur propre $ \alpha_k$ est défini à une constante multiplicative près, il manque des hypothèses pour que la formule du 2 soit vraie.
  • Bonjour P.

    Désolé, j'ai repris l'énoncé vite fait, et j'ai commis quelques erreurs...
    Je l'édite.

    Par ailleurs, je vais réfléchir à ce que tu dis...
  • La question 2 devrait être "$(B_0,\dots,B_n)$ une base orthonormée de vecteurs propres...".

    Quant à la question 3, on trouve de deux façons différentes la trace.
    La première méthode en calculant la trace de la matrice de $u$ dans la base canonique, comme initié par noradan... mais avec ce que je crois être une erreur car la base canonique n'est pas orthogonale pour ce produit scalaire donc on ne peut pas calculer les coefficients de la matrice de $u$ avec des produits scalaires.
    La deuxième méthode consiste à utiliser la question précédente avec $y=x$ puis à intégrer le tout entre 0 et 1...

    D'après ma feuille d'exercices, cet exercice a déjà été donné aux MP à Centrale en 2015 (RMS 126-2, exercice n° 676).
    L'exercice ne demandait pas à l'époque de prouver que $u$ était bijectif... Je vais le rajouter !
  • Ok.

    J'ai repris le calcul, et je pense que noradan a raison,
    (les justifications me semblaient obscures).

    On écrit la matrice $M$ de $u$ dans la base canonique de $E$.

    $u(X^k)=\sum_{j=0}^n C^j_n <X^{n-j} | X^k > X^j$.

    On peut y lire les coefficients de la (k+1)ème colonne de $M$.
    Le coef de cette colonne appartenant à la diagonale de $M$ est donc obtenu pour $j=k$ :
    $$C^k_n<X^{n-k} | X^k> = \frac{C^k_n}{n+1}$$
  • Ah, merci Bisam, je me disais bien qu'une fois arrivé au résultat (2) il ne manquait plus grand chose pour conclure. Il fallait donc rester avec les produits scalaires jusqu'au bout (en intégrant).
  • Hum...

    $(2x)^n=\sum_k\alpha_kB_k(x)^2$
    En intégrant sur $[0,1]$, et sachant que $\int_0^1B_k(x)^2 dx =1$ :
    $$\mathrm{tr}(u)=\sum_{k=0}^n\alpha_k=\frac{2^n}{n+1}.

    $$ Merci à tous !!
  • Ce que je trouve dommage avec cet exercice (même si les résultats sont assez bluffants), c'est qu'on ne sache finalement pas grand chose des valeurs propres ni des vecteurs propres !

    En particulier, peut-on prouver que toutes les valeurs propres sont distinctes ?
    Qu'elles sont toutes strictement positives ?
    Qu'elles sont toutes plus petites que 1, sauf une ?
  • Est-ce qu'on ne peut pas généraliser ça, en écrivant que $u$ est relié à la translation $\tau_{x_{0}}:P(X) \mapsto P(X+x_{0})$ par $u_{n}(P)(x)=\left \langle \tau_{x}(X^{n}) \mid P \right \rangle$ ? [small](c'est peut-être très bête, ou une mauvaise lecture de ce qui est intéressant dans l'exercice)[/small] Ou regarder ce qui se passerait avec $(x-t)^{n}$ [small](ça fait penser, de loin, aux convolutions)[/small], ou regarder $(x+t)^{k}$, etc ...
  • Il s'agit d'un cas particulier d'opérateur de Fredholm ou opérateur intégral $\int_a^bK(x,t)f(t)\,dt$. (curieusement il n'y a rien dans wiki, les aritcles sont quasiment vides mais on doit trouver plein de chose sur la toile)
    Sous des hypothèses classiques ce sont des opérateur dits compacts à savoir
    symétrique pour $L²$, positif, ayant des valeurs propres constituant une suite tendant vers 0, les espaces propres étant de dimension finie sauf 0. De mémoire je crois que ce sont des opérateurs que l'on retrouve en mécanique quantique.

    La positivité est ici facile puisque $\langle u(P)|P\rangle=\int_0^1\int_0^1(X+t)^nP²(t)\,dt\geq0$.

    C'est un résultats général que $K(x,y)=\sum\lambda_i\,f_i(x)\,f_i(y)$.

    A la grande époque on les étudiait (à vérifier) en remplaçant les intégrales par des sommes de Riemann en résolvant via des coups de Cramer avec des déterminants partout et des passages à la limites plus que f...reux. Je crois que c'est pour les étudier que Riesz a "créé" la théorie des evn que l'on connait et démontré son théorème sur la compacité de la boule fermée.

    Déterminer les valeurs propres de $u$ me semble une question subsidiaire intéressante
  • Cher noradan $\langle u(P),P\rangle=\int_0^1\int_0^1(x+t)^nP(x)P(t)dxdt$ n'est pas necessairement positif. D'ailleurs pour $n=1$ si on cherche $b$ et $ \lambda$ tels que$\int_0^1(x+t)(x+b)dx=\lambda (t+b)$ on trouve $$b=\pm\frac{\sqrt{3}}{3}, \lambda=\frac{1}{2}\pm \frac{\sqrt{3}}{3}$$ et $u$ n'est donc pas defini positif si $n=1.$
  • Erreur de calcul, noradan.
    \[\langle P, u(P)\rangle=\int_0^1 \int_0^1 (x+t)^n P(t)P(x)\, dt\, dx\]
    Je ne vois pas comment en conclure que l'endomorphisme est positif.

    Mais je vais regarder du côté des opérateurs de Fredholm
  • Pour compléter ce qu'a écrit P. on peut démonter que $\left(\displaystyle\sum_{k=0}^n\alpha_k\right)^2-\displaystyle\sum_{k=0}^n\alpha_k^2=\dfrac{n+1-4^n}{(2n+1)(n+1)^2}<0$ donc $\min\{\alpha_k\}<0$ pour tout $n\geq1$.
  • Décidément, ce sujet revient souvent... Je ne rappelais même pas la conjecture que j'avais effectuée il y a 2 ans :p
  • Magnifique, jandri. Comment montres tu une chose pareille?
  • J'applique $u$ au polynôme en $x$ de l'égalité du 2) en utilisant $u(B_k)=\alpha_kB_k$, puis je pose $y=x$ et j'intègre de 0 à 1 en utilisant $\int_0^1B_k^2=1$.
    On obtient la trace de $u^2$.
  • Sioux, merci.
  • Avec Maple j'ai calculé des valeurs approchées des valeurs propres de $u$ pour des valeurs jusqu'à $n=30$ et j'ai observé qu'il y a toujours $n+1$ valeurs propres distinctes, $\bigg\lfloor \dfrac{n+1}2\bigg\rfloor$ négatives et $\bigg\lceil \dfrac{n+1}2\bigg\rceil$ positives.

    La plus grande valeur propre est de l'ordre de $\dfrac{2^n}n$ comme conjecturé par JLT (ici), la plus petite valeur propre est de l'ordre de $-\dfrac{2^n}{4n^2}$.
    La plupart des valeurs propres sont très proches de 0 mais pas toutes.

    Si j'arrive à démontrer que les valeurs propres sont toutes distinctes je saurai démontrer la première conjecture de bisam (ici) :
    $\forall k\in[0,n], B_k(1)^2=n+1$.
  • J'adore le nom "Première conjecture de Bisam"... Ca me fait l'effet d'être un grand chercheur B-)-
    En tout cas, ça m'a donné envie de retourner travailler ces calculs.
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