Les rois et les sujets

Bonjour à tous,

J’aimerais vous présenter une expérience de pensée, un paradoxe sur l’infini que j’ai conceptualisé… mais qui existe peut-être déjà sous une autre forme depuis des décennies (en sciences, philosophie et mathématiques, on peut souvent avoir l’impression d’inventer quelque chose alors qu’il n’en est rien).

A mon sens ça reprend un peu les bases de l’hôtel de Hillberg. Un peu seulement.

Voici donc mon histoire…

Nous sommes dans un univers infini.
Un univers composé d’une infinité de systèmes solaires, qui chacun possède ces caractéristiques :

. Différentes planètes, totalisant 100 milliards de sujets.
. Une toute petite planète, composée d’un seul être, qui est le roi du système solaire.

Chaque roi gouverne le système solaire qu’il habite. Bien entendu, son pouvoir et ses privilèges sont innombrables, tandis que ses sujets ont tous une existence assez ingrate.

L’univers est gouvernée par un dieu ayant décidé que toute personne qui décède se réincarne en être humain. En toute logique, chaque personne qui décède se réincarne donc soit en sujet, soit en roi, quelque part dans cet univers infini (à ce stade, les chances de se réincarner quelque part dans son propre système solaire sont mathématiquement nulles).

Lorsqu’une personne décède, pour décider de sa prochaine incarnation, le protocole est toujours le même. Dieu a devant lui la totalité des chiffres, de 1 à l’infini. Les 100 premiers milliards de chiffres correspondent à des réincarnations en tant que sujets, le 100 milliard unième correspond à une réincarnation en tant que roi… et ainsi de suite à l’infini.
Dieu ferme les yeux et pose son doigt au hasard sur un chiffre, ce qui décide de l’incarnation de la personne à venir.

Et ainsi, en permanence et à l’infini pour tout décédé.

Les sujets sont moroses ! Chacun sait qu’il n’a jamais qu’une chance sur 100 milliards (et un) de devenir roi lors de sa prochaine incarnation.

L’archange numéro 1 de Dieu souhaite leur redonner le moral. Mais comment faire ? Dieu ne souhaite rien changer aux données de son système.

Pourtant, l’archange parvient à convaincre son maître de modifier un ordre tout en respectant ses règles.

Il se dit : « si dans cette « ligne infinie du hasard » chaque réincarnation-sujet est numérotée ainsi, il suffit de faire une bijection en numérotant différemment. Dorénavant, chaque réincarnation-roi portera un nombre impair (1, 3, 5, 7… à l’infini) et chaque réincarnation-sujet un nombre pair (2, 4, 6, 8… à l’infini). »

Ainsi, Dieu, désormais, a toujours devant lui la totalité des nombres existants, mais à présent tout chiffre impair correspond à une réincarnation-roi, tout chiffre pair à une réincarnation-sujet.

Les sujets reprennent goût à la vie : pensez, chacun vient de passer à une chance sur 100 milliards de devenir roi à… une chance sur 2 !

L’archange, constatant qu’avec l’infini et les bijections les possibilités sont justement illimitées, décide d’aller encore plus loin.
Il décide que dans l’ensemble des nombres, chaque réincarnation-sujet portera un numéro multiple de 100 milliards, et chaque réincarnation-roi portera… un numéro non multiple de 100 milliards.
Ainsi, désormais, les choses se sont inversées : chaque sujet qui meurt à 100 milliards de chances de devenir roi, et seulement 1 seule et unique chance de devenir sujet.

Nous avons 2 infinis dénombrables (infinité de sujets / infinité de rois). Ce type de bijections est donc possible quels que soient les chiffres. Il pourrait y avoir tout aussi bien dans chaque système solaire 10 puissance 100 milliards de milliards de sujets pour un seul et unique roi…
Et pourtant, lors d’un décès, que la personne ait 10 puissance 100 milliards de milliards de chances de devenir roi, et seulement un seul et unique risque de devenir sujet.

J’en ai parlé à un mathématicien, ancien prof de math sup math spé, qui y a longtemps réfléchi, puis en a pas mal débattu avec un codeur :–)
La conclusion du mathématicien est que ce n’est qu’un paradoxe apparent, qu’en réalité il n’y en a pas.
La conclusion du codeur est que les données du problème ne sont pas correctes.
Ma conclusion perso : le paradoxe est réel. Il ne présente pas de « couacs » mathématiques, pas d’erreurs. Autrement dit si un tel univers existait réellement, l’opération de l’archange fonctionnerait réellement. Mais le paradoxe reste pour moi entier, car avec des mêmes données on peut changer radicalement les probabilités.

Qu’en pensez-vous ?

Je ne prétends rien apporter d’incroyable, simplement je n’avais jamais vu, à ma connaissance, d’expérience de pensée de ce type (qui s’appuie bien entendu sur des mécanismes connus) et j’aimerais avoir vos impressions et analyses.

Réponses

  • David Hilbert se retourne dans sa tombe en voyant l'orthographe que tu donnes à son nom ! ::o

    En ce qui concerne ton paradoxe, il n'est effectivement qu'apparent, car tu ne définis nulle part quelle notion de probabilité tu emploies. En particulier, rien n'indique que, une telle notion étant donnée, celle-ci est invariante par permutation des éléments de ton ensemble dénombrable.

    C'est un problème bien connu de comment généraliser la notion intuitive de probabilité uniforme sur un ensemble fini au cas d'un ensemble infini, même si celui-ci est dénombrable. Ça peut se faire de plusieurs manières, mais il me semble que l'on perd nécessairement quelques propriétés attendues dans le processus. Quelqu'un pourra sûrement en dire bien plus que moi.
  • "Dieu ferme les yeux et pose son doigt au hasard sur un chiffre" ?? Quel "au hasard" ? Si on veut que chaque nombre (pas "chiffre") ait la même chance que les autres, on a déjà le paradoxe : la probabilité commune p vérifie p>0 (sinon le nombre n'est pas choisi) et $\sum_{^p=1}^{+\infty} =1$.
    Ce dieu n'est pas mathématicien (ce qui justifie le d minuscule).

    Cordialement.
  • @kosh75 : je paraphrase ce que dit très justement gérard0 : il n'existe pas de probabilité uniforme sur $\mathbb{N}$. En d'autres termes, quelle que soit la notion de hasard que tu définis sur les entiers, elle va "charger" davantage les petits que les grands (sinon tu exploserais la masse totale, qui doit être égale à 1).
  • Comme déjà dit dans les messages précédents, il n'existe pas de probabilité uniforme sur $\mathbb{N}$ muni de la tribu $\mathcal{P}(\mathbb N)$.

    Mais on peut munir $\mathbb{N}$ d'une autre tribu. Par exemple la première modification de l'archange consiste à choisir la tribu engendrée par les deux parties formées des nombres pairs et impairs respectivement. Et on peut attribuer sans problème une probabilité de $1/2$ à chacune des deux parties. Mais c'est un choix parmi d'autres.

    Donc à chaque nouvelle modification, l'archange choisit une nouvelle tribu avec une nouvelle loi de probabilité. Il n'y a aucun paradoxe c'est l'archange qui fixe les règles.

    Dès qu'on tire un nombre et qu'on parle "des chances d'avoir obtenu une valeur" c'est parce que, même à un niveau inconscient, on a fait comme l'archange, on a choisi une tribu et une mesure de probabilité.



    PS. ceci dit je crois que tu viens de tuer CC en mentionnant "Dieu". (:D
  • Non, mais fait arrêter là (je fais plaisir à Raoult en prenant ce temps, mais je suis souriant) les enfants. Vous vous rendez compte que vous "vendez" comme si de rien n'était que toute proba est sigma-additive? Un scandale, véritablement scandaleux.

    Cela dit, même des non sigma-additives, et même diffuses $m$, kosh75 vient de réussir l'exercice classique de prouver qu'elle n'est pas invariante par permutations, ie il n'est pas vrai que pour toute partie $A$ et toute permutation $f: m(A\circ f)=m(A)$

    :-D
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • C'est bizarre,

    pour la plupart des matheux, en particulier les probabilistes, les probas sur des espaces infinis sont $\sigma$-additives par définition. Et il y en a (Cc par exemple), qui appellent "probas" autre chose ...simplement parce que ça permet de contester des conclusions basées sur le sens courant.

    Mais je comprends parfaitement que "dieu" soit vexé qu'on limite sa toute puissance de logicien !!

    Joyeux Noël, Christophe !
  • La perte de $\sigma$-additivité fait partie des "propriétés attendues que l'on perd" auxquelles je faisais référence dans mon précédent message.
  • @CC oui bon après je ne citais que des cas où la tribu est finie donc la mesure est finiment additive. Mais je préfère ton argument en effet, car derrière un apparent paradoxe se cache souvent une démonstration comme tu l'as indiqué.



    PS. et oui ! j'ai bien remarqué le "t" que tu ajoutes négligemment à mon pseudo... c'est pour exprimer ton affection au professeur Raoult ?
  • Une probabilité est par définition $\sigma$-additive.
  • Évidemment, on se connaît bien les uns et les autres, donc je poste pour les passants la suite.

    La siga-additivité dit que "c'est continu", autrement dit, par exemple que si la suite des $A_n$ est croissante pour l'inclusion, le poids de leur réunion est la borne sup des poids des $A_n$.

    L'ingénierie mathématique a simplifié en mettant cette propriété supplémentaire dans la définition de "proba" (ou de "mesure").
    Mais évidemment le seul "vrai" attendu d'une proba, c'est
    $$
    \forall X,Y,\qquad [X\cap Y=\emptyset \to P(X\cup Y)=P(X)+P(Y)],

    $$ [small](et $P(ToutLeMonde)=1$ of course, mais c'est tout)[/small]

    Et je signale aux lecteurs la sigma-additivité ne se déduit évidemment pas de cette propriété, elle est une HYPOTHÈSE supplémentaire.
    Je rappelle comment on peut mettre des probas diffuses sur $\N$. On prend un ultrafiltre $W$ sur $\N$. Bon, déjà, à lui seul, il constitue une proba non sigma-additive quand il est non principal. Et en plus de ça, il envoie tous les ensembles dans la paire $\{0;1\}$
    Mais pour avoir un truc plus sympa, vous pouvez prendre pour chaque $X$,
    $$
    P(X):=\lim_W \Big(n\mapsto \frac{X\cap n}{n}\Big),

    $$ où $\lim_W\ f$ signifie l'unique réel $a$ tel que pour tout $e>0,\ \{n\mid f(n)\in [a-e,a+e]\}\in W$
    Bon, cela dit, je signale aussi que l'axiome de détermination entraîne que toute mesure est sigma-additive. Donc "in some sense", on voit que quand je dis que ça ne s'en déduit pas, on a quand-même quelque chose d'amusant et de presque déductif qui se produit.
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Soit $X$ un espace localement compact, $E$ l'espace vectoriel des fonctions continues de $X$ dans $\R$ à support compact (i.e. pour toute $f\in E$, il existe $K\subseteq X$ compact tel que pour tout $y\in X \backslash K$, $f(y)=0$). Soit $I: E\to \R$ une forme linéaire positive (i.e. telle que pour toute $g\in E$ , si tout $x\in X$, $g(x)\geq 0$ alors $I(g) \geq 0$).

    Alors on a le théorème de Riesz suivant: il existe une unique mesure sigma-additive $\mu$ sur la tribu des boréliens de $X$, telle que
    1°) $\int_X f d\mu = I(f)$ pour toute $f\in E$
    2°) Pour tout ouvert $U$ de $X$, $\mu(U)$ est la borne supérieure des $\mu(K)$ où $K$ parcourt l'ensemble des compacts de $X$ contenus dans $U$
    3°) Pour tout borélien $A$ de $X$, $\mu(A)$ est la borne inférieure des $\mu(V)$ où $V$ parcourt l'ensemble des compacts ouverts (édité) de $X$ contenant $A$.

    (Source: Bourbaki-intégration chap. 1 à 4 ou bien W.Rudin: analyse réelle et complexe)

    ***************************

    C'est ce théorème qui explique pourquoi supposer qu'une mesure est sigma-additive est inoffensif; toutes celles d'usage fréquent en analyse (dont les probas sont essentiellement un chapitre) le sont. Au passage essayez de construire des mesures (sigma additives) sans cet outil.

    On appelle mesures de Radon des mesures sigma-additives vérifiant les propriétés 2°) et 3°) (et qui prennent des valeurs finies sur chaque compact -édité) du théorème précédent. La mesure de Lebesgue réelle en est un exemple.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Bonsoir,
    Foys a écrit:
    3°) Pour tout borélien $A$ de $X$, $\mu(A)$ est la borne inférieure des $\mu(V)$ où $V$ parcourt l'ensemble des compacts de $X$ contenant $V$.

    C'est plutôt la borne inférieure des $\mu(V)$ où $V$ parcourt l'ensemble des ouverts de $X$ contenant $A$. Je suppose que c'était ton intention en utilisant la notation $V$.

    On peut ajouter que $\mu$ est une mesure localement finie, ce qui permet que les $\int_X f\,{\rm d}\mu$ soient bien définies pour $f\in E$.
    Foys a écrit:
    On appelle mesures de Radon des mesures sigma-additives vérifiant les propriétés 2°) et 3°) du théorème précédent.

    Et il faut ajouter dans cette définition que ce sont des mesures localement finies.
    De plus, il me semblait plutôt que, à la place de 2°) et 3°), les mesures de Radon était intérieurement régulières (i.e. comme la condition 2°), mais valable pour tout borélien et pas que pour les ouverts). Mais il n'est pas impossible que plusieurs définitions coexistent.
  • Bien sûr pour le premier passage cité Calli.
    Pour le caractère localement fini, j'ai oublié de préciser que chaque compact est de mesure finie, en fait un tel compact est toujours contenu dans le support d'une fonction continue par le lemme d'Urysohn.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Attention !! Si tu ne veux pas mesurer tout le monde mais seulement quelques ensembles, alors ton post risque de politiquement berner les débutants dans les grandes largeurs Foys.

    Moi j'ai répondu dans un contexte où on veut mesurer tout le monde. Dans ce cas là sigma additivite n'est pas déductible, mais il est bien plus facile de compter que de mesurer et donc elle survient fréquemment (du fait que compter est all-additif)

    Mais dans le contexte où on ne prétend mesurer que quelques gentils ensembles bien réguliers, là là sigma additivite est carrément l'exception.

    L'exemple bateau est la densité de parties de IN quand elle existe etc. Bref tous les cas où on prend une limite dénombrable.

    Ta phrase ".. est inoffensive.." est très très très orientée. Il est clair cependant que le rappel que tu fais est d'une grande beauté mathématique. La n'est pas la question.
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Je ne berne personne, je parle de ce qui se passe partout dans la profession, du reste les probas (au delà du comptage de mains au poker) sont enseignées dans des filières sérieuses (techniques) où les gens savent qu'il y a des hypothèses aux théorèmes. Tout est explicite.

    1°) De plus étant donné un ensemble $X$ soit $E$ un sous espace vectoriel réel de $L^{\infty} (X)$ (fonctions bornées de $X$ dans $\R$) tel que tout élément de $L^{\infty}(X)$ est majoré par un élément de $E$ $(*)$. Soit $I: E\to \R$ une forme linéaire croissante (i.e. telle que pour tout $f,g\in E$ telle que $f(x)\leq g(x)$ pour tout $x\in X$; il est équivalent de dire que $I$ prend des valeurs positives sur les fonctions positives comme dans le cas évoqué dans mon message précédent). Soit $f\notin E$. Alors $I$ se prolonge en forme linéaire croissante sur $E+\R f$.
    En effet considérons $A^+ := \{g\in E \mid g \geq f\}$ et $A^- := \{g\in E \mid g \leq f\}$. Alors si $g\in A^+$, pour tout $h\in A^-$, $I(h)\leq I(g)$ et donc $a^-:=\sup_{h\in A^-} I(h) \leq I(g)$. Comme ceci est valable pour tout $g\in A^+$, $a^+ := \inf_{g \in A^+} I(g) \geq a^-$. On a $I(h) \leq a^- \leq a^+ \leq I(g)$ pour tous $h\in A^-$ et $g\in A^+$.
    Cela étant soit $c \in [a^-,a^+]$ (c'est ici que l'étrange hypothèse $(*)$ sert; $a^-,a^+$ et $c$ sont en fait réels). Comme $f\notin E$, $E$ et $\R f$ sont en somme directe et on définit une forme linéaire sur ladite somme en posant $I'(u+\lambda f):= I(u)+\lambda c$ pour tous $u\in E$ et $\lambda \in \R$.
    Il se trouve que cette forme linéaire $I'$ est à nouveau croissante car positive, en effet si $h\in E$ et $\mu \in \R$ sont tels que $h+\mu f \geq 0$, alors 3 cas se présentent:
    (i) $\mu < 0$; alors $\frac{h}{- \mu} \leq f$ donc $\frac{h}{-\mu} \in A^-$ donc $\frac{I(h)}{-\mu} = I\left ( \frac h {-\mu}\right) \leq a^-\leq c = I'(f)$ et donc $I' (h + \mu f) = I(h)+\mu c \geq 0$,
    (ii) $\mu > 0$; alors $\frac{h}{- \mu} \geq f$ donc $\frac{h}{-\mu} \in A^+$ donc $\frac{I(h)}{-\mu} = I\left ( \frac h {-\mu}\right) \leq a^+ \geq c = I'(f)$ et donc $I' (h + \mu f) = I(h)+\mu c \geq 0$
    (iii) $\mu = 0$; alors $h+\mu f = h \geq 0$ et $I'(h+\mu c) = I(h) \geq 0$.

    On déduit immédiatement de ce résultat et du lemme de Zorn que toute forme linéaire croissante sur un sous-espace vectoriel de $L^{\infty} (X)$ se prolonge en forme linéaire croissante sur l'espace $L^{\infty} (X)$ tout entier. Il n'y a pas unicité évidemment (dans le lemme ci-dessus, $c$ est pris arbitrairement dans $[a^-, a^+]$; il n'y aura unicité que pour les $f$ telles que $a^-=a^+$ i.e qui peuvent être encadrées par des fonctions dont la différence des images par $I$ peut être rendue arbitrairement proche: par exemple si $E$ est l'espace engendré par les fonctions caractéristiques de produits d'intervalles dans $[0,1]^d$, les fonctions sur lesquelles le prolongement est unique vont être exactement les fonctions Riemann-intégrables).

    2°) Le théorème précédent, énoncé pour $L^{\infty}(X)$, est valable en fait pour n'importe quel espace vectoriel ordonné avec exactement la même preuve. On peut en déduire une preuve du théorème de Hahn-Banach! On pourra consulter N.Bourbaki-espaces vectoriels topologiques pour des développements sur ce sujet.

    Donnons un exemple d'application:

    Soit $E$ un ensemble et $\mathcal A$ une sous-algèbre de Boole de $\mathcal P(E)$. Soit $p:\mathcal A \to [0,1]$ une fonction telle que $p(E)=1$ et $p(M\cup N)=p(M)+p(N)$ pour tous $M,N\in \mathcal A$. Alors il existe une forme linéaire croissante $I_p$ sur $vect \left (\{\mathbf 1_F \mid F \in \mathcal A\} \right )$ telle que pour tout $M\in \mathcal A$, $I_p \left ( \mathbf 1_M\right) = p(M)$. On en déduit aussitôt une forme linéaire $J$ sur $L^{\infty}(E)$ prolongeant $I_p$ et donc une application $q:N\subseteq E\mapsto J(\mathbf 1_N)$ prolongeant $p$ et telle que $q(V \cup W)=q(V)+q(W)$ pour tous $V,W\in \mathcal P(E)$ disjoints.

    3°) Etant donné $(E,\tau)$ un espace topologique on note $B_{\infty} (E)$ l'ensemble des fonctions continues et bornées de $E$ dans $\R$.

    Soit $X$ un espace topologique et $\hat X$ son compactifié de Stone-Cech. Soit $i_X: X \to \hat X$ l'application canonique. Alors $u \in B_{\infty} \left (\hat X \right) \mapsto u \circ i_X\in B_{\infty} \left (X \right)$ est un isomorphisme d'espaces vectoriels préservant les fonctions positives (il est donc aussi continu pour la norme infinie et c'est un isomorphisme d'espaces de Banach). Donc dès qu'on est disposé à oublier un peu de la nature interne de $X$, on est moralement dans le cas des mesures de Radon.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Les 1°) et 2°) sont une réponse à
    christophe c a écrit:
    Mais dans le contexte où on ne prétend mesurer que quelques gentils ensembles bien réguliers, là là sigma additivite est carrément l'exception.
    Ce n'est pas vraiment une limitation.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Le point 2°) me fait penser à un exo de "Éléments d'analyse fonctionnelle" de Hirsch-Lacombe. On obtient une réalisation du dual topologique de $L^{\infty}(X)$ (où $X$ est juste un ensemble).

    Plus précisément si $I \in L^{\infty}(X)'$ est positive alors $A\mapsto I \left ( \mathbf 1_A\right)$ définit une mesure finiment additive bornée sur $\mathcal P(X)$. Et cette correspondance est en fait une bijection entre les formes positives (et donc continues) de $L^{\infty}(X)$ et les mesures finiment additives bornées définies sur $\mathcal P(X)$.

    En continuant on en déduit une réalisation du dual de $L^{\infty}(X)$.

    Par contre pour ce cas particulier il n'y a pas besoin de lemme de Zorn.
  • Merci Foys, je t'ai bien lu, mais pas sûr que j'ai compris en quoi tu "réhabilites" (pour le dire vite) la sigma-additivité dans ton (2).
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Merci pour toutes ces réponses !
    Je ne peux y apporter aucune réponse car je ne les comprends pas, je n'ai pas ce niveau en maths. Pour les comprendre il faudrait que je me penche là-dessus des jours durant, j'avoue ne pas trop être à même de faire l'investissement...
    Je vois en tout cas que ça a été sujet à débat, c'est déjà ça :-)
  • Bon bin sache que tu as découvert tout seul le paradoxe de Banach Tarski mais avec IN et les bikections au lieu des isométries directes :-D
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Christophe C j'en suis très fier, après je m'en voudrais dans une soirée mondaine de répéter une phrase dont je ne saurai pas expliquer un mot (à part "mais" ou "avec" à la rigueur)

    Ce que je pense avoir saisi :
    l'expérience de pensée ne serait pas acceptable mathématiquement parlant car on ne peut pas parler d'une probabilité de choisir un nombre au hasard parmi une infinité de nombre.
    Dieu choisissant un nombre sur une "ligne infinie" n'aurait pas de sens.
    J'ai cru comprendre à peu près la démonstration mathématique.
    Par contre, à mon sens dans une expérience de pensée on fait justement intervenir des éléments qui ne seraient pas possibles en dehors de l'imaginaire.
    Je n'ai personnellement pas de peine à imaginer un dieu capable de choisir un nombre au hasard dans un entier N, Dieu est badass ou alors ce n'est pas Dieu. Et à partir de là, je constate qu'avec les mêmes données on peut numéroter de sorte qu'une personne décédant ait (par exemple) soit 1 chance sur 1 milliards de devenir roi, soit au contraire 1 chance sur 1 milliard de devenir sujet.
    Après je veux bien admettre qu'il y ait un élément considéré comme impossible par les mathématiciens.
  • Si "Dieu" peut tout faire, il peut faire que 1 chance sur 1 milliard de devenir roi, soit exactement 1 chance sur 1 milliard de devenir sujet. Un dieu omnipotent rend toutes les mathématiques sans utilité.

    Cordialement.
  • kosh75 a écrit:
    Et à partir de là, je constate qu'avec les mêmes données on peut numéroter de sorte qu'une personne décédant ait (par exemple) soit 1 chance sur 1 milliards de devenir roi, soit au contraire 1 chance sur 1 milliard de devenir sujet.

    Comme l'a déjà dit christophe c'est parce que "ta probabilité n'est pas invariante par permutations". En plus compréhensible on peut dire que ta probabilité dépend de ta façon de numéroter, si tu change ta numérotation tu changes la probabilité.

    Ça t'a l'air d'être un paradoxe car toi tu crois que la probabilité ne dépend pas de la façon de numéroter...
  • "Si "Dieu" peut tout faire, il peut faire que 1 chance sur 1 milliard de devenir roi, soit exactement 1 chance sur 1 milliard de devenir sujet. Un dieu omnipotent rend toutes les mathématiques sans utilité."

    Non ce n'est pas l'idée, sinon on pourrait aussi faire une expérience dans un monde où 1 et 1 font 3.
  • Mais en mathématiques habituelles (où les probas sont ce que définissent les probabilistes), décider qu'il est possible de choisir un entier "au hasard" (sens courant de ce terme : avec équiprobabilité) et décider que 1+1=3 sont exactement la même chose (accepter une propriété et son contraire).

    A moins que dieu ne choisisse pas avec équiprobabilité. Mais alors tout ton raisonnement est faux ...

    Cordialement. Et bonne année !
  • [Restons dans la discussion ouverte sur le sujet et ses variantes. AD]
    Bonjour à tous !
    Expérience de pensée… (2ème version, car la 1ère n’a pas du tout fait l’unanimité).

    Nous sommes dans un univers infini. Il est composé d’un début, une sorte de « sol » sur lequel est planté un système solaire. Au-dessus (oui, dans cet univers il y a un dessus, c’est ainsi) un autre système solaire, et pareil au-dessus… à l’infini.

    Chaque système solaire abrite 100 milliards d’êtres, et parmi eux :
    . 1 roi
    . 99.999.999.999 sujets

    Chaque fois qu’un être meurt, il se réincarne quelque part dans le système solaire situé juste au-dessus de lui. En toute logique, soit en roi, soit en sujet.

    Tout roi vit dans le confort et est comblé de privilèges. Tout sujet mène une vie rude et ingrate.

    L’archange va voir Dieu : ne pourrait-il pas modifier quelque chose ? Mais Dieu n’y entend rien. 1 seul heureux sur 100 milliards d’êtres, cela lui convient très bien.

    Au fond, le vrai souci du peuple repose sur le désespoir : chaque sujet sait bien qu’il n’a jamais qu’une chance sur 100 milliards de se réincarner en roi !

    Mais notre archange ne s’avoue pas vaincu.

    Il se penche sur le système permettant de décider de la prochaine incarnation de chacun. Au « sol », ce sont les premières vies qui apparaissent, les seules à ne pas venir d’une incarnation. Puis, les êtres meurent et se réincarnent dans le système solaire d’une couche supérieure.
    Pour que tout cela soit gérable, chaque être est numéroté, de « 1 » à « 100.000.000.000 ».
    Le roi est numéroté « 1 », les sujets sont numérotés de « 2 » à « 100.000.000.000 ».
    Lorsqu’un être meurt, il est réincarné sur le système solaire situé juste au-dessus du sien : on tourne une roue composée de 100 milliards de numéros. Avec donc 1 chance sur 100 milliards que la roue s'arrête sur le numéro 1.

    Si l’archange est contraint de conserver les mêmes éléments, il peut modifier le reste. En tant qu’archange, c’est le petit pouvoir qu’il détient. Aussi décide-t-il de changer cela :

    Désormais, les rois auront un numéro pair et les sujets un numéro impair.
    Rois : 2 / 4 / 6 / 8… à l’infini. Roi 2 du 1er système solaire, roi 4 du 2ème système, roi 6 du… à l’infini.
    Les sujets de tous les systèmes solaires sont numérotés de 1 à 199.999.999.999.
    Autrement dit, leur numérotation est la même quel que soit le système solaire (on trouve un sujet 99 aussi bien dans le système solaire 50 que dans le système solaire 500 puissance 5000).

    Hector meurt, mettons dans le système solaire A. Il doit se réincarner. La roue tourne. Si ça tombe sur un numéro pair, le sujet devient roi du système solaire situé juste au-dessus, le système solaire B.
    Sauf s’il y a déjà un sujet du système solaire A décédé avant lui à qui on a attribué le titre de roi du système solaire B. En ce cas, le sujet devient roi du système solaire encore au-dessus.
    Sauf si…
    Et on continue ainsi jusqu’à trouver à Hector un système solaire n’ayant pas encore de nouveau roi attribué.

    (le roi est mort, vive le roi).

    Ainsi, en conservant les mêmes éléments de base, les êtres passent d’une chance sur 100 milliards de devenir roi à une chance sur 2.

    Ce qui permet de retirer l’impossibilité de la 1ere version, dans laquelle Dieu devait choisir un nombre au hasard dans un ensemble N infini dénombrable.

    L’archange, en maniant d’autres bijections, peut même rendre les êtres fous de joie en faisant en sorte que chacun n’ait qu’un risque sur 100 milliards de se réincarner en sujet. Ou pourquoi pas des 100 milliards puissance 100 milliards.

    Qu’en pensez-vous ? Est-ce que cette fois ça fonctionne mieux ?
  • Je n'ai peut-être pas bien compris, mais il n'y a rien d'étonnant, non? L'archange change complètement les règles du jeu, il n'y a rien de surprenant à ce que les chances de devenir roi changent également.

    Quand tu dis "en conservant les mêmes éléments de base", je ne suis pas vraiment d'accord, on change les règles du jeu !

    Tu es juste en train de passer de: on a 1 chance sur 100 milliards d'être roi à une chance sur deux d'être roi, il n'y a pas d'histoire de bijection qui rentre en jeu (tes numérotations sont inutiles, ca revient à faire un coup de dé à 100 milliards de face). C'est juste une variation des deux jeux suivants:

    Jeu n°1: on lance un dé standard, si on fait un 1 on gagne sinon on perd. Jeu n°2: on lance un dé standard, si on fait un nombre pair on gagne.

    Peut-on dire qu'on conserve les mêmes éléments de base?
  • "Jeu n°1: on lance un dé standard, si on fait un 1 on gagne sinon on perd. Jeu n°2: on lance un dé standard, si on fait un nombre pair on gagne."

    Je ne suis pas d'accord ce n'est pas pareil : dans ton jeu 1, il y a 5 faces mauvaises et 1 bonne. Dans ton jeu 2, il y a 3 faces mauvaises et 3 bonnes.

    Alors que dans mon expérience de pensée, il y a autant de bonnes "faces" que de "mauvaises".

    Après tout dépend de la définition du mot "paradoxe", mais pour moi un univers infini où il n'y a pas 100 milliards de fois plus de sujets que de rois mais autant de l'un que de l'autre, malgré les apparences, est en soi un gros paradoxe. Que je fais jouer dans l'histoire.
  • Pour des parties infinies d'un ensemble, "100 milliards de fois plus de .." ou "autant de ..." n'ont pas vraiment de sens, et ne sont pas paradoxaux sauf à penser, comme Euclide, que "le tout est plus grand que la partie". le fait que dans un sens il y a autant d'entiers naturels pairs que d'entiers naturel et, dans un autre sens, il y en a deux fois moins, est connu depuis plus de deux millénaires ...

    En cherchant à améliorer ta première proposition, tu la dénatures et tu retombes sur une évidence : Les habitudes de comptage basées sur les ensembles finis ne conviennent pas aux ensembles infinis. C'est très connu en mathématiques.

    Cordialement .
  • Mais non, au contraire si tu me relis bien je mets toujours autant en avant le paradoxe (tout du moins, ce qui pour moi est un paradoxe) dont je parlais dans la version 1.

    Seulement, on m'avait parlé d'une impossibilité mathématique dans cette version 1, à savoir le fait que ça n'avait pas de sens de tirer au hasard un nombre dans un ensemble infini.

    J'ai donc retravaillé le truc pour retirer ce non-sens, où est le souci ?

    (il s'agit d'une expérience de pensée, ce n'est pas le souci que cela joue sur quelque chose de "très connu en mathématique" ou "connu depuis près de deux millénaires"... et alors ? Aïe aïe aïe j'espère que t'es pas prof)
  • Je n'ai toujours pas compris ce que tu considères être paradoxal.

    On tire un entier aléatoirement entre 1 et 100 milliards. Si c'est pair on devient roi. On a donc une chance sur deux (en gros) de devenir roi. Quel est le paradoxe là-dedans ?
  • C'est amusant de voir revenir comme "paradoxe" les choses connues depuis deux millénaires (et considérées comme paradoxales au départ, d'où le refus de l'infini actuel. Et comme ça gêne, on invente une règle qui ne marche pas :
    " le sujet devient roi du système solaire situé juste au-dessus, le système solaire B.
    Sauf s’il y a déjà un sujet du système solaire A décédé avant lui à qui on a attribué le titre de roi du système solaire B. En ce cas, le sujet devient roi du système solaire encore au-dessus.
    Sauf si…
    Et on continue ainsi jusqu’à trouver à Hector un système solaire n’ayant pas encore de nouveau roi attribué. "
    Et si on n'en trouve pas ????

    Sans compter que le système d'au dessus a déjà un roi. Donc la règle "Chaque système solaire abrite 100 milliards d’êtres, et parmi eux :
    . 1 roi
    . 99.999.999.999 sujets "
    ne peut pas être respectée.

    Je ne viens que de détailler ce que je disais : "En cherchant à améliorer ta première proposition, tu la dénatures".

    Tous ces "paradoxes" sont très connus sous le nom de "hôtel de Hilbert".
    C'est bien d'avoir des idées, mais on gagne du temps en étudiant les maths; ici, celles de l'infini (cardinaux et ordinaux).

    Cordialement.
  • J'avais dit dès le départ m'être inspiré de l'hôtel de Hilbert.

    Je répète qu'il m'importe peu de parler de quelque chose connu depuis 2 millénaires, mais tu peux le répéter une 3eme fois si ça te dit.

    Concernant les 100 milliards, oui c'est vrai il y a besoin d'une précision :

    chaque système solaire compte 100 milliards d'êtres au maximums. Avec bien sûr un mouvement permanent. En permanence des êtres qui naissent, vivent et meurent. Soit donc, non, pas un total de pile 100 milliards par système solaire.

    A moins que ce n'était pas là où tu voulais en venir.
  • Bon,

    inutile de continuer, tu ne lis pas les réponses (Je n'ai jamais parlé des 100 milliards). Tu restes dans ton idée imprécise (il suffirait d'essayer de la mathématiser).

    Ciao !
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