L’esprit actuel des mathématiques

J’ai commencé à enseigner les mathématiques en 1974 et bien sûr je suis à la retraite. Je continue de faire des maths et de les enseigner lors de cours et ce que j’ai pu remarquer au fil du temps c’est: autrefois, on avait coutume de montrer que certaines mathématiques découlaient d’autres mathématiques et on appelait ça des raisonnements logiques, on parlait de démonstrations... maintenant on a bien plus à faire à un catalogue de résultats à apprendre par cœur et à ressortir lors de l’interrogation écrite. On demande aux enfants de croire et si peu de comprendre, d’analyser. C’est notre première « erreur »!?... non faute. On a perdu très clairement le sens réel et surtout intéressant des mathématiques. La deuxième faute de notre enseignement n’est pas tant qu’il n’apporte plus rien, ou moins, car les profs apprennent encore des choses à leurs élèves mais c’est qu’il n’exige plus rien des élèves; ils apprennent s’ils le veulent bien et les profs n’ont plus le moyen d’exiger des choses de leurs élèves. Je sais c’est dans l’air du temps malheureusement c’est le cas. On aborde plein de choses... en surface, pour ne pas faire trop mal à nos petits, pas trop les fatiguer, pas trop les révolter et on ne va jamais ou si peu en profondeur. Je sens venir les précautions à mon propos, évidemment.

Réponses

  • LevraiBézout a écrit:
    mais c’est qu’il n’exige plus rien des élèves; ils apprennent s’ils le veulent bien et les profs n’ont plus le moyen d’exiger des choses de leurs élèves.

    La situation des enfants d'aujourd'hui est pire que celle des enfants de la fin des années 60.
    Le manque de diplôme va influencer très fortement négativement le cours de la vie de certains. Ce qui était sans doute moins vrai quelques décennies en arrière. L'enseignement a toujours été fondé sur cette menace (au moins depuis les années 60): si tu ne travailles pas à l'école.... C'est en partie le moteur qui permet à un enseignant d'exiger (le mot est connoté), d'attendre avec confiance un retour positif des élèves (cette formulation me semble moins connotée).

    L'enseignement est un cadeau, en principe on n'exige rien en retour de la personne à laquelle on fait un cadeau , c'est impoli de le faire. B-)-
  • Le démembrement de l'apprentissage des maths a commencé vers 91-92 lors de la structuration des IUFM. Je me rappellerai toujours le dépit de mon prof de maths de DEUG que j'étais allé saluer et qui m'avait appris que les démonstrations "à l'ancienne" n'étaient plus à l'ordre du jour au collège où son épouse enseignait. C'était un homme enjoué et c'était la première fois que je le voyais avec un visage grave et soucieux. Puis en 94 ou 95 on a changé l’appellation TC et TS et tout le monde connaît la suite.
    "J'appelle bourgeois quiconque pense bassement." Gustave Flaubert
  • On a perdu très clairement le sens réel et surtout intéressant des mathématiques.

    C'était mieux avant tu sais, dans les années 1950 :
    https://images.math.cnrs.fr/Comment-enseigner-les-mathematiques-selon-Yves-Meyer
    L’enseignement des mathématiques que j’ai reçu était basé sur la géométrie et le raisonnement. On ne cherchait pas à relier les mathématiques aux autres sciences. Pas de pluridisciplinarité. J’adorais la géométrie. J’admire encore aujourd’hui les propriétés de la transformation géométrique qui s’appelle l’inversion, j’aime les faisceaux de cercles, etc. Mais voici ce que j’aimais par-dessus tout à Tunis. L’élève, par la justesse et la qualité du raisonnement qu’il élabore, pouvait devenir l’égal du maître. Je pouvais prouver que j’avais raison et que le maître se trompait. Je pouvais montrer que ma démonstration était plus belle et plus simple que la sienne. Cela ressemble fâcheusement à « l’élève au cœur de l’acquisition du savoir ». Mais en aucun cas ! En effet je ne pouvais discuter avec le maître qu’en me hissant à son niveau de connaissances et de rigueur. Le dialogue d’égal à égal avec le maître est la fin, l’aboutissement, la consécration d’une initiation. Ce dialogue n’est évidemment pas le point de départ. Il n’y a aucune flatterie, aucune complaisance envers les élèves dans cette vision de la transmission et de l’échange avec le maître.

    Rien à voir avec ce que j'ai subi dans les années 1980 aux collège puis au lycée.
    Évidemment aujourd'hui l'enseignement est une coquille vide on peut trouver les années 80 pas si mal...


    Déclinons B-)- :
  • Amis déclinologues soyez les bienvenus dans ce fil X:-(
  • Dommage, la discussion aurait pu être intéressante. Est-ce que la modération peut faire quelque chose ?
    Tu me dis, j'oublie. Tu m'enseignes, je me souviens. Tu m'impliques, j'apprends. Benjamin Franklin
  • fdp c'est levraibezout qui a commencé...
    Je ne suis pas d'accord avec l'idée que l'enseignement des années 1980 soit l'idéal je reconnais juste qu'il est mieux que ce qui ce fait depuis.

    L'actualité où l'humoriste Jean Castex félicite Emmanuelle Charpentier pour son prix Nobel montre bien le déclin : elle a fait toute sa carrière à l'étranger.
  • Effectivement, ce n'est pas du tout un bonne nouvelle, et quand on connait les difficultés des post-docs à rentrer, je crois qu'en biologie et chimie c'est très difficile. Après quand on gratte sur ce que fait Crispr on a aussi des sueurs froides quant au manque de contrôle de la technique et au profil de ceux qui ont acheté les droits d'exploitation ...
    "J'appelle bourgeois quiconque pense bassement." Gustave Flaubert
  • Dans la série « c’était mieux avant », Jean Castex, avec ses prononciations appuyées et sa manie de répéter les fins de phrases, me fait penser à certains de mes profs du cours élémentaire le jour de la dictée.
    ...
  • Ce n'est pas de la « déclinologie », c'est le strict constat d'une déchéance de notre système d'enseignement, que les idéologues auront du mal à cacher.
    Il y a aussi dans le texte cité ce témoignage :
    « Comme en France à la même époque, il fallait réussir un examen pour avoir le droit d’entrer au lycée. C’était le fameux examen d’entrée en sixième. L’enseignement au lycée avait donc un haut niveau ».
    Ceci explique cela.
  • ... je reconnais juste qu'il est mieux que ce qui se fait depuis...
  • (L’esprit actuel des mathématiques) $\neq$ (l'esprit actuel de l'enseignement des mathématiques dans le secondaire en France).
  • Non mais Chaurien, t'as rien compris : dire qu'il existe une chose qui ne progresse pas, voire qui régresse c'est être un "déclinologue". Les déclinologues, c'est comme les platistes, ils refusent les évidences. Et l'évidence, c'est que chaque jour la société, le monde et la planète se portent mieux que le jour précédent.
    Quand même, qui peut nier cela ? Le capitalisme est partout ; à l'école, on apprend aux enfants à être des consommateurs et à entrer dans le moule d'une société consumériste. Franchement, qui pourrait croire que certaines choses étaient plus saines avant ? Faut vraiment être un idiot de déclinologue !
  • bonsoir

    avec le nouveau baccalauréat et les épreuves à la carte (choix des spécialités) on en arrive aux mathématiques facultatives
    l'obligation porte désormais sur un "enseignement scientifique" qui un fourre-tout quelque peu indigeste

    mais ne soyons pas pessimistes pour autant :

    la spécialité math d'après les derniers pointages concerne 45 % des élèves de terminale, donc c'est encourageant pour notre discipline
    même si le programme a été amputé (par rapport à celui du défunt bac S)
    de chapitres aussi importants que les nombres complexes et les lois continues en calcul des probabilités

    l'esprit actuel des mathématiques dans l'enseignement secondaire va dans l'allègement des programmes
    dans le choix de l'enseignement mathématique partagé entre "mathématique complémentaire", spécialité math" et "math expertes"
    et aussi dans des épreuves équilibrées à 4 ou 5 exercices portant sur l'ensemble du programme

    est-ce un mal ? je ne crois pas

    cordialement
  • "l'esprit actuel des mathématiques dans l'enseignement secondaire va dans l'allègement des programmes"
    C'est sur que les programmes étaient vraiment trop lourds, il suffit de jeter un coup d’œil aux manuels des années 80 pour voir qu'ils s'étaient vraiment trop étoffés et comportaient trop de choses difficiles.

    "math expertes" : cette option indispensable pour les bonnes prépas ne sera pas disponible partout : tant mieux, ça permettra d'assurer un meilleur tri social.

    (bon c'est du second degré, tandis que je crois que lismonde est dans le 1er dégré, hélas).
    "J'appelle bourgeois quiconque pense bassement." Gustave Flaubert
  • Ne pas oublier que ce sont les élèves qui ont changé et que les programmes se sont largement adaptés à cette évolution.
    Je parle ici des capacités d'apprentissage , de mémorisation.
  • Il y aurait eu des mutations génétiques dans l'espèce humaine entrainant une incapacité à apprendre et mémoriser ?

    Ou bien voulais-tu signifier (mais en oubliant de le dire) qu'il y a eu une évolution dans la façon de (ne pas) éduquer les enfants dans une grande partie de la population ?
  • Dans les changements on peut considérer le signal sur bruit.
    de mon temps le signal (de l'école) était peu parasité, remplacé, en "compétiton" avec le bruit (pas de portable, pas de télé le soir …)
    de nos jours le signal (de l'école) est complètement noyé, remplacé par énormément de bruit.
    Il faut voir ce qu'est la mémorisation, comment on apprend, comment le signal est mis en boucle pour etre mémorisé…

    Il y a d'autres changements ...
  • @jean, le programme de Tale n’a pas été amputé. On a juste arrêté de mettre la charrue avant les boeufs.

    @beagle, pauvres enfants! Dès qu’ils passent la frontière française, ils deviennent nuls en maths...
  • @beagle c'est une bonne blague ce que tu racontes, tu as oublié d'inclure la couleur de la peinture dans les classes qui n'est pas adaptée à l'apprentissage.

    Plaisanterie mise à part, la France a choisi une "sélection" basée sur des critères sociaux (1), les bons sont toujours bon eux, ne t’inquiète pas pour les médailles Field.

    (1) ça ne change pas aux dernières nouvelles https://www.franceinter.fr/societe/l-origine-sociale-pese-encore-trop-sur-les-resultats-des-eleves-francais-selon-la-derniere-enquete-pisa et comme on le sait, les enfants asiatiques n'ont accès ni à la TV, ni aux téléphones portables, ni aux jeux.
    "J'appelle bourgeois quiconque pense bassement." Gustave Flaubert
  • @xax, comme PISA pointe déjà ce problème, je n'ai jamais fait attention aux résultats. Mais eux aussi, ils comparent le niveau des élèves en fonction du profil de leur famille. Ou plutôt ils regardent si les élèves de l'école sont majoritairement viennent des familles pauvres, classe moyenne ou riches : lien vers TIMSS, élèves en CM1.

    Il y a des pays développés sans ghettos scolaires (moins de 10% des élèves): Pays Bas, Norvège, Finlande, Danemark, Suède, Belgique (non francophone), Italie, Japon.

    Et des pays en développement sans ghettos scolaires: Russie et Kazakhstan, Chine et Singapour. Concernant la Russie et le Kazakhstan (de même pour l'Ukraine et la Biélorussie) il faut savoir que les ghettos sont très rares et la composition de la société est très marqué par la perestroika et les années 90 (les ingénieurs et les scientifiques sont des gens pauvres).

    En France c'est 1/3, 1/3 et 1/3. Ce n'est pas glorieux, mais il y a pire: US avec 59% des élèves qui sont dans des écoles où il y a plus de 25% de pauvres.

    Concernant la différence de score entre les établissements où il y a plus de 25% des "riches" et les ghettos scolaires : La France est effectivement mal noté (52 de différence). Les Etats-Unis, Australie, Nouvelle Zélande et Angleterre sont aussi très mal notés. Il y a aussi Singapour... mais comme on a vu les ghettos scolaire sont rares (concerne 10% des élèves).

    Les pays avec moins d'inégalité : Slovénie, Russie, Pays Bas, Croatie, Japon, Danemark, Italie, Norvège. Bref ceux, qui n'ont presque pas de ghettos scolaires.

    Pour les élèves en classe de 4e, presque pas de différence. Seuls exceptions : les pays asiatiques sont très inégalitaires à ce niveau. Russie, Slovénie, Norvège, Italie, Kazakhstan, Canada arrivent à préserver un faible écart, qui pour certains est non significatif, entre les élèves étudiants avec les riches et ceux venant des établissements moins côté.
  • Salut xax
    bon d'abord ma comparaison temporelle, je ne vois pas bien comment elle est réfutée par une comparaison géographique.
    Tu es sûr que le lycée de mon temps n'était pas du niveau du lycée actuel en Asie ?
    Tu es sûr que les petits asiatiques d'aujourd'hui apprennent aussi bien que ceux d'il y a 40 ans ?

    Sinon c'est assez comique cette histoire de résultat élitiste, alors que la base de réflexion qui l'amène est une base ultra-égalitaire,
    juste qu'elle foire ses résultats.
    Si on prend la maternelle, c'est sur base d'égalité des chances au niveau social que l'on a décidé de retarder les enseignements en France.
    Les enfants de niveau social élevé arrivant à l'école avec un niveau d'avance, il a été décidé de retarder tout le monde.
    Et le résultat est une plus grande difficulté pour tous, mais qui peut se compenser en effet dans les niveaux sociaux élevés.
    C'est idem le pas de devoir le soir à l’école primaire. Résultat niveau sociaux élevés : vous faites quoi en ce moment, ah oui, et comment tu fais etc... Que le résultat soit élitiste ne dit pas que la base décisionnelle l'était.
  • Sur les ghettos scolaires, c'est ce que j'avais mis dans il y a d'autres facteurs en jeu…
    mais celui-là je vous laisse en discuter entre vous.
    C'est du même tonneau que l'égalitarisme qui mène à l'élitisme.
    L
    e problème est pris dans ce sens alors qu'on a tout fait pour en arriver là avec de bonnes volontés …
    Moi c'est joker ce plan là !
  • @beagle, il est clair que les bidonvilles n'auraient pas du exister. :-(
    Tu es sur que les petits asiatiques d'aujourd'hui apprennent aussi bien que ceux d'il y a 40 ans ?
    Ils apprennent mieux qu'il y a 40 ans. Il y a 40 ans c'était la misère dans presque tous les pays asiatiques.
    C'est idem le pas de devoir le soir à l'ecole primaire.
    Ce n'est pas bien, l’absence des devoirs, mais ceci est à cause de la journée scolaire complétement démoniaque. Par ailleurs ils ont beaucoup de cours de maths contrairement aux enfants dans les autres pays. Par exemple en Russie l'école commence à 7 ans. Il n'est pas demandé de savoir lire à l'entrée de l'école. Une partie des enfants n'est pas allé dans les jardins d'enfants où il y a l'éveil. Il y a deux fois moins d'heures de cours de maths. Et de façon générale il y a peu d'heures de cours pour les petits : ils sont libres vers 11h en équivalent CP et 12h les années suivantes. Et pourtant... les petits russes ils sont bien devant les français. Tu peux remplacer "russe" par "finlandais/polonais". Par contre il y a beaucoup de devoirs. Mais aussi beaucoup de temps pour le faire, et il reste le temps de faire autre chose !
  • Merci Vorobichek; l'analyse des scores fait un peu mal aussi. Une remarque en passant, il est parfois avancé que la mixité sociale ne nuit pas aux plus favorisés et aide les autres : c'est vrai, je l'ai personnellement observé, à l'échelle d'une ville moyenne économiquement très défavorisée (dernier décile cereq ...) mais à une condition, que la classe reste gérable.

    Beagle, en, ce qui concerne les maths, il y a 40 ans les petits asiatiques n'apprenaient pas encore aussi bien qu'aujourd'hui, car le décollage économique commençait tout juste (à l'exception du Japon, de Hong Kong alors britannique) et que la fameuse méthode de maths de Singapour était en voie de gestation. Actuellement même des pays asiatiques avec un niveau économique encore modeste (par exemple le Vietnam) font de gros efforts. Le résultat se voit dans une sensible augmentation du nombre de talents et de mathématiciens asiatiques ainsi qu'une présence remarqué dans les mathématiques ludiques et sportives (olympiades etc.), y compris dans les pays d'adoption.
    Je crois que l'émergence asiatique est un élément important des mathématiques d'aujourd'hui.

    Les milieux sociaux favorisés ne tiennent plus compte de ce qui se fait à l'école si elle est publique lambda (c'est juste une chambre d'enregistrement des notes et un lieu que l'on recherche sympathique dans la meilleure classe du bahut) ou éventuellement, mais plus minoritairement, payent le prix fort pour des établissements où il n'y a plus du tout à s'occuper des enfants. Ce sont 2 attitudes différentes qui aboutissent au même résultat.
    "J'appelle bourgeois quiconque pense bassement." Gustave Flaubert
  • @xax,
    mais à une condition, que la classe reste gérable.
    pour moi, c'est plutôt un problème culturel du genre: boire trop de vodka, boire du vin en journée au travail (c'est devenu "rare" en France), donner des pots de vins etc. Il y a la mauvaise culture, les bavardages et l'irrespect de l'interlocuteur. C'était toujours le cas en France et cela concerne aussi bien les adultes que les enfants. C'est juste qu'envers les adultes on peut utiliser des moyens de répression efficaces. Pour combattre cette mauvaise culture, il faut sortir des gros moyens: les campagnes de PUB sociales comme "manger trois fruits et légumes par jour". Il faut aussi changer les rythmes scolaires qui sont démoniaques. Être tranquille pendant 45 min ce n'est pas la même chose que se tenir tranquille pendant 2h. Avoir une journée courte des cours, ce n'est pas la même chose que de finir à 16h au mieux et vers 18h-19h au lycée. Le pire est que les enfants passent un temps fou dans les établissements scolaires, mais n'arrivent pas à apprendre.... et les professeurs de chaque matière disent qu'il n'y a pas assez d'heures de cours.
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