Du nouveau sur la "preuve" d'ABC de Mochizuki
Peter Scholze and Jakob Stix sont allés à Kyoto en mars dernier pour aller discuter avec Shinichi Mochizuki de sa fameuse démonstration de la conjecture ABC basée sur sa "Inter-universal Teichmüller theory".
Ils viennent de sortir un papier qui explique en quoi la démonstration n'est toujours pas complète, voire fausse.
Mochizuki a publiquement répondu, en créant cette page sur son site web, et ce qu'on peut dire c'est qu'il n'y va pas de main morte pour critiquer Scholze et Stix qui sont pourtant des gros pontes...
Un article de vulgarisation remarquable sur le sujet est disponible (en anglais) sur Quanta.
Affaire à suivre !
Ils viennent de sortir un papier qui explique en quoi la démonstration n'est toujours pas complète, voire fausse.
Mochizuki a publiquement répondu, en créant cette page sur son site web, et ce qu'on peut dire c'est qu'il n'y va pas de main morte pour critiquer Scholze et Stix qui sont pourtant des gros pontes...
Un article de vulgarisation remarquable sur le sujet est disponible (en anglais) sur Quanta.
Affaire à suivre !
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Réponses
La math-drama!
merci pour ces liens.
Il y a de quoi réfléchir sur la notion de preuve en mathématiques non ?
S
Al-Kashi
Apparemment il n'y a pas eu de changement majeur depuis la visite de Scholze et Stix, en particulier pas d'aménagement au vu de leurs remarques concernant ce fameux corollaire 3.12.
C'est une situation assez folle tout de même. Bref, on n'a pas encore vu le fin mot de l'histoire, mais je me demande dans quelle mesure ça peut avancer (surtout si c'est publié : est-ce que toutes les personnes qui font de la théorie des nombres vont devoir vérifier à chaque fois que leur papier ne repose pas sur un papier publié par quelqu'un qui utilise les résultats de IUTT ? Parce qu'il est clair que la publication ne changera rien au caractère "non accepté" du résultat...)
Cela étant j'ai l'impression qu'on assiste à un effondrement de l'éthique scientifique (pour un sujet d'actualité, voyez le buzz provoqué par un certain médecin en vue qui ose se dire "épistémologiste" dans un interview récente). Mochizuki bafoue allègrement la notion de charge de la preuve, critique les détracteurs dans leur rôle de sceptique et j'en passe.
En 1847 Lamé a publié sous l'autorité de Liouville une fausse démonstration du théorème de Fermat qui a, je crois, été une grande avancée. Liouville a signalé lors de la publication que l'article était faux... mais intéressant. Alors que j'avais fait une erreur (corrigée le jour même) dans une démonstration un de mes professeurs m'a cité cette phrase de Thom que je trouve très belle:" le contraire du vrai ce n'est pas le faux mais l'insignifiant"
Il y en a déjà quelques-uns.
Il paraît (mais ma seule source est un ami, donc je ne sais pas d'où il tire ça) que l'article serait préfacé d'une mention du type "pas encore fully reviewed" (mais dans ce cas-là, à quoi bon publier ??)
D'autant qu'ici les idées ne sont pas claires : si j'ai bien compris, selon Scholze, il n'est pas clair qu'il "se passe quelque chose" dans les papiers, à part justement à partir du fameux corollaire 3.12
Je me pose la même question que Chat-maths, et d'ailleurs je me demande si ça ne vas pas entraîner des chutes de réputation ou de citations pour pas mal de gens ("ah non ça je ne cite pas, il y a un risque que ça utilise IUTT")
Quelque chose d'assez fou : cet article a l'air de complètement se fiche de l'avis de Scholze et Stix, et présente Mochizuki comme un "génie" qui aurait "triomphé" (ce triomphe étant démontré par l'acceptation de publication - c'est fou)
Peut-être parce que le site en question est japantimes et que Mochizuki se trouve être... japonais ? (:D
Son auteur refuse toute explication de son travail, décline toutes les invitations à des séminaires.
Les imperfections d'une preuve pourraient être l'objet de débats intéressants, encore faut-il que le principal intéressé joue le jeu ! Faltings déplore que l'auteur ne communique pas clairement ! Il se contente de répondre que ceux qui le critiquent n'ont rien compris à son oeuvre. Ça rappelle le comportement de certains "shtameurs" !
Finalement, que cette "preuve" de 600 pages soit publiée ou pas ne change rien au fait qu'elle n'est toujours pas validée par les experts.
https://www.nature.com/articles/d41586-020-00998-2
...
df : je suis d'accord avec toi
...
Le souci c'est que dans cette situation, les referees en l'occurrence font certainement partie du cercles de "potes" de Mochizuki (puisque personne d'autre que ledit cercle n'est prêt à dire que la preuve est correcte, si les referees l'acceptent...)
Blagues à part avec 600 pages, même si la preuve est correcte, elle n'est par définition pas élégante.
Ce n'est pas évident. Une preuve bien structurée peut être à la fois longue et élégante. J'ai en tête une preuve d'une centaine de pages dont l'argument se décompose en trois ou quatre étapes plus ou moins indépendantes, chacune avec une stratégie claire. Au final, on voit très bien ce que l'on fait. C'est vrai qu'avec 600 pages, on est au niveau au-dessus, mais ce n'est pas obligatoirement mission impossible.
La preuve de Mochizuki a été fortement critiquée par des experts mondiaux (Scholze, etc ...) mais je vois maintenant que, d'autre part, il est soutenu par de très grands spécialistes comme Kashiwara, dont les capacités intellectuelles peuvent difficilement être remises en cause.
Il semblerait donc bel et bien que le problème se situe au niveau éthique et qu'une certaine forme de nationalisme japonais soit en train de prendre le dessus sur la démarche scientifique.
À titre personnel, j'ai un article récemment accepté au RIMS et ça m'ennuie de voir que ce journal va probablement s'effondrer à cause de ça. :-D
Pour faire un parallèle, c'est comme si on demande de démontrer que pour tout nombre réel $x$, on a $x + 1 > x$ et que la démonstration à vérifier est "c'est évident". Bonne chance pour entrer cette démonstration dans un correcteur d'épreuves!
D'autre part "il nous faudrait 50 ans pour résoudre le problème par la méthode A" n'entraîne pas que "A est inutile".
Pour rentrer la preuve de $x+1 > x$ pour tout nombre réel $x$ dans un vérificateur, il faut bien connaitre d'où on part et où on veut arriver (comme tu le dis, comment est défini >, comment sont définis les réels, quelles propriétés on a déjà, etc.).
Si j'ai bien suivi, les gens commencent à avoir bien décortiqué la preuve de Mochizuki et le problème est vraiment qu'il fait des conclusions et les gens ne comprennent pas d'où ça sort (le fameux corollaire 3.12).
Il y a aussi apparemment un problème d'identification des objets (c'est discuté notamment par Scholze dans les commentaires de ce billet), je ne comprends pas le propos bien évidemment, mais Scholze dit en gros qu'il ne comprends pas l'argument et que rien n'est clair pour lui, donc sur ce genre de problème, un vérificateur de preuves est inutile.
D'ailleurs je pense que c'est un des problèmes de passer d'une preuve sur papier à une preuve formelle, on passe notre vie à identifier plein d'objets alors qu'ils sont différents sans même s'en rendre compte. Rien que d'écrire $\mathbb N \subset \mathbb Z$... La théorie des corps aussi est un exemple assez frappant! Pareil pour les structures, en considérant un anneau $(A,+,\cdot)$, on parle de $A$ dans une preuve papier sans toujours préciser si on parle de l'ensemble $A$, de l'anneau, du groupe additif, etc. Sur des preuves avec énormément d'objets qui peuvent être vus différemment selon les structures considérées, des isomorphismes permettant d'identifier sans le dire dans tous les sens, ça devient vite le bordel.
Apparemment, ils seraient parvenus à extraire des énoncés potentiellement intéressants des travaux de Mochizuki et à nettoyer une partie de son charabia.
Edit. En fait, deux papiers sont sortis hier.
[ arxiv:2004.13108 ] et [ arxiv:2004.13228 ]