Nombres et réalité (espace / longueurs)

Bonjour,

Je ne sais pas si ma question est plus mathématique que physique, elle est sans doute entre les deux. Je souhaiterais connaître la façon dont on a commencé à mettre en place des nombres derrière les longueurs et les distances spatiales. C'est-à-dire comment l'on a soudé mathématiques et espace, en élaborant des plans et des unités comme le mètre, ou n'importe quelle unité de mesure, pour savoir comment on est arrivé à traduire la juxtaposition spatiale de longueurs en une addition mathématique de nombres associés (comme par exemple une ligne d'1,1 mètre et une ligne de 0,45 mètre qu'on accole donnent une ligne de 1,55 mètre), autrement dit l'additivité des longueurs / du mètre. Car bien que cela paraisse logique ou instinctif, je me doute bien que cela a dû être concrétisé rigoureusement avec des constructions théoriques... Et j'aimerais bien justifier le fait que quand on me parle de nombres, je les visualise de manière entièrement spatiale. Mais je n'arrive pas du tout à trouver ce genre d'explication sur internet. Pourriez-vous m'aider ?

Merci !

Réponses

  • Bonjour Andropie,
    Je ne sais si j'ai bien compris ta question, mais cela me fait penser aux mesures de longueurs et de surfaces des champs dans la vallée du Nil, chez les anciens Egyptiens ... ainsi qu'au fait que certaines anciennes unités de mesure de longueur, d'ailleurs toujours utilisées dans certains pays, notamment Royaume-Uni et USA, étaient prises carrément sur le corps humain : pieds, pouces, coudées, palmes (paume de la main), empans ... Un autre exemple, romain, est celui du pas et de son multiple, le mille ...
    Il est certain que ces questions de mesure de quantités de toute nature (longueur, poids, volume, nombre d'articles ...) se sont posées dès le début, et peut-être même encore avant cela, des diverses civilisations en Egypte, en Mésopotamie, en Chine ... Quant aux constructions théoriques justificatives, elles ont probablement suivi d'assez loin ...
    Bien cordialement
    JLB

    @ admin : je suggère de déplacer ce fil dans le forum "histoire des mathématiques".
  • Bonjour.

    Une des origines des mathématiques est l'activité des scribes égyptiens, chargés de rétablir les limites des champs autour du Nil après les inondations (bénéfiques). Donc dès le début du premier millénaire avant notre ère, les questions que tu te poses étaient "résolues" par des habitudes de travail.
    Ensuite, dans la constitution des mathématiques écrites, les mathématiciens grecs, face à la faillite des nombres (crise des irrationnels), fondèrent les mathématiques sur la géométrie, y compris les nombres (voir les "éléments" d'Euclide). Depuis 150 ans, on a en fait renversé le propos, et fondé la géométrie sur les nombres, mais en tout cas, il y a une unité profonde entre les deux notions.
    Une dernière chose : Dans les travaux de psychologie des nombres réalisés par Stanislas Dehaene, a été mise en évidence une sorte de répartition spatiale des petits nombres dans le cerveau pensant, l'échelle se réduisant vite avec la taille des nombres (*). Donc le lien "distance/nombre" est plus ou moins câblée dans nos neurones.

    Cordialement.

    (*) ce qui fait qu'on distingue à vue 3 bonbons de 4 bonbons, mais bien moins facilement 42 de 43.
  • Merci beaucoup pour vos réponses, c’est très intéressant ! Est-ce qu’il existe des articles que l’on peut consulter facilement qui expliquent rigoureusement ces liens entre espace et nombres ?
    Et dans ce cas-là, peut-on dire que l’additivité des longueurs est un axiome, ou il y a quelque chose de plus technique derrière cela ?
    Cordialement.
    Andropie
  • 1) Il y a des tas de bouquins d'histoire des sciences.
    2) L'additivité des longueurs est une conséquence de la définition des nombres chez les grecs (si B est entre A et C sur une droite, alors AC=AB+BC, puisque ces nombres sont justement définis ainsi. C'est, je crois, un axiome ou une conséquence d'un axiome plus "technique" dans l'axiomatique de Hilbert. C'est une conséquence de la définition de la géométrie euclidienne à partir des espaces vectoriels $\mathbb R^n$ dans les présentations actuelles de la géométrie.
    Des géomètres historiens du forum compléteront (ou me démentiront si j'ai parlé trop vite).
  • C’est noté, merci bien ! Ça donne envie d’aller étudier tout ça de plus près !
  • Bonjour,

    Je voudrais également savoir si, lorsque l'on définit une unité, l'additivité qui en découle est une conséquence de la définition de l'addition mathématique ? Par exemple, si je définis comme unité le "cookie" pour dénombrer des cookies, et que je prends d'un côté 3,23 cookies et d'un autre 2,5 cookies, je vais "spatialement" me retrouver avec la quantité qui correspond mathématiquement à 3,23 + 2,5 = 5,73 cookies. Mais qu'est-ce qui me garantit que c'est bien l'addition qui me permet de conclure à ce résultat ? Est-ce que c'est parce que l'on a défini l'addition pour qu'elle réponde à ce problème ? Ou encore est-ce que cela découle d'un axiome géométrique, comme celui dont vous me parliez chez les Grecs précédemment, sur lequel l'addition a été construite, car l'on peut associer un volume à un cookie, et se ramener à des calculs de volume ?

    Merci
  • Désolé,

    je ne comprends pas trop où se situe ta question. Tu sembles poser le problème de l'application des maths à la réalité, problème philosophique non résolu (Wigner parlait de la "déraisonnable efficacité des mathématiques"), même si les notions mathématiques initiales ont été abstraites de la réalité. Dans ce cas, ce n'est pas aux matheux qu'il faut demander (ils appliquent peu de mathématiques, ils s'y intéressent "de l'intérieur", et leur priorité est la cohérence). Vois un ouvrage d'épistémologie, ou tape "déraisonnable efficacité des mathématiques" sur ton moteur de recherche.
    D'un point de vue interne aux mathématiques, il n'y a pas d'unités autres que des unités de longueur (formelles), aire, volume, ... et d'angle.

    Cordialement.
  • Merci, je vais rechercher cela de mon côté ! Peut-être que j'idéalise trop les mathématiques, je ne sais pas. Je n'ai malheureusement pas encore assez de connaissances et de temps pour réfléchir au lien qui existe entre Mathématiques et réalité et je me pose sans doute trop de questions de ce point de vue là. Initialement ma question interrogeait la façon dont on associe des nombres à des éléments spatiaux (longueurs, aires, volumes etc.) et la cohérence avec laquelle on réalise des opérations algébriques pour en déduire des propriétés spatiales (somme de longueurs, d'aires etc.). Par exemple, si je prends une barre de longueur a et une deuxième de longueur b, je sais depuis la primaire que si j'aligne côte à côte les deux barres, je me retrouve avec une barre de longueur a+b. Ce que je voulais savoir, c'est : en quoi ou comment l'addition numérique me garantit que le résultat qu'elle me donne (ici a+b) est bien la valeur numérique associée à l'objet spatial qu'est ici l'alignement de mes deux barres ? Autrement dit, en quoi l'addition algébrique/numérique conserve-t-elle les propriétés d'une addition spatiale, visuelle ? De même avec les aires et les volumes... Mais si j'ai bien compris, cela résulte de la construction des opérations élémentaires qui se fonde sur des axiomes comme ceux des Grecs dont vous me parliez ?

    Cordialement
  • Oui, effectivement, Andropie, je crois que tu as bien compris ce que t'a expliqué Gérard0 : la correspondance entre opérations chiffrées et opérations visuelles résulte de la définition même des opérations sur les nombres ... du moins, me semble-t-il ...
    Cordialement JLB
  • Bonjour,
    La longueur des barres dépend de leur température, et la dilatation thermique n'est pas la même selon le matériau. La dilatation thermique est un problème dans la construction des ponts par exemple, pour les canalisations, les chemins de fer... J'ajoute cette remarque pour montrer que tes questions soulèvent un problème de physique et "d'ingénierie".

    On peut juger de la qualité d'un instrument de mesure si on a une "bonne" théorie de cet instrument de mesure. Mais comment vérifie-t-on la validité d'une théorie ? En faisant des expériences... grâce aux instruments de mesure. C'est un problème infini.

    Qui était le premier vrai physicien qui fait des mesures scientifiques ? Les Astronomes babyloniens ? Ératosthène quand il mesure la terre ? Aristarque de Samos ? Bachelard n'était pas loin de penser que c'était Lavoisier. Je dirais qu'Archimède était peut-être un des premiers à travailler sur ces questions à la fois en physicien et en mathématicien : La quadrature ; la poussée d'Archimède qui dépend de la densité des objets flottants.

    L'arpentage est une application ancienne. Papyrus_Rhind
  • bonjour

    attention Gérard ! tu cites les unités de longueur, aire, volume, angle

    il ne faut pas oublier les unités de temps (plus difficiles à définir) et surtout les êtres vivants :

    après tout les Romains agriculteurs éleveurs ont inventé leur système numérique si lourd et peu pratique (avec l'absence du zéro)
    avec des I, X, V et C qui symbolisent les bêtes qu'ils possédaient et qu'il fallait compter après chaque journée passée au champ

    d'autre part les Romains étaient aussi soldats, centurions et légionnaires
    et les consuls et généraux devaient savoir compter rapidement les membres de leurs cohortes et légions, avant et après les combats

    cordialement
  • Ce sujet me semble concerner le pb de "la construction du nombre", étudié entre autres par Piaget :

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Construction_du_nombre_chez_l'enfant

    (autre illustration (atypique) de l'ontogenèse permettant de comprendre la phylogenèse ...)
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