Définitions des réels à partir des rationnels

Karl_Marx
Modifié (May 2023) dans Fondements et Logique
Bonjour, je suis actuellement en train de jeter un coup d'œil à la construction de $\mathbb{R}$ par classes d’équivalence de suites de Cauchy et par les coupures de Dedekind. Malheureusement, je ne comprends pas tout. Je pense que mes lacunes se situent principalement dans le fait que je n'ai pas bien compris ce qu'en était l'intérêt et surtout pas réussi à rendre tout ces éléments abstraits plus "lisibles". Si quelqu'un pouvait m'aider ça serait bien sympa !

Réponses

  • Dom
    Dom
    Modifié (May 2023)
    Par quel bout saisir notre aide ?

    Pour les suites de Cauchy, je trouve ça « plus intuitif ». Mais je ne sais pas ce qui bloque. 
    En gros on complète l’ensemble (j’utilise le mot « compléter » du langage courant mais aussi je fais exprès de l’utiliser dans le langage expert). 
    Autre point de vue au sujet de l’intérêt : les rationnels sont des nombres qui ont un développement décimal périodique à partir d’un certain rang. 
    Considérer d’autres réels, c’est considérer des développements décimaux non périodiques.
    C’est très important ! Il y a plein de nombres « usuels » qui ne sont pas rationnels. Il faut bien un ensemble qui les contient : $\mathbb R$ convient est c’est le plus gros si l’on souhaite conserver la relation d’ordre usuelle. 
  • raoul.S
    Modifié (May 2023)
    Karl_Marx a dit :
    Je pense que mes lacunes se situent principalement dans le fait que je n'ai pas bien compris ce qu'en était l'intérêt...
    En maths tu ne peux pas utiliser un objet si tu ne l'as pas défini rigoureusement au préalable et montré qu'il existe. Tu ne peux pas te limiter à une définition intuitive de l'ensemble des nombres réels (l'intuition est trompeuse). La construction de $\mathbb{R}$ à partir de suites de Cauchy de rationnels par exemple, est une définition rigoureuse à partir des rationnels (qui sont censés avoir également été définis rigoureusement au préalable...)

    Edit : ajout de "et montré qu'il existe" suite à la remarque de Renart.
  • Il s'agit de deux constructions alternatives des nombres réels, donc le mieux est de les étudier séparément.
    Par exemple, concernant les suites de Cauchy, on remarque que ce qui "manque" aux nombres rationnels par rapport aux nombres réels, c'est le critère de Cauchy. On va donc chercher à "ajouter" des limites aux suites de Cauchy (c'est-à-dire celles qui vérifient les hypothèses du critère de Cauchy).
    Ainsi, on définit sur l'ensemble des suites de Cauchy la relation d'équivalence $\mathcal{R}$ par $u \mathcal{R} v$ si et seulement si $u_n -v_n \rightarrow 0$.
    $\mathbb{R}$ est alors défini en passant au quotient pour cette relation d'équivalence. Tout nombre rationnel $r$ sera assimilé à la classe d'équivalence de la suite constante égale à $r$.
  • Karl_Marx
    Modifié (May 2023)
    Oui oui, je ne dit pas que je pars de rien  :). Je connais bien la définition des coupures de Dedekind et ce qu'est une suite de Cauchy. Le souci est simplement que je ne comprends pas bien en quoi les réels sont l'ensemble des coupures de Q et pourquoi les réels sont l'espace quotient des suites de Cauchy dans Q. J'aimerais avoir de l'aide dans la visualisation de ces choses. 
    Je comprends chacune des définitions, propriétés, etc individuellement, mais c'est le tout et l'objectif poursuivi ou j'ai du mal...
  • En général, on prend une suite de rationnels qui converge vers $\sqrt{2}$ dans les cours sur ce sujet si l’on souhaite prendre un exemple. 
    Idem pour les coupures avec quelque part « $x$ tel que $x^2>2$ ». 
  • Renart
    Modifié (May 2023)
    Salut Raoul.S
    Je ne suis pas tout à fait d'accord avec toi dans l'emploi du mot "défini". Il faut distinguer définition et construction d'un objet mathématique. Par exemple, si j'appelle "fonction mystérieuse" toute fonction réelle strictement croissante dérivable et de dérivée strictement négative, j'ai bien une définition mathématique valide et je peux travailler sur ces "fonctions mystérieuses", démontrer des théorèmes à leur sujet etc. En revanche je n'ai construit aucune fonction mystérieuse et pour cause, il n'en existe aucune. J'ai donc une théorie peu utile.
    Idem pour $\R$, dire que c'est un corps complet archimédien totalement ordonné défini (presque) complètement $\R$, mais ne garanti pas qu'une telle structure existe. Il faut donc la construire pour s'assurer qu'on est pas en train de brasser du vent.
  • @Karl_Marx : bonjour. Les éditions De Boeck et Monsieur Rombaldi nous permettent de scruter gratuitement un large extrait du livre Mathématiques pour l’agrégation. Analyse et probabilités. Je le possède. Il y est question d'une construction détaillée du corps totalement ordonné des réels reposant sur une construction plus générale. C'est un travail magistral qui peut servir de base commune à une discussion. Tu as du travail.
    Le chat ouvrit les yeux, le soleil y entra. Le chat ferma les yeux, le soleil y resta. Voilà pourquoi le soir, quand le chat se réveille, j'aperçois dans le noir deux morceaux de soleil. (Maurice Carême).
  • Julia Paule
    Modifié (May 2023)
    @Karl_Marx "pourquoi les réels est l'espace quotient des suites de Cauchy dans Q"
    Parce que deux suites de Cauchy de rationnels peuvent converger vers le même réel, ou plutôt ont la même limite (essaie de trouver plusieurs suites de rationnels qui convergent vers $\sqrt 2$), ou plutôt encore (parce qu'on n'a pas encore défini les réels) la suite de leur différence $(u_n-v_n)$ tend vers $0$. On quotiente par les suites de Cauchy de rationnels de limite nulle pour éliminer les doublons (on veut définir un seul réel pour les suites de Cauchy qui ont la même limite).
    Et aussi à la base, parce qu'on a remarqué que tous les nombres irrationnels comme $\sqrt 2$ (la diagonale du carré de côté 1) peuvent être définis à l'aide d'une suite de rationnels (il y a au moins la suite de leur développement décimal, par exemple pour $\pi$, la suite de nombres rationnels ($3$ ; $3,1$ ; $3,14$ ; $3,141$ ; $\cdots$ )).
    Je ne sais pas si ta question était celle-là.
  • Il existe des familles de suites (qui de fait, sont de Cauchy) comme certaines fractions continues simples, les séries de Engel, de Sylvester, de Pierce (etc, voir les travaux des Knopfmacher) qui sont uniques pour chaque réel, donc pas besoin relation d'équivalence ou de quotient (en fait, c'est comme si on exhibait un représentant particulier de chaque classe)
    Il ne faut pas respirer la compote, ça fait tousser.

    J'affirme péremptoirement que toute affirmation péremptoire est fausse
  • Dans ces constructions, c'est tout une histoire pour définir les opérations, non ?
  • Une réponse très générale est que chaque suite finie est un rationnel dont la somme, le produit (etc) sont des rationnels, mais il est vrai que les définir de façon formelle sur les suites formelles est très complexe (l'inverse pour les fractions continues est très simple)
    Il ne faut pas respirer la compote, ça fait tousser.

    J'affirme péremptoirement que toute affirmation péremptoire est fausse
  • On parle des réels tout le long du secondaire sans jamais définir de quoi on parle, ni se demander si cela a bien les propriétés que l'on aimerait et encore moins si cela existe. Chacun, au cours de sa scolarité, est tombé de sa chaise quand on lui a fait entrevoir que 0,999...=1 ce qui prouve bien que l'intuition n'y voit pas toujours juste. D'où la nécessité de chercher à définir ce dont on parle correctement et de pouvoir commencer à faire des mathématiques.
    Pourquoi cette incompréhension face à cette gémellité du nombre 1 (et au passage de tous les décimaux)? Parce que notre intuition nous dit que chaque nombre réel est la limite d'une unique suite de chiffres qui le définit (c'est vrai quoi, ça fonctionnait très bien jusque là). Concrètement ce n'est pas exactement comme cela que l'on procède puisque que pour définir les réels, on part des rationnels et non des décimaux.
    Cela j'espère t'éclaire un peu sur l'intérêt de ce sujet. Du coup, avant de chercher à bien comprendre la construction des réels, as-tu bien compris celle des rationnels sur laquelle on doit s'appuyer?
    The fish doesnt think. The Fish doesnt think because the fish knows. Everything. - Goran Bregovic
  • gerard0
    Modifié (May 2023)
    Bonjour Karl_Marx.
    Je plussoie Soc, et je rajouterai même qu'il faut voir la construction de $\mathbb Z$ à partir des entiers naturels. Cela permet de voir qu'on cherche à avoir un ensemble muni des opérations et propriétés convenables, mais qu'on aurait pu faire autrement. Il n'y a pas "l'ensemble $\mathbb R$" (*), mais différentes construction d'un corps ordonné archimédien ayant la propriété de la borne supérieure, qui est ce que les mathématiciens du dix-huitième siècle ont utilisé intuitivement comme "ensemble des nombres" et qui correspond aussi à la droite géométrique euclidienne.
    Cordialement.
    (*) tu dis "je ne comprends pas bien en quoi les réels sont l'ensemble des coupures de Q et pourquoi les réels sont l'espace quotient des suites de Cauchy dans Q". Tu as là deux constructions (parmi d'autres) qui donnent un ensemble muni d'opérations et de propriétés qui sont celles que l'on veut. Tous les corps ordonnés archimédiens ayant la propriété de la borne supérieure que l'on obtient sont isomorphes, et on travaille dans tous à la fois.
  • Julia Paule
    Modifié (May 2023)
    Si je peux, cette citation de Kronecker m'a toujours étonnée : « Dieu a fait les nombres entiers, tout le reste est l'œuvre de l'Homme. » : https://fr.wikipedia.org/wiki/Leopold_Kronecker
    J'aurais de prime abord penché pour l'inverse. En effet, quand on veut prendre par exemple une mesure (une fois une unité fixée, disons la longueur d'une table, ou la distance de la Terre à la Lune), on a très peu de chances, mais vraiment très peu, de tomber sur un nombre rationnel. Les nombres réels ne me paraissent pas être l' "œuvre de l'homme", mais plutôt les rationnels dans une vision simplificatrice de la réalité. Et j'aurais de prime abord imaginé une construction inverse, partant des réels pour aller vers les entiers. Peut-être la construction entiers vers réels est plus facile à imaginer.
  • samok
    Modifié (May 2023)
    Bonsoir,
    la question est-elle :
    - on a la droite, une origine, une unité, tous les points sont repérés par des abscisses (étymologiquement : coupure). Ces abscisses sont l'ensemble des nombres réels.
    -> Pourquoi en faire plus ?
    Je ne sais pas répondre à la question, mais je trouve ça stylé que des points de vue plus constructivistes, axiomatiques, existent.
    Ce qui me dépasse encore ce sont deux choses :
    - que tout dérive d'un $\mathbb{N}$ qui pour moi sont les nombres qu'on m'a appris à énumérer et à opérer dans les petites classes préparatoires, alors que ce n'est pas si clair pour les logiciens avec les histoires d'entiers non standards ;
    - qu'il existe un autre ensemble de nombres dans lequel les analystes s'y retrouvent. Sont-ils isomorphes ? Je ne sais pas non plus répondre à cette question, parce que bon c'est quoi l'isomorphie à ce niveau de la compétition ?
    Merci de votre attention.
  • gerard0
    Modifié (May 2023)
    Bonjour Julia Paule.
    Les mathématiciens grecs anciens ont voulu construire les mathématiques sur les nombres entiers et donc les rationnels. Mais ça ne marche pas (catastrophe des irrationnels) et Euclide a construit une théorie ultra compliquée pour traiter la question. On ne s'en est détaché qu'au dix-neuvième siècle. Et Kronecker est l'un de ceux qui l'ont fait sérieusement, à partir des entiers.
    Cordialement. 
  • Bonjour gerard0, je ne connais pas cette théorie d'Euclide pour construire les mathématiques sur les nombres entiers et rationnels. Aurais-tu plus de précisions ou un lien ?
  • gerard0
    Modifié (May 2023)
    C'est un texte très connu : Les éléments de géométrie (*). À vue de nez, c'est surtout le "livre X", mais les nombres (plus exactement les proportions) sont traitées à partir du livre V. On trouve sur Internet des traductions en français, mais aussi des analyse du traitement des irrationnels ("incommensurables").
    Bonne lecture !
    (*) Toutes les mathématiques étaient géométrisées à l'époque. Et pour très longtemps. C'est les outils qu'a utilisés Newton pour rédiger ses "Principia" 20 siècles plus tard.
  • raoul.S
    Modifié (May 2023)
    Renart a dit :
    Je ne suis pas tout à fait d'accord avec toi dans l'emploi du mot "défini"....
    Idem pour $\R$,... mais ne garanti pas qu'une telle structure existe. Il faut donc la construire pour s'assurer qu'on est pas en train de brasser du vent.
    @Renart effectivement, j'ai édité suite à ta remarque.
  • Merci gerard0. Je ne connaissais que la géométrie dans les éléments d'Euclide.
  • GaBuZoMeu
    Modifié (May 2023)
    Bonjour,
    "Kronecker est l'un de ceux qui l'ont fait sérieusement, à partir des entiers."
    Il ne semble pas que Kronecker ait beaucoup apprécié les constructions du corps des réels par Cantor, Heine ou Dedekind.
  • @GaBuZoMeu : je suis bien d'accord avec toi. D'ailleurs il ne semble pas que Kronecker ait beaucoup apprécié grand chose, à part peut-être $\delta_{i,j}$.
    Pour dire la vérité j'ai une haine profonde envers ce bonhomme, qui a pourri la vie à Cantor et est à l'origine de sa dépression.
  • Effectivement, comme beaucoup de précurseurs, il n'a pas aimé que d'autres aillent bien plus loin qu'eux. Mais notre habitude de considérer les preuves algébro-arithmétiques comme solides vient de ses travaux.
    On le sait, on peut faire progresser les maths et être un réactionnaire. 

    Cordialement. 
  • Martial a dit : 
    Pour dire la vérité j'ai une haine profonde envers ce bonhomme, qui a pourri la vie à Cantor et est à l'origine de sa dépression.
    D'autant plus que l'on sait bien que ce n'est pas Dieu qui a fait les nombres entiers, mais Péano  >:)
    Il ne faut pas respirer la compote, ça fait tousser.

    J'affirme péremptoirement que toute affirmation péremptoire est fausse
  • D'accord, la citation de Kronecker est un ressenti personnel, qui n'est pas partagé par la communauté mathématique. Cela me rassure.
  • gerard0
    Modifié (May 2023)
    La communauté mathématique évite depuis longtemps de mêler science et religion. Et il y avait un petit relent de pythagorisme.
    Cordialement. 
  • J’avais parlé jadis d’une construction de $\mathbb R$ avec les développements décimaux. 
    La loi $+$ et la loi $\times$ ne sont pas simples à écrire avec des développements décimaux des nombres non décimaux. 
  • GaBuZoMeu
    Modifié (May 2023)
    "qui a pourri la vie à Cantor et est à l'origine de sa dépression."
    C'est sans doute un peu plus complexe que ça !
    Je t'invite à livre le livre de Nathalie Charraud : https://spartacus-idh.com/046.html
  • Médiat_Suprème
    Modifié (May 2023)
    @Dom, parlez-vous de la construction de Simon Stevin ou de quelque chose de plus moderne, en tout état de cause, calculer $1.\underline 2 \times 0.\underline{81}$ en n'utilisant que le développement décimal, est une vraie galère, pour dire le moins.
    Il ne faut pas respirer la compote, ça fait tousser.

    J'affirme péremptoirement que toute affirmation péremptoire est fausse
  • Dom
    Dom
    Modifié (May 2023)
    Hélas je ne connais pas du tout les noms. 
    J’ai un jour cherché dans cette voie pour mettre au point une leçon d’oral. Mais je me suis cassé assez vite les dents surtout par manque de temps et certainement de méthode. Il y avait une source sur arxiv (mais en anglais que je ne lis pas…). 
    Mais ça ressemble bien à cela. 
    Je me demande s’il ne faut pas créer une suite (par exemple en multipliant les troncatures) puis passer à la limite et démontrer que la limite existe et est ce que l’on veut (la suite a pour limite une suite). 
    Amusant, pour les décimales de « $1- 0,\underline{456}$ c’est plus simple si on on pense à écrire $1$ en $0,\underline{9}$. 
  • Médiat_Suprème
    Modifié (May 2023)
    Pour se renseigner sur les différentes constructions basées sur le développement décimal, voir les travaux de :
    1. Simon Stévin (XVI ème siècle)
    2.  Gian-Carlo Rota (1974)
    3. Liangpan Li (2011)
    4. Jim Propp (2010)
    5. Martin Klazar (2009)
    Il ne faut pas respirer la compote, ça fait tousser.

    J'affirme péremptoirement que toute affirmation péremptoire est fausse
  • @Julia Paule : à vrai dire ce qui m'a incité à intervenir c'est ton premier post au sujet de Kronecker. Mais je vois que depuis tu as relativisé, et cela me rassure.
    @Médiat : Je vois que nous sommes sur la même longueur d'ondes.
    @Gabuzomeu : Merci pour le lien.
  • @Martial, je n'ai rien relativisé, je trouve cette citation de Kronecker stupide.
  • Médiat_Suprèm,

    Merci pour cette liste chronologique. J’étais en train de regarder quelques pages internet qui mentionnent cela. 
    J’en profite pour dire que l’exemple bien choisi du produit est amusant 😏😏😏
    Quand je tentais la construction, de mémoire, je le faisais uniquement avec des nombres entre 0 et 1. 
  • Kronecker, un des précurseurs de l’intuitionnisme, a grandement œuvré en théorie des nombres et en algèbre linéaire.
    Il y a cette opposition violente à Cantor et ces contributions importantes à l’algèbre moderne.
  • gerard0
    Modifié (June 2023)
    Julia Paule, connais-tu bien l'histoire européenne de dix-neuvième siècle et l'histoire des maths ? Car "je trouve cette citation de Kronecker stupide" est un avis tellement tranché qu'il fait penser à ceux des supporters de foot qui critiquent l'entraineur de l'équipe de France "moi, j'aurais pris B...".
    Peux-tu expliquer en quoi Kronecker fait dans la stupidité ?
    Cordialement.
  • @Julia Paule : A la lecture de ton premier post je n'avais pas compris si tu appréciais cette citation ou si tu la dépréciais.  Maintenant je suis fixé, et cela me rassure.
    Je vais maintenant me permettre de répondre à ta place à la question de @gerard0, tu me diras si tu es d'accord ou pas avec mes arguments.
    Voici donc les raisons pour lesquelles je trouve cette phrase stupide :
    1) Le bonhomme s'adresse à des gens dont il ne sait pas s'ils croient en Dieu ou pas.
    2) Je ne vois pas en quoi les entiers ont quelque chose de spécial par rapport aux autres objets mathématiques. C'est à la portée de n'importe qui de tracer un triangle rectangle isocèle de côté $1$, et alors l'hypoténuse devient un objet palpable... ce qui n'a pas empêché Pythagore de tomber par terre quand il a découvert l'existence de "quantités irrationnelles".
    3) Si on veut se servir des entiers pour construire les autres nombres, on doit considérer la totalité de tous les entiers, ce qui va à l'encontre des convictions "anti infini actuel" de Kronecker.
    4) Comme dit @Médiat_Suprème on n'a pas besoin de Dieu dans cette affaire, Peano a fait ça très bien, et ZFC encore mieux, puisqu'elle prouve même la consistance du système.
    5) Enfin, je ne vois pas en quoi cette réflexion saugrenue pourrait faire avancer le schmilblic.
  • @Martial : +1 sur tous les points (le point 2 peut être plus polémique, mais je le soutiens aussi)
    Il ne faut pas respirer la compote, ça fait tousser.

    J'affirme péremptoirement que toute affirmation péremptoire est fausse
  • Vassillia
    Modifié (June 2023)
    Bonjour,
    Oui cette phrase peut sembler stupide aujourd'hui
    Non cette phrase prononcée par Kronecker né avant Peano et Cantor n'était pas stupide pour l'époque
    Ce que veut dire gerard0 à mon avis, et il a raison, c'est qu'il est trop facile de juger à posteriori avec les connaissances actuelles, il faudrait se remettre dans le contexte (lisez le livre conseillé par GaBuZoMeu).
    Spoiler : le refus fréquent de nouveaux concepts et de changer de paradigme par la génération précédente parait toujours stupide à la génération suivante qui réussit à s'imposer par la suite.
    In mémoriam de tous les professeurs assassinés dans l'exercice de leurs fonctions en 2023, n'oublions jamais les noms de Agnes-Lassalle et Dominique-Bernard qui n'ont pas donné lieu aux mêmes réactions sur ce forum (et merci à GaBuZoMeu)
  • gerard0
    Modifié (June 2023)
    C'est tout à fait ça.
    Par exemple, à l'époque, Kronecker s'adresse presque uniquement à des gens qui croient en Dieu ou ont été élevés dans une des religions chrétiennes. La référence à Dieu est encore présente chez ceux qui, croyants ou mécréant, jurent "Bon Dieu", ou se félicitent par "grâce à Dieu".
    Couper une citation de son époque la rend évidemment stupide. Les définitions d'Euclide au début des "éléments" le sont de la même façon ("le point est ce dont la partie est nulle") et difficile à comprendre. Certaines affirmations des mathématiciens d'aujourd'hui seront jugées absurdes dans 3 siècles.
    Cordialement.
  • Foys
    Modifié (June 2023)
    Des nombres tels que $11^{11^{11^{10000}}}$ sont déjà des idéalisations (à quel genre d'expérience physique ils peuvent faire référence) alors l'infini des entiers vous savez ... En un sens la citation de Kronecker est en fait fausse (encore trop ambitieuse). Aujourd'hui les maths consistent bien moins à croire des axiomes (s'engager en faveur d'eux) qu'à les déclarer pour permettre au destinataire du message de séparer parmi les propos du texte les garanties offertes des simples suppositions qu'in fine le texte pourrait conduire à en fait invalider.
    De plus les gens ont le droit d'exprimer librement appréciation, rejet, dégoût etc. des divers sujets abordés en mathématiques. À la rigueur on peut reprocher à Kronecker sa brutalité envers une personne. Comme dit plus haut on est mieux équipé aujourd'hui (gros arsenal logique) pour aborder plus sereinement et objectivement ces problématiques, il faut alors replacer ces propos polémiques dans le contexte de l'époque.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Pourquoi continuer à sortir la citation de Kronecker de son contexte historique ? A part pour avoir l'impression d'être plus intelligent, ce qui n'a aucun fondement.
  • @gerard0 il ne s'agit pas tant de la sortir de son contexte (je suis d'accord qu'il faut éviter ça) que de la commenter, des gens s'émeuvent aujourd'hui de ces propos.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Oui, mais ici, il n'y a plus de problème, Julia Paule a resitué le contexte historique. Et n'importe quel lecteur intelligent de ce fil peut comprendre de quoi il est question. Donc soit on la commente en termes historico-mathématiques, et c'est fait (et tu n'apportes plus rien), soit on fait un contresens, en lui donnant des significations actuelles. Ce que tu fais en la qualifiant de "fausse".
    Tu devrais même être reconnaissant à Kronecker d'avoir essayé de refonder les maths sur les entiers, ce qui a lancé les tentatives de fondement des maths qui ont amené à creuser la logique, ta discipline préférée, à la développer, avant qu'elle finisse par se développer de façon autonome.
  • @Karl_Marx
    je ne comprends pas bien en quoi les réels sont l'ensemble des coupures de Q et pourquoi les réels sont l'espace quotient des suites de Cauchy dans Q

    Justement, la question de si $\mathbb{R}$ est l'ensemble des coupures ou si $\mathbb{R}$ est le quotient de l'ensemble des suites de Cauchy n'est pas vraiment la question importante.

    C'est un peu comme la question : "est-ce que $2 = \{0,1\} = \{\emptyset, \{\emptyset\}\}$ ou est-ce que $2 = \{\{\emptyset\}\}$. En fait, et à mon avis, l'ensemble $\mathbb{R}$ n'est que rarement précisé, et bien des fois, quand on écrit une phrase avec des $x \in \mathbb{R}$, le symbole $\mathbb{R}$ désigne, formellement, une variable libre, et on sous-entend l'énoncé "$\mathbb{R}$ est un corps archimédien complet".

  • Dom
    Dom
    Modifié (June 2023)
    Une coupure c’est un couple de deux ensembles de rationnels (pas n’importe quels ensembles, il faut qu’ils vérifient des propriétés…). J’en note un $(A,B)$.
    Ensuite, on crée une addition entre les coupures. 
    Puis on exploite cet objet : toutes les coupures, l’addition, etc.  
    À la toute fin, on remarque que ça se comporte comme des « nombres ordinaires ».  
  • 1. Karl Marx n'est pas réapparu depuis plusieurs messages. Je pense que l'exemple avec $\sqrt{2}$ lui a ouvert les yeux ( et peut-être celui avec 0.9999...=1)
    2. Quel est le cursus de Karl Marx. Si je lisais ce bouquin aujourd'hui, avec mes connaissances anciennes, je me ferais probablement la même remarque. $\mathbb{R}$ est un ensemble connu, mieux connu à la limite que $\mathbb{Q}$ , pour moi, $\mathbb{Q}$ est une partie de $\mathbb{R}$, qu'est-ce qu'ils viennent inverser les choses, en présentant maintenant $\mathbb{R}$ comme une extension de $\mathbb{Q}$

    Il faut effacer de ma mémoire tout ce que j'ai pu faire avec $\mathbb{R}$, revenir à la construction des nombres, $\mathbb{N}$ , puis $\mathbb{Q}$, puis effectivement $\mathbb{R}$

     classes d’équivalence de suites de Cauchy 
    Prenons dans l'ordre :
    Suite de Cauchy. C'est une suite qui converge. Effectivement, $\pi$ est la limite de la suite, $3, 3.1, 3.14, 3.141, 3.1415$  etc
    Mais je peux choisir une autre suite, par exemple celle obtenue en prenant les arrondis par excès, plutôt que les arrondis par défaut :
    $4,  3.2,  3.15,  3.142,  3.1416$  etc Et il y a plein d'autres choix possibles.
    Du coup, on voit pourquoi on parle de Classe d'équivalence de suites, et pas de suites. 
    Les 2 suites ci-dessus sont différentes, mais elles sont dans une même classe d'équivalence. Et cette classe d'équivalence, elle est '''''égale''''' au nombre $\pi$

    En plus, c'est magique, si une suite $u$ tend vers un réel $a$, si $v$ tend vers $b$, alors $u+v$ tend vers $a+b$ , ce qui rend nos définitions cohérentes. Ouf, la construction de $\mathbb{R}$ est cohérente !
    Tu me dis, j'oublie. Tu m'enseignes, je me souviens. Tu m'impliques, j'apprends. Benjamin Franklin
  • samok
    Modifié (June 2023)
    Après la fin on se demande ce qu'est un nombre,
    on contemple les ombres projetées par des esprits éclairés,
    on s'arrache les cheveux,
    on se cache les yeux.
    Bisous bisous.
  • "Justement, la question de si ℝ est l'ensemble des coupures ou si ℝ est le quotient de l'ensemble des suites de Cauchy n'est pas vraiment la question importante."
    Sauf si on se demande ce que sont les réels dans un topos. :D
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