Inégalité triangulaire de la distance euclidienne
Bonjour
Suite à une question de l'un de mes petits fils, qui est en classe de seconde, j'ai été conduit à me demander comment l'on démontre que la distance euclidienne vérifie l'inégalité triangulaire, c'est-à-dire qu'étant donnés trois points, A, B et C, on a, en posant des coordonnées,
$\sqrt{(x_2-x_1)^2+(y_2-y_1)^2}+\sqrt{(x_3-x_2)^2+(y_3-y_2)^2}\geq \sqrt{(x_3-x_1)^2+(y_3-y_1)^2}$, l'égalité n'ayant lieu que, etc.
En élevant au carré et en fonçant dans les calculs, on se rend vite compte que c'est coriace, et piégeant avec des situations où, comme on ne contrôle plus les signes, on ne peut pas avoir une inégalité équivalente en élevant au carré...
Cherchant un plus astucieux que moi sur Internet... je suis tombé sur cette même question, posée sur ce site, il y a plus de dix ans.
Le questionneur n'a pas reçu de réponse, selon moi car ce n'en est pas une que d'invoquer Cauchy-Schwarz ! Mon petit fils est en classe de seconde, sa question est légitime et il doit être possible de lui répondre en restant sur le terrain algébrique élémentaire où se pose cette question.
Et bien sûr, une réponse n'utilisant que des astuces accessibles à un collégien, guidé, dans un club de math, est possible.
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Réponses
Il me semble qu'on a encore cette liberté là dans notre pays. Si au lieu de mesurer en mètres ou en miles ou en kilomètres, je veux prendre comme unité de mesure la distance entre Toulouse et Bordeaux, c'est mon droit. Il faut juste que je prenne comme autre axe un axe perpendiculaire, et une distance identique. Et là, les calculs deviennent vite très simples.
Et on a expliqué au passage à notre collégien/lycéen qu'il avait le droit ou même le devoir de prendre des initiatives.
(...) Mais on peut se simplifier la vie. Les trois points étant donnés, pour faire intervenir les coordonnées, il faut fixer une origine.
1 Rien n'interdit de la fixer en $A$, donc $x_1=y_1=0$.
$$x^2+y^2+(1-\alpha)^2x^2+(1-\beta)^2y^2 + 2\sqrt{(x^2+y^2)((1-\alpha)^2x^2+(1-\beta)^2y^2)} \geq \alpha^2x^2+\beta^2y^2$$
3 La quantité sous le radical ressemble au carré de celle qui la précède. Mais le double produit serait $2(1-\alpha)(1-\beta)x^2y^2$ alors que la quantité correspondante sous le radical est $$((1-\beta)^2+(1-\alpha)^2)x^2y^2.$$
Or cette dernière quantité est supérieure au double produit, tout comme $a^2+b^2 \geq 2ab$, l'égalité n'ayant lieu que si $a=b$.
Le membre de gauche de notre inégalité est donc supérieur à $$(1-\alpha)x^2+(1-\beta)y^2+|(1-\alpha)x^2+(1-\beta)y^2|$$
CQFD
Posons $r_a = \sqrt{a_1^2+a_2^2}$ et $r_b = \sqrt{b_1^2+b_2^2}$.
On part de la positivité de
$(r_ab_1 - r_b a_1)^2+(r_ab_2-r_b a_2)^2$, on développe, on simplifie un peu et on obtient
$a_1b_1+a_2b_2\leq r_a r_b$.
Je pense que ma réponse en est une et je ne comprends pas vraiment ton analogie géographique. Et oui, je suis d'accord avec toi, aucun collégien normal ne peut démontrer cette inégalité sans être guidé.
a) On suppose que $AB<BC$. Le but de cette question est de prouver que $\textrm{mes}(\widehat{ACB})<\textrm{mes}(\widehat{BAC})$.
i) Montrer que $\textrm{mes}(\widehat{BCA})<\textrm{mes}(\widehat{BDC})$.
ii) Montrer que $\textrm{mes}(\widehat{BDC})<\textrm{mes}(\widehat{BAC})$ (indication : utiliser le théorème de l'angle extérieur).
iii) Conclure.
Soit $ABC$ un triangle. Soit $D$ le point de $(BC)$ qui n'appartient pas à $[BC)$ et tel que $BD=BA$.
i) Justifier que $\textrm{mes}(\widehat{ADC})<\textrm{mes}(\widehat{DAC})$.
ii) Montrer que $AC<DC$ et en déduire que $AC<AB+BC$ (on pourra utiliser le résultat de l'exercice précédent).
C'est justement le "vrai" théorème de Pythagore (sans coordonnées) qui est fondamental, non trivial et qui justifie l'introduction de coordonnées pour traiter ces notions d'orthogonalité et de distance de manière algébrique.
La première consiste à partir d'axiomes portant sur des objets, justement, géométriques, points, droites, segments, angles, triangles, parallélogrammes, cercles, etc., avec leurs figures, et à en tirer (si nécessaire) la structure vectorielle.
La seconde consiste à considérer que le plan euclidien n'est autre qu'un $\mathbb R$-espace vectoriel de dimension $2$ muni d'une forme bilinéaire symétrique définie-positive, autrement dit un produit scalaire.
Ceci est bien expliqué dans le livre de Jean Dieudonné, Algèbre linéaire et géométrie élémentaire, Hermann, cité dans des messages précédents. C'est un livre étonnant, qui a eu trois éditions, 1964, 1964, 1968, et qui mérite d'être lu encore aujourd'hui. On le trouve sans mal en téléchargement.
Dans des messages ultérieurs, je vais développer quelques idées personnelles en réponse à la question posée initialement, respectivement dans un cas et dans l'autre.
Bonne journée.
07/04/2023 (Vendredi Saint)
Jean Dieudonné était un homme énergique et très entier dans ses jugements. Il s'était distingué au colloque de Royaumont en novembre 1959 par son fameux cri : « À bas Euclide ! À bas le triangle ! ». Dans son livre précédemment cité, Algèbre linéaire et géométrie élémentaire, le chapitre II s'intitule : « Les axiomes de la géométrie euclidienne ». Il comprend juste deux pages. Lesdits « axiomes » sont exactement les définitions d'un $\mathbb R$-espace vectoriel de dimension $2$ (resp. de dimension $3$), muni d'un produit scalaire, le tout entièrement détaillé, car le parti-pris de ce livre est de définir les notions de façon complète, ce qui rend les choses très claires.
Dans l'Introduction, p. 15, il est écrit : $~~$ « Le programme développé dans ce livre est destiné aux deux ou trois années terminales des lycées ». À l'époque le « lycée » s'entendait, à juste titre, de la Sixième à la Terminale, M. Haby n'étant pas encore venu le casser en deux avec son dit « collège-unique ». Pour les quatre ou cinq années précédentes, les préconisations de Dieudonné étaient plus floues... J'y reviendrai dans un prochain message.
Si l'on opte pour cette présentation, l'inégalité triangulaire se démontre comme l'on sait à partir de l'inégalité de Cauchy-Schwarz, et je ne vois pas comment faire autrement. Malgame dit que ce n'est pas une réponse que d'invoquer Cauchy-Schwarz, mais c'est sans doute parce qu'il veut répondre à son petit-fils qui n'a pas été confronté à cette présentation de la géométrie.
-- Schnoebelen, Philippe
Si je ne me trompe, l'élève se familiarise à l'école primaire avec les figures géométriques simples sans raisonner encore sur celles-ci (tout le monde n'est pas Blaise Pascal). Il arrive en Sixième en ayant une idée de ce qu'est une droite, un angle, un triangle, un rectangle, un carré, un losange, un cercle, etc. Autrefois, pour tromper l'ennui, les écoliers gravaient sur les tables des rosaces hexagonales tracées au compas ; j'ignore s'ils le font encore aujourd'hui.
Dans le premier cycle secondaire (qu'on appelle pour l'instant « Collège »), il me semble donc raisonnable de présenter la géométrie avec des raisonnements sur ces objets géométriques, à partir de propositions initiales faciles à admettre, qu'on pourra appeler « axiomes » si l'on y tient, en s'interdisant tout développement oiseux à ce sujet. Et on continuera dans le second cycle, car on ne voit pas par quel miracle les élèves de Seconde seraient capables de maîtriser les structures algébriques nécessaires pour assimiler le contenu du livre de Dieudonné.
C'est ce qui se faisait avant la déplorable réforme des dites « maths-modernes ». Jetez un coup d'œil par exemple sur la suite des manuels de Lebossé-Hémery, à partir de la Cinquième , qui culmine avec le traité de Math-Elem de 1961, réimprimé par Jacques Gabay en 1997, et souvent cité encore aujourd'hui par les experts du sous-forum de géométrie.
C'est dans ce cadre qu'il faut voir comment se prouve l'inégalité triangulaire, et ce sera l'objet de mon prochain message.
Bonne journée de ce lundi de Pâques 2023.
Fr. Ch.
Enfin… il me semble…
En seconde on connaît Pythagore. On trace la droite AB puis un point C en dehors de cette droite. On passe une perpendiculaire en C à la droite AB. On utilise Pythagore et on conclut sans calcul autre que $x^2\geq 0$.
Pour voir comment se démontre cette inégalité dans le cadre classique « ponctuel », j'ai consulté de nombreux ouvrages antérieurs à 1970, célèbres traités ou humbles manuels, d'où le retard de ce message.
Fr. Ch.
(*) On s'abstiendra d'utiliser l'appellation ridicule dont on a voulu affubler cette relation, uniquement en France.
-- Schnoebelen, Philippe