Motion de censure contre le serment doctoral
Pour info :
Attachée
à la promotion et à la défense de l’intégrité
scientifique dont elle est l’une des garantes avec les
autres sections du Conseil national des Universités,
la 22e section du CNU, réunie en session plénière,
alerte la communauté universitaire sur les menaces
graves que le serment des doctorantes et des
doctorants, établi à compter du 1er janvier 2023, fait
peser, par son existence comme par sa formulation, non
seulement sur les libertés académiques, mais aussi sur
le diplôme de doctorat lui-même, en introduisant le
principe d’un contrôle moral de l’enseignement et de
la recherche.
Elle
demande à la CP CNU de se saisir de la question et aux
collègues des Sections juridiques de se pencher sur
les textes et d’engager des recours contre eux par
toutes les voies possibles ;
Elle
appelle les Écoles doctorales et la communauté
universitaire dans son ensemble à résister
collectivement, par tous les moyens possibles, à
l’introduction de ce serment ;
Elle
invite les doctorants et les doctorantes en cours de
doctorat à refuser, comme la loi le leur permet, de
signer des avenants à la charte des études doctorales
de leur université qui introduiraient ce serment et à
refuser de prêter ce serment en l’état ; elle demande
à l’ensemble de la communauté universitaire de les
soutenir dans cette démarche et de les protéger contre
les éventuelles conséquences de celle-ci ;
Elle
souligne que rien dans les textes (loi de 2020 ;
article 19bis de l’arrêté de 2022) n’oblige à
mentionner la prestation de ce serment, qui ne peut
intervenir qu’ « à l’issue de la soutenance et en cas
d’admission » au doctorat, dans les procès-verbaux de
soutenance, dans les rapports des jurys ou encore dans
les diplômes de doctorat ; elle engage en conséquence,
dès à présent, les Écoles doctorales et les collègues,
par mesure de précaution et pour maintenir strictement
ce serment dans une dimension symbolique, à ne le
mentionner en aucune manière dans aucun de ces actes.
Elle
exige enfin la suppression pure et simple de ce
serment et rappelle que la loi et des instances
collégiales représentatives comme le CNU encadrent et
protègent déjà l’intégrité de la pratique
scientifique.
Cette discussion a été fermée.
Réponses
“Parvenu(e) à l'issue de mon doctorat en [xxx], et ayant ainsi pratiqué, dans ma quête du savoir, l'exercice d'une recherche scientifique exigeante, en cultivant la rigueur intellectuelle, la réflexivité éthique et dans le respect des principes de l'intégrité scientifique, je m'engage, pour ce qui dépendra de moi, dans la suite de ma carrière professionnelle quel qu'en soit le secteur ou le domaine d'activité, à maintenir une conduite intègre dans mon rapport au savoir, mes méthodes et mes résultats.”
Dans les faits, si un employeur privé me demande de falsifier mes résultats, je n'ai pas beaucoup d'arguments à lui opposer, de même dans les labos publics avec l'équivalent d'un Didier Raoult à sa tête qui met une forte pression.
Le serment d'Hippocrate protège aussi les médecins qui ont, de ce fait, toute légitimité, à accepter ou refuser de pratiquer tel ou tel acte médical. Mais admettons que cela ne soit pas la bonne méthode alors que ce n'est que symbolique, que proposes-tu pour préserver l'intégrité scientifique et surtout éviter la désinformation éventuelle du grand public en se servant de titre ronflant ? A moins que tu considères que ce ne soit pas un problème.
-- Schnoebelen, Philippe
Il me semble que c'est ce qu'on peut attendre d'une législation même si comme pour tout, le curseur est souvent difficile à placer. Je ne tiens pas absolument au serment doctoral mais je tiens absolument à ce principe de protection et sanction.
Comme je le comprends, le jeune docteur promet essentiellement de ne pas trafiquer de données ou de plagier (c'est ce que je perçois derrière "conduite intègre").
N’est-ce pas équivalent à « bonne conduite » ?
je connais un cas très concret.
Le généraliste n’est pas du tout polémiste. Il avait remarqué que pour un antibiotique générique précis (je ne le donne pas pour ne pas me lancer dans un merdier pas possible), ses patients revenaient. Il ne s’agit pas du tout d’un anti « générique ». Voilà ce qu’il m’explique.
Il parle de tous ses patients et il en a de tous les âges. Encore une fois, il est décontracté. Il dit que quelques patients s’en sortent bien, certes.
Par contre le coup du "publier en français" me semble idiot, la langue internationale est l'anglais, c'est peut être triste mais c'est ainsi, il faut s'y faire.
Tant mieux si la présidente du CNU à mieux à faire que de lutter contre un serment symbolique, bravo madame Fabienne Comte. J'espère bien qu'elle continuera à s'intéresser à des préoccupations plus utiles et remarquons que tu te proposes d'utiliser des connaissances (donc des passes droits) pour changer cet état de fait. Voilà, c'est à peu près la vision que je garde du monde académique depuis que je l'ai quitté.
Du coup, je suis d'accord avec toi, cela n'a aucun sens d'affirmer quelque chose dont le thésard sait et le jury sait que c'est faux mais justement cela ne devrait pas être faux. Je me dis que le futur thésard se sentira peut-être plus légitime durant sa thèse pour refuser de trafiquer ses résultats sachant qu'il va à terme prêter serment, sachant qu'il y a des formations obligatoires sur ce sujet avec sans doute des informations sur qui contacter en cas de problème (il y a normalement un référent dans chaque établissement). C'est extrêmement difficile de dire non à son directeur de thèse.
Est-ce que le serment va tout solutionner ? Non je ne le crois pas mais en luttant contre le serment, il faut que le monde académique ait conscience qu'il donne l'impression de lutter pour continuer à trafiquer ses résultats tranquillement et en profiter pour avoir des promotions ou subventions indues. Je suis absolument convaincue, tout comme toi, que ce n'est pas l'intention ni même le cas pour une immense majorité de scientifiques donc c'est dommage quand même. Je ne vois pas vraiment tant de dérives possibles que ça mais cela n'empêchera pas de lutter contre les dérives si elles devaient exister.
Il faudrait une explication de texte un peu plus élaborée et j'aimerais savoir de quel "contrôle moral" il est question si le serment à prononcer est celui rappelé plus haut.
PS.
Qelon Wikipedia et si j'ai compris la classification la 22ème section serait: Histoire et civilisations: histoire des mondes modernes, histoire du monde contemporain, de l'art, de la musique.
(lire l'histoire récente de la 19ème section)
PS2.
À chaque fois que je fais une déclaration sur l'honneur il m'est rappelé les sanctions pénales encourues et prévues par le code pénal si je fais une fausse déclaration. On peut être condamné pénalement pour avoir bidonné sciemment une étude médicale (ou tout autre travail scientifique) ?
Un serment sans contrepartie pénale pour s'assurer autant que cela se peut qu'il soit respecté est du bullshit. C'est la mode des chartes qui sévit dans les milieux de gens comme il faut.
C’est pourtant le rôle des politiques de donner à la recherche les moyens de ses ambitions éthiques !
Une précision concernant mon premier post: je ne dis pas que le partenariat public-privé est mauvais en soi ! Dans l’établissement que je fréquente, des unités de recherche mathématiques travaillent en étroite collaboration avec des structures privées de soins et de santé. Elles ont mis au point des outils de modélisation très performants !
J'entends vos arguments mais on ne peut pas renoncer au point de dire "oh la la, il y a beaucoup trop d'endroits où l'intégrité scientifique n'est pas respectée pour qu'on puisse se permettre de demander aux docteurs de dire qu'ils l'ont pratiquée".
(Jérôme Cahuzac, le 5 décembre 2012, à l'Assemblée nationale)
À partir du moment où ils signent, ils s'engagent donc eux aussi à avoir des pratiques conformes à cette éthique ce qui règle théoriquement le problème des mauvaises habitudes évoquées précédemment (j'ai bien dit théoriquement)
Ceux qui sont honnêtes le promettront et ceux qui ne le sont pas aussi. Très intéressant.
Je suis d'accord que légalement cela ne vaut rien mais cela ne veut pas dire qu'il en sera toujours ainsi, charge au législateur de fixer la nuance de gris précisément et ensuite ce sera les jurisprudences qui feront offices de référence mais on n'en est pas là de toute façon.
Pour un vœu pieux
Ce serment doctoral est en premier lieu une bouffonnerie. Je jure d'être honnête et il ne serait pas honnête d'être malhonnête après avoir juré de ne pas être malhonnête. Et ta soeur ! Et même Etat-soeur comme eut dit Desproges.
Les biologistes soviétiques auraient-ils plus facilement résisté face à la racaille Lyssenkiste s'ils avaient eu un chiffon de papier dans leur poche? Ben, non, c'est le contraire. La moraline, c'est à chaque fois l'argument mis en avant par les argousins qui cherchent à prendre le contrôle des cerveaux. Comment pouvez-vous être immoral au point de ne pas faire bloc derrière la bannière du Bien, du Juste et des Grosses Matraques ?
Dernier avatar du gangsterisme moralisateur: les campagnes wokistes pour prendre le contrôle des universités. Les gardes wokes semblent espérer jouer dans leur pays un rôle équivalent à celui des gardes rouges en Chine. Mais les gardes wokes ne s'intéressent pas à l'histoire, ni à tout ce qui pourrait demander une pensée indépendante. Une fois brisées les résistances à briser, les gardes rouges ont été renvoyés à leur vomi par les réels détenteurs du pouvoir. Cela n'empèche pas le garde woke individuel d'espérer que, lui, réussira à passer du statut de celui qui cuit dans la poelle commune au statut de celui qui tient le manche.
Cordialement, Pierre.
-- Schnoebelen, Philippe
Le point (3) est tout-à-fait faux.
Le point (2) est tout-à-fait inventif.
Cordialement, Pierre.
« Je jure comme Avocat d’exercer mes fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité. »
Pourquoi ces beaux principes n’engageraient-ils pas la Science académique ? D’autant que ça n’exclût pas la possibilité de les enfreindre !
J’interviendrai pour les protéger si elles sont vulnérables ou menacées. »
Voilà une chose qui ne va pas de soi ! Après 1945, on a rédigé le Code de Nuremberg afin de réglementer l’expérimentation médicale et fixer quelques balises bio-éthiques comme: ne pas exercer son savoir-faire médical au service de la torture.
Face aux « progrès » de la science, plusieurs précautions valent mieux qu’une !
C’est commode quand on veut faire passer des idées sans débattre. Ça revient à accuser son chien d’avoir la rage. Il n’y a plus de débat. Mais j’imagine que ce sont les mêmes personnes qui brandissent haut et fort la liberté d’expression et revendiquent l’esprit critique… ça c’est sûr : le leur est critique !
Je me répète mais si le thésard décide d'y voir une bouffonnerie, cela ne changera pas grand chose pour lui donc pas vraiment d'inconvénient. Si le thésard décide d'y voir un engagement même symbolique, je pense que cela peut effectivement l'aider par la suite à rester en conformité avec ce principe d'intégrité scientifique.
Si un courant de pensée autoritaire veut réduire les autres au silence, il lui faudra inventer autre chose que ce serment dont le texte a été écrit par l'OFIS qui est indépendant. Certes, cela peut créer une sorte de précédent qui rendra cette invention plus facile.
Tu veux former des "esprits libres" @pldx1 ben moi aussi justement et cela passe par l'enseignement de connaissances selon le consensus scientifique actuel, par la formation à l'esprit critique... Pour autant, je pense qu'il n'y a pas vraiment de liberté de penser sans moyen d'identifier les informations correctes tout comme il n'y a pas vraiment de liberté d'agir avec une peur des représailles.
C'est bien pour cela que je pense qu'il faut sanctionner la falsification de données ayant pour objectif la désinformation du grand public et protéger la diffusion d'informations correctes surtout si elles vont à l'encontre des intérêts de gros lobbies (ce sont eux les réels détenteurs du pouvoir dans notre société selon moi)
Ce dernier objectif est, pour moi, l'un des rôles du monde académique (surtout parce que personne d'autres ne le fera) et c'est en cela qu'il faut protéger les libertés académiques. Je suis d'accord sur ce point mais cela ne devrait pas les autoriser pour autant à faire n'importe quoi avec les fonds publics.
Une position de liberté totale ou de contrainte totale me parait difficile à tenir pour l’intérêt de la collectivité.
Soyons honnête puisqu'on parle du wokisme, sujet polémique s'il en est, bien sûr qu'il y a de l'exagération dans ce courant et je comprends la comparaison avec les gardes rouges quand je vois certains phénomènes de harcèlement sur les réseaux sociaux mais on a les mêmes excès avec l'idéologie opposée.
Je pense que certains que tu qualifierais peut-être de "wokes" veulent juste une société plus saine où on ne va pas se sentir méprisée pour son appartenance à un groupe quel qu'il soit. Je t'accorde que certains veulent sans doute inverser la domination par retour de balancier ce qui est totalement injuste et les discrédite.
-- Schnoebelen, Philippe