Deux sommes égales
$\newcommand{\pgcd}{\operatorname{pgcd}}$ $n\geq 1$ est un entier quelconque. On pose $A=\{1,2,3,\dots,n\}$ et $B=\{k\in A\mid\pgcd(n,k)\not= 1\}$.
On démontre facilement que ; $\displaystyle \sum _{k\in A} \dfrac{4k^3}{n}-6k^2-2nk+2n^2 =-2n^2$.
Montrer que l'on a aussi : $\displaystyle \sum _{k\in B} \dfrac{4k^3}{n}-6k^2-2nk+2n^2 =-2n^2$.
Pauvre sens et pauvre mémoire
M'a Dieu donné, le roi de gloire
Et pauvre rente
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Réponses
$$\sum_{\substack{k=1 \\ (n,k)=1}}^n \left( \frac{4 k^3}{n} - 6k^2 - 2 nk + 2 n^2 \right).$$
Dès lors, le résultat découle des égalités suivantes, pas très difficiles à obtenir : en supposant $n \geqslant 2$
\begin{align*}
& \sum_{\substack{k=1 \\ (n,k)=1}}^n k = \tfrac{1}{2} n \varphi(n) \, ; \\
& \sum_{\substack{k=1 \\ (n,k)=1}}^n k^2 = \tfrac{1}{3} n^2 \varphi(n) + \tfrac{(-1)^{\omega(n)}}{6} \gamma(n) \varphi(n) \, ; \\
& \sum_{\substack{k=1 \\ (n,k)=1}}^n k^3 = \tfrac{1}{4} n^3 \varphi(n) + \tfrac{(-1)^{\omega(n)}}{4} n \gamma(n) \varphi(n).
\end{align*}
En remplaçant dans la somme ci-dessus, on vérifie bien que celle-ci s'annule.
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$$\sum_{\substack{k=1 \\ (n,k)=1}}^n k^m$$
avec $m \in \mathbb{Z}_{\geqslant 1}$ et $n \in \mathbb{Z}_{\geqslant 2}$.
Je précise, alors : montrer que, pour tous $m \in \mathbb{Z}_{\geqslant 1}$ et $n \in \mathbb{Z}_{\geqslant 2}$
$$\sum_{\substack{k=1 \\ (n,k)=1}}^n k^m = \frac{n^m \varphi(n)}{m+1} + \frac{(-1)^{\omega(n)}}{m+1} \sum_{h=2}^m (-1)^h {m+1 \choose h} B_h n^{m-2(h-1)} \gamma(n)^{h-1} J_{h-1}(n)$$
où $B_h$ est le $h$ème nombre de Bernoulli et $J_{\ell}$ est la $\ell$ème fonction arithmétique de Jordan définie par $J_{\ell}(1) = 1$ et, pour tout entier $n \geqslant 2$ et tout $\ell \geqslant 1$
$$J_\ell (n) := n^\ell \prod_{p \mid n} \left( 1 - \frac{1}{p^\ell} \right).$$
Elle généralise le totient d'Euler.
Dans l'identité ci-dessus, le $1$er terme est le terme principal, l'autre pouvant être considéré comme un terme d'erreur, avec la convention habituelle que, si $m=1$, ce terme est nul.
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Je crois que $\omega(n) $ est le nombre de facteurs premiers de $n$ comptés sans les multiplicités, mais qu'est-ce que $\gamma(n) $ s'il vous plaît ?
$$\gamma(n) := \prod_{p \mid n} p.$$
J'ai voulu écrire le résultat final de l'identité ci-dessus en invoquant le plus possible des fonctions arithmétiques classiques, mais on peut vérifier que le terme d'erreur est aussi égal à
$$\frac{1}{m+1} \sum_{h=2}^m (-1)^h {m+1 \choose h} B_h n^{m-h+1} \prod_{p \mid n} (1-p^{h-1}).$$
Simplement, ça a moins de prestance quand il est écrit comme ça. Et puis je n'aime pas trop les mélanges sommes-produits.
Si on utilise celle-ci, on obtient l'extension suivante de l'identité précédente : Soit $k \in \mathbb{Z}_{\geqslant 2}$. Pour tout $x \in \mathbb{R}_+$
\begin{multline*}
\sum_{\substack{n \leqslant x \\ (n,k)=1}} n^m = \frac{x^{m+1}}{m+1} \frac{\varphi(k)}{k} + \frac{(-1)^{\omega(k)}}{m+1} \sum_{h=2}^m (-1)^h {m+1 \choose h} x^{m-h+1} \sum_{d \mid k} B_h \left(\left\lbrace \frac{x}{d} \right\rbrace \right) d^{h-1} \mu(d) \\
+ \frac{(-1)^{m+\omega(k)} B_{m+1}}{(m+1) k^m} (\gamma(k))^m J_m (k)
\end{multline*}
où, cette fois, $t \mapsto B_\ell (\{t\})$ est la $\ell$ème fonction de Bernoulli et $\{t\}$ est la partie fractionnaire. Si l'on veut estimer le terme d'erreur, il peut être intéressant de se rappeller que, si $\ell \geqslant 2$, les fonctions de Bernoulli sont continues et développables en série de Fourier :
$$\forall t \in \R, \quad B_\ell (\{t\}) = - \frac{\ell !}{(2 \pi i)^\ell} \sum_{r \neq 0} \frac{e(rt)}{r^\ell}$$
où, comme d'habitude, $e(x) := e^{2 i \pi x}$.
Comme l'a fait remarquer noix de totos cela revient à démontrer que $\displaystyle\sum_{\substack{k=1 \\ (n,k)=1}}^n \left( \frac{4 k^3}{n} - 6k^2 - 2 nk + 2 n^2 \right)=0$.
Cela se démontre très rapidement de façon élémentaire (sans rien connaitre des fonctions arithmétiques) en utilisant le résultat suivant qui est immédiat à démontrer si $p$ est un entier naturel impair :
$$S_p(n)=\displaystyle\sum_{\substack{k=1 \\ (n,k)=1}}^n (2k-n)^p=0$$
En effet si on change $k$ en $n-k$ et si on remarquant que $(n,k)=1$ est équivalent à $(n,n-k)=1$ on obtient $S_p(n)=-S_p(n)$.
Il n'y a plus quà développer $(2k-n)^3=8k^3-12nk^2+6kn^2-n^3$ d'où $\dfrac{4 k^3}{n} - 6k^2 - 2 nk + 2 n^2 =\dfrac1{2n}(2k-n)^3-\dfrac52(2k-n)$ qui entraine bien $\displaystyle\sum_{\substack{k=1 \\ (n,k)=1}}^n \left( \frac{4 k^3}{n} - 6k^2 - 2 nk + 2 n^2 \right)=0$.
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(i) Ou bien elle est à peu près adaptée, mais elle ne permet pas d'extension du problème posé ;
(ii) Ou bien elle demande des raisonnements et/ou des calculs lourds.
Voir par exemple un fil assez récent où les gens s'évertuaient à essayer des méthodes basiques là où l'introduction de la fonction de von Mangoldt et sa propriété de convolution résolvait la question posée en 2-3 lignes.
Lorsque l'on fait de la théorie multiplicative, il y a fort à parier que la convolution de Dirichlet est centrale au problème.
Ici, d'une manière générale, lorsqu'il y a une sommation portant sur une condition du type $(n,k)=1$, on utilise presque toujours la version suivante du lemme de Vinogradov : si $x \geqslant 1$ est réel, $k \geqslant 1$ est entier et $f$ est une fonction arithmétique quelconque à valeurs complexes, alors
$$\sum_{\substack{n \leqslant x \\ (n,k)=1}} f(n) = \sum_{d \mid k} \mu(d) \sum_{m \leqslant x/d} f(md).$$
La démonstration de cette version est relativement simple : elle repose sur la propriété de convolution de la fonction de Möbius, qui fournit immédiatement une indicatrice des entiers $n$ tels que $(n,k)=1$. En arithmétique, beaucoup de choses dépendent des indicatrices. Voir par exemple le Corollary 4.6 du livre : https://www.amazon.fr/Arithmetic-Tales-Advanced-Universitext-English-ebook/dp/B08P6VCK68/ref=sr_1_1?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5%BD%C3%95%C3%91&crid=2GXIEX6R1SNXP&keywords=arithmetic+tales&qid=1652647273&sprefix=arithmetic+tales%2Caps%2C74&sr=8-1
De plus, ce lemme montre le rôle primordial et fondamental de la fonction de Möbius dans la théorie multiplicative des nombres.
Tous les calculs que j'ai fait dans ce fil utilisent ce lemme.
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Bon, alors je m'y essaie. Pour le lemme de Vinogradov : $$\begin{eqnarray*} \sum_{d\mid k}\mu(d)\sum_{m\leqslant x/d} f(md) &=&\sum_{d\mid k}\mu(d)\sum_{n\leqslant x, \,d\mid n} f(n) \qquad \text{avec } n:=md\\&=&\sum_{n\leqslant x} f(n) \sum_{d\mid k,\,d\mid n} \mu(d) \ \ \qquad \text{en permutant les sommes}\\&=&\sum_{n\leqslant x} f(n) \sum_{d\mid k\wedge n} \mu(d) \\&=&\sum_{n\leqslant x} f(n)\, {\bf1}_{k\wedge n=1} \\&=& \sum_{n\leqslant x, \,k\wedge n=1} f(n) \end{eqnarray*}$$
Très bien. Ensuite, l'application au calcul de $ \sum\limits_{k\wedge n=1} k^2$ : $$\begin{eqnarray*} \sum_{0<k<n,\,k\wedge n=1} k^2
&=& \sum_{d\mid n} \mu(d) \sum_{m\leqslant n/d} (md)^2\\
&=& \sum_{d\mid n} \mu(d) \frac{\frac{n}d(\frac{n}d+1)(2\frac{n}d+1)}6 d^2\\
&=& \sum_{d\mid n} \mu(d) \frac{ 2(\frac{n}d)^3 + 3(\frac{n}d)^2 +\frac{n}d}6 d^2\\
&=& \frac{n^3}3 \sum_{d\mid n} \frac{\mu(d)}d + \frac{n^2}2 \sum_{d\mid n} \mu(d) + \frac{n}6 \sum_{d\mid n} \mu(d)\,d
\end{eqnarray*}
$$Or, pour tout $a\in\Bbb R$, $g_a:n\mapsto \sum\limits_{d\mid n}\mu(d)\,d^a$ est multiplicative et $g_a(p^r) = 1-p^a$ pour tous $p$ premier et $r\in\Bbb N^*$. Donc : $\forall n\in\Bbb N, \; g_a(n) = \prod\limits_{p\mid n}(1-p^a)$. D'où (pour $n\geqslant 2$) : $$\begin{eqnarray*} \sum_{0<k<n,\,k\wedge n=1} k^2
&=& \frac{n^3}3 \prod_{p\mid n}(1-p^{-1}) + 0 + \frac{n}6 \prod_{p\mid n}\underbrace{(1-p)}_{=-p(1-p^{-1})}\\
&=& \frac13 n^2\varphi(n) + \frac{(-1)^{\omega(n)}}6 \gamma(n) \varphi(n)
\end{eqnarray*}$$ puisque $\varphi(n) = n\prod\limits_{p\mid n}(1-p^{-1})$.
Conclusion : "pas très difficiles à obtenir" était en effet une épithète abusive telle quelle.
En effet, on a d'abord : $\forall m\in\Bbb N,$ $$ \sum_{\substack{0<k<n\\ k\wedge n=1}} k^m\underset{n\to\infty}\sim \frac{n^m\varphi(n)}{m+1}$$ i.e. $\frac1{\varphi(n)} \sum\limits_{\substack{0<k<n\\ k\wedge n=1}} \left(\frac{k}n\right)^m\underset{n\to\infty}\longrightarrow \frac1{m+1}=\int_0^1 t^m\,\mathrm{d}t$ (démontré dans l'encadré ci-dessous).
\left| \frac{n^{m-h+1}}{n^m \varphi(n)} \prod_{p \mid n} (1-p^{h-1}) \right| &=& \frac1{n^h} \prod_{p \mid n} \frac{p^{h-1}-1}{1-p^{-1}} \\
&=& \prod_{p\mid n} \frac{p^{h-1}-1}{p^{hv_p(n)-1}(p-1)}\\
&=& \prod_{p\mid n} \frac{f_h(p)}{p^{h(v_p(n)-1)}}
\end{eqnarray*}$$ avec $\displaystyle f_h:t\mapsto \frac{t^{h-1}-1}{t^{h-1}(t-1)}$. Or $f_h$ est positive et décroissante sur $[2,\infty[$ avec $f_h(2)<1$, donc $$\begin{eqnarray*}
\left| \frac{n^{m-h+1}}{n^m \varphi(n)} \prod_{p \mid n} (1-p^{h-1}) \right| &\leqslant& \prod_{p\mid n} \frac{f_h(2)}{2^{h(v_p(n)-1)}} \\
&\leqslant& \max\left(\frac1{2^h}, f_h(2) \right)^{\sum_{p\mid n} v_p(n)}\\
&\underset{n\to\infty}\longrightarrow& 0
\end{eqnarray*}$$
Donc pour tout $f\in \Bbb R[X],$ $$\frac1{\varphi(n)} \sum\limits_{\substack{0<k<n\\ k\wedge n=1}} f\!\left(\frac{k}n\right)\longrightarrow \int_0^1 f(t)\,\mathrm{d}t.$$ Puis, grâce au théorème d'approximation de Weierstrass, on peut l'étendre à $f\in\mathcal{C}([0,1])$. Enfin, comme la mesure uniforme de $[0,1]$ est sans atome, sa fonction de répartition est continue et on en déduit donc la même convergence lorsque $f$ est l'indicatrice d'un intervalle (théorème du porte-manteau).
Ceci dit, et à ma décharge, je dois dire que j'ai déjà évoqué à plusieurs reprises ce lemme de Vinogradov sur ce forum.
$$\sum_{\substack{a \in A \\ g(a)=1}} f(a) = \sum_{m=1}^\infty \mu(m) \sum_{\substack{a \in A \\ m \mid g(a)}} f(a).$$
Même démonstration.