Généralisation des variétés différentielles

Bonjour,
On peut définir une variété différentielle par recollement d'ouverts de $\R^n$. Est-ce que l'on peut généraliser cette construction en remplaçant les ouverts de $\R^n$ par des objets d'une catégorie $C$, et les changements de cartes qui sont, dans le cas des variétés différentielles des applications différentiables inversibles, par des morphismes inversibles dans la catégorie $C$ ?
Est-ce que l'on obtient une nouvelle catégorie $D$ ?
Si on réitère la construction, est-ce que l'on obtient $D$ ou une troisième catégorie ?
Merci d'avance.

Réponses

  • Maxtimax
    Modifié (April 2022)
    Par exemple, si tu remplaces les ouverts de $\R^n$ par des anneaux commutatifs (enfin, des opposés d'anneaux commutatifs), tu obtiens les schémas. 

    Le cas général (extrêmement général, un peu trop d'ailleurs, j'expliquerai après) c'est celui d'une topologie de Grothendieck sur une catégorie $C$ qui te permet de définir des faisceaux sur $C$. Une topologie (de Grothendieck) sur $C$ c'est une notion de "recouvrement" + des hypothèses techniques : en gros c'est la donnée de familles $(X_i\to Y)_{i\in I}$ de flèches dont on décrète que ce sont des recouvrements. 

    Un faisceau sur $C$ c'est un foncteur $F: C^{op}\to Set$ (un préfaisceau) qui vérifie la propriété que si $(X_i\to Y)_{i\in I}$ est un recouvrement, alors on peut retrouver $F(Y)$ à partir des $F(X_i)$ et des "intersections" $F(X_i\times_Y X_j)$ (une des hypothèses techniques est que ces produits fibrés existent); plus précisément que la flèche canonique induit un isomorphisme $F(Y)\overset\cong\to \mathrm{eq}(\prod_i F(X_i) \rightrightarrows \prod_{(i,j)} F(X_i\times_Y X_j))$ ($\mathrm{eq}$ est l'égaliseur: dans les ensembles c'est très simple, l'égaliseur de $f,g : A\rightrightarrows B$ c'est $\{a\in A\mid f(a) = g(b)\}$; je te laisse deviner les flèches ainsi que la flèche canonique, mais je peux rajouter les détails si besoin). 

    La catégorie des faisceaux sur $C$, $Sh(C)$ (le nom et la notation sont abusives, puisqu'il faut aussi choisir une  topologie) est une sorte de catégories d'"espaces généralisés, localement ressemblant à $C$". Un énoncé plus précis découle du lemme de Yoneda: il y a un foncteur $C\to Sh(C)$, pleinement fidèle dans beaucoup de cas (si la topologie est "sous-canonique", i.e. si $\hom_C(-,c)$ est un faisceau pour tout $c\in C$) tel que tout objet de $Sh(C)$ est une colimite d'objets de $C$ (on voit les objets de $C$ comme des "ouverts euclidiens"). 

    C'est un peu trop général parce que tu as beaucoup plus que des variétés différentielles si tu prends $C=$ ouverts euclidiens et fonctions différentiables injectives et ouvertes, avec comme topologie les familles $(f_i: U_i\to V)_{i\in I}$ telles que $V= \bigcup_{i\in I}f_i(U_i)$. 

    En général pour avoir le bon analogue d'une variété tu vas demander des choses qui s'apparentent à un "atlas", qui te rapprochent un peu plus d'un objet concret. Donc tes "variétés généralisées" seront des faisceaux qui "se comportent bien". Comme tout faisceau est une colimite de "cartes affines", tu imagines qu'un atlas ça va être une colimite particulièrement sympa. 

    Tu as beaucoup de détails dans le cours de Toën à ce sujet, qui n'est malheureusement plus accessible sur son nouveau site, mais trouvable via Wayback Machine   - voir "A master course on algebraic stacks", mais surtout les quelques premiers cours pour ce qui t'intéresse. 
  • Merci Maxtimax. À partir du paragraphe où tu parles de $Sh(C)$, du lemme de Yoneda, et de colimite, j'ai des difficultés à comprendre, car je ne connais pas suffisamment la théorie des catégories (je vais regarder ce qu'est une colimite).
  • Au-delà de la définition formelle, une colimite c'est comme un "recollement". L'exemple typique d'une colimite c'est un "pushout" $A\coprod_C B$ : c'est $A$ et $B$ recollés le long de flèches $C\to A, C\to B$.
  • Merci.
    J'ai une autre question au sujet des faisceaux sur une catégorie $C$.
    Si on veut construire le cercle à partir d'ouverts de $\R^1=\R$, on considère la catégorie $C$ constituées des ouverts $U=]- \epsilon,1+\epsilon[$ et $V=]2-\epsilon, 3+ \epsilon[$, et $W=]-\epsilon,\epsilon[ \cup ]1- \epsilon,1+\epsilon[$, ainsi que des morphismes $i:W \rightarrow U$ l'inclusion et $j:W \rightarrow V$ qui à $x \in ]-\epsilon, \epsilon[$ associe $2-x$, et à $x \in ]1- \epsilon, 1+ \epsilon[$ associe $4-x$. Peut-être faut-il aussi considérer les ouverts contenus dans $U$, $V$ et $W$ avec les morphismes d'inclusion. Peut-être il faut considérer aussi $U \cup V$ et $i_2:U \rightarrow U \cup V$, ainsi que $i_3:V \rightarrow U \cup V$ ? On définit alors $F( U \cup V)$ comme étant l'ensemble des fonctions $f$ d'ensemble de départ $U \cup V$ telles que $f \circ i_2 \circ i=f \circ i_3 \circ j$. Et $F(V) \rightarrow F(W)$ est l'application qui à $f$ d'ensemble de départ $V$ associe $f \circ j$. Les autres $F(U) \rightarrow F(W)$, etc... étant les restrictions. C'est ça l'idée ?
  • L'idée de "à une variété on associe un faisceau" est très simple (mais il faut l'avoir vue, je te l'accorde): à la variété $M$ tu associes le foncteur $U\mapsto \hom(U,M)$, où ici $\hom$ est dans une catégorie de variétés à préciser, ça dépend un peu ce qu'on veut obtenir. Mais en gros tu vois un faisceau $F$ comme "$\hom(-,F)$". 

    C'est justifié par le lemme de Yoneda; mais ça marche très bien. Si par exemple tu veux obtenir des variétés différentielles et applications lisses tu devras prendre $C=$ ouverts euclidiens et applications lisses (quelconques). Si tu veux obtenir des variétés différentielles et (applications lisses + une condition locale), alors tu peux imposer la même condition locale sur tes ouverts euclidiens. J'ai dit une bêtise plus haut en mettant "injectives" parce que ce n'est pas local. 
  • Merci Maxtimax.
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