J'ai enfin compris le rotationnel !

Georges Abitbol
Modifié (January 2023) dans Analyse
Vous allez rigoler mais je crois que j'ai compris le rotationnel. je partage donc mon bonheur avant de m'écrouler pour une sieste.

Précisément, j'ai répété aux étudiants deux ans de suite le mantra : "le rotationnel en un point $p$ d'un champ de vecteurs mesure sa tendance à tourner : la droite engendrée par le vecteur rotationnel est l'axe de la rotation (avec orientation) et la vitesse angulaire est donnée par le carré de la norme de ce vecteur" sans vraiment le comprendre. Et maintenant, je l'ai compris.

Bon, c'est un peu algébrique, je ne suis peut-être pas dans le bon sous-forum...

Soit, pour tout $(x,y,z) \in \mathbb{R}^3$, $$RI(x,y,z) := \frac{1}{2}\left(\begin{array}{ccc}
0 &-z&y\\
z&0&-x\\
-y&x&0\\
\end{array}\right).$$

$RI$ est un isomorphisme de $\mathbb{R}^3$ vers l’espace des matrices antisymétriques. De plus, il transforme le produit vectoriel en le commutateur des matrices associées (je n'arrive pas encore à me forger une intuition géométrique de ça).

On apprend en cours d'algèbre linéaire que l'espace vectoriel des endomorphismes de $\mathbb{R}^3$ se décompose comme somme directe du sous-espaces des matrices symétriques du sous-espace des matrices anti-symétriques. Notons $\pi$ la projection sur le sous-espace des matrices anti-symétriques.

Soit $X$ un champ de vecteurs $C^1$ défini sur un ouvert $U$ de $\mathbb{R}^3$, et soit $p \in U$.
Alors le rotationnel de $X$ en $p$ est le vecteur $RI^{-1}(\pi(d_p X))$.

C'est tout simple :
1) Le rotationnel de $X$ en $p$ est le même que le rotationnel (peu importe où) de $d_p X$.
2) Soit $Y$ un champ de vecteurs linéaire dont la matrice, dans la base canonique, est symétrique. On vérifie alors sans peine que son rotationnel est nul.
3) Donc le rotationnel de $d_p X$ (et donc, celui de $X$ en $p$) est égal au rotationnel de $\pi(d_p X)$.
4) Soit $(x,y,z) \in \mathbb{R}^3$. On vérifie sans peine que le rotationnel du champ linéaire associé à $RI(x,y,z)$ est le champ constant de valeur $(x,y,z)$. Donc, quitte à identifier champs de vecteurs constants et vecteurs, $RI$ et le rotationnel sont réciproques l'une de l'autre, si on se restreint aux matrices anti-symétriques.
5) On conclut avec 3) et 4).

Et alors ? Soit $(x,y,z)$ un vecteur non nul. Considérons, pour tout $\theta$ réel, la matrice $R(\theta,x,y,z)$ définie comme étant l'exponentielle de $\theta RI(x,y,z)$. Si je ne me trompe pas (j'en peux plus pour ce soir...) pour tout $\theta$, $R(\theta,x,y,z)$ est la rotation d'angle $\theta\Vert (x,y,z)\Vert^2$ et d'axe la droite engendrée $(x,y,z)$ orientée dans le sens de $(x,y,z)$.

Bref, pour les champs de vecteurs linéaires donnés par des matrices anti-symétriques, le "mantra" du rotationnel est exact ; les champs de vecteurs linéaires quelconques se décomposent comme la somme d'un champ anti-symétrique où le "mantra" est exact et d'un champ symétrique qui, lui, n'apporte rien du tout ; et enfin, pour un champ de vecteurs quelconque, comme il se comporte infinitésimalement comme sa différentielle, c'est bon.

EDIT : correction, merci Renart !

Réponses

  • C'est
    \wedge
    
    pour écrire un produit extérieur.

    On peut dire que tu y mets les formes :-D

    C'est quoi les applications du lemme de Poincaré en électromagnétisme et en mécanique des fluides ? Cette partie est un peu le maillon faible de mon cours. Pauvres étudiants...
  • Je viens de penser à un autre truc (trivial) !

    Soit $\phi : O_n(\mathbb{R})\times S^{++}_n \rightarrow GL_n(\mathbb{R})$ qui à tout couple $(O,H)$ associe $OH$. La réciproque de $\phi$ s'appelle la "décomposition polaire".

    L'application $\phi$ est un difféomorphisme. L'espace tangent à $O_n(\mathbb{R})$ en l'identité, s'identifie assez naturellement à $A_n(\mathbb{R})$ (le sous-espace des matrices anti-symétriques) et l'espace tangent à $S^{++}_n$ en l'identité s'identifie naturellement à $S_n$, et celui à $GL_n(\mathbb{R})$ s'identifie à $M_n(\mathbb{R})$.

    Sa différentielle est l'application bien connue $A_n(\mathbb{R}) \oplus S_n(\mathbb{R}) \rightarrow M_n(\mathbb{R})$ qui à tout $(A,S)$ associe $A+S$.

    Bon tout ceci est trivial mais me permet de peupler mon imaginaire mathématique. Bonne année, au fait !
  • Je déterre ce fil parce que je me suis moi même posé des questions sur le rotationnel. Rien d'incroyable, il s'agit juste de noter quelque part ce que j'ai compris

    Deux petites remarques avant de commencer :
    1) Dans le premier poste de Georges Abitbol il y a une petite coquille, la matrice $RI(x,y,z)$ n'est pas un automorphisme de $\R^3$ puisqu'il s'agit d'une matrice antisymétrique et qu'elle est donc de rang pair. En revanche l'application $RI$ est bien une bijection entre $\R^3$ et $A_3(\R)$, et c'est ce qui compte.
    2) À l'heure où j'écris ce message le poste de side, qui avait l'air intéressant, a été supprimé. Si un membre de la modération voulait bien le rétablir dans sa version d'origine je lui en serai reconnaissant.

    Prenons $M\in M_3(\R)$ une matrice, on note $X : \R^3 \to \R^3$ le champ de vecteurs linéaire associé : $X : v \mapsto Mv$. Comme expliqué par G.A. on se restreint aux champs linéaires parce qu'ils ont l'avantage d'avoir un rotationnel constant et que tout champ $C^1$ peut être localement approché par la somme d'un champ constant (de rotationnel nul) et d'un champ linéaire. On note $\varphi$ le flot associé à ce champ de vecteurs, c'est à dire $\varphi_t(v) = \exp(tM)v $ de sorte que $\partial_t \varphi_t(v) = X(\varphi_t(v))$. Prenons un repère $\mathcal R_0$ orthonormé direct, on note $\mathcal R_t= \varphi_t(\mathcal R_0)$ la propagation de ce repère (qu'on peut identifier à un quadruplet de points), pour passer de $\mathcal R_0$ à $\mathcal R_t$ on multiplie par la matrice $e^{tM}$. Pour savoir de combien le repère $\mathcal R_t$ "a tourné" on cherche la décomposition polaire de $e^{tM}=O_t S_t$. Pour cela on décompose $M=A+S$ en partie symétrique et antisymétrique, on écrit ensuite \[\exp(t(A+S))=e^{tA}e^{tS}+o_0(t).\]On sait que $e^{tA}\in SO_3(\R)$ est une rotation et que $e^{tS}\in S_3^{++}(\R)$, donc $\Phi^{-1}(e^{tA}e^{tS})$, la décomposition polaire de $e^{tA}e^{tS}$, est simplement $(e^{tA},e^{tS})$. Puisque la décomposition polaire est un difféomorphisme on a $\Phi^{-1}(e^{tM}) = (e^{tA},e^{tS}) + o_0(t)$, en dérivant on en déduit que $\left(\partial_t O_t\right)_{|t=0} = A $. La partie antisymétrique de $X$ donne donc le taux d'accroissement de la rotation effectuée lorsque l'on propage par le flot associé à $X$, au moins pour $t=0$. Ensuite pour faire le lien entre $A$ et le rotationnel de $X$ on utilise le premier message de G.A.

    En revanche pour des temps strictement positifs et si le champ $X$ ne provient pas d'une matrice antisymétrique les formules cessent d'être exactes. Cela provient du fait que les matrices ne commutent en général pas, ainsi $e^{(t+s)M}=O_tS_tO_sS_s\neq O_tO_s S_tS_s$ et donc $O_{t+s}\neq O_{t}O_s$. Par conséquent pour $t>0$ la matrice $O_t$ n'est en général pas une rotation d'axe $\mathrm {rot} X$ et l'angle de rotation n'est pas $t \|\mathrm{rot}X\|_2$. Il suffit de faire quelques calculs numériques pour s'en rendre compte. On en déduit au passage qu'il n'est pas possible d'écrire $\varphi$ comme le produit de deux flots dont l'un serait une rotation pure et l'autre une dilatation pure. C'est une situation différente de la divergence pour laquelle on a des formules intégrales simples permettant de calculer la dilatation des volumes même pour des temps positifs. Cela provient du fait que la divergence s'exprime comme $\det(O_t S_t)=\mathrm{det}(S_t)$ et que $\det(S_{t+s})=\det(S_s)\det(S_t)$. J'ai un peu cherché mais sans succès une équation différentielle qui permettrait de décrire (et de mieux comprendre) $O_t$ et $S_t$. Si quelqu'un a ça je suis preneur.



  • Question Pourquoi le rotationnel ne peut pas être défini en dimensions supérieurs à 3 ?
    Le 😄 Farceur


  • Merci Renart !

    @gebrane : bien sûr qu’on peut, il suffit de dire que le rotationnel est la partie antisymétrique de la différentielle du champ ; par contre, il n’y a qu’en dimension trois qu’on peut l’identifier à un vecteur (d’ailleurs, en dimension $2$, le rotationnel est juste un nombre).
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