Propriété universelle

On va prendre le cas générique des ensembles et le théorème suivant (qui est je crois ce qu'on appelle la propriété universelle de l'ensemble quotient) dont la démonstration est facile.

Soient :
  • $X$ et $Y$ des ensembles,
  • $\mathcal R$ une relation d'équivalence sur $X$,
  • $f:X\rightarrow Y$ une application,
  • $\pi:X\rightarrow X/\mathcal R$ la surjection canonique.
Alors les assertion suivantes sont équivalentes :
  • $f$ est $\mathcal R$-invariante (i.e. $f$ est constante sur les classes d'équivalence).
  • Il existe une unique application $\overline{f}:X/\mathcal R\rightarrow Y$ telle que $f=\overline{f}\circ\pi$ (i.e. tel que le diagramme, que je ne sais pas dessiner, commute). [Voilà pour le diagramme. ;-) AD]
    $$\xymatrix{ X\ar[r]^{f} \ar[d]_{\pi} & Y \\
    X/\mathcal R \ar[ru]_{\overline f}
    } \qquad f=\overline{f}\circ\pi$$
Pourquoi cela s'appelle la propriété d'universalité du quotient ?

Je pose cette question car après, on retrouve des "propriétés d'universalité" partout en algèbre, sur les groupes, anneaux, etc. Je pense que je comprends les différents théorèmes à chaque fois et souvent ils ne sont pas difficiles à démontrer. Toutefois, je ne suis pas sûr de comprendre ce que signifie le qualificatif d'universalité même si j'ai l'impression qu'il y a une idée d'unicité (c'est évoqué dans le cours que je travaille sans trop de détails). Mais ce qui m'inquiète et me fait dire qu'il y a un truc qui m'échappe, c'est que si on me demande d'énoncer une propriété d'universalité pour une nouvelle notion que je ne connais pas encore, je ne saurais pas le faire (même si je pense qu'une fois donnée, je saurais la démontrer...).

En fait j'ai l'impression que la propriété d'universalité concerne l'unicité de morphismes (ici simplement application car on a pas de structure) plutôt que de l'ensemble lui-même. En gros, ici la propriété d'universalité concernerait surtout $\overline{f}$, plutôt que $X/\mathcal R$ (même si je sais que $\overline{f}$ est égale au triplet $(X/\mathcal R,Y,...)$ vous comprenez l'idée). Est-ce que j'ai raison ?

Réponses

  • On parle plutôt de propriété universelle que de propriété d'universalité.

    À proprement parler, ce n'est pas $X/\mathcal R$ qu'elle concerne, ni $\overline f$, mais le couple $(X/\mathcal R, \pi)$

    Je vais me permettre de reformuler ton énoncé en une version un peu moins précise (qui peut être rendue précise avec le bon vocabulaire), qui peut-être te fera mieux comprendre le terme.

    "Théorème" : la donnée d'une application $\overline f : X/\mathcal R\to Y$ est exactement la même chose que la donnée d'une application $\mathcal R$-invariante $f :X\to Y$; et les deux sont reliés par $f = \overline f \circ \pi$.

    Autre reformulation, déjà plus précise : $\overline f \mapsto \overline f \circ \pi$ établit une bijection entre $\hom(X/\mathcal R, Y)$ et l'ensemble des applications $\mathcal R$-invariantes $X\to Y$

    Dans ces reformulations on voit déjà beaucoup plus l'importance de $\pi$, mais je dirais qu'on commence à voir aussi d'où vient le nom.

    En fait on parle de propriété universelle parce que c'est elle qui "gère" la relation de $X/\mathcal R$ à tout le monde : elle nous dit comment définir une application $X/\mathcal R\to Y$ pour n'importe quel $Y$.

    (Et c'est cette universalité qui permet de garantir que notre objet est ainsi caractérisé à (unique) isomorphisme près).

    De manière générale, une propriété universelle d'un objet dépendant d'autres objets ce sera une propriété qui décrit exactement à quoi correspond la donnée d'un application (ou un morphisme, selon le contexte) partant de, ou allant vers, cet objet, en fonction des autres objets en question.

    Il y a effectivement une idée d'unicité, mais aussi (et j'ai envie de dire surtout) d'existence : on parle bien de bijection, donc injection (unicité) et surjection (existence).

    D'ailleurs ta formulation de la propriété universelle est correcte mais pas optimale. Idéalement, il faudrait sortir le "unique" de la deuxième ligne, et le rajouter en bas, du style "Si ces trucs sont satisfaits, $\overline f$ est unique"
  • Salut.
    Les histoires de propriétés universelles sont très bien expliquées dans Basic category theory de Tom Leinster. Dans l'introduction qui plus est !
  • Ah ok, je comprends mieux, merci beaucoup !

    Et merci AD pour le dessin du diagramme !
    [À ton service. :-) AD]
  • Si ça t'intéresse, d'autres propriétés universelles intéressantes pour commencer sont celles du produit (dualement, coproduit) et de l'égaliseur
  • N’est-ce pas ce théorème qui s’appelle parfois « premier théorème d’isomorphisme » ?
    Il existe aussi « le deuxième » et « le troisième ».
  • Dom : non c'est un peu différent. Le premier théorème d'isomorphisme s'en déduit en un sens
  • Ha ok. C’est peut-être uniquement pour les groupes (?).
  • Groupes, modules, anneaux (mais modulo des idéaux), essentiellement toutes les structures algébriques selon ce qu'on entend; mais il ne dit pas que ça de toute façon
  • Ok ;-)
  • Est-ce qu'une propriété universelle est toujours associée à un élément universel et à un "terminal morphism" ?

    Pas mal de texte parle de propriété universelle "informellement" pour le produit ou l'exponentielle comme "si un object X est dans un pattern proche de Y, alors il existe un unique morphisme permettant de ramener X vers Y" où Y est au choix le produit l'exponentielle etc... Mais souvent après il y a un paragraphe "au fait, Y est l'élément universel de tel foncteur. Et dans le même ordre d'idée, dans une vidéo Youtube de Richard Southwell sur les propriétés universelles, il nous présente le produit comme une conséquence d'un morphisme terminal, de même pour l'exponentielle.
    Est-ce que du coup l'un ou l'autre peut servir de définition formelle de ce qu'est une propriété universelle ?
  • On peut effectivement définir une propriété universelle comme un foncteur $F$ vers $\mathbf{Ens}$, et alors quelqu'un qui vérifie cette propriété universelle c'est un $A$ qui représente ce foncteur.
    Par le lemme de Yoneda, cela revient à un élément $\eta \in F(A)$ qui est en quelque sorte universel. Souvent, $F$ est défini en termes de morphismes, et donc souvent, $\eta$ finit par être un morphisme, mais ce n'est pas forcément le cas (typiquement cela peut être une classe caractéristique en cohomologie)
  • Pour m'être replongé dedans encore une fois, je plussoie la formulation de Maxtimax sur la "bonne vision" qu'il faut avoir de la propriété universelle de l'ensemble quotient. Je la recopie ici :

    [large]Propriété universelle de l'ensemble quotient :[/large]
    Soient :
    • $X$ un ensemble ;
    • $\mathcal R$ une relation d'équivalence sur $X$ ;
    • $\pi:X\rightarrow X/\mathcal R$ la surjection canonique.
    Pour tout ensemble $Y$, l'application $f\mapsto f\circ\pi$ est une bijection de $Y^{X/\mathcal R}$ (ensemble des applications de $X/\mathcal R$ vers $Y$) vers $(Y^X)_{\mathcal R}$ (ensemble des applications $\mathcal R$-invariantes de $X$ vers $Y$).

    Et la chose intéressante (c'est peut-être davantage ce qui correspond à l'idée intuitive qu'on se fait du mot "universel" ?) qui est conséquence de cette propriété universelle et qui est montrée dans le cours d'Antoine Ducros et que je reformule à ma sauce est la suivante, à savoir l'unicité de l'ensemble quotient à bijection unique près :

    [large]Unicité de l'ensemble quotient à bijection unique près :[/large]
    Soient :
    • $X$ un ensemble ;
    • $\mathcal R$ une relation d'équivalence sur $X$ ;
    • $\pi:X\rightarrow X/\mathcal R$ la surjection canonique.
    S'il existe un ensemble $S$ et une application $\mathcal R$-invariante $s:X\rightarrow S$ tels que pour tout ensemble $Y$, l'application $f\in Y^S\mapsto f\circ s\in (Y^X)_{\mathcal R}$ soit bijective, alors il existe une unique application $g:X/\mathcal R\rightarrow S$ rendant commutatif le diagramme :
    $$\xymatrix{ X\ar[r]^{s} \ar[d]_{\pi} & E \\ X/\mathcal R \ar[ru]_{g} } \qquad s=g\circ\pi$$
    De plus, $g$ est bijective.

    Personnellement, je trouve ça vraiment joli. Sauf erreur, on ne voit jamais cette propriété dans les cours de prépa/licence (même les vieux) qui parlent des ensembles quotients.

    C'est ce genre de truc qu'on approfondit en théorie des catégories ?
  • Si tu veux tu peux aussi reformuler de la manière (imprécise) suivante, pour comprendre pourquoi on parle d'universalité : $X/\mathcal R$ est l'exemple générique, universel, d'un ensemble $Y$ muni d'une flèche $\mathcal R$-invariante $X\to Y$, au sens où n'importe quel autre exemple "en est un cas particulier".
    Je ne sais pas si c'est plus clair, mais dans ma tête ça sonne bien :-D

    Je trouve ça très joli aussi ; et oui, pour répondre à ta question, on approfondit ce genre de choses en théorie des catégories !
  • Le cours de catégories de Alain Prouté est CARREMENT PLUS QUE PROLIXE sur ce sujet topotopot!!!!

    S'il y a bien un truc qu'il traite longuement c'est ça. C'est une véritable valse (propriété universelle ds une catégorie = elt terminal dans une autre = adjoint dans encore une autre, etc) qu'il adore conduire.

    Il est en ligne sur sa page (c'est un pdf de 400 pages)
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Pour t'éviter de perdre des minutes max, je précise que j'ai dit "un peu au hasard", je ne me rappelle pas par coeur si adjoin ds Truc = objet terminal dans bidule, bien sûr. Faut aller voir (ou déjà savoir) ce que AP raconte, moi, c'est un vague souvenir.
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
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