Question sur l'enseignement des mathématiques

En relisant par curiosité différents cours et chapitres de bouquins traitant de l'analyse de Fourier, je me suis rendu compte d'une chose que je n'avais jamais remarqué jusqu'alors. La totalité des cours qui me sont tombés sous la main se composent comme suit : 1) définition, 2)proposition, 3) théorème (avec quelques courtes remarques disséminées deci-dela...), etc... L'exemple de Fourier pourrait même être qualifié de "variable muette", il aurait bien pu être remplacé par d'autres qui ne dérogent pas à cette construction.

Après en avoir parlé à quelques camarades, aucun n'a semblé déconcerté par ce fait. On m'a répondu qu'il s'agissait de cours destinés à des classes prépas, qu'il fallait faire le programme sans s'attarder sur des choses ne figurant pas dans tout bon manuel, et que si je voulais en savoir plus, je n'avais qu'à reprendre mes cours de prépa agreg.

Je n'arrive pas à trouver normal, toujours sur le même exemple, qu'un étudiant en prépa qui apprend son cours sur les séries de Fourier ne soit jamais mis en situation, ne serait-ce que de s'interroger sur leur existence (pourquoi ont-elles été introduites ? Quel(s) problème(s) ont-elles pu résoudre ?). Aussi, j'aimerais savoir, entre autre parmi les profs ayant la chance d'enseigner à un niveau assez élevé, s'il faut trouver logique de ne pas trouver dans la très grande partie des livres (et des cours) la moindre tentative d'explication sur ce qui fait l'utilité des diverses théories enseignées. Et, quels qu'ils soient, vos divers avis m'intéressent !

Réponses

  • Il est possible que l'explication de l'introduction de fourrier est vraiment son explication dans la théorie des distributions en tant qu'automorphisme des espaces de schwartz(intersection de Sobolev) qui est inaccessible en prepa.

    Par ailleurs, l'analyse de fourrier est surtout d'un point de vue applicatif lié à la théorie du signal qui je pense sort du programme de prépa.

    C ce que je pense.
  • L' introduction des séries de Fourier n' est elle pas historiquement due à l' étude de la propagation de la chaleur? La théorie des distributions c' est bien plus tard non? Il est tout à fait possible de parler un peu de l' historique en prépa, mon prof de spé le faisait toujours un peu d' ailleurs et je trouvais cela très intéressant.
  • Grande question....qui touche l'évolution de l'enseignement ; il était d'usage, il est vrai, à tout niveau d'étude de présenter le cours sous une forme rigide : définitions - propriétés - exerices - problèmes ; ce que l'on pouvait appeler le contrat didactique.

    A présent la forme est moins rigide puisque le cours est généralement devancé par des activités d'introduction, qui permettent de situer les notions dans des applications plus concrètes, et par là d'amener l'apprenant (ouh, le joli mot !) à découvrir les définitions de façon active (d'où le nom "activités", logique non ?)

    Mais dans certaines classes, par problèmes de temps, de motivations des élèves, les activités qui permettent de relier les notions avec d'autres dans des domaines divers et variés, ne font qu'alourdir le cours...et sont absentes, ce qui est dommage à mon sens.

    Par exemple, en BTS industriel, où les mathématiques occupent une place assez réduite (ie un coefficient ridicule à l'examen), le chapitre sur Fourier se réduit à calculer des coefficients, à représenter deux ou trois harmoniques, et basta ; alors qu'il y aurait tant à faire en liaison avec la physique appliquée. Autre exemple, toujours en BTS, est abordée la notion de probabilité continue, en particulier la loi normale. Aucune vision globale n'est exigible, juste une lecture de table...

    En résumé, la façon dont un cours est abordé dépend du niveau de la classe, de l'horaire annuel, des exigences de l'examen et aussi de l'implication des autres collègues dans d'autres matières, de façon à jouer la carte de transversalité.

    Dernier exemple : cette année, dans une classe de TS nous avons pu mener la notion d'exponentielle en maths, en physique (radioactivité et désintégration de noyaux), en SVT (modèlisation proies-prédateurs)...en meme temps dans les trois matières. J'avoue que c'était intéressant.

    Pour finir vous excuserez les lettres parasites éventuelles, mais les petites mains de mon monstre de 5 mois aiment bien taper elles aussi sur le clavier en meme temps que moi ; et écrire un message sans faute devient un exploit..
  • Pour répondre à nananan, il est indéniable que tout ne peut pas être expliqué sans avoir recours à des outils intervenant à un niveau bien plus élevé, et que l'on est obligé de passer certaines choses sous silence. Mais tout de même, de la à dire que l'on ne peut rien justifier... Je m'étonne de ne pas avoir croisé plus d'élèves/étudiants se posant des questions sur la motivation de leurs mathématiques, comme si on ne cherchait pas à éveiller leur soif de compréhension.

    J'ai pu avoir tout récemment le dernier livre de Stella Baruk entre les mains, ou elle dénonce la formation des "automathes" dans les petites classes, terme qui si je l'ai bien compris désigne les élèves ne s'intéressant pas au sens de ce que l'on leur enseigne, mais formés pour résoudre les problèmes sans se poser de questions métaphysiques. Peut-être n'y vois-je qu'un lien en vérité artificiel et/ou naïf, mais je trouve que calculer la transformée de Fourier d'une fonction en appliquant les formules et les théorèmes auxquels on a droit n'est jamais rien d'autre qu'un niveau plus élevé d'automathes. Qu'en pensez-vous ?
  • Pilzenbir, ton prof m'intéresse ! Plus sérieusement, avait-il de façon générale une petite explication à donner sur l'introduction d'une notion ? Sur son historique ?

    Longjing, merci pour cette réponse. Mais je reste sur ma faim quant à la question de la transversalité. L'exemple de la TS est très intéressant, mais n'est-il pas encore trop singulier ?
  • Hélas si, bien trop singulière ! la concertation et les réalisations interdisciplinaires sont rares car longues et difficiles à mettre en oeuvre.

    D'où l'apparition des Itinéraires De Découvertes au collège, Travaux Personnels Encadrés au lycée et TIPE en prépa. Tous ces dispositifs ont pour but d'illustrer des notions enseignées en cours, dans un autre cadre.

    La mise en place des IDD ou TPE est trop récente pour en tirer un bilan ; néanmoins il s'agit d'une idée intéressante.
    Pour en finir avec la transversalité, je dois dire que malgré les efforts faits (concertation entre trois matières, c'est du boulot), les élèves ne sont pas demandeurs ; ils préfèrent du soutien bete et méchant, des exercices de base qu'ils savent plus ou moins déja faire, pour les rassurer. Ils ne voient pas tout à fait la finalité des activités transversales, excepté les meilleurs. L'effet inverse de ce qui était prévu, donc...
  • Tous mes profs de prépa et de fac qui ont fait des cours sur des notions un peu nouvelles (je parle de l'introduction de nouvelles théories ou de nouveaux outils, comme il est question des transformées de fourier, de la mesure par exemple) ils ont en effet tous suivi ce modèle, cependant précédé d'un paragraphe d'introduction ou d'un monologue du prof d'introduction sur le "pourquoi cet outil ?"
    Et même en prépa.
    Mais je n'étais pas dans une "grande prépa parisienne" et peut etre qu'on avait plus tendance à se lacher sur aute chose que sur la préparation à l'X ...
  • en cours de physiques pour toutes les fillières de prépa je crois, l'électrocinétique fait intervenir les séries de Fourrier avec les filtres car on peut facilement visualiser une fois que l'on a représenter le spectre du signal d'entrée quelles harmoniques seront amplifiées, déphasées, réduites, en superposant à ce dit spectre les diagrammes de bode.
    on peut aussi avoir quelques notions en électromagnétisme avec tout ce qui touche à la propagation des ondes. On utilise alors un spectre continue (en électrocinétique on utilise plus souvent des spectres discrets) et la loi de stephan par exemple est un résultat appliqué de la théorie de décomposition de Fourier.
    l'inconvénient est que cette notion est établie plus tard en mathématiques (en spé et l'électrocinétique vient en sup). de même les définitions diffèrent en maths et en physiques de temps à autre (établissement des coefficients notament) ; enfin rien de bien méchant
  • jaybe : j'ai lu le livre de stella baruk (l'age du capitaine, mais je crois qu'elle introduit le concept dans un autre livre, peut-être est-ce celui-là que tu as lu) et effectivement, un automathe est une personne utilisant les concepts mathématiques de manière automatique, sans se poser de question.
    J'ai une petite comparaison sur le sujet : c'est comme si une personne savait parfaitement utiliser un marteau ou une pince, mais sans savoir à quoi ca sert et comment ça marche. Lorsqu'on leur donne un clou à enfoncer, où bien ils se rappellent d'éxercices précédents dans lesquels ils avaient utilisé le marteau (et ils le réutilisent donc), où bien ils attendent qu'on leur dise quel outil utiliser ("En utilisant le marteau, enfoncez le clou" : je trouve que ca ressemble beaucoup à un énoncé de mathématique :p).
    Quand à trouver étonnant que tout le monde semble se moquer de la finalité de tous ces concepts et se contente d'apprendre les outils sans se poser de question, je suis dans le même cas que toi. Surtout que je déteste apprendre des choses que je ne comprend pas... !!!

    Longjing : la transversalité me paraît extrêmement intéressante, même si ce genre d'initiative coûte cher en temps pour les professeurs impliqués. Les élèves ne sont pas demandeurs ? A la bonne heure, depuis qu'ils sont tout petits on leur déverse des concepts et des outils tous chauds, sans aucune explication... Il est tout à fait normal qu'ils aient peur de ce changement brutal ! N'oublions pas que l'homme est récalcitrant à tout changement (la preuve : Microsoft existe encore ! Si l'homme acceptait de changer sans difficulté, Windows serait mort depuis longtemps... :p Bon d'accord, c'est une preuve d'informaticien anti-Windows :-D). En bref, persévérez et essayez d'étendre votre action ! :)

    Pour fourier je dois avouer que je n'avais pas trop apprécié les cours à mon époque, parce que je ne comprenais pas trop les tenants et les aboutissants... Pourtant c'est un outil très puissant (et effectivement utilisé massivement dans le domaine du signal).
  • Ton parallèle avec le marteau est frappant (humour qui mérite la corde), mais je ne suis pas complètement convaincu. Pour comprendre les ficelles qui se cachent derrière une notion, il faut souvent déjà maîtriser l'application de la notion : je ne me vois pas expliquer l'algorithme de division à des élèves de CM1, par exemple (ça marche beaucoup avec le calcul).

    L'avantage du programme pré-bac est que chaque notion est au programme de pas mal de classes successives, ce qui permet de revoir chaque notion en démarrant d'un peu plus bas (donc plus profondément à chaque fois - les mathématiques ne sont simples qu'au niveau de la mer : en-dessous elles sont difficiles car conceptuelles, au-dessus elles sont foisinnantes), ce qui permet de revoir certaines choses à partir de leur domaine d'application.

    Entendons-nous bien, je suis contre le cours auto-référent à la Bourbaki, quel que soit le niveau, et chaque fois que j'enseigne, je m'efforce de partir d'une situation, pas forcément concrète d'ailleurs : je trouve que "mettre du sens", comme le serinent les pédagogues, se réusme trop souvent pour eux à mettre un contexte concret à une situation, ce qui n'est pas toujours pertinent (je pense à l'exo d'equadiff du bac de cette année par exemple), et à bien y réfléchir antimathématique (le but des maths est de généraliser, n'oublions pas, donc si on démarre par un cas concret il faut s'en dégager assez vite).

    Je m'efforce aussi, quand c'est possible, de faire des repères historiques, montrer des évolutions de notions.

    Mais présenter une notion par une activité (comme y disent) demande beaucoup d'effort à l'"apprenant" (un jour, j'écrirai tous les vocables ridicules utilisés par les pédagogues sur une corde et je pendrai un formateur IUFM avec) : il lui faut résoudre le problème, identifier la technique mathématique et généraliser par lui-même. Contrairement à ce que je pensais en rentrant dans le métier, je dois bien me résoudre à l'idée que tous les élèves ne sont pas capables de ça. Je crois notamment qu'en agissant comme ça avec ma classe de Terminale ES, j'en ai perdus.

    Comme l'a dit LongJing, ça dépend beaucoup de la classe. J'ai souvent l'impression qu'en Lycée, la conduite de classe est beaucoup plus importante que les méthodes pédagogiques proprement dites.

    Au passage, le livre de Stella Baruk a, je crois, été écrit au moment des Maths Modernes (1974-198x), où le côté abstrait et fermé des maths était poussé à son paroxysme. La situation a beaucoup évolué depuis, peut-être trop puisqu'on peut parfois chercher le contenu mathématiques de certains chapitres (je pense à la présence grandissante et néfaste à mon sens des Stats dans le programme de Maths du secondaire. D'accord pour faire des Stats, c'est une matière quasi indispensable de nos jours, mais je regrette, ce ne sont pas des math, et elle ne doit pas empiéter sur le programme de maths).

    Mes remarques concernent uniquement le lycée, pas le supérieur, où les problèmes sont différents (contraintes de temps plus que de motivation des élèves). Pardon si elles ne sont pas claires, je sors d'une sieste monstre.
  • Ce qui m'a aidé à comprendre Fourier, c'est justement la transversalité.

    Je me représente toujours dans un espace de dimension infini, dans lequel se balade une forme grâce à laquelle je construis un système. A partir de là, pour connaître chaque élément de l'espace, je le projette sur le système.

    Peu importe que ce système soit constitué de polynômes, d'exponentielles $2 \pi$-périodiques ou autres, c'est interchangeable !

    Et si j'ai besoin de faire du traitement du signal, je rentre dans la console de jeu la cartouche "Fourrier" et c'est parti ! Pythagore devient Parseval !

    Mais est-ce bien raisonnable d'expliquer l'esprit de l'espace de Hilbert à des élèves de premier cycle ?

    j'ai rencontré Fourier à trois reprises :
    prépa (bidouillage des coefficients $c_n$)
    école (traitement du signal)
    préparation agreg (Hilbert, millieu naturel de Fourier)

    et la première rencontre a été la moins convaincante.

    Kashmir
  • L'utilisation des séries de Fourier, on la voit enpartie durant tout le cours de physique et une partie du cours de SI (asservissements)
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