Trigonalisation

Putain la honte,
j'arrive pas à résoudre cet exercice:

dans $M_n(\C)$, montrer que si deux matrices $A$ et $B$ verifient la relation
$$e^{tA+B}=e^{tA}e^B=e^Be^{tA}\text{ pour tout }t\in\N$$
alors les matrices $A$ et $B$ sont simultanément trigonalisables.

Quelqu'un aurait-il une petite idée?

Merci d'avance

Joaopa

Réponses

  • Il me semble que si les exponentielles $e^A$ et $e^B$ commutent alors $A$ et $B$ commutent... ou quelque chose qui ressemble à ça (en fait il me semble qu'il y a un paramètre quelque part mais je ne me souviens plus très bien).
    Si ce que je viens d'énoncer est vrai alors le résultat que tu cherches à obtenir n'est pas très loin.

    [La case LaTeX. AD]

    Edit1 :
    1) Merci à AD.
    2) En fait, voilà le résultat auquel je pensais :

    On montre que : $AB = BA$ ssi $\forall t\in \mathbb{R}$, $e^{(t(A + B))} = e^{(tA)}. e^{(tB)}$ ce qui n'est pas exactement ton hypothèse.

    Edit2 : L'hypothèse "$\forall t\in \mathbb{N}$" est bien embêtante. Je voulais transposer la démonstration que j'ai en ma possession valable pour "$\forall t\in \mathbb{R}$" mais ce n'est pas possible.
  • Bonjour,
    Je suis intéressé par cette démonstration(cas t réel).
    Si ça marche pour t réel,ça marche aussi pour t entier non!
  • Pour AXIOME : regarde ici. L'hypothèse "$\forall t\in \mathbb{R}$" ne peut pas être remplacée par $\forall t\in \mathbb{N}$".
    Or, la relation proposée par Joaopa est vraie uniquement pour $t\in \mathbb{N}$.
  • C'est d'ailleurs malheureux de l'appeler $t$, car tout le monde sait qu'un paramètre $t$ décrit toujours un intervalle de $\R$ :)
  • En tout cas, pour faire avancer le débat, signalons que seule l'égalité $e^{tA}e^B = e^Be^{tA}$ ne suffit pas. Il suffit de prendre $A = \begin{pmatrix} 2i\pi & 0 \\ 0 & -2i\pi \end{pmatrix}$ et $B = \begin{pmatrix} 0 & -2\pi \\ 2 \pi & 0 \end{pmatrix}$.
  • Toujours pour faire avancer le débat, on pourrait se dire que pour montrer la trigonalisation simultanée, il suffirait de montrer que $A$ et $B$ commutent, mais c'est peine perdue. Il suffit de prendre $ A = \begin{pmatrix}0 & 1 \\ 0 & 2i\pi \end{pmatrix}$ et $ B = \begin{pmatrix}-2i\pi & 0 \\ 0 & 2i\pi \end{pmatrix}$.
    On a bien $ e^{tA+B}=e^{tA}e^B=e^Be^{tA}$ pour tout $t\in\mathbb{N}$, mais $AB\neq BA$.

    Sinon, à part casser des pistes de réflexions, je n'ai rien de plus constructif.
  • Guego, il me semble que ta dernière intervention montre qu'il manque des hypothèses sur $A$ et $B$ dans l'énoncé de Joaopa puisque tu as trouvé deux matrices qui vérifient les hypothèses mais qui ne sont pas simultanément trigonalisables.
  • Oui enfin il me paraît clair que le clavier de Joaopa a fourché et qu'il voulait écrire $t \in \R$...
  • chris93 : Ne sont-elles pas toutes les deux triangulaires supérieures ?
  • Pour Nîmes-Man, ça semble trop beau pour être vrai.

    Pour Guego, y a-t-il une raison pour laquelle tu as choisi la valeur $2i\pi$ ?
  • Guego écrivait:
    > chris93 : Ne sont-elles pas toutes les deux
    > triangulaires supérieures ?

    Oui, effectivement, je n'avais pas les yeux en face des trous...
  • "Pour Guego, y a-t-il une raison pour laquelle tu as choisi la valeur $ 2i\pi$"

    Oui, parce que $\exp(2ik\pi) = 1$ pour tout $k\in \N$, ce qui fait que toutes les exponentielles de matrices considérées sont égales à l'identité (ce qui implique trivialement que toutes les égalités seront vérifiées).
  • Merci. (J'avais trouvé la réponse en réfléchissant un peu 8-) )
  • Bonjour. Je me perds un peu dans la discussion précédente. Il me semble que $e^{tA}e^B=e^Be^{tA}$ pour tout $t$ complexe est loin de suffire pour assurer que $A$ et $B$ soient triangularisables dans une m\^eme base. En effet $e^B=I_n$ si et seulement si $B$ est diagonalisable de valeurs propres dans $2i\pi \mathbb{Z}$ (il faut utiliser la décomposition de Dunford de $B$ et de $e^B$ pour le voir). Si $B$ est ainsi choisi et si ses valeurs propres sont distinctes, on peut prendre $A$ triangulaire dans une autre base que celle des vecteurs propres de $B$ pour voir que $A$ et $B$ ne sont pas triangularisables dans une m\^eme base.
  • Bel exercice. Voici des indications pour le résoudre.

    (1) L'hypothèse effectuée assure que $A$ commute avec $\exp(B)$.
    Se ramener alors (récurrence sur la taille des matrices) au cas
    où $\exp(B)$ est scalaire.

    (2) On suppose maintenant $\exp(B)$ scalaire.
    Montrer alors que $A$ et $B$ commutent.
    Pour cela, on remarque d'abord que $B$ est diagonalisable (exo classique)
    et que ses valeurs propres sont congrues les unes aux autres modulo $2i\pi$.
    On peut donc supposer que $B$ est diagonale de coefficients diagonaux
    $b_1,\dots,b_n$.
    Montrer ensuite que $A$ commute avec $B$ en calculant la dérivée en $0$
    de $t \mapsto \exp(B+tA)$ (il peut être utile de connaître le résultat général sur
    la différentielle de l'exponentielle en est un point).
  • Pour dSP : J'ai déjà essayé de montrer que $A$ et $e^B$ commutent...mais je n'aboutis à rien !!! Si tu pouvais me donner des indications supplémentaires ( uniquement sur ce point-là)...

    J'espère au moins que ce n'est pas évident car mes contributions sur ce sujet ont été suffisamment médiocres. :o
  • Je crains que dSP considère $t\in \R$ et non $t\in \N$.
  • Dans ce cas-là, j'obtiens le premier résultat en posant : $f(t)=e^{tA}.e^B$ et $g(t)=e^B.e^{tA}$ et en observant que $f'(0)=g'(0)$ soit $A.e^B=e^B.A$.
  • dSPautaf écrivait:

    > (2) On suppose maintenant $\exp(B)$ scalaire.
    > Montrer alors que $A$ et $B$ commutent.
    > Pour cela, on remarque d'abord que $B$ est
    > diagonalisable (exo classique)
    > et que ses valeurs propres sont congrues les unes
    > aux autres modulo $2i\pi$.
    > On peut donc supposer que $B$ est diagonale de
    > coefficients diagonaux
    > $b_1,\dots,b_n$.
    > Montrer ensuite que $A$ commute avec $B$ en
    > calculant la dérivée en $0$
    > de $t \mapsto \exp(B+tA)$ (il peut être utile de
    > connaître le résultat général sur
    > la différentielle de l'exponentielle en est un
    > point).


    Je n'ai pas d'idée pour finir le 1) (montrer qu'on peut considérer que $expB$ est une matrice scalaire) donc j'ai commencé le 2).
    J'ai réussi à montrer que $B$ est diagonalisable et que ses valeurs propres sont congrues les unes aux autres modulo $2i\pi$.
    Parcontre, je ne vois pas pourquoi on peut prendre $B$ diagonale. J'ai écrit $B=P^{-1}DP$ et j'ai injecté dans les relations mais il me semble qu'on ne peut pas se débarasser de $P$ et $P^{-1}$ aussi facilement. Peut-être peut-on passer par les endomorphismes pour ne pas être embêté par les matrices de passage...
  • Guego, effectivement je considère $t \in \R$ (ce qui ressemble davantage à une hypothèse raisonnable).
  • Je crois avoir une idée pour démarrer :
    il s'agirait de réduire la situation au cas
    où $e^A=e^B=I_n$. Je sais déjà réduire la situation au cas où
    $e^A$ et $e^B$ ont $1$ pour seule valeur propre.

    L'idée de base, comme souvent pour la trigonalisation simultanée, est de procéder par récurrence forte sur la dimension et de tenter de trouver un sous-espace stable non-trivial commun à $A$ et $B$ : si on peut le faire, on diagonalise $A$ et $B$ par blocs et on constate que l'hypothèse initiale est encore vérifiée pour les paires de blocs diagonaux, ce qui permet de faire tourner la récurrence.

    Cela dit, on peut essentiellement raisonner par l'absurde en suppose qu'il n'existe aucun sous-espace non-trivial stable à la fois par $A$ et $B$.

    Mon premier objectif est de réduire la situation au cas où $\exp(A)$ et $\exp(B)$ ont toutes les deux une unique valeur propre.

    Tout d'abord, quitte à remplacer $A$ par $N.A$ pour un entier $N \geq 1$ bien choisi, on peut supposer que si deux valeurs propres $A$ différent d'un élément de $2i\pi\Q$, alors elles différent en fait d'un élément de $2i\pi\Z$
    (s'il existent de telles valeurs propres, considérer toutes les différences non nulles $2i\pi\frac{p}{q}$, et prendre pour $N$ le produit de tous les $q$ ainsi obtenus).

    On est ainsi réduit au cas où le quotient de deux valeurs propres distincts de $e^A$ n'est jamais une racine de l'unité.

    On va maintenant démontrer que $A$ et $B$ stabilisent les sous-espaces caractéristiques de $e^A$ et ceux de $e^B$. L'idée de base est que, pour tout entier $k \geq 1$, la matrice $kA+B$ commute avec $(e^A)^k e^B$ et stabilise donc ses sous-espaces caractéristiques.

    Commençons par regarder un peu le spectre de $(e^A)^k e^B$ pour $k$ assez grand. Par commutation de $e^A$ avec $e^B$ on voit que ce spectre est inclus dans l'image de l'application $\varphi_k : (\lambda,\alpha) \mapsto \lambda \alpha^k$ définie sur $\text{Sp}(e^B) \times \text{Sp}(e^A)$.
    On va voir que cette application est injective pour au moins une valeur de
    $k \geq 1$. Si ce n'est pas le cas, un argument de finitude permet de
    voir qu'il existe deux couples distincts $(\lambda,\alpha)$ et
    $(\mu,\beta)$ dans l'ensemble de départ tels que $\lambda \alpha^k=\mu \beta^k$ pour au moins deux valeurs de $k$.
    Mais alors $\alpha/\beta$ est racine de l'unité, donc vaut $1$
    et ainsi $\lambda=\mu$, contradiction.

    Choisissons maintenant un $k \geq 1$ tel que $\varphi_k$ soit injective.
    Par commutation de $e^A$ avec $e^B$, on voit alors que le sous-espace
    caractéristique de $e^B$ associé à $\lambda$
    est la somme des sous-espaces caractéristiques de $(e^A)^ke^B$
    associé aux valeurs propres de la forme $\lambda\,\alpha^k$ où
    $\alpha$ parcourt $\text{Sp}(e^A)$. Ces sous-espaces caractéristiques
    sont tous stables par $kA+B$, donc tous les sous-espaces caractéristiques
    de $e^B$ sont stables par $kA+B$. Or ils sont stables par $B$,
    donc ils sont aussi stables par $A$. Avec le même argument,
    on voit que tous les sous-espaces caractéristiques de $e^A$ sont stables
    par $A$ et par $B$.

    Finalement, l'hypothèse initiale d'irréductibilité montre que
    $e^A$ et $e^B$ ont chacune une et une seule valeur propre.
    Quitte à rajouter à chacune des matrices $A$ et $B$
    un multiple bien choisi de $I_n$, on peut alors supposer que
    $1$ est l'unique valeur propre de $e^A$ et l'unique valeur propre de $e^B$.
  • Pour dSP : merci beaucoup d'avoir pris le temps d'écrire une correction. Je vais lire ton dernier message tranquillement en espèrant être capable de comprendre le contenu.
  • Chris 93 : en fait, il y avait quelques trous dans mes idées
    ultérieures et je n'arrive pas à les combler pour le moment.
    Le problème est incroyablement retors et je commence à être persuadé
    que l'hypothèse donnée ($\forall t \in \N$) n'est pas la bonne.

    J'ai un travail urgent à terminer et dois donc laisser le problème de côté
    pendant quelques jours. J'y retournerai ultérieurement.
  • Pour $A=2\pi i \left(\begin{array}{ccc} 1&0&0 \\ 0&2&0 \\ 0&0&0 \end{array}\right)$ et $B=2\pi i \left(\begin{array}{ccc} 2&1&1 \\ 1&3&-2 \\ 1&1&0 \end{array}\right)$, les valeurs propres de $tA+B$ sont $2\pi i (t+2),2\pi i(2t+3), 0$. Si $t\in\mathbb{N}$, elles sont des multiples entiers et distincts de $2\pi i$, donc $tA+B$ est diagonalisable et $e^{tA+B}=I$. En particulier, $e^B=I$. Il est aussi clair que $e^A=I$.

    Par contre, $A$ et $B$ ne sont pas simultanement trigonalisables, sinon elles auraient un vecteur propre commun. Comme les vecteurs propres de $A$ sont proportionnels aux vecteurs de la base canonique et que ces derniers ne sont pas des vecteurs propres de $B$, on a une contradiction.
  • Bien joué, JLT. (tu)
  • JLT, j'ai bien peur que ton calcul de spectre soit faux.
  • Vraiment? Pourtant j'ai revérifié avec Maxima les calculs que j'avais fait à la main. Quelles valeurs propres trouves-tu?
  • Les valeurs propres de tA+B sont justes mais la matrice n'est pas diagonalisable quand elle a une valeur propre double, c'est-à-dire pour t=-1 , t=-2 et t=-3/2.
  • Bonjour,

    Oui mais, dans l'énoncé initial, $t$ appartient à $\N$.

    Peut-être que Joaopa nous confiera l'origine de cet exercice ?

    Amicalement.
  • A la main j'obtiens aussi la meme chose que JLT pour tA+B (ce qui ne veut pas dire
    que je n'ai pas fait d'erreur...)

    A+

    eric
  • Au temps pour moi, cela fonctionne effectivement.
    Bravo !
  • Bon, maintenant que nous avons un contre-exemple, nous pouvons nous concentrer sur le vrai théorème ;-) :

    Soit $G$ un sous-groupe de $(M_n(C),+)$.
    (a) Montrer que si $\exp(M)=I_n$ pour tout $M \in G$, alors les éléments de $G$ sont simultanément diagonalisables.
    (b) Montrer que si $M \mapsto \exp(M)$ est un morphisme de $(G,+)$ dans $(GL_n(\C),\times)$, alors les éléments de $G$ sont simultanément trigonalisables.
  • Bon, en fait je crois que l'on peut aller encore plus loin :

    Soit G un sous-groupe de $(M_n(\C),+)$.
    Pour que $M \mapsto \exp(M)$ soit un morphisme de $(G,+)$ dans $(GL_n(\C),\times)$.
    il faut et il suffit que les éléments de $G$ commutent deux à deux pour le produit matriciel.

    Une démonstration là : http://arxiv.org/abs/1012.4420
  • Petit up pour ce vieux fil, histoire de signaler que l'article vient d'être publié aux
    AMS Proceedings.

    Le lien ici : http://www.ams.org/journals/proc/2013-141-03/S0002-9939-2012-11396-6/

    Merci encore aux participants du fil, en particulier à JLT !
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