Spécial "Point Fixe"

Certes, le fil précédent, ouvert par Atamalpi, m'a donné l'idée de celui-ci.
Mais je demande avec force de ne pas rattacher ce fil au précédent !

En effet, Atalmapi se place dans un cas très particulier de point fixe, celui d'une application contractante au voisinage fermé d'un point de R.

Ce fil a l'ambition d'être le plus général possible.
Je demande l'énoncé (voire la preuve) de TOUS les bons théorèmes du point fixe que vous connaissez.
On peut même envisager d'énoncer (voire de prouver) les applications les plus remarquables de ces théorèmes.

Bien sûr, rien n'interdit que les grands classiques du genre soient énoncés :
- cas d'une application contractante dans un espace complet
- cas d'une application continue dans un espace compact (Brouwer, je crois)
- etc.

Mais, histoire de donner un peu dans la provocation bon enfant : il n'y a aucune obligation à se limiter aux espaces topologiques, même si ces derniers fournissent sans doute le gros bataillon des résultats.

Et je donne deux exemples ci-dessous.

Point fixe d'une application et de ses itérées dans un ensemble "abstrait".
Soit une application f d'un ensemble E dans lui-même.
1) Tout point fixe de f est point fixe de tout itéré de f.
2) Tout point fixe d'un itéré donné de f est-il point fixe de f ?
3) S'il existe un itéré de f ayant un unique point fixe alors il en est de même pour f.


Existence et unicité d'un point fixe en espace affine.
Une application affine en dimension finie admet un unique point fixe si et seulement si 1 n'est pas valeur propre de l'endomorphisme associé.

Une application directe de ce dernier résultat est, pour une telle application affine, de proposer une vectorialisation "canonique" pour f de l'espace affine.

Bon, c'est à vous, chers camarades "mathernautes" !

Réponses

  • Pour un spécial "point fixe", je commencerai par regarder le petit bouquin de Y. A. Shashkin, Fixed Points, AMS & MAA, 1991
    http://www.ams.org/bookstore?fn=20&arg1=mawrldseries&item=MAWRLD-2
  • Salut KB,

    Allez, j'ouvre le bal.

    Soit $f$ une application d'un espace métrique compact $K$ dans lui-même avec
    $(x\ne y) \Longrightarrow d(f(x),f(y))<d(x,y)$.
    Alors $f$ a un unique point fixe, limite des itérées par $f$ d'un point quelconque.
  • Je poursuis avec le théorème de Brouwer :
    toute application continue de la boule unité fermée de $E$, evn de dimension finie, dans elle-même admet un point fixe.

    On peut étendre le théorème de Brouwer en remplaçant la boule unité fermée par toute convexe compact.

    Cependant, le théorème de Brouwer est faux en dimension infinie.
    Malgré tout, on a les théorèmes de Schauder :
    1. soient $C$ un convexe compact non vide d'un evn $E$ et $f$ une application continue de $C$ dans $C$. Alors $f$ admet un point fixe.
    2. soient $C$ un convexe fermé d'un evn $E$ et $f$ une application continue de $C$ dans $C$ telle que $f(C)$ soit relativement compact. Alors $f$ possède un point fixe.

    Une application du théorème de Brouwer que j'aime bien : une version du théorème de Perron-Frobénius.
    Une matrice carrée à éléments positifs possède une valeur propre strictement positive correspondant à un vecteur propre unitaire de composantes positives.
  • Je m'étais amusé à faire la liste des théorèmes de points fixes que je connais sur ma page perso. J'ai la flemme de recopier. Voir points fixes (1) et points fixes (2), mais il n'y en a jamais que 4 ou 5, et bien connus de tout agrégatif (sauf peut-être celui dans les ensembles ordonnés) :)
  • Il y a des jolies choses sur les points attractifs (je ressors la leçon que j'avais faite quand j'étais étudiant en agreg)

    - Si $f$ est analytique en $0$ avec $f(0)=0$ et $|f'(0)|<1$.
    Alors, pourvu que $u_0$ soit assez petit, il existe une constante $\omega(u_0)$ telle que $u_n\sim \omega(u_0) f'(0)$ (où $u_n$ es la suite des itérées de $u_0$, bien sûr)

    - soit $f:[0,1]\to [0,1]$ avec $f$ $C^1$, on suppose que $x$ est un point fixe attractif de $f^{\circ p}$, où $p$ est un entier naturel non nul.
    Alors, si $u_0$ est assez proche de $x$, l'ensemble des valeurs d'adhérences de $(u_n)$ (même notation que ci-dessus) est $\{f^{\circ k}(x);0\le k\le p-1\}$.
  • Au delà de Brouwer et Schauder, il y a le théorème de Tychonov : $E$ un evtlc séparé, $C$ un convexe compact de $E$. Toute application $T\colon C\to C$ continue admet un point fixe.
  • Pour s'éloigner un peu de la topologie, il y a bien sûr la convergence d'une chaîne de Markov vers sa mesure invariante.

    Théorème :
    Soit $(X_n)$ une chaîne de Markov irréductible, récurrente positive et apériodique sur un espace $E$. Elle admet une unique proba invariante $\mu$ et pour tout point de départ $x$,
    \begin{displaymath}
    \sum_{y\in E}|\mathbb{P}_x(X_n=y)-\mu(y)|\to 0,n\to\infty.
    \end{displaymath}
    Et en fonction de la matrice de transition, on peut même dire que la convergence est géométrique.
  • Celui-ci compte-t-il ? (D'Alembert)

    Toute application polynomiale de C dans C, autre qu'une translation, admet un point fixe.
  • Digression: une façon "sympathique" d'appliquer (et même de voir) Brouwer:

    On se donne une famille d'indéterminées $(X_i)_{i\in I}$

    Pour chaque $i$ on écrit UNE SEULE équation $E_i$ de la forme:

    "$X_i=f_i(X_{j_1 ^{i} },...,X_{j_{n(i)} ^{i} })$"

    où chaque $f_i$ est une application continue de $[0,1]^ {n(i)} $ dans $[0,1]$

    L'ensemble $I$ peut être de la taille qu'on veut, fini, infini, non dénombrable, etc.

    Le sytème d'équation formé par les $E_i$ a une solution dans $[0,1]^T$ où $T:=\{X_i /i\in I \}$
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Arf, impressionnant, mais je voyais mieux Brouwer avec une simple boule euclidienne ;)
  • Parmi les jolies applications, il y a l'existence puis l'etude des attracteurs pour les IFS (iterated function systems).
  • Comme petit bouquin sur les points fixes, on peut aussi regarder Smart, "Fixed Point Theorems".
    Par contre je crois que les preuves sont souvent incompréhensibles (à moins qu'elles soient incomplètes).
  • @ cc : je suis curieux, comment appliques-tu Brouwer dans ton cas ? C'est peut-être idiot, mais je ne vois pas. :S
  • D'abord c'est vrai pour tout système fini (c'est un cas particulier de Brouwer).

    Un argument de compacité "tychonoffien" lol le rend vrai pour un système quelconque (imagine un ultrafiltre $U$ sur $P_{fin}(I)$ tel que pour tout $i\in I$, presque tout $F$ modulo $U$ contient $i$. Comme pour chaque partie finie $F$ de $I$ il y a une solution $S_F$, l'ultrafiltre image de $U$ par $F\mapsto S_F$, donne un ultrafiltre $V$ sur l'ensemble des applications de $T$ dans $[0,1]$, et en fait des ultrafiltres $V_i$ sur $[0,1]$ ($V_i$ étant l'ultrafiltre image de $V$ par l'application "$X_i$ ème projection"). Leur limite $X_i:=\lim(V_i)$ donne les $X_i$ qui conviennent.

    Si tu préfères je te le fais en IST (même si tu ne connais pas IST, dis-toi que c'est du même jus que Tychonoff, Ascoli, etc)

    Soit $F$ un ensemble fini qui contient tous les $i\in I$ qui sont standards. Soit $f$ de $T$ dans $[0,1]$ une solution au système fini formé des équations se dont l'indice $i\in F$. Soit $g$ standard telle que pour chaque $i$ standard, $g(i):=X_i^s$ un nombre réel standard superproche de $f(X_i)$. $g$ est alors une solution du système total.

    S'il y a encore un problème, je ferais plus détaillé

    [Tychonoff et Ascoli, à l'instar de Brouwer, méritent bien une majuscule. ;) AD]
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Autre possibilité pour le voir:

    on fixe $I$. Soit $(E_i)_{i\in I}$ un système d'équations

    Sur l'espace $[0,1]^T$, qui est compact, si le système n'avait pas de solution, pour chaque $f\in [0,1]^T$, une équation déconnante pour $f$ donnerait un {\bf ouvert} qui contient $f$...

    Dès lors, un contre-exemple, implique un contre-exemple avec un nombre fini d'équations.
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Sur ta première réponse (pas eu le temps de réfléchir à la deuxième) justement, je ne vois pas pourquoi pour chaque partie finie, il y a une solution. Je présume que tu veux dire par là que si on ne garde qu'un nombre fini d'équations, c'est bon. Or le choix des variables $X_{j^i_k}$ n'est pas contraint à avoir ses indices dans $I$. Si tu te donnes un $I$, qu'est-ce qui t'empêche d'aller chercher des $j^i_k$ qui sont à l'extérieur de $I$, de façon plus ou moins systématique ?

    Après on discutera des ultrafiltres, parce qu'effectivement, le non standard et moi, c'est super proche de 2.
  • Si on ne garde qu'un nombre fini d'équations ($F\subseteq I$):

    alors, affecte les valeurs que tu veux aux $X_j$ avec $j$ indice hors de $F$ avant de faire autre chose.

    Brouwer entraine, que même en fixant ces valeurs-là arbitrairement, le système a une solution.

    En effet, si on remplace le $X_i$ de gauche par $Y_i$, le nouveau système devient un "définition" d'une application de $[0,1]^n$ dans lui-même où $n:=card(F)$
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Chers camarades mathernautes, je suis superbement impressionné !

    Et si nous quittions un peu la topologie (sans pour autant la laisser tomber pour de bon) ?

    Bien à vous tous.
  • Pour te faire plaisir KB, il ya le "fameux" point fixe du lambda calcul:

    Tu définis: $a(x)(y):=y(x(x)(y)); \forall x,y$

    Puis $b(x):=a(a)(x); \forall x$

    Tu obtiens $b(f)=a(a)(f)=f(a(a)(f))=f(b(f))$

    Ainsi, $b(f)$ est un point fixe de $f$, pour chaque $f$!
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • L'ensemble des points fixes d'une rotation en dimension 3 est un espace vectoriel de dimension 1 (une droite)
  • Désolé KB, je repique à la topologie. Bien, cc, d'accord on fixe les variables hors de $I$, pourquoi pas à $0$, d'ailleurs, plutôt qu'arbitrairement ? Donc on a bien une application $P_{\mathrm {finies}}(I)\to [0,1]$, $F\mapsto S_F$ en prenant $S_F=\min\{\hbox{points fixes associ\'es \`a }F\}$ par exemple.

    Alors (je suis lent), tu prends un ultrafiltre sur $P_{\mathrm {finies}}(I)$, tel que etc., etc. Comment tu fais ?
  • Non, mais sur la plan typographique, je suis entrain de me rendre compte que les ultrafiltres c'est un peu lourd. En fait, {\bf ça consiste à refaire la preuve du théorème de Tychonoff en filigranne}. Alors qu'on peut se contenter de supposer qu'il est vrai.

    Alors, déjà, {\bf suppose} que le théorème de Tychonoff est vrai (éventuellement, on en reparlera):

    prends une seule équation: l'ensemble des applications de $T$ dans $[0,1]$ qui ne vérifient pas {\bf cette équation EST UN OUVERT DE $[0,1]^T$} qui est {\bf compact}
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  • Oups attends, je suis entrain de relire ton msg, et je n'y comprends rien...

    Ya un épisode qu'on a dû sauter ensemble lol...
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Tu reprends mon msg de 23h03 qui permet d'établir que si l'énoncé "tout système fini comme ça a une solution", alors tout système (quelconque) en a une.

    En effet, un système sans solution, donne un recouvrement ouvert, qui a un sous recouvrement fini...

    Et {\bf seulement ensuite} tu peux ne t'intéresser qu'à une partie finie $F$ de $I$, ayant comme propriété qu'aucun élément de $[0,1]^T$ ne vérifie toutes les équations de $F$.

    La contradiction vient alors du fait que si! Il y a un élément de $[0,1]^T$ qui vérifie toutes les équations de $F$
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Bon attends, je vais essayer de t'écrire une preuve complète (avec 1L de bordeaux + 1L de malibu dans la tête lol)

    Je ne répète pas les notations. Je suis un peu con. Plutôt que de parler de $[0,1]^T$ j'aurais pu parler de $[0,1]^I$, mais bon.

    L'espace $[0,1]^T$ peut être vu comme l'ensemble des façons $val$ d'attribuer des valeurs aux indéterminées $X_i$, pour $i\in I$. En notant $val(X_i)\in [0,1]$, ça me paraissait plus naturel qu'en notant $f(i)$ la valeur attribuée à $X_i$...
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • D'accord, j'achète celui de 22h12. Je n'avais pas percuté sur le lien avec Tychonoff (bien que tu l'aies annoncé...). Very cool.
  • Enfin je veux dire 23h12 (je n'ai pas bu par contre, mais je suis assez crevé...)
  • Etant donnée {\bf une} équation $E$ de la forme $X=f(Y,Z,...)$, l'ensemble $U_E$ des $val\in [0,1]^T (=:W)$ telles que $val(X)\neq f(val(Y),val(Z),..)$ est un ouvert.

    Si un système $I$ (je l'appelle $I$, mais c'est un ensemble d'équations) n'a pas de solution, alors pour toute $val\in W$ il existe une équation $E$ dans $I$ telle que $val\in U_E$

    Soit $F$ un ensemble fini d'équations$\in I$ tel que $\cup _{E\in F} U_E=W$.

    Et {\bf maintenant} on peut finir avec "l'astuce' que je t'ai dite. Les indéterminées qui n'apparaissent pas dans un membre de gauche d'une équation de $F$, tu peux leur attribuer d'office la valeur $0$...
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Salut à tous.

    Votre besace en théorèmes de points fixes est-elle épuisée ?

    Quelques uns ont-ils envie de proposer de belles démonstrations de théorèmes de points fixes déjà cités ou à citer ici ?

    Dans l'impatience de vous lire.
  • J'en connais d'autres... Le théorème du point fixe de Caristi (et ses variantes), on peut donner des versions multivoques de tous les théorèmes précédents (Brouwer, Schauder...)
    Des applications : L'inégalité de Ky Fan, le principe variationnel d'Ekeland...
    Voilà une application amusante du théorème de Montel : Si $f$ holomorphe sur un domaine $U$ borné de $\C$ admet un point fixe $z_0$ tel que $|f'(z_0)|<1$ alors elle n'admet pas d'autre point fixe. Si $U$ n'est pas borné on quand même la convergence uniforme sur tout compact des itérées de $f$ vers la fonction constante $z\mapsto z_0$.
  • Je n'ai pas suivi en détail toute la discussion, mais je joins ce petit mémo (10 pages) qui pourra être utile.
  • Merci Aleg pour ce joli topo.
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