correspondance entre ERH et GRH
dans Arithmétique
Bonjour,
je conjecture la chose suivante :
soit $q$ un naturel strictement positif, $\mathbb{K}$ une extension de $\mathbb{Q}$ de groupe de Galois isomorphe à l'ensemble des caractères de Dirichlet modulo $q$ muni du produit. Alors :
$$\left (\zeta_{\mathbb{K}}(s)=0\ et\ 0<\Re(s)<1\Rightarrow\Re(s)=\frac{1}{2}\right )\Leftrightarrow \left (\forall \chi\ caractère\ de\ Dirichlet\ modulo\ q,\ L(\chi,s)=0\ et\ 0<\Re(s)<1\Rightarrow\Re(s)=\frac{1}{2}\right)$$
Merci de me dire ce que vous en pensez.
je conjecture la chose suivante :
soit $q$ un naturel strictement positif, $\mathbb{K}$ une extension de $\mathbb{Q}$ de groupe de Galois isomorphe à l'ensemble des caractères de Dirichlet modulo $q$ muni du produit. Alors :
$$\left (\zeta_{\mathbb{K}}(s)=0\ et\ 0<\Re(s)<1\Rightarrow\Re(s)=\frac{1}{2}\right )\Leftrightarrow \left (\forall \chi\ caractère\ de\ Dirichlet\ modulo\ q,\ L(\chi,s)=0\ et\ 0<\Re(s)<1\Rightarrow\Re(s)=\frac{1}{2}\right)$$
Merci de me dire ce que vous en pensez.
Réponses
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Pour $K$ une extension abélienne finie de $\Q$, on a une factorisation de la forme:
\[ \zeta_K(s) = \prod_\chi L(\chi,s) \]
pour $\chi$ parcourant une famille de caractères de Dirichlet modulo le conducteur de $K$ (tous si $K$ est un corps cyclotomique; ceux qui se factorisent par le groupe de Galois de $K$ en général). L'énoncé auquel tu penses, je crois, est le cas cyclotomique.
Cela dit, ce que tu écris est faux tel quel (enfin, c'est vrai si GRH l'est, bien sûr, mais il n'y a pas d'implication évidente entre les deux assertions). Par exemple, n'importe quel corps quadratique a son groupe de Galois isomorphe au groupe des caractères de Dirichlet modulo 4. -
Donc c'est vrai ou pas pour les corps cyclotomiques ?
Par ailleurs qu'en est-il si on quotiente l'ensemble des extensions normales de $\Q$ de degré fini par la relation d'équivalence $R$ définie par $\mathbb{K}\ R\ \mathbb{K}'\Leftrightarrow Gal(\mathbb{K}/\Q)\ et\ Gal(\mathbb{K}'/\Q)\ sont\ isomorphes$ ? -
C'est effectivement vrai pour les corps cyclotomiques, puisque l'on a exactement:
\[ \zeta_{\Q(\mu_n)}(s) = \prod_{\chi\bmod n} L(\chi,s) \]
Mais je pense que l'énoncé complet est meilleur, du fait qu'il implique directement le tien, et qu'il explique vraiment d'où vient l'équivalence (simplement du fait que la fonction zêta s'écrit comme un produit de fonctions L).
À part ça, je ne comprends pas ta deuxième question. GRH pour un corps de nombre $K$ ne dépend pas juste du groupe de Galois de $K$, donc « ça ne passe pas au quotient » si je puis dire. -
Ok, je commence à y voir plus clair. Merci bien.
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Si des extra-terretres parviennent à pirater cet extrait du forum les mathematiques.net, ils risquent de rester rêveurs assez longtemps devant le sens que ça peut avoir...
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Pourquoi cela ?:S
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Parce que ça a l'air tellement compliqué quand on n'est pas spécialiste... Et puis j'adore la conclusionOk, je commence à y voir plus clair. Merci bien.
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Tu sais je ne suis pas spécialiste non plus...Tout juste amateur éclairé, et encore !:)
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Si ça peut clarifier les choses, je peux expliquer ce qui se passe dans un cas très simple, par exemple $K = \Q(i)$. La fonction zêta de Dedekind s'écrit, comme toujours:
\[ \zeta_K(s) = \prod_{\mathfrak{p}} \frac{1}{1-(N\mathfrak{p})^{-s}} \]
le produit eulérien étant étendu à tous les idéaux premiers non nuls de l'anneau des entiers, à savoir ici $\Z$. On a envie de transformer cette écriture en une formule qui fasse intervenir les nombres premiers de $\Z$, plutôt. Pour cela, il faut comprendre un peu la décomposition des idéaux premiers dans l'extension $\Q(i)/\Q$.
Je rappelle comment ça marche. Si je prends un idéal premier non nul $\mathfrak{p}$ (donc un idéal maximal) de $\Z$, d'abord, il y a un nombre premier de $\Z$ qu'il divise, à savoir la caractéristique du corps $\Z/\mathfrak{p}$. Du coup, je récupérerai à coup sûr tous les idéaux maximaux en regardant comment se décomposent les nombres premiers de $\Z$. Bon, eh bien regardons. Je prends $p$ un nombre premier. D'après la décomposition unique des idéaux premiers, on va avoir dans $\Z$ une décomposition de la forme:
\[ p\Z=\mathfrak{p_1}^{\nu_1}\cdots\mathfrak{p_r}^{\nu_r} \]
et on veut déterminer les $\mathfrak{p_i}$ et les $\nu_i$. Pour se faire, le plus rapide est sans doute de regarder l'anneau $A = \Z/p\Z$:
\[ \Z/p\Z = \Z[X]/(X^2+1,p) = \mathbb{F}_p[X]/(X^2+1) \]
Du coup, trois cas peuvent se présenter:
\begin{enumerate}
\item Le polynôme $X^2+1$ est irréductible sur $\mathbb{F}_p$. Ça signifie que $-1$ n'est pas un carré modulo $p$, i.e. que $p \equiv 3 \pmod 4$. Dans ce cas, $A$ est un corps (à savoir $\mathbb{F}_{p^2}$), et donc l'idéal $(p)$ reste premier dans $\Z$: on dit que $p$ est \emph{inerte}.
\item Le polynôme $X^2+1$ est scindé à racines simples sur $\mathbb{F}_p$. Ça se produit lorsque $p$ est impair et $-1$ est un carré modulo p, i.e. quand $p \equiv 1 \pmod 4$. Dans ce cas, $A \cong \mathbb{F}_p \times \mathbb{F}_p$, et donc l'idéal $(p)$ se décompose en un produit de deux idéaux premiers $\mathfrak{p_1}\mathfrak{p_2}$ (on peut d'ailleurs préciser, vu la situation et même si ça n'aura pas d'incidence ensuite, que $\mathfrak{p_2}$ est juste l'image de $\mathfrak{p_1}$ par la conjugaison complexe). On dit que $p$ est \emph{complètement décomposé}.
\item Le polynôme $X^2+1$ est un carré. Ça se produit uniquement pour $p=2$, et ça nous donne que $A \cong \mathbb{F}_2[X]/(X^2)$. L'idéal $(2)$ se décompose donc sous la forme $\mathfrak{p}^2$ (et on peut préciser que $\mathfrak{p}=(1+i)$ d'ailleurs). $2$ est donc le seul premier \emph{ramifié} dans cette extension.
\end{enumerate}
Pourquoi est-ce que j'ai raconté tout ça? Eh bien parce que ça nous explique comment se factorise la fonction zêta en termes de nombres premiers rationels:
\[ \zeta_K(s) = \frac{1}{1-N(1+i)^{-s}} \prod_{p\ \textrm{inerte}} \frac{1}{1-Np^{-s}} \prod_{\substack{p\ \textrm{décomposé}\\ p = \mathfrak{p_1}\mathfrak{p_2}}} \frac{1}{(1-N\mathfrak{p_1}^{-s})(1-N\mathfrak{p_2}^{-s})} \]
Or la norme d'un idéal $\mathfrak{a}$ de $\Z$, ce n'est jamais que le cardinal de $\Z/\mathfrak{a}$. Ça nous donne donc:
\[ \zeta_K(s) = \frac{1}{1-2^{-s}} \prod_{p\equiv 3\bmod 4} \frac{1}{1-p^{-2s}} \prod_{p \equiv 1\bmod 4} \frac{1}{(1-p^{-s})^2} \]
ce qui se récrit aimablement:
\[ \zeta_K(s) = \prod_p \frac{1}{(1-p^{-s})(1-\chi(p)p^{-s})} \]
avec $\chi(p)=1$, $0$ ou $-1$ selon que $p\equiv 1$, $2$ ou $3 \pmod 4$. Autrement dit, $\chi$ est le caractère de Dirichlet non trivial modulo 4, et l'on vient de montrer la factorisation:
\[ \zeta_K(s) = \zeta(s) L(\chi,s) \]
En particulier, l'ensemble des zéros de $\zeta_K(s)$ dans la bande critique est la réunion de ceux de $\zeta(s)$ et de ceux de $L(\chi,s)$.
Exercice: généraliser à $K$ n'importe quel corps quadratique.
Remarque: je crois que la notation la plus courante est $L(s,\chi)$ plutôt que $L(\chi,s)$, et donc être cohérent avec la question initiale force un peu à se faire violence :-). -
La notation $L(s,\chi)$ est surtout utilisée par les théoriciens analytiques lorsqu'ils parlent (quasiment) exclusivement des fonctions $L$ associées à des caractères de Dirichlet. Cependant, il m'est arrivé de lire des papiers d'auteurs théoriciens {\it algébriques} qui employaient la notation "inversée".
A mon avis, les deux notations sont bien acceptées par les referees usuels (Acta Arithmetica, Journal de théorie des nombres de Bordeaux, etc).
Dans le même genre de "divergence", il faut savoir que l'élément neutre $\chi_0$ du groupe des caractères de Dirichlet (de module quelconque) est appelé caractère {\it trivial} par certains arithméticiens algébristes (voir par exemple le livre de Washington) et est souvent noté $1$, alors qu'il s'appelle (en général) caractère {\it principal} par les spécialistes de théorie analytique, qui en conservent la notation $\chi_0$ (j'ai même vu quelques auteurs l'appeler caractère {\it unité}).
Tout ceci n'est pas bien grave, mais peut être perturbant lors que l'on apprend. Pour moi, les références en ce domaine restent les papiers de Louboutin.
Borde. -
Bonjour Borde,
Quand vous parlez des papiers de Louboutin, c'est le Louboutin de l'IML de Marseille?
sk. -
Oui, c'est Stéphane Louboutin, actuellement à Luminy, ex-chercheur à l'université de Caen, si ma mémoire est bonne...
C'est, pour moi, l'un des spécialistes des caractères de Dirichlet associés à un groupe de Galois d'une extention. Ses papiers marient, souvent avec bonheur et clarté, théorie analytique et théorie algébrique des nombres.
Borde.
PS. Tu peux me dire "tu" sans problème (sauf si tu refuses...).
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Bonjour!
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