la machine à démontrer (science-fiction)

Bonjour,

Je ne suis pas du tout mathématicien, juste amateur mais je commence des études en math en septembre, donc je vais peut-être raconter n'importe quoi, mais j'ai toujours pensé à quelque chose :

Je suppose qu'il devrait être possible de ramener toute proposition mathématique à une expression "brute" dans une sorte de langage très primitif composé d'un nombre fini de symboles (opérations logiques et opérations sur les ensembles vu que je pense que les mathématiques sont actuellement fondées sur la théorie ensembliste ; corrigez-moi si je raconte n'importe quoi).

On pourrait ainsi "réduire" toute proposition/conjecture mathématique "de haut niveau" (Riemann,...) à une expression "brute"... J'ai en tête une analogie avec l'informatique : code source dans un langage de haut niveau / suite incompréhensible d'octets du programme exécutable.

Ne serait-il donc pas possible (du moins théoriquement) de créer un "programme" qui testerait simplement toutes les suites possible de 1 symbole, 2 symboles, 3 symboles,... jusqu'à obtenir une suite de "symboles" qui mène des axiomes choisis jusqu'à la proposition qu'on aimerait démontrer ? Bien entendu il existe une infinité de telles suites, mais si par exemple la démonstration dans ce langage "brut" de Fermat devait faire 10^23 symboles, avec la puissance de calcul nécessaire ce serait possible d'un jour la trouver.

Bien entendu un tel truc serait absolument horrible, on saurait juste dire si une proposition est "juste" ou "fausse" mais on aurait absolument pas compris pour quoi. Et je ne pense pas que ce serait possible, ou alors il faudrait vraiment réussir à concevoir ces fameux ordinateurs quantiques capables de tout.
En fait je me demande s'il serait possible qu'un jour on trouve quelque chose de mieux que nos cerveaux pour faire des maths (ou autres).

Voilà, qu'en pensez-vous, en espérant que ça ne semble pas trop loufoque :-)

Réponses

  • Bonjour Stramoine.

    Ton idée est loin d'être loufoque. Je suppose que tout le monde en a un jour soit rêvé soit fait un cauchemar selon qu'il souhaite mettre les mathématiciens au rebut ou au contraire qu'il aime faire des mathématiques (:P).

    Cette idée remonte au moins à Leibniz (1646-1716) avec sa caractéristique universelle et a préoccupé les logiciens depuis qu'un pan de cette discipline est devenu mathématique.

    Je ne te donnerai pas la solution du problème mais t'encourage vivement à lire des ouvrages sur la récursivité, le calcul des prédicats du premier ordre et la décidabilité.

    Tu pourras te faire une idée de l'avancement de la question.

    Bruno
  • Bonjour, cher Stramoine et cher Bruno.

    Sauf erreur de ma part, il semble que l'on a enfin prouvé que toute démonstration mthématique est "programmable" dans un langage informatique suffisamment complexe.

    J'écoutais cela il y a quelques années sur France Culture.
    Le conférencier s'empressa d'ajouter que, par contre, on ne savait toujours pas ce qu'était une démonstration.

    Cherchez l'erreur.

    Cordialement.
  • Bonjour KB.

    Qu'entend-on par démonstration "programmable" ? J'en était resté au fait que le simple calcul des prédicats du premier ordre n'était pas décidable, i.e. qu'il n'existe pas d'algorithme qui, recevant un énoncé, répond si cet énoncé est démontrable ou pas. Par contre, le calcul propositionnel est décidable.

    Bruno
  • Bruno a écrit:
    Par contre, le calcul propositionnel est décidable.

    ... en temps exponentiel 8-)
  • Certes. Mais comme mes aptitudes cognitives sont limitées, je n'ai jamais envisagé des schémas à plus de trois variables propositionnelles (:P) !

    Bruno
  • Je crois que par "démonstration programmable" il faut comprendre que l'on donne la démonstration au logiciel, par exemple coq, et qu'il vérifie qu'elle est correcte. C'est particulièrement intéressant pour des preuves de programmes "critiques".

    Ce genre de logiciel permet aussi de construire automatiquement des programmes satisfaisant certaines conditions. Typiquement, si on part d'une propriété mathématique de la forme :
    $$\forall x,\exists y,P(x,y)$$
    et qu'on en donne une preuve constructive au logiciel (c'est à dire sans utiliser le tiers exclu, il y a peut-être d'autres conditions à satisfaire, je ne me rappelle plus très bien), il peut extraire de la preuve un programme qui prend en entrée x et qui calcule le y qui convient. Cette correspondance entre preuves constructives et programmes s'appelle l'isomorphisme de Curry-Howard.
  • Mais toute proposition démontrable dans ZFC l'est-elle de façon constructive ?
  • Non, par exemple il suffit de prendre une proposition P indécidable dans ZFC (au sens : ni P ni son contraire ne sont démontrables) et considérer Q=(P ou (non P)). Q est démontrable (tiers exclu) mais si on savait démontrer P sans le tiers exclu on obtiendrait soit une démonstration de P, soit une démonstration de (non P).

    D'ailleurs ces logiciels ne travaillent pas avec ZFC il me semble, mais je ne saurais plus dire quel est le formalisme utilisé par coq.
  • Et donc pour P on peut prendre l'hypothèse du continu par exemple ?
  • Bonne question, cher Bruno, à laquelle a répondu AlexB, que je salue.

    La vérité est que je suis un béotien en logique et en informatique.

    J'ai voulu jouer les petits malins en me contentant de répéter vaguement un extrait d'une émission de France Culture.

    Et pan sur mon bec !
  • Bonjour.

    Pour en revenir à la question de Stramoine, il reste un problème : Comment va-t-on savoir que la dernière démonstration donnée par la machine est celle du théorème de Fermat (On ne sait pas la lire dans le formalisme machine, et la plupart des "preuves" données par la machine seront incompréhensibles, même avec un traducteur "haut niveau" : Voir la difficulté à savoir de quoi parlent les intervenants sur ce forum, quand ils oublient de préciser le contexte, ou suivent des études à l'étranger)?

    Cordialement
  • il reste un problème : Comment va-t-on savoir que la dernière démonstration donnée par la machine est celle du théorème de Fermat (On ne sait pas la lire dans le formalisme machine

    Déjà en français ça doit être chaud...
  • Bien que je sois autant beotien en logique que KB, j'ai le sentiment que le message bien documente d'AlexB ne repond pas a la question initiale: Stramoine se demande si on ne pourrait pas generer algorithmiquement les preuves, alors qu'Alexandre parle de verifier des preuves en implementant un algorithme construisant une solution.

    Soit dit en passant, une vieille querelle avait oppose Hilbert a Brouwer il y a un siecle, un peu sur le meme sujet.
    Hilbert avait une foi tres forte dans les systemes d'axiomes coherents et etait persuade que tout theoreme etait demontrable ou infirmable (mot correct?).
    Brouwer etait plus sceptique et refusait cette histoire de "tiers exclus" dont parle Alex, il pensait qu'on ne demontrait un theoreme que lorsqu'on en construisait explicitement une solution. Cet esprit constructiviste se retrouve dans son theoreme du point fixe (un des premiers resultats de topologie algebrique): il doit demontrer l'existence du point fixe, il le construit.

    Finalement, c'etait Hilbert qui avait tort (Godel). N'etait ce pas ce que demandait stramoine?

    Si je n'ai rien compris, je m'excuse de vous avoir fait perdre votre temps.
  • Oui, moi je répondais simplement au message de Bruno en fait, car je pensais qu'il pouvait y avoir confusion entre vérifier et générer justement !

    Effectivement, il y a un lien entre la conviction de Hilbert et le théorème de Godel. En effet, si l'on suppose que pour tout énoncé P, soit P est démontrable, soit non P l'est, alors il suffit d'énumérer toutes les démonstrations possibles (après tout ce ne sont que des textes de longueur finie vérifiant certaines conditions syntaxiques) et de s'arrêter dès que l'on en trouve un dont la conclusion est soit P soit non P.

    Le théorème d'incomplétude de Godel met un terme à cet espoir puisqu'il existe, dans tout système mathématique suffisamment puissant, des énoncés P qui ne sont ni démontrables, ni réfutables.
  • Merci de ces réponses claires et précises.
    Enfin un logicien qui donne des explications concises ! ça nous change un peu, sur ce forum..
  • Merci ! Mais je ne me qualifirai pas de logicien. C'est juste que le DEA d'info que j'ai fait touchait un peu à la logique et ces question m'intéressaient...
  • De Stramoine
    ou alors il faudrait vraiment réussir à concevoir ces fameux ordinateurs quantiques capables de tout.


    Les ordinateurs quantiques ne sont pas plus puissants que les ordinateurs classiques pour résoudre des quesqtions de maths, ils sont juste plus rapides

    de AlexB
    et qu'on en donne une preuve constructive au logiciel (c'est à dire sans utiliser le tiers exclu, il y a peut-être d'autres conditions à satisfaire, je ne me rappelle plus très bien), il peut extraire de la preuve un programme qui prend en entrée x et qui calcule le y qui convient. Cette correspondance entre preuves constructives et programmes s'appelle l'isomorphisme de Curry-Howard.



    La correspondance de Curry Howard n'est pas exactement ça. Elle est un terme générique qui désigne le fait que chaque preuve de maths (y compris utilisant le tiers exclus**) "est" (ou correspond à, mais sans fatigue cette correspondance) un programme dans un certain langage de programmation plutot canonique. Quant à savoir ce que fait ce programme.....??? C'est un problème en quelques sorte plus qu'ouvert!!!!! Dans ton exemple, quelque soit un entier n il existe un entier p suivi d'une relation toute simple, oui, effectivement, il calcule p si on lui donne n, mais et encore, à condition de supposer que l'arithmétique (et même un peu plus) est consistante




    de Fadalbala
    Soit dit en passant, une vieille querelle avait oppose Hilbert a Brouwer il y a un siecle, un peu sur le meme sujet.
    Hilbert avait une foi tres forte dans les systemes d'axiomes coherents et etait persuade que tout theoreme etait demontrable ou infirmable (mot correct?).
    Brouwer etait plus sceptique et refusait cette histoire de "tiers exclus" dont parle Alex, il pensait qu'on ne demontrait un theoreme que lorsqu'on en construisait explicitement une solution. Cet esprit constructiviste se retrouve dans son theoreme du point fixe (un des premiers resultats de topologie algebrique): il doit demontrer l'existence du point fixe, il le construit.

    Finalement, c'etait Hilbert qui avait tort (Godel). N'etait ce pas ce que demandait stramoine?


    Ooups.... Certes, Hilbert a peut-etre eu tort de croire qu'on pourrait tout résoudre (Godel l'a établi) mais ça ne donne pas raison à Brouwer pour autant dans les positions qu'il a adopté (je précise parce ta phrase donne un peu cette impression il me semble)




    de AlexB
    Effectivement, il y a un lien entre la conviction de Hilbert et le théorème de Godel. En effet, si l'on suppose que pour tout énoncé P, soit P est démontrable, soit non P l'est, alors il suffit d'énumérer toutes les démonstrations possibles (après tout ce ne sont que des textes de longueur finie vérifiant certaines conditions syntaxiques) et de s'arrêter dès que l'on en trouve un dont la conclusion est soit P soit non P.

    Le théorème d'incomplétude de Godel met un terme à cet espoir puisqu'il existe, dans tout système mathématique suffisamment puissant, des énoncés P qui ne sont ni démontrables, ni réfutables.



    Je trouve utile, quand on évoque le théorème de Godel, d'en donner une quasi-preuve à chaque fois, vu que stramoine, je pense, s'y intéresserait: je ne m'étendrai pas, mais la phrase "je suis indémontrable" a un sens mathématique réel et sans ambiguité (contrairement à la phrase "je suis fausse"), dès lors qu'on précise la théorie générale avec laquelle on travaille. A priori, on ne peut ni prouver qu'elle est fausse, ni prouver qu'elle est vraie.

    Si tu ne crois pas à ce que j'ai souligné pense à: le programme de code e répond "oui" à tous les codes de programmes x tels qu'il est prouvé mathématiquement que le programme codé par x ne répond pas "oui" si on lui entre le code x. Il est "assez facile" de faire un programme comme e. La phrase le programme de code e ne répond pas "oui" si on lui entre e fait l'affaire.

    De Aleg
    Merci de ces réponses claires et précises.
    Enfin un logicien qui donne des explications concises ! ça nous change un peu, sur ce forum..

    J'ai cherché un coeur dans les smileys, mais j'ai pas trouvé: :)-D
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • (hors-sujet pour Christophe Chalons : je n'ai pas eu le temps de le dire, mais je trouve que tu as eu tout à fait raison dans ta dernière intervention sur le fil de GF et ses "cardinaux".
    Seule une verbalisation orale pourrait faire évoluer cette situation.
    Tu vois que, des fois, je ne suis pas sans coeur..;))
  • Pour autant, pour la plupart des énoncés mathématiques usuels (par exemple les grandes conjectures), on imagine généralement qu'ils sont décidables dans les formalisations courantes des mathématiques, même s'il est vrai qu'on ne peut pas le savoir a priori. M'enfin quand même, ce serait bien le diable si RH n'était pas un théorème de ZFC.

    Du coup on peut effectivement faire tourner une machine qui énumère les unes après les autres les conséquences des axiomes de ZFC, et attendre que RH (ou par malheur non-RH) pointe son nez : l'ensemble des énoncés démontrables de ZFC, c'est évidemment récursivement énumérable. L'ennui, bien sûr, c'est qu'on n'a aucune borne de la taille d'une preuve en fonction de celle du résultat à démontrer, si bien qu'une preuve de RH pourrait (en plus d'être difficile à déchiffrer pour un être humain) excéder de loin la mémoire de la machine et nécessiter un temps complètement déraisonnable pour apparaître.
  • ooooh merci Aleg (j'ai cherché un coeur géant dans les smileys, mais ya pas... Manque de smileys ce forum)

    à mt-i tu dis on imagine généralement qu'ils sont décidables dans les formalisations courantes des mathématiques

    Je changerai qu'un mot:

    on espère généralement qu'ils sont décidables dans les formalisations courantes des mathématiques

    On ne dispose pas spécialement de raisons d'y croire
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Christophe, ça te va ça comme smiley ?
    coeurdemimiog0.gif

    Si Mimi savait que je lui pique les smileys de son forum pour les mettre sur un forum de maths, elle m'étranglerait. Heureusement qu'elle est loin !:D
  • On a sans doute rarement des raisons très fortes, mais enfin expérimentalement, on a plus ou moins une idée de ce à quoi ressemblent en général les énoncés qui nécessitent l'axiome du choix, tel axiome de grands cardinaux ou encore l'hypothèse du continu. Ils ont tendance à avoir une certaine tête. Alors on peut avoir des surprises bien sûr, et la famille des exemples qui façonnent l'idée qu'on se fait de l'intervention de tel ou tel type d'axiome évolue au fil de ces surprises. Mais quand même, si RH est indécidable dans ZFC, je veux bien te payer un verre :-).
  • mt-i a écrit:
    Mais quand même, si RH est indécidable dans ZFC, je veux bien te payer un verre :-).

    moi je me mets curé...:D
  • mais enfin expérimentalement, on a plus ou moins une idée de ce à quoi ressemblent en général les énoncés qui nécessitent l'axiome du choix, tel axiome de grands cardinaux ou encore l'hypothèse du continu. Ils ont tendance à avoir une certaine tête. Alors on peut avoir des surprises bien sûr, et la famille des exemples qui façonnent l'idée qu'on se fait de l'intervention de tel ou tel type d'axiome évolue au fil de ces surprises. Mais quand même, si RH est indécidable dans ZFC, je veux bien te payer un verre :-).

    oups, désolé de décevoir quelque chose peut-être sur quoi tu t'appuies, mais là, tu viens de "commettre" un archétype d'erreur (les suites du théorème de Godel n'ont pas été assez "médiatisées"): l'indécidabilité des énoncés n'est pas relié à leur place dans l'échelle de complexité

    Pour parler moins crument: ça commence au niveau des équations diophantiennes. Il y en a plein qui sont indécidables. RH peut se traduire, je crois, en un énoncé arithmétique équivalent à une équation diophantienne (si RH est faux, elle aura des solutions, si RH est vrai, elle n'en aura pas), et de ce fait appartient à la famille d'énoncés le moins complexes.

    L'indécidabilité n'est pas en rapport avec la puissance de la théorie: ZFC, et même ZFC avec plein de grand cardinaux laisse irrésolu la plupart des équations diophantiennes!!!!!

    La "consistance de ZFC" par exemple se traduit en une équation diphantienne (elle a des solutions si et seulement si ZFC est contradictoire).

    Cela dit, je ne pourrai jamais vous prouver l'indécidabilité de RH car elle est équivalente à sa vérité (si je me trompe pas en ce qui concerne son équivalence avec une equa dioph)
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • > oups, désolé de décevoir quelque chose peut-être sur quoi tu t'appuies

    Ben non, ou alors il ne m'a pas semblé. Je n'ai pas parlé de la complexité des énoncés, mais simplement, en un sens bien sûr très vague, de leur « tête ». Je ne prétends pas du tout que n'importe quel énoncé Sigma_1 de l'arithmétique est décidable dans ZFC ou quoi que ce soit du genre (j'ai entendu parler de Gödel, quand même). Mais un énoncé Sigma_1 de l'arithmétique pris au hasard, ça ne fait pas un énoncé mathématique intéressant! Alors qu'il y a beaucoup d'énoncés formulés d'une manière qui a un sens pour le mathématicien et pour lesquels on peut se dire: ça ça nécessite l'axiome du choix, ça ça nécessite un axiome de grand cardinal, et ainsi de suite.
  • {\it
    ça ça nécessite l'axiome du choix, ça ça nécessite un axiome de grand cardinal, et ainsi de suite.
    }

    L'argumentation de Godel est dynamique et s'applique {\bf à tous les énoncés} (dans une certaine mesure). C'est d'ailleurs une erreur "honorable" de ne pas en avoir conscience à temps plein puisqu'elle est "commise" par le "maitre" (H.Woodin) de la théorie des ensembles dans plusieurs conférences (dans lesquelles ils déclarent "telle théorie T doit résoudre tous les problèmes de tel type, {\bf aux énoncés godéliens près}".

    C'est une image intuitive, bien sûr que tu fais, que Woodin fait...

    {\it Soit $e$ l'ensemble des $x$ tels que l'énoncé $x\notin x$ est prouvé à l'aide d'axiomes non godéliens.

    Manifestement, les raisons qui font de $e\notin e$ un énoncé "godélien" ne sont pas godéliennes. Il suffit juste de remarquer qu'on est en plein délire godélien. Dès lors, il semble assuré sans godélite que $e\notin e$. Ce qui atteste que $e\in e$. }

    En fait, pour éviter toute confusion dans ce domaine, voilà comment il faut voir les choses:

    Il faut se dire que la logique a découvert que rien n'est absolu-absolu. Il y a des degrés. Les "godélites" donnent des indications, partielles seulement, sur le niveau de certitude qu'un raisonnement procure. Aucune preuve de A dans aucune théorie T ne décide vraiment A tout seul, mais plutot un certain énoncé "Ceci entraine A" où, généralement le "ceci" est une conjonction de choses décrétées vraies (le plus souvent parce qu'elle sont toutes dans un même système d'axiomes officiel).

    Dès lors, le fait même de dire que RH est décidable dans ZFC n'avance à rien et n'a pas beaucoup de sens: car il faut voir la preuve "d" de RH dans ZFC qui sera proposée. Il faut "juger sur pièce" en quelque sorte. Si quelqu'un t'amène une preuve "d" de RH dans ZFC et que quand tu la lis, tu te rends compte que cette preuve "d" peut se trafiquer en une preuve "d'" du faux qui attestera que ZFC est contradictoire tu ne seras guère avancé. Une croyance de la forme "il existe une preuve "d" dans ZFC de RH" est très claire et n'exclut pas cette éventualité. Et je suppose que tu te doutes de ce que je te répondrais si tu disais "oui, mais on suppose que ZFC n'est pas contradictoire"

    La seule question qui vaille d'être posée est "existe-t-il une preuve convaincante de RH?" (dans quelque système que ce soit, peu importe), et celle-ci, elle n'a pas de traduction suffisamment formelle pour qu'on puisse dire qu'on "devine" la réponse, et en fait elle n'a pas de valeur de vérité absolue.

    Un exemple de ce petit jeu t'est donné par ce qui suit:

    on dit que des axiomes vérifient $A<B$ quand il est prouvable que $A$ entraine l'existence d'un monde vérifiant $B$ (on ne se préoccupe même pas de ce que ça veut dire), c'est un énoncé du genre $A\to \exists x B^x$ dont les logiciens sont familiers.

    Placons-nous dans une théorie (c'est un argument très général, une théorie donnée par un axiome G) capable de distinguer des "étages" bien ordonnés (qu'elle veut être bien ordonnés), et qui décrète que seuls les axiomes possédant des mondes à un de ces étages existent.

    (C'est le genre de critère incontournable dans toutes les maths)

    Si $G<G$ alors dans un modele de $G$ il y aura un "premier" étage qui contient des modeles de $G$ (mondes vérifiant G pouir parler plus volontairement vaguement). Par "definition" (que je n'ai pas donnée) d'un étage, si un étage $e$ est le premier à contenir un modele (disons $m$) de $G$ alors, comme $G$ implique qu'il existe des $x$ tels que $G^x$, il y a dans $m$ des $x$ qui sont des modeles de $G$ et qui devraient, si les choses étaient bien faites se trouver dans des étages inferieurs à $e$.


    Je vais être plus concis. Si tu connais les ordinaux ça va aller très vite, il semble impossible de concilier plusieurs désirs, pourtant légitimes:

    Soit $\alpha$ le premier ordinal à partir duquel, pour tout $A$ {\bf acceptable}
    s'il existe un modele $m$ (ou n'importe quoi qui ait une hauteur) de l'énoncé $A$ alors il en existe un de hauteur inférieure à $\alpha$.

    Si tu considères n'importe quelle traduction $B(\alpha)$ de l'énoncé que je viens d'écrire, et si tu considères comme "acceptable" (qu'il soit vrai ou non) l'énoncé $\exists \alpha B(\alpha)$ alors tu auras des soucis. Formaliser n'y changera rien.

    Autre exemple: soit $E$ une équation diophantienne.

    1) si une théorie trop forte $T$ prouve "$E$ n'a pas de solution" ça ne te garantit pas du tout que c'est vrai car peut-être cette preuve n'est pas "assez courte" pour être "réelle".

    2) si une théorie trop forte $T$ prouve "$E$ a des solutions" ça ne te garantit pas du tout que c'est vrai car peut-être cette preuve n'est pas "assez courte" pour être "réelle", et si elle est courte, peut-être n'est-elle pas assez "constructive" pour te donner des solutions, en le sens très précis suivant qu'on n'a aucune garantie "interne" à T qu'il existe des modeles de T dans lesquels l'ensemble des entiers est le "vrai".


    Voilà pourquoi je te disais qu'on {\bf espère} sans avoir aucun arguments, que les énoncés un peu classiques sont abordables (résolubles) par les axiomes classiques
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • {\bf Si tu considères n'importe quelle traduction $ B(\alpha)$ de l'énoncé que je viens d'écrire, et si tu considères comme "acceptable" (qu'il soit vrai ou non) l'énoncé $ \exists \alpha B(\alpha)$ alors tu auras des soucis.}

    Mais tu te doutes bien que je ne considère pas un énoncé comme celui-là comme « acceptable » au sens où tu l'entends. Il n'y a une profonde différence qualitative, pour un mathématicien, entre RH (qui est un vrai énoncé mathématique) et « RH est démontrable dans la théorie bidule-chose » (qui est clairement métamathématique, même si ça peut certes se coder encore plus directement que le précédent en énoncé arithmétique). Le logicien aura beau dire « tiens, prends ça, je t'ai gödelisé ta face », ça n'a pas beaucoup d'incidence sur le matheux platoniste qui s'intéresse aux énoncés qui ont « vraiment un sens mathématique ».

    L'affirmation, vaguement positiviste que je faisais, c'est « un énoncé comme RH, on peut penser que c'est démontrable dans une axiomatisation usuelle des maths » (et « axiomatisation usuelle des maths » ça peut être ZFC ou autre chose, ça n'a pas tellement d'importance : combien de mathématiciens connaissent les axiomes de ZF, de toute façon?). Et je disais qu'une raison d'y croire, c'est qu'« un énoncé qui a cette tête-là, d'habitude, c'est décidable (dans ZFC par exemple) ». J'aurais pu dire autrement : « je n'ai jamais vu d'énoncé de ce genre qui soit indécidable dans ZFC », et pourtant des variations sur le thème, il y en a un paquet. Ce n'est pas un argument très fort, mais ce n'est pas complètement trivial non plus. Ça s'appelle se reposer sur l'expérience mathématique passée, si tu veux.

    Je me doute qu'un discours comme ça ferait dresser les cheveux et attraper un couteau de cuisine à un Girard, par exemple, mais ça ne m'empêche pas de dormir.
  • Non, on rencontre une sorte de malentendu (mais enfin, en me relisant j'avoue ne pas avoir été clair)...

    J'en reviens à ma remarque de départ: aucun argument ne semble autre chose que qualifiable par le mot "espoir", "espérer": tu {\it espères} que RH est démontrable.

    C'est tout ce que je disais... Après, en fait je disais, en quelque sorte {\it et en plus, ça a été prouvé (Godel) qu'on ne peut avoir plus}. Mais enfait peu importe: faibles ou fort l'apport de Godel est en plus, {\bf c'est tout}. Il ne peut quand-même pas être mis à décharge de l'idée que l'existence d'une preuve dans ZFC ou ailleurs n'est pas garanti, en général...

    Tu apportes un "témoignage" perso {\it je n'ai jamais vu d'énoncé de ce genre qui soit indécidable dans ZFC} qui fonde ton "espoir". Aucun désaccord avec toi sur cette démarche personnelle. Mais en platonicien que tu prétends être, tu ne peux par contre pas "décider" (au sens capricieux du terme) si la réponse est oui ou non (que ZFC démontre RH)...

    {\bf Par ailleurs, ça c'est très important, il se peut qu'il soit "vrai" que ZFC démontre RH, sans pour autant qu'il existe une démonstration de longueur "acceptable" (finie), en ce sens très vicieux que peut-être que dans la théorie Z (pas de schéma de substitution) on peut prouver (humainement et formellement) que tous les modèles de ZF vérifient RH}

    Bref... Le sens de mon post un peu confus était surtout pour tirer la couverture dans un sens pas assez souvent, à mon avis, affiché: il y a une sorte de connexité dans les phénomènes mathématiques. Il semble qu'un jour, en un certain sens, on passera du "vrai" au faux" sans "lever le stylo" (je parle sérieusement: d'ailleurs il y a une vieille tradition qui consistait à prendre $0=1$ comme axiome de grand cardinal se trouvant tout en haut de la hiérarchie). Dès lors, croire ou ne pas croire à l'existence de preuves dans des théories assez fortes n'est pas important. RH étant pi 0-1, c'est peut-être ça le plus crucial, à savoir que {\bf c'est une équation diophantienne, dont on prétend qu'elle n'a pas de solution} et dès lors, les raisons de "croire" ou non à RH sont multiples (pas besoin de se demander si telle ou telle théorie la démontre)
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Histoire d'enfoncer le clou, je remets ça: je vais "prouver" qu'il existe au moins un énoncé faux qui est "prouvable".

    Soit $I$ la phrase (au second ordre) $\forall X (D(X)\to X)$. Où "D" est un prédicat sensé représenter "est démontrable" (on ne précise pas plus exprès)

    Soit $P$ la phrase qui dit "on peut prouver ma négation à partir de $I$"

    Peu importe comment on voudrait s'amuser à informatiser tout ça...

    Si $P$ alors $D(I\to nonP)$. Si $I$ et $P$ alors $I$ et $nonP$, car $I$ entraine que $D(I\to nonP)\to (I\to nonP)$. Conclusion: $I$ entraine bien $nonP$.

    Si tu considères le texte précédent comme une argumentation formelle valable, attestant que $D(I\to nonP)$ alors tu dois croire à $P$ et donc à $nonI$.
    "
    $nonI$ est quand-même, je te le rappelle l'énoncé "$\exists X: (D(X)$ et $nonX)$"
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Contrairement à ce qu'une mauvaise littérature a répandu comme idées, le théorème de Godel {\bf n'est pas} crucialement contenu dans le fait d'avoir réussi à construire des codages: ces codages ont juste servi à faire passer le théorème à la postérité (un bon coup de lemme chinois, il fallait ça pour entrer à l'académie), mais le "fond" de l'histoire est que

    des phrases comme "je suis indémontrable" etc, {\bf ont une sens mathématique} (comme d'ailleurs chacun le sent, c'est une évidence que le sens de cette phrase ne dépend que du sens du mot "démontrable") et sont {\bf très différentes} de phrases comme "je suis fausse", etc qui {\bf n'ont pas de sens mathématique} car le mot "faux" n'a pas de sens mathématique.
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Tes arguments concernant RH semblent un peu trop vouloir loger "je suis indémontrable" à la même adresse que "je suis fausse" et loger RH loin de tout ça (ce qui manifesterait une certaine incompréhension de la découverte de Godel***! D'où mes précisions)...


    *** la phrase "je suis indémontrable" est un objet formel qui appartient à la langue française, consistué de 21 lettres. La question de savoir si elle appartient à un certain ensemble $D\subseteq \{a..b\; space;...\}^*$ défini correctement (et encore ce n'est même pas nécessaire) ne dépend que de $D$.
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
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