Espérance conditionnelle et analyse fonctionnelle

Salut,


Je me pose une question d'ordre (un peu) philosophique ces derniers temps et j'espère que les analystes fonctionnels du site vont m'aider à y répondre (je pense en particulier à Alban mais les autres sont les bienvenu).


Si j'ai un espace de Hilbert $E$, et un sous-espace fermé $F$ de $E$, il y a plein de manières de projeter continûment $E$ sur $F$ mais parmi celles-là on en trouve une qui est privilégiée : la projection orthogonale. En revanche, si $E$ est un Banach quelconque, il faut déjà s'assurer que $F$ admet un supplémentaire topologique et s'il y en a un il y en a plein et a priori aucun moyen de faire un choix "canonique". On pourrait prendre la projection de norme minimale mais rien ne dit que ça existe ni que c'est unique.


En probas, lorsqu'on a un espace probabilisé $(\Omega,\mathcal{B},\mathbb{P})$ et une sous-tribu $\mathcal{F} \subset \mathcal{B}$, on définit l'espérance conditionnelle, qui est une projection continue $p$ de $E_1=L^1(\Omega,\mathcal{B},\mathbb{P})$ sur le sous-espace fermé $F_1=L^1(\Omega,\mathcal{F},\mathbb{P})$ des variable $\mathcal{F}$-mesurables. Il se trouve que la restriction de $p$ à $E_2=L^2(\Omega,\mathcal{B},\mathbb{P})$ et $F_2=L^2(\Omega,\mathcal{F},\mathbb{P})$ coïncide avec la projection orthogonale.


J'en arrive à ma question : comment interpréter du point de vue analyse fonctionnelle le fait qu'il y ait dans ce cas précis une projection privilégiée ?

Réponses

  • Oui ... sauf que l'on utilise la projection donnée par convergence monotone de fonctions de L^2 approchant la fonction de L^1 dont on veut construire l'espérance conditionnelle. La projection privilégiée est ici très dépendante de l'espace L^1, puisqu'on utilise fortement la notion de convergence monotone pour des fonctions du type inf(X,n), qui sont à la base de la construction de l'intégrale en tant que sup des fonctions étagées inférieures à une fonction mesurable positive. Pour moi, on prend donc naturellement l'approximation L^2 qui respecte la construction de l'espace dans lequel on se trouve, et qui va faire que le théorème de convergence dominée, le lemme de Fatou ou Jensen pour l'espérance conditionnelle vont rester valides.
  • Merci Ben pour ta réponse. En fait tu ne réponds pas complètement à ma question, parce que justement je voudrais m'abstraire du cadre "intégration-théorétique" et trouver une caractérisation purement "fonctionnelle-analytique" de cette projection.


    Alors effectivement, le fait qu'on puisse injecter continûment et densément un Hilbert $H$ dans le Banach $E$ est peut-être la clé du problème, mais j'ai tendance à penser que ce n'est que suffisant. D'ailleurs on peut construire l'espérance conditionnelle directement dans $L^1$ en utilisant Radon-Nikodym ; bon d'accord la densité de $L^2$ et la convergence dominée sont encore là, cachées dans la preuve de Radon-Nikodym mais je pense qu'il y a quand même quelquechose de plus profond, lié à la structure du dual de $L^1$.


    En effet la définition habituelle de l'espérance conditionnelle $Y$ de $X$ sachant $\mathcal{F}$ est que $\forall A \in \mathcal{F}, \, \mathbb{E}(X1_A)=\mathbb{E}(Y1_A)$. Autrement la projection $p$ de $E=L^1(\mathcal{B})$ sur le sous-espace $F=L^1(\mathcal{F})$ est la seule qui commute avec une certaine famille de formes linéaires, à savoir les $\varphi_A$ définies par $\varphi_A(X)=\mathbb{E}(X1_A)=\int_A X \, d\mathbb{P}$ pour $A$ parcourant $\mathcal{F}$. Et il se trouve que justement le sous-espace engendré par cette famille de formes linéaires est dense dans le dual de $F$ qui est $L^{\infty}(\Omega,\mathcal{F},\mathbb{P})$.


    Bon je me pose peut-être des questions pour rien mais je suis sûr qu'il y a quand même quelquechose de plus général là-dessous.
  • Désolé de ne pas avoir répondu totalement à ta question, pour ce qui est de Radon Nykodym, c'est une bonne approche, d'autant qu'il y a une preuve dans un numéro récent de l'AMM (2005 ou 2006) qui n'utilise pas de méthode hilbertienne (ie pas la preuve de Von Neumann comme dans Rudin) mais plutot une caractérisation "variationnelle".
    Après, je pense qu'on peut s'interroger sur une caractérisation "fonctionnelle-analytique" comme tu dis de la convergence dominée dans L^1, à formuler en terme de fermeture, mais cela commence à etre plutot flou dans ma tete.
  • Je suis content de savoir que je ne suis pas le seul pour qui c'est flou ! Merci en tous cas de t'intéresser à mon problème. La caractérisation variationnelle pour Radon-Nikodym dont tu parles a l'air intéressante, je vais googler. Effectivement le fait que l'on dispose de la convergence dominée ou monotone fait qu'il se passe des trucs intéressants dans $L^1$, je ne sais pas comment ça se généralise.
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