La similitude est invariante par extension de corps

Bonjour,

Je m'intéresse à l'exercice classique d'invariance de la similitude par extension de corps : soit $L$ est une extension d'un corps $K$ et $A,B \in \mathcal{M}_n(K)$ telles que $A$ et $B$ soient semblables via $GL_n(L)$. Alors $A$ et $B$ sont semblables via $GL_n(K)$.

Dans le cas facile où $K = \mathbb{R}$ et $L = \mathbb{C}$, j'utilise la preuve suivante : 
Il existe $P \in GL_n(\mathbb{C})$ telle que $AP = PB$. En écrivant $P = P_1+iP_2$ avec $P_1,P_2 \in \mathcal{M}_n(\mathbb{R})$, on obtient $AP_1 = P_1B$ et $AP_2 = P_2B$. Comme on pourrait, par malheur, n'avoir l'inversibilité ni de $P_1$ ni de $P_2$, on se donne un peu de jeu et on considère, pour $t \in \mathbb{R}$ la matrice $P_t = P_1 + tP_2$ et la fonction polynomiale $Q : t \mapsto \text{dét}(P_t)$. Comme $Q(i) \neq 0$, il existe $t \in \mathbb{R}$ tel que $Q(t) \neq 0$ donc $P_t$ est inversible. Comme $AP_t = P_tB$, $A$ et $B$ sont bien semblables via $GL_n(\mathbb{R})$.

Il n'est pas très difficile, en voyant cette preuve, de généraliser à (presque) tout corps en considérant une base de $L$ sur le corps $K$ et des fonctions polynomiales multivariées. La difficulté principale réside dans la généralisation de l'affirmation "$Q(i) \neq 0$ donc il existe $t \in \mathbb{R}$ tel que $Q(t) \neq 0$" qui nécessite de confondre polynôme et fonction polynomiale. Aucun problème lorsque $K$ est infini mais que se passe-t-il pour les corps finis ?

J'ai également pu démontrer le résultat à coups de massue pour les corps finis. Je passe en effet par les invariants de similitude de $A$ et je dis que ceux-ci ne dépendent pas du corps de base car sont calculés via la forme normale de Smith de $XI_n - A$ vue en tant que matrice à coefficients dans $K[X]$. Auriez-vous des arguments plus élémentaires (niveau agrég) pour cette preuve ?

Heuristique

Réponses

  • Barjovrille
    Modifié (September 2024)
    Bonjour, est-ce que ta preuve avec le déterminant marche encore si on a une extension du type $K(a_1,a_2)=K[a_1,a_2]$ ? (avec $K$ infini)
  • J'ai également pu démontrer le résultat à coups de massue pour les corps finis. Je passe en effet par les invariants de similitude de $A$ et je dis que ceux-ci ne dépendent pas du corps de base car sont calculés via la forme normale de Smith de $XI_n - A$ vue en tant que matrice à coefficients dans $K[X]$. Auriez-vous des arguments plus élémentaires (niveau agrég) pour cette preuve ?
    A ma connaissance il n'y a rien de plus élémentaire.

  • Heuristique
    Modifié (September 2024)
    @Barjovrille Normalement oui. Je n'avais pas détaillé la preuve, la voici ci-après. L'argument important est que pour tout $J$ fini et pour tout polynôme $P$ non nul de $K[(X_j)_{j \in J}]$ avec $K$ infini, il existe $\lambda \in K^J$ tel que $P(\lambda) \neq 0$. Cela se fait bien par récurrence sur le cardinal de $J$.

    Je prends une base $(\alpha_i)_{i \in I}$ de $L$ sur $K$. 
    Pour chaque coefficient $p_{i,j}$ de $P$, il existe $J_{i,j} \subset I$ fini et une famille d'éléments $(\lambda_{i,j,r})_{r \in J_{i,j}}$ de $K$ tels que $p_{i,j} = \sum\limits_{r \in J_{i,j}} \lambda_{i,j,r}\alpha_r$.
    En considérant $J = \bigcup\limits_{i,j = 1}^n J_{i,j}$ qui est fini, on remarque que tous les coefficients de $P$ peuvent s'exprimer dans la base $(\alpha_j)_{j \in J}$.
    Il existe ainsi une famille $(P_j)_{j \in J}$ de matrices de $\mathcal{M}_n(K)$ telle que $P = \sum\limits_{j \in J} \alpha_j P_j$. Pour $\lambda \in K^J$, on considère la matrice $P_{\lambda} = \sum\limits_{j \in J} \lambda_j \alpha_j P_j$ et la fonction polynomiale $Q : \lambda \mapsto \text{dét}(P_{\lambda})$. Comme $Q(\alpha) \neq 0$, si $K$ est infini alors il existe $\lambda \in K^J$ tel que $Q(\lambda) \neq 0$. Ainsi, $P_{\lambda}$ est inversible, ce qui conclut.

  • Ah oui ok merci je n'avais pas pensé à la récurrence...
  • Lorsque le corps de base est fini, il me semble également qu'à ma connaissance il n'est pas possible d'échapper aux invariantes de similitude.
    Par contre, il existe une preuve assez courte dans l'appendice du livre "Les maths en tête : Algèbre" de Xavier Gourdon prouvant l'existence et l'unicité des invariants de similitude en utilisant principalement des résultats sur la dualité et l'existence d'un élément $x\in E$ tel que $m_u = m_{u,x}$.
  • On peut échapper aux invariants de similitude, mais avec un argument plus compliqué : c'est le théorème de Noether-Deuring, qui est fondé sur le théorème de Krull-Schmidt relatif aux représentations linéaires d'algèbres, et a l'intérêt de généraliser le résultat à la similitude simultanée de familles de matrices :


    Le théorème de Noether-Deuring ne nécessite aucune compréhension fine des classes de similitude.
  • Bonjour,

    Question de béotien : peut-on voir la similitude comme un automorphisme de corps ?  
  • Je ne comprends pas exactement ta question. Tu veux une fonction de $K$ dans $K$ qui est un morphisme de corps bijectif mais qu'associes-tu à $x \in K$ ? Car là je ne vois pas le rapport avec la similitude.
  • Plus exactement un automorphisme intérieur du groupe des automorphismes de $K$.
  • Oui, soit mais j'ai l'impression que tu regardes la conjugaison dans $\mathcal{M}_n(K)$ plutôt qu'un automorphisme de corps, donc une action de $GL_n(K)$ sur $\mathcal{M}_n(K)$. Non ?
  • Oui, je me suis emmêlé les pinceaux en visualisant un automorphisme associé à un automorphisme de corps dans un autre contexte.
Connectez-vous ou Inscrivez-vous pour répondre.