Espaces affines sans origine "naturelle".

Foys
Modifié (31 Aug) dans Géométrie
La théorie des espaces affines est mal aimée, la plupart des gens estimant qu'ils peuvent tout faire dans un espace affine en raisonnant avec des notions d'algèbre linéaire dans son espace vectoriel associé et donc ne voient peut-être pas l'utilité d'un autre concept d'espace. Un argument en faveur des espaces affines est la nécessité de modéliser des situations où on ne peut pas privilégier une origine de l'espace.

Une manière possible de construire un espace affine est de partir d'un espace vectoriel $E$ sur un corps $K$ et de considérer un hyperplan $H$ de $E$; tout translaté de $H$ est alors un espace affne sur $H$ (ou encore ce qui revient au même: prendre une forme linéaire non nulle $\varphi$ sur $E$, pour tout $a\in E$, $\varphi^{-1} \left ( \{a\}\right)$ est alors un espace affine sur $\ker (\varphi)$).

Par exemple étant donné un réel $a$, soit $E_a$ ensemble des fonctions continues $f$ à support compact de $\R$ dans lui-même telles que $\int_{\R} f(x)dx = a$. Alors $E_1$ est un espace affine sur $E_0$ sans "origine naturelle" (terminologie non mathématiquement précise, cela étant exhibez une fonction $g$ dont vous pensez qu'elle peut raisonnablement être qualifiée d' "origine" de $E_1$).

Quels autres exemples d'espaces affines sans origine naturelle (si possible de dimension finie) pouvez-vous citer (issus des maths plutôt que de la physique)?
Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.

Réponses

  •  -- Étant donné une suite $(u_n)$, l'ensemble des suites $(v_n)$ telles que $u_n=v_{n+1}-v_n$ pour tout $n$ (éventuellement utile pour faire du télescopage).
    -- L'ensemble des solutions d'une équation différentielle linéaire avec un second membre non nul, par exemple $y'-2y=\mathrm{e}^t-1$.
  • Les origines naturelles que je verrais sont
    $v_n=\sum_{k<n}u_k$
    $y=-e^t+\frac{1}{2}$.
  • Toute parabole a une structure de droite affine.
    Sur $\R$, l'origine naturelle serait son sommet.
    Donc je prends une parabole sur $\C$, soyons fous, et je me dispense de figure !
  • gai requin
    Modifié (31 Aug)
    Finalement, je ne résiste pas à l’envie d’illustrer le programme de 4e sur les droites affines version maths modernes !

  • Beaucoup plus simplement, j'ai du mal à imaginer une origine "naturelle" à la droite affine du plan d'équation $\pi x + e y = \sqrt 2$.
  • Le projeté orthogonal de (0,0) sur la droite ?
  • gai requin
    Modifié (31 Aug)
    @Poirot : Trop compliqué le niveau 4e ? 😉
  • Yannguyen
    Modifié (31 Aug)
    Bonjour
    Je ne saurai vraiment pas  vous conseiller mieux que le livre des quatre auteurs
    https://www.decitre.fr/livres/formes-quadratiques-et-geometrie-9782493230249.html
    où vous pourrez entre autres découvrir la catégorie Véto.
    Cordialement,
    Yann
  • stfj
    Modifié (31 Aug)
    Soit $V$ un espace vectoriel quelconque sur un corps commutatif $K$. Soit $W$ un sous-espace vectoriel de $V$. Soit $a\in V$. Alors $a+W$ est un espace affine sur le corps $K$. Prenons par exemple $V:=\mathbb R^4$. Soit $a:=(1,1,1,1)\in V$ et $W:=\mathbb R\times \mathbb R\times \{0\}\times \{0\}$. $a+W$ est un plan affine dans un espace de dimension $4$.

  • GaBuZoMeu
    Modifié (31 Aug)
    Bonjour,
    Un éventail $F$ est une partie de l'espace des ordres sur un corps formellement réel $K$, par exemple $K= \mathbb R(X_1,\ldots,X_n)$, tel que pour tous $\sigma_1,\sigma_2,\sigma_3$ de $F$, $\sigma_1\sigma_2\sigma_3\in F$. (Un ordre est vu comme l'application "signe" $\sigma : K^*\to \{1,-1\}$ vérifiant les propriétés que l'on connaît.)
    Un éventail est un bel espace affine (sur quel corps ?), où serait son origine "naturelle" ?
  • plsryef
    Modifié (31 Aug)
    C'est quoi l'origine de l'ensemble des fonctions continues de $[-1,1]$ dans $\mathbb{R}$ telles que $\int_{[-1,0]}f-\int_{[0,1]}f=2$ ?

  • @plsryef Ton exemple est trop manisfestement un cas particulier de la construction de Foys. Il en veut d'autres !
    Celui de Gabuzomeu a l'air franchement différent, mais ... rien compris !
    Après je bloque.
  • Thierry Poma
    Modifié (31 Aug)
    @i.zitoussi : bonjour. Il y a cette thèse, où l'on trouvera de nombreuses références. Lire également ceci.
    Le chat ouvrit les yeux, le soleil y entra. Le chat ferma les yeux, le soleil y resta. Voilà pourquoi le soir, quand le chat se réveille, j'aperçois dans le noir deux morceaux de soleil. (Maurice Carême).
  • plsryef
    Modifié (31 Aug)
    Alors cet exemple mais je ne sais pas si il y a une structure viable:
    dans "l'espace vectoriel de l'anneau des séries formelles qui sont des fonctions au voisinage de l'infini" $\mathbb{R}[[X]]$ l'ensemble des $f$ telles que $\lim_{x \rightarrow +\infty} \frac{f(x)}{e^{\sqrt{x}}}=1$ mais je sens que c'est une grosse bêtise.
  • Un petit remarque. Même si un espace affine particulier peut avoir une origine $0$ qui semble plus naturelle que les autres, ça n'est pas forcément celle-ci qu'on va choisir pour résoudre un problème donné.  En géométrie, ou en physique, on résout souvent un problème en choisissant un repère adapté à la situation, et l'origine de ce repère est souvent différente de la fameuse origine "naturelle".  C'est cette souplesse qui fait la force du formalisme des espaces affines.

     Dans le même ordre d'idée, quand on modélise l'espace "galiléen" qui nous entoure, par un espace affine de dimension $3$, il n'y a aucune origine universelle. On peut choisir le centre de la Terre, celui du Soleil, le centre de la Voie Lactée, etc.
  • Soit $f$ une application linéaire entre deux espaces vectoriels $E \to F$. Soit $b \in F$. Alors l'ensemble des solutions à l'équation $f(x)=b$ est soit vide (c'est un espace affine), soit un espace affine de direction $\ker f$. Il n'a a priori pas d'origine naturelle.
  • GaBuZoMeu a dit :
    Un éventail est un bel espace affine (sur quel corps ?)
    A l'instinct, $Z/2Z$ ?
  • @GaBuZoMeu A tout hasard, le corps : $\mathbb F_2$, l'origine naturelle : l'application constante $ K^* \to -1$. L'espace vectoriel associé serait l'ensemble des ordres (muni de la multiplication), mais je ne crois pas comprendre comment l'espace affine fonctionne (un exemple, ou une construction).
  • plsryef
    Modifié (31 Aug)
    Un autre exemple peut-être, le sous ensemble de ${(\mathbb{Q}^\mathbb{N)})^2}$ des suites $((u),(v))$ telles que $\lim_{n \rightarrow +\infty}\frac{u_n}{v_n}=\sqrt{2}$

  • Julia Paule a dit :
    @GaBuZoMeu A tout hasard, le corps : $\mathbb F_2$, l'origine naturelle : l'application constante $ K^* \to -1$.
    Je pense que quand il a dit que ce sont des applications "signe" ça veut dire morphisme de groupe si c'est le cas il y a un problème avec l'application constante que tu considère.
  • Foys
    Modifié (31 Aug)
    Merci à tous pour ce florilège.

    J'ai l'impression que l'exemple de @GaBuZoMeu n'exploite pas la notion d'éventail à properment parler (les fonctions dont il est question sont les fonctions caractéristiques de l'ensemble des éléments strictement positifs du corps pour une relation d'ordre donnée, à valeurs dans $\{-1,1\}$ au lieu de $\{0,1\}$, compatible avec les opérations; d'ailleurs si tout singleton est un éventail, comment construire des éventails non triviaux?).

    Soit $E$ un ensemble et $F$ une partie de $\{-1,1\}^E$ telle que pour tous $a,b,c\in F$, $abc\in F$. Soit $\vec F$ l'ensemble des produits de couples d'éléments de $F$ (lorsque cet ensemble est non vide, sinon on pose $\vec F := \{0\}$). Alors $\vec F$ est un $\mathbb F_2$ espace vectoriel (l'addition étant le produit) agissant transitivement et librement sur $F$ qui est donc un espace affine.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • GaBuZoMeu
    Modifié (31 Aug)
    Un éventail est un sous-ensemble $F$ du $\mathbb Z/2\mathbb Z$ espace vectoriel de tous les homomorphismes de groupe $K^* \to \{-1,1\}$.
    Un ordre est identifié à l'homomorphisme qui envoie $f\in K^*$ sur $1$ si $f>0$ et sur $-1$ si $f<0$. Cet homomorphisme n'est jamais constant. Il factorise par $K^*/(K^*)^2$.
    La condition que pour tous $\sigma_1,\sigma_2,\sigma_3$ de $F$, $\sigma_1\sigma_2\sigma_3$ est encore un élément de $F$ entraîne que $F$ est bien un sous-espace affine sur $\mathbb Z/2\mathbb Z$ ($\sigma_1\sigma_2\sigma_3$ est le quatrième sommet du parallélogramme dont trois sommets sont $\sigma_1,\sigma_2,\sigma_3$.

    Les éventails sont utiles pour l'étude des formes quadratiques et pour la géométrie semi-algébrique. Ils ont été introduits dans l'article
    Becker, E., Kopping, E.: Reduzierte quadratische Formen und Semiordnungen reeller Korper, Abh. Math. Sem. Univ. Hamburg 46, 143-177 (1977)
    Toute paire d'ordres est un éventail. Un dessin d'éventail à quatre éléments dans le plan : 

  • Julia Paule
    Modifié (1 Sep)
    D'où le nom d'ordre. En effet @Barjovrille l'espace vectoriel $E$ est l'espace des morphismes signes, $F$ en est une partie, la seule application constante qui peut en faire partie est l'identité.
    Par contre, j'ai du mal à comprendre : cela veut dire qu'on peut "partager" les éléments de $K^*$ en les positifs et les négatifs, ce partage étant inhérent à chaque ordre, tout en respectant le morphisme ($\sigma(fg)=\sigma(f) \sigma (g)$) ?
    Ou plutôt (comme dit @Foys), l'ordre est inhérent à une relation d'ordre donnée sur le corps $K$.
    Dans ce cas, $F$ est bien un espace affine (action simplement transitive : $\forall a \in F, bc \in \vec F, a(abc)=bc$ unique, et relation de Chasles : $(ac)(cb)=ab$), merci Foys. On ne lui voit pas d'origine naturelle.
  • Par contre ton exemple @stfj, a une origine naturelle évidente, archétype de l'espace affine déjà mentionné par l'initiateur du fil.
  • Barjovrille
    Modifié (1 Sep)
    Merci @GaBuZoMeu pour les précisions et la référence.
  • Yannguyen
    Modifié (1 Sep)
    Bonjour,

    La théorie des espaces affines n'est mal aimée que par les personnes qui en ignorent la beauté,
    et ce n'est ni avec l'étude qui en est faite, en ses débuts, à travers  l'étude fastidieuse des intersections de sous-espaces affines  et encore moins plus tard avec les éventails (pardon à GaBuZoMeu) que l'on en devient un défenseur exalté.

    Le langage qui en découle permet déjà de distinguer entre point et vecteur, d'expliquer comme il se doit ce que sont les points à l'infini, la complétion projective, de s'arrêter les yeux ronds devant une formule aussi simple que $f\circ t_{\vec v}\circ f^{-1}= t_{\vec f(\vec v)}$, etc., etc.

    L'excellent Dixmier les introduit sans état d'âme dès son cours de premier cycle et en fait le cadre naturel de son introduction à la géométrie des sous-variétés, avec les applications différentiables  et autre théorème  d'inversion locale (i.e. théorème des fonctions implicites)....

    On incrimine parfois Dieudonné d'avoir assassiné la géométrie du triangle et, dans le même élan, les espaces affines, en privilégiant la seule algèbre linéaire. Si cette dernière mérite toute l'attention qui lui revient, c'est une grave erreur que d'écarter d'un revers de main un territoire et un langage aussi  importants et d'écraser de la sorte tous les Lalesco, Pompeiu,  Yaglom, les Napoléon et les Ceaușescu...
       :D

    Cordialement,

    Yann



    P.S. Un exemple simple d'espace affine qui a été oublié, si je ne me trompe, est celui des sous-espaces vectoriels supplémentaires dans $E$ d'un sous-espace vectoriel $F\subset. E$ donné.

    P.S. N'oublions pas non plus les espaces affines euclidiens, avec les hyperboles équilatères.   o:)


  • Sans oublier l'envoi d'un hyperplan projectif à l'infini, un concept saisissant et si fécond...
  • hyperplan affine à l'infini ?
  • Non, on prive un espace projectif d'un hyperplan $H$ (projectif, what else ?) pour se placer dans une carte affine $C$ d'hyperplan à l'infini $H$.
    Quelle est la direction de $C$ ?
  • Julia Paule
    Modifié (1 Sep)
    $P(E) / P(H)$ est l'ensemble des droites vectorielles de $P(E)$ non contenues dans $P(H)$. Il existe alors une bijection entre un hyperplan affine arbitraire $u+H$ distinct de $H$, inclus dans $E$, donc avec $u \ne 0$, et $P(E) / P(H)$, (la bijection est entre un point de l'hyperplan affine et une droite vectorielle de $E$ non contenue dans $H$), ce qui fait de $P(E) / P(H)$ un espace affine de direction $H$.
    Bon exemple. Peut-on considérer que la droite vectorielle engendrée par $u$ est une origine naturelle de $P(E) / P(H)$ ? Il me semble que non car tout vecteur non nul ferait l'affaire.
    EDIT : non, car l'hyperplan affine considéré peut être le même (avec $v$ tel que $u-v \in H$) ou bien distinct, mais cela n'a pas d'importance car les droites vectorielles non contenues dans $H$ sont les mêmes quelque soit l'hyperplan affine de direction $H$ considéré.
  • Il me semble qu'en général les espaces affines n'ont pas d'origine naturelle. Car si $E_a$ est un espace affine dirigé par un espace vectoriel $E$, avec $a \in E_a$ et $E_a=a+E$, alors $\forall b \in E_a$, on a $E_a=b+E$, i.e. $b$ est aussi une origine de $E_a$, que l'on peut considérer comme naturelle au même titre que $a$.
    Sauf peut-être les espaces affines dont les éléments peuvent se définir à l'aide d'une constante du corps de base choisie arbitrairement (comme les exemples de Math Coss en haut), et on peut prendre cette constante égale à $0$, ce qui fait de l'élément ainsi défini une origine naturelle.
    Par exemple, dans le cas des suites téléscopiques, elles se définissent à l'aide de leur 1er terme, les solutions d'équations différentielles, à l'aide d'une constante. Par contre dans $\mathbb R^2$, la droite affine d'équation $x+y=1$ est le translaté de la droite vectorielle $x+y=0$ par le vecteur $(1,0)$, ou $(0,1)$, ou encore $(1/2, 1/2)$, etc ... : pas d'origine naturelle.
    Ceci n'est qu"une supposition, sachant qu'il n'y a pas de définition pour "origine naturelle". 
    Qu'en pensez-vous ?
  • stfj
    Modifié (4 Sep)
    Frenkel propose une explicitation du plongement d'un espace affine $(X,\vec X,\phi)$ sur un corps $K$ comme hyperplan d'un espace vectoriel plus vaste, dans le chapitre III de Géométrie pour l'élève professeur, Hermann, 1973. Ce qui montre que la construction proposée par @Foys fournit tous les espaces affines à partir des espaces vectoriels
    Quand j'étais élève professeur, des phrases telles que "le monde qui nous entoure apparaît homogène parce que son centre n'est pas de ce monde!" me faisaient rêver. Une fois la construction comprise, c'est juste de la technique, en l'occurence celle du collègue de Frenkel à Strasbourg, Glaeser. Il y a sûrement d'autres techniques similaires un peu partout
    Par contre, l'application au calcul barycentrique reste fondamentale: cas particulier du calcul des combinaisons linéaires dans un espace vectoriel. Ce qui justifie mathématiquement le peu d'intérêt affiché par Dieudonné pour les espaces affines. Frenkel écrit lui-même plus loin : "mathématiquement parlant, les espaces affines "n'existent pas", bien que tout ce cours leur soit consacré."
    Plus récemment, ici, Claire Voisin évoque très rapidement les espaces affines, alors qu'elle s'adresse à des lycéens; mais concentre très rapidement leur attention vers les espaces vectoriels. Tout comme elle insiste avec humour pour utiliser le vocabulaire "ensemble" avec des lycéens, elle choisit pour leur parler de géométrie de commencer par les espaces vectoriels. Ce qui paraît logique puisqu'un espace affine est défini à partir d'un espace vectoriel.
    En ce qui concerne la géométrie du triangle, il faut bien reconnaître qu'il est difficile d'en faire sérieusement sans disposer de quelques bases d'algèbre linéaire. I) J'en veux pour témoin un exercice récemment proposé sur les-mathématiques.net, où les seules solutions fournies relèvent du calcul barycentrique évoqué plus haut. En attendant des solutions plus élémentaires, je reste néanmoins perplexe quant à leur côté général. Qu'on propose ici ou là une solution ad hoc, pourquoi pas ? Mais des solutions relevant d'une méthode au sens de Rivarol$^1$, à part le calcul barycentrique, je n'en vois pas. II) Un autre indice est la disparition du calcul barycentrique des classes de lycée et de propédeutique je crois. III) Un autre problème est le manque d'intérêt de la communauté mathématique pour ce sujet jusqu'à son renouveau grâce à des grands noms tels que Conway à la fin des années 90, et surtout grâce aux logiciels de géométrie dynamique tels que CABRI et Geogebra. Parfois on lit que Conway a voulu "dépoussiérer" la géométrie élémentaire. J'en déduis qu'elle était poussiéreuse.
    _____________________
    $^1.-$ "Les méthodes sont les habitudes de l'esprit et les économies de la mémoire."
  • Julia Paule
    Modifié (1 Sep)
    La géométrie la plus intuitive est la géométrie des points avec une certaine structure (géométrie affine), celle des Grecs, la géométrie vectorielle est venue bien après. Celle-ci a eu la primeur quand on s'est rendu compte qu'on pouvait vectorialiser un espace affine (i.e. en faire un espace vectoriel en choisissant une origine à l'espace affine). Alors un espace affine n'est jamais qu'un espace vectoriel translaté d'un point (ou d'un vecteur appartenant à l'espace vectoriel dans le cas des hyperplans affines). (On peut aussi plonger un espace affine comme hyperplan affine d'un espace vectoriel plus vaste, mais la construction n'est pas très naturelle à mon sens.)
    Dès lors, on s'est concentré sur l'espace vectoriel (avec toute l'algèbre linéaire : applications linéaires, matrices, ...), plus facile à manipuler que l'espace affine. Et on pouvait démontrer plus facilement des choses inhérentes à l'espace affine (par exemple les composées d'applications d'affines s'obtiennent plus facilement via les composées d'applications linéaires).
    Il me semble que c'est une erreur d'introduire la géométrie aux collégiens et lycéens avec la géométrie vectorielle, beaucoup moins naturelle, intuitive et immédiate.
    Comment Frenkel (je ne connais pas mais cela doit être quelqu'un de bien) peut-il raconter des choses comme : "mathématiquement parlant, les espaces affines n'existent pas."
    Il me semble que tu sors @stfj des phrases de leur contexte, et cela devient n'importe quoi.
  • Foys
    Modifié (1 Sep)
    @gai requin a dit :
    Non, on prive un espace projectif d'un hyperplan $H$ (projectif, what else ?) pour se placer dans une carte affine $C$ d'hyperplan à l'infini $H$.
    Quelle est la direction de $C$ ?
    On va considérer qu'on sait déjà que (*) l'espace projectif est de la forme $\mathbb P(V)$ où $V$ est un espace vectoriel sur un corps $K$. On considère le groupe $G$ des bijections de $\mathbb P(V)$ sur lui-même qui respectent l'alignement (qui envoient des droites sur des droites). On désigne par $A$ le sous-groupe des éléments de  $G$ qui laissent stable $H$ (ou de façon équivalente: qui laissent stable son complémentaire). On appelle dilatation de $E:= \mathbb P(V) \backslash H$ tout élément $f$ de $A$ qui envoie une droite de $E$ sur une droite de $E$ qui lui est parallèle (c'est-à-dire: pour toute droite $\Delta$ dont l'intersection avec $H$ est un singleton, $f(\Delta) \cap \Delta \subseteq H$) ou bien $f(\Delta) = \Delta$.
    On peut montrer que l'ensemble $D$ des dilatations de $E$ est un sous-groupe de $A$ et que toute dilatation autre que l'identité admet au plus un point fixe. On a donc une partition  $D = \{Id_E\} \coprod Z \coprod T$ où $T$ est l'ensemble des dilatations de $E$ sans point fixe ("translations") et $Z$ l'ensemble de celles avec exactement un point fixe ("homothéties").

    Soit $o \in E$ et $K_o$ l'ensemble des éléments de $Z$ dont $o$ est un point fixe.
    Alors $K_o$ possède une structure de corps (en fait isomorphe à $K$) et $T$ est un espace vectoriel sur $K$ sur lequel $E$ est un espace affine.

    (*) est pour faciliter les raisonnements (!!!) mais aussi pour éviter certaines pathologies (plan de Moulton etc) ou bien les neutraliser (la possibilité que $Aut(K)$ soit non trivial et apparaisse dans le groupe affine $A$ n'affecte pas les translations).

    Y a-t-il une decription de la direction $T$ de $\mathbb P(V) \backslash H$ sans groupes comme ci-dessus?
    Pour assister à toute cette construction sans supposer aucune structure (vectorielle ou autre) préalable mais seulement des axiomes d'incidence très simples (et les bonnes hypothèses de dimension évacuant les exceptions étranges comme le plan de Moulton), on pourra consulter Algèbre géométrique d'Emil Artin.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • C'est intéressant de retrouver le groupe des homothéties-translations dans le contexte projectif. Je regarde si j'ai du temps.

  • GG
    GG
    Modifié (4 Sep)
    Comment Frenkel (je ne connais pas mais cela doit être quelqu'un de bien) peut-il raconter des choses comme : "mathématiquement parlant, les espaces affines n'existent pas."
    Je crois comprendre la phrase de Frenkel ainsi :
    Deux espaces affines sur le même espace vectoriel $V$ sont en correspondance bijective via des vectorialisés et sont par conséquent isomorphes pour toutes les notions géométriques introduites sur l'un et l'autre. Et de même que l'on ramène l'études des groupes symétriques finis à celle de $\mathfrak S_n$, on peut ramener l'étude des espaces affines sur $V$ à celle de l'espace affine canonique $A$ attaché à $V$ puisque son groupe additif agit simplement transitivement sur lui-même par translation. Les points de $A$ sont alors les singletons $\{v\}$, ses droites les classes des sous-espaces de $dim \space 1$, etc.
    De même, l'espace projectif $P(V)$ est le treillis des sous-espaces de $V$.
    L'espace vectoriel est vraiment l'objet fondamental.
    Il est alors amusant de constater que la toute première phrase, chap. I, paragr. 1 du livre "Algebraic Geometry" de Robin Hartshorne soit
    Let $k$ be a fixed algebraically closed field. We define affine n-space over $k$ to be the set of all n-uples of elements of $k$.
    l semble que le sens des mots ne soit pas gravé dans le marbre !
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