Anneaux des entiers d'un corps local

Soit $L/K$ une extension de corps locaux (extensions du corps $\Q_p$). Il est possible de trouver un élément primitif $\alpha$ tel que $L=K(\alpha)$. Je m'intéresse à l'extension des anneaux d'entiers $\mathcal{O}_L$ et $\mathcal{O}_K$.

Pour des extensions de corps de nombres, on sait que l'anneau des entiers est finiment engendré comme $\Z$-module, est-ce le cas également pour des extensions de corps locaux ? C'est-à-dire, $\mathcal{O}_L$ est-il finiment engendré comme $\mathcal{O}_K$-module ?
Si oui, y a-t-il une possibilité de trouver explicitement des générateurs ? Par exemple, on considère l'extension $L=\Q_p(\zeta_p,\sqrt[p]{2})$ de $K=\Q_p$, alors est-il vrai que $\Z_p[\zeta_p,\sqrt[p]{2}]=\mathcal{O}_L$ ?

Réponses

  • Il me semble (c'est un peu loin pour moi, mais j'ai le souvenir que ça se fait avec le lemme de Krasner), qu'en notant $\beta$ tel que $K = \mathbb Q_p(\beta)$, on dispose de deux corps de nombres $K' = \mathbb Q(\beta)$ et $L' = K'(\alpha)$ dont les complétés en n'importe quelle place au-dessus de $p$ sont isomorphes à $K$ et $L$ respectivement, et donc de même pour leurs anneaux d'entiers.

    Alors comme $\mathcal O_{L'}$ est un $\mathcal O_{K'}$-module de type fini, on a le résultat en passant aux complétés : si $x \in \mathcal O_L$, on prend une suite dont le terme général est $x_{1, n}e_1 + \dots + x_{d, n}e_d$ avec $\{e_1, \dots, e_d\}$ famille génératrice de $\mathcal O_{L'}$ en tant que $\mathcal O_{K'}$-module et les $x_{i, n} \in \mathcal O_{K'}$, convergeant (quand $n$ tend vers l'infini) $p$-adiquement vers $x$. Comme $\mathcal O_K \supset \mathcal O_{K'}$ est compact, on peut extraire et quitte à introduire des sous-suites, on peut supposer que chaque $(x_{i, n})_n$ converge vers un $x_i \in \mathcal O_K$. Finalement (les opérations de corps sont continues) on obient $x = x_1e_1 + \dots + x_ne_n$ avec les $x_i \in \mathcal O_K$.
  • $\newcommand{\F}{\mathbf{F}}$Bonsoir,

    heinz, à partir de quels livres (ou sources) étudies-tu les corps locaux ? La propriété que tu demandes est parmi les premières qu'on prouve en général. Par exemple dans Serre, Corps Locaux, §4 Proposition 8.

    Pour ce qui est de trouver explicitement des générateurs, ça dépend de ce que tu te donnes au départ. Pour ce qui est de ton exemple explicite, je vais supposer $p\neq 2$ (c'est vrai aussi si $p=2$ mais c'est encore plus facile).
    L'anneau $\Z_p[\zeta_p]$ est l'anneau des entiers de $\Q_p(\zeta_p)$ car le polynôme minimal de $\zeta_p-1$ est d'Eisenstein. Par ailleurs $X^p-2$ est sans facteurs carrés mod $p$, donc $2$ n'est pas une puissance $p$-ième dans $\Q_p(\zeta_p)$ ssi $2$ n'est pas une puissance $p$-ième dans $\F_p$, auquel cas l'extension $\Q_p(\zeta_p,2^{1/p})/\Q_p(\zeta_p)$ est non-ramifiée et est bien d'anneau des entiers $\Z_p[\zeta_p,2^{1/p}]$ car $\F_p[2^{1/p}]/\F_p$ est l'extension résiduelle correspondante.

    Amitiés,
    Aurel
  • Merci pour la référence, j'ai un exemplaire de Corps locaux et j'ai réussi à trouver cette proposition.

    Quant à l'exemple, j'ai montré que, si $2$ n'est pas une puissance $p$-ième dans $\Q_p$, alors l'extension $\Q_p(\zeta_p,\sqrt[p]{2})/\Q_p$ est totalement ramifiée. Ceci semble contredire ce que vous dites, d'ailleurs je ne comprends pas vraiment à partir de "donc 2 n'est pas".
  • @heinz : Pas convaincu par ma réponse ?
  • Bonsoir,

    En effet, j'ai écrit n'importe quoi : l'extension est totalement ramifiée. J'essaie de me racheter avec une preuve correcte (à vérifier !) :-)

    Il n'y a pas de méthode générale qui te donnera à tous les coups une forme simple pour l'anneau des entiers. Les bons cas sont ceux où tu peux découper ton extension en morceaux qui sont soit non-ramifiés et que tu peux écrire un générateur de l'extension résiduelle, soit totalement ramifiés et que tu peux écrire une uniformisante. On peut toujours se ramener à ces cas mais ce n'est pas toujours facile à faire de manière explicite. Pour un exemple fixé (pas une famille) il y a des algorithmes généraux (les plus classiques étant appelés Round 2 et Round 4).

    Ton exemple est souvent un bon cas :

    On suppose $p\neq 2$ et $2^{p-1}\neq 1 \bmod{p^2}$ (ça arrive souvent, cf Wieferich primes). Soit $F = \Q_p(\zeta_p)$, $\alpha = 2^{1/p}$ et $\pi = \alpha/2-1$ qui est entier sur $F$. Le polynôme minimal de $\pi$ sur $F$ est $E(X) = (2(X+1))^p-2$. Modulo $p^2$ on a $E(X) = 2^p(X^p+1+pX^{p-1}+pX)-2 = 2^pX^p + 2^ppX^{p-1} + 2^ppX + 2^p-2$, et $E$ est donc d'Eisenstein. L'élément $\pi$ est donc une uniformisante, donc l'anneau des entiers est bien $\Z_p[\zeta_p,\pi] = \Z_p[\zeta_p,\alpha]$.

    Peut-être que c'est aussi le cas si $2^{p-1}=1\bmod{p^2}$, je n'ai pas trop le temps d'y réfléchir.

    Amitiés,
    Aurel
  • Merci pour votre réponse.

    J'ai toujours appris qu'un polynôme minimal doit être unitaire, donc je travaille plutôt avec $\sqrt[p]{2}-2$. Effectivement, $\sqrt[p]{2}-2$ est entier sur $\Q_p$ et alors sur $\Q_p(\zeta_p)$, comme racine du polynôme $(X+2)^p-2$, qui est d'Eisenstein sur $\Q_p$. Mais il n'est pas d'Eisenstein sur $\Q_p(\zeta_p)$. En effet, si l'on regarde le terme constant, sous l'hypothèse que $2^{p-1}\not\equiv 1\bmod{p^2}$, on a $v_p(2^{p-1}-1)=1$ et donc $v_{\Q(\zeta_p)}(2^{p-1}-1)=[\Q_p(\zeta_p):\Q_p]=p-1\neq 1$.

    Je crois que la situation est donc plus délicate que vous ne pensez?
  • $\newcommand{\maxi}{\mathfrak{m}}$Bonjour,

    Tu peux me tutoyer ! :-)

    Tu as raison, j'ai regardé rapidement sur $\Q_p$ mais je n'ai pas été très prudent sur l'extension finale...

    Ok reprenons le cas général (mais $p\neq 2$). Notons $v$ la valuation absolue (i.e. $v(p)=1$) et $v_K,v_L,v_F$ etc les valuations normalisées (i.e. d'image $\Z$ sur les corps correspondants). Je note $\varpi = \zeta_p-1$.

    Soit $k = v(2^p-2) = v(2^{p-1}-1)$. On a $0 < k < p-1$.
    Soit $\beta=\alpha/2-1$ qui est de polynôme minimal $E(X) = (X+1)^p-2^{1-p}$. Si $k=1$, le polygone de Newton de $E$ est un unique segment de longueur $p$ et pente $1/p$; si $k>1$ c'est un segment de longueur $p-1$ et pente $1/(p-1)$ suivi d'un segment de longueur $1$ et pente $k-1$ (si je ne me suis pas trompé en calculant les valuations...).
    Du coup je reste sur le cas $k=1$ parce que j'ai la flemme de faire l'autre (mais ceci dit je crois que de toute façon ça montre que $2$ est une puissance $p$-ième dans $F$ quand $k>1$, ce qu'on doit aussi pouvoir voir avec le développement en série de $x \mapsto (1+x)^{1/p}$).
    On obtient $v_L(\beta) = p(p-1)v(\beta) = p-1$. Par ailleurs $v_L(\varpi) = pv_F(\varpi) = p$.

    Par ailleurs il est clair que $\Z_p[\zeta_p,\alpha] = \Z_p[\varpi,\beta]$. Soit $\maxi$ l'idéal maximal de l'anneau des entiers de $L$. Soit $x = \sum_{i,j}x_{i,j}\varpi^i\beta^j$ avec $x_{i,j}\in \Z_p$. Alors $x \bmod{\maxi^{p-1}} = x_{0,0} \bmod{p}$. Donc $\Z_p[\varpi,\beta]$ ne se surjecte pas sur l'anneau résiduel mod $\maxi^{p-1}$ et ne peut donc pas être l'anneau des entiers de $L$ (alors que $\Z_p[\alpha]$ est l'anneau des entiers de $\Q_p(\alpha)$ : comme tu dis, c'est plus délicat !). En revanche, $\pi = \varpi/\beta$ est une uniformisante donc $\Z_p[\pi]$ est l'anneau des entiers de $L$.

    Bon, j'espère ne pas avoir laissé d'autres erreurs... :-)

    Amicalement,
    Aurel
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