nombres premiers jumeaux

Bonjour à tous, ces dernières semaines, je me suis intéressé aux nombres premiers jumeaux.
Voir par exemple l'article de Jean-Paul Delahaye dans « Pour la science ». http://www2.lifl.fr/~delahaye/SIME/JPD/PLS_Nb_premiers_jumeaux.pdf

Tout d'abord, il est facile de voir que tous les nombres intercalaires sont des multiples de six.
En effet, 6n+2 est multiple de 2 donc n'est pas premier.
6n+3 est multiple de 3 donc n'est pas premier.
6n+4 est multiple de 2 donc n'est pas premier.
Seuls 6n+1 et 6n-1 peuvent être premiers et donc seul 6n peut être intercalaire entre deux jumeaux.

Partant de cette considération, j'ai fabriqué, avec algobox, un algorithme qui recherche certains multiples de six qui sont intercalaires entre deux nombres premiers jumeaux.
En fait, j'indique à cet algorithme un nombre que je choisis parmi les nombres premiers.
Ensuite, cet algorithme multiplie ce nombre par les puissances de 2 et de 3.
Pour chacun des nombres obtenus, il regarde si le prédécesseur et le successeur sont premiers.

Deux exemples aideront à comprendre.
Voici la liste de multiples de 5x6=30 que fournit mon algorithme :
30, 270, 810, 60, 180, 1620, 380, 9720, 240, 23040, 15360, 138240, 737280.
Ce sont, en principe car je n'ai pas tout vérifié, tous les multiples de 5 et des premières puissances de 2 et de 3 qui sont intercalaires entre des jumeaux premiers.
Par exemple : 1620 = 2 puiss(2) fois 3 puiss(4) fois 5 ; avec 1619 et 1621 premiers.
Ou encore : 15360 = 2 puiss(10) fois 3 puiss(1) fois 5 ; avec 15359 et 15371 premiers.

Vers une loi plus générale ?
J'ai trouvé 7 nombres intercalaires en cherchant parmi les multiples de 7 et des premières puissances de 2 et de 3. J'ai fait varier les puissances de 2 de 1 à 20 et celles de 3 de 1 à 10.
Par exemple, 183708 = 2 puiss(2) fois 3 puiss(8) fois 7 ; avec 183707 et 183709 premiers.
Le même algorithme trouve 10 nombres intercalaires sur les multiples de 11x6=66.
Par exemple, 202752 = 2 puiss(11) fois 3 puiss(2) fois 11.
Pour tous les nombres premiers de 2 à 100, j'ai trouvé plusieurs multiples des puissances de 2 et de 3 qui sont des nombres intercalaires.
Seul 61 semble n'avoir qu'un seul multiple qui soit un intercalaire : 1124352. Par contre, Algobox ne m'a pas permis de vérifier si 1124351 et 1124353 sont premiers.

Quelqu'un pourrait-il confirmer mes résultats ? Merci. LFR

[Activation du lien. AD]

Réponses

  • Bonjour,

    Ce que vous faites est bien, continuez à chercher !
    Je me suis quant à moi intéressée au problème des jumeaux (en fond de cerveau par intermittence) alors que je travaillais intensément sur la conjecture binaire de Goldbach (tout pair sauf 2 est la somme de deux nombres premiers). Je me plaçais alors dans des produits cartésiens de corps premiers (des sortes d'"espaces multi-bouclants de restes modulaires") qui me semblaient intéressants pour modéliser ce problème.
    Je poste ici le fichier qui résume tout ça : le paragraphe concernant les jumeaux est en bas de la première page mais je ne connais pas suffisamment les structures (corps premiers, produit cartésien de tels corps, etc) pour pouvoir aller plus avant dans ce que j'ai trouvé de ce côté-là. L'idée qui me semble pertinente, c'est cette histoire de problème absolu / problème relatif (Conj.Goldbach / Inf.Nb.1ers.Jumeaux) mais je n'ai eu aucun retour concernant cette petite note de personnes à qui je l'aurais envoyée et qui, elles, "maîtriseraient les structures".
    Je vérifierai si les "pères de jumeaux" (c'est ainsi qu'un professeur m'avait suggéré d'appeler ce que vous appelez les nombres intercalaires, c'est une appelation rigolote de par sa double acception) que vous avez trouvés sont corrects un peu plus tard.

    Cordialement,
    Denise Chemla
    PS : je suis informaticienne de formation.
  • C'est quoi un nombre intercalaire?

    un nombre qui est situé entre deux nombres premiers jumeaux?

    Tu espères trouver une loi générale de formation de ces "nombres intercalaires"? Bon courage, tu vas en avoir besoin de beaucoup. B-)-
    PS:
    1124351 et 1124353 sont premiers.
  • Bonsoir,
    Pour vos vérifications :
    premiers
    Cordialement,
    Denise Chemla
  • Je remercie Denise Chemla pour votre aimable réponse. J'étudierai le pdf que vous m'avez posté.

    Je remercie "fin de partie" de me rappeler que le problème des nombres premiers jumeaux est très difficile. J'ai trouvé tout seul que ces nombres intercalaires, parfois appelés "pères de jumeaux", sont tous des multiples de six. 1124352 n'échappe pas à la règle.

    J'aimerai savoir si quelqu'un avait trouvé cette loi avant moi ?
    Louis-François R.
  • Bonjour,

    Ce n'est ni très compliqué ni très novateur.
    Quand on est congru à 0, 2, 3 ou 4 modulo 6, on n'est pas premier.
    Il reste 1 et 5 (égal à -1), donc forcément, l'intercalaire est 0 (modulo 6).

    Cordialement,

    Rescassol
  • Ce résultat est très connu. Par exemple en 1961 :37741
  • Bonjour,

    @lfr, merci des remerciements (on entre dans un abîme à la Vache qui rit). Il est marrant votre pseudo, il fait penser à la forêt, ou à une marque de téléphone, au choix.

    C'est très bien d'avoir trouvé cette règle tout seul, ne vous préoccupez pas de ceux qui rabattent la joie (même s'il est très intéressant de savoir que quelqu'un (!) a trouvé en 1961 - donc avant vous, tant pis - la même chose que vous ; j'avais retrouvé toute seule la formule de Legendre pour calculer un nombre de nombres premiers (avec beaucoup plus de retard sur lui que vous n'en avez sur celui ou celle qui a eu "votre" idée en 1961) et je peux vous assurer que ça m'avait mise dans un état de fierté pas possible). Je crois sincèrement que vous ne pourrez pas avancer si vous ne vous appropriez pas totalement ce problème : cela passe par le fait d'avoir un grand goût pour lui, mais également parfois par le fait de réinventer la poudre et si vous écoutez Alain Connes ici Etre acteur de ses mathématiques, vous garderez courage puisque vous apprendrez que c'est quand on croit le moins y arriver qu'au contraire on avance, très doucement, et parfois sûrement.
    Ce que j'ai décrit ci-dessus est une option pédagogique et elle ne fait pas l'unanimité, il faut aussi avoir cela à l'esprit.

    Pour l'expression "père de jumeaux", elle m'a été conseillée par Claude-Paul Bruter, un excellent professeur, pédagogue et encourageant, qui a écrit plusieurs livres que je vous conseille (La construction des nombres, ainsi que De l'intuition à la controverse entre autres). Nous avons lui et moi échangé de très nombreux mails pendant 9 ans (de 2005 à 2014) alors que je m'acharnais contre la conjecture de Goldbach. Je lui voue une grande reconnaissance et le remercie ici (il pourrait passer par hasard, qui sait ?).

    Bonne chance !
    Denise
  • Bonsoir Denise Chemla, je vous remercie de vos encouragements. J'ai été très intéressé par votre tableau. Avez-vous remarqué qu'il fournit un algorithme de construction des paires de jumeaux premiers sur le même principe que le crible d'Eratosthène ?

    Dans la colonne 5, on élimine par tranches de 5, le premier et le troisième.
    Dans la colonne 7, on élimine par tranches de 7, le premier et le sixième.
    Dans la colonne 11, on élimine par tranches de 11, le premier et le cinquième, etc.

    Peut-on prouver que cet algorithme n'éliminera jamais tous les multiples de six ?

    Merci aussi de me dire si vous avez essayé ma méthode de construction des pères de jumeaux premiers à partir des puissances de 2 et de 3.
    Cordialement. Louis-François Rigano
  • Bonsoir,

    Non lfr, je n'avais pas remarqué ce que vous dites au sujet des nombres dans le tableau : j'avais supprimé ceux dont le carré vaut 1 modulo les différents premiers, comme expliqué plus haut (par exemple, $48^2 \equiv 1 \;(mod \;7)$ fait que 48 n'est pas un père de jumeaux). Si on savait prouver qu'on n'élimine pas tout le monde à partir d'un certain rang, on aurait une preuve de l'infinitude.

    Je suis désolée de ne pas avoir essayé votre méthode car elle ne me semble pas assez systématique : je ne crois pas qu'elle couvre tous les entiers à tester même s'il serait effectivement possible de prouver l'infinitude de l'ensemble des premiers jumeaux sans avoir une méthode qui les listerait tous.

    Cordialement,
    Denise
  • Bonjour Denise Chemla, l'idée de la preuve serait la suivante.

    Lorsqu'on élimine les multiples de 6 qui sont congrus à 1 modulo 5, il en reste une infinité.
    Ceux-ci sont répartis régulièrement parmi les nombres entiers avec une période de 30 = 6x5.
    Lorsqu'on élimine en plus, les multiples de 6 qui sont congrus à 1 modulo 7, il en reste une infinité.
    Ceux-ci sont répartis régulièrement parmi les nombres entiers avec une période de de 210 = 6x5x7.
    Lorsqu'on élimine encore les multiples de 6 qui sont congrus à 1 modulo 11, il en reste une infinité.
    Ceux-ci sont répartis régulièrement parmi les nombres entiers avec une période de 2310 = 6x5x7x11.

    Comme cette opération se fait toujours avec des nombres premiers, la répartition de chacune des éliminations successives ne recouvrera jamais les précédentes. En d'autres termes, quel que soit le nombre premier choisi, il restera toujours, au-delà de son carré, une infinité de multiples de six qui n'auront pas été éliminés par cet algorithme appliqué aux nombres premiers précédents. L'algorithme laissera toujours des nombres entiers, en quantité infinie, avec une régularité égale au produit de tous les nombres premiers antécédents à tout nombre premier déterminé.

    Qu'en pensez-vous ? Cordialement. Louis-François
  • Bonjour,

    Louis-françois, je n'en pense rien, désolée : ce sont les carrés des pères de jumeaux qui ne doivent pas être congrus à 1 mod tout premier et non les pères de jumeaux eux-mêmes. Ils ne sont pas régulièrement répartis et il faudrait peut-être bien maîtriser la loi de réciprocité quadratique pour réussir de ce côté-là. De plus, je n'en trave que pouic à la théorie analytique des nombres et donc je ne vous serai d'aucune utilité pour votre "ne recouvrira jamais les précédentes" (recouvrer, c'est pour la santé). Je crois que ça aurait à voir avec un théorème de Chebotarev mais n'en suis même pas sûre. Il y avait aussi les "congruences couvrantes d'Erdös" auxquelles j'avais réfléchi un tout petit peu mais il s'agissait là-encore de se placer dans le domaine de la théorie analytique des nombres. Si vous lisez l'anglais, peut-être pourriez-vous aller voir ici : Terence Tao : parity problem obstruction C'est totalement au-dessus de mes capacités. En effet, je fais un blocage total par rapport à l'analyse et je sais exactement à quoi c'est dû : quand notre prof de terminale ou première nous avait montré comment approximer l'aire sous une courbe par les rectangles fins juxtaposés, ça m'avait vraiment énervée : admettons la courbe croissante, je ne voyais pas pourquoi ce qu'on ajoutait à gauche du croisement du côté en haut du rectangle et de la courbe était forcément égal à ce qu'on retranchait à droite. Quand on est un rien psychorigide, ça bloque, définitivement.

    Bonne chance.
    Denise

  • Il ne s'agit pas de remplir exactement la surface entre la courbe et au dessus de l'axe des abscisses par des petits rectangles (c'est rarement possible).
    Dans le cas d'une fonction monotone, on peut encadrer aisément l'aire "sous la courbe" par deux sommes d'aires de rectangles. On peut affiner le processus (prendre des rectangles de moins en moins larges mais plus nombreux) et on peut considérer deux suites numériques qui sont construites aussi comme des sommes d'aires de rectangles et qui convergent vers la même limite, l'aire "sous la courbe" de la fonction.

    C'est plus facile à voir sur un dessin que par une explication littérale.
  • Bonjour Denise Chemla :

    "...comment approximer l'aire sous une courbe par les rectangles fins juxtaposés, ça m'avait vraiment énervée : admettons la courbe croissante, je ne voyais pas pourquoi ce qu'on ajoutait à gauche du croisement du côté en haut du rectangle et de la courbe était forcément égal à ce qu'on retranchait à droite."

    Moi aussi ça m'aurait énérvé si le prof avait dit ça, puisque c'est un mensonge ! Mais il s'agissait seulement d'une approximation (approximativement, on est à Noël, oui, à quelques jours près). Es-tu sûr que tu avais vraiment compris de quoi parlait ton prof ? Car tu peux avoir eu un prof idiot (ça arrive, malheureusement), mais le plus probable est que tu as compris de travers (je connais quelqu'un qui a fait un trimestre de géométrie plane pendant que le prof parlait de géométrie dans l'espace !).

    Une fois qu'on a compris qu'en analyse on parle d'approximations plus ou moins fines et d'inégalité, ce n'est pas particulièrement difficile.

    Cordialement.
  • Aïe, deux vent debout pour défendre l'analyse, et esprit de corps au cas où le professeur se reconnaîtrait (j'ai déjà pratiqué) ! Je n'ai pas voulu dire que je ne comprenais pas ce qu'avait expliqué le professeur, il était excellent, j'ai voulu dire que je n'avais aucun goût pour ce domaine-là. Je préférais alors l'algèbre et la géométrie. Effectivement, je n'aime pas trop les notions d'approximation, de limite vers laquelle ça tend, etc. Mais j'imagine aussi que certains problèmes doivent contraindre à en passer par là. Vous comprendrez qu'il y a pas mal de domaines qui du coup me sont hermétiquement fermés, mais il y a beaucoup de choses à faire dans le domaine des mathématiques discrètes. Et puis on connaît les noms des vrais pros, qui manient allègrement le passage du discret au continu, voire qui ont parlé de leurs épousailles dans un grand lit.
    Je suis contente pour vous si vous avez du goût pour toutes les parties des mathématiques, nous sommes des êtres libres.

    Cordialement.
    D. Vella-Chemla
  • Ok,

    donc ce n'était p)as une question de compréhension, mais de volonté de comprendre ?

    mais c'est effectivement fréquent, chez ceux qui apprennent les maths, de ne pas accepter les idées d'approximation, voire d'inégalité. Je ne sais pas pourquoi, on fait ça partout ailleurs (les sens des mots en français sont approximatifs, les lieux géographiques souvent aussi, etc.

    Mais il y a une fable sur les mathématiques (lieu où tout est soit juste parfaitement, soit faux) qui ne veut pas disparaître ..
  • Non, non, il ne s'agit pas du tout d'une affaire de volonté ; j'ai bien appris toute mon analyse de l'époque, et fait les exercices comme il fallait. A part pour les mathématiciens, c'est comme tout, ça s'oublie. Il s'agit d'un réel problème de goût, de plaisir pris à faire telle ou telle activité, à travailler dans tel ou tel domaine, on ne commande pas ses goûts, on compose avec. Et il est vraisemblable que plus on a de volonté, plus on a de facilité à "composer" avec son absence de goût pour ceci ou cela.

    Merci des posts en tout cas, ils permettent de préciser sa pensée. Et il s'agit d'avis d'amatrice, dans tous les cas.
Connectez-vous ou Inscrivez-vous pour répondre.