Avec les maths modernes, il aurait fallu...

L'idée suivante, tirée de point goodwin qui parle dans un autre fil (fermé maintenant) :



''Avec les maths modernes, il aurait fallu tenir bon, laisser passer 20-30ans pour que la société s'adapte (adapter aussi un peu les thèmes) et il est probable que le niveau mondial en maths se serait très largement élevé (les autres pays prenant la suite de la France) ''

est intéressante. Ce n'était pas une expérience, et malgré quelques perversions et la mise en accusation de Bourbaki qui n'y était vraiment pas pour grand chose, je trouve qu'on a vite arrêté alors que cela marchait bien. Les tables de multiplication étaient sues quand même, les fractions comprises, et intersecter des papates était vite appris et formait plus facilement à la logique que la lecture d'Aristote. 'Ce passé aurait fait un meilleur futur' comme on dit sur Gaia Universitas.

Réponses

  • Je suis plutôt d'accord, à quelques nuances minimes près.

    A 48 ans, je suis un enfant des "maths modernes".

    S'il y avait quelques excès (la notion d'angle, de Cos et Sin comme l'a déjà souligné Rouletabille), cette réforme représente, avec le recul, l'âge d'or de l'enseignement des mathématiques en France.

    Certes, arriver en 2nde C et attaquer l'année avec les espaces vectoriels de type fini à l'âge de 15 ans (14 ans pour moi) peut paraître ardu, mais j'ai le souvenir que, dans ma classe, passé la première semaine un peu surprenante et qui demandait un temps d'adaptation, les gens s'en accommodaient parfaitement, et ce pour la plupart d'entre nous.

    La massification à tué cette réforme, et aussi l'indifférenciation de la classe de seconde. Je me souviens qu'à l'époque, l'un des principaux griefs fait à l'encontre des maths modernes fut de dire, en gros, que l'école n'était pas là pour former uniquement des professeur de mathématiques ou des mathématiciens.

    Cet argument est nul et non avenu. J'ai retrouvé, sur Copainsdavant, une photo de ma classe de 1ère C. Sur les gens inscrits, aucun n'est devenu mathématicien ou professeur de mathématiques (plutôt ingénieur, chirurgien dentiste ou médecin).

    En revanche, quelque chose me pèse, et je voudrais en profiter pour me soulager ici : j'ai choisi ce métier pour transmettre ce que j'ai moi-même appris et passer le relais. Force est de constater qu'avec les intervalles de fluctuation asymptotique, je ne transmets rien de ce que j'ai appris.

    Bof !...
  • Peut-être que ça marchait bien à l'époque des maths modernes, mais est-ce que ça marchait mieux que dans les années 1960 (avant l'arrivée de celles-ci) ou vers 1985 (après l'abandon de celles-ci) ?
  • Tout d'abord, à chaque fois qu'une réforme se termine administrativement, elle ne se termine pas dans les faits à la date donnée par l'administration : il y a toujours une certaine forme d'inertie (heureuse, ici) qui prolonge l'enseignement au-delà des dates officielles.

    Le problème aujourd'hui est double :

    1. L'abandon de toute forme de raisonnement dans l'enseignement des mathématiques dans le secondaire.

    2. L'idée même que les mathématiques, telles qu'on les a apprises avant, seraient désuètes (je me souviens d'une IPR disant à une collègue lors d'une inspection en seconde, au mois d'avril dernier, que, je cite, "factoriser, c'est dépassé !").

    Je ne pense pas qu'avant les années 60, au temps des math'élem et autres sciences ex, ces deux points figuraient dans les mentalités de l'époque.

    En revanche, à partir de la fin des années 90 et du ministre C. Allègre, ces deux points sont petit à petit entrés en force dans les mentalités.

    Et ça ne va pas être évident d'inverser la tendance...
  • Le problème c'est que le concept a été poussé beaucoup trop loin. Au lieu de faire un truc qui monte en puissance pour arriver à son maximum à la fin du lycée, on attaquait bille en tête en expliquant à des cinquièmes qu'un vecteur c'est une classe d'équivalence de points du plan selon la relation d'équipollence... C'était complètement délirant.

    L'abstraction doit venir consolider et apporter du recul sur une notion qui est déjà plus ou moins comprise/intuitée. Quand on explique les fractions à quelqu'un pour la première fois (typiquement un enfant) on partage des tartes en morceaux, on dit pas : ok je définis une relation d'équivalence sur les couples d'entiers, blablabla.Essayez de faire comme ça puis demandez : calculer 3/7 de 20 €. Vous allez pas être déçu du voyage. Ca parait évident dit comme ça mais c'est plus ou moins comme ça que les maths modernes voyaient le truc...

    Maintenant on est revenu trop en arrière en supprimant toute forme d'abstraction. Merci les apprentis sorciers qui font les programmes, ils sont autant à blâmer sur l'échec des maths modernes que sur le creux abyssal que constituent les programmes actuels.
  • Il faut noter qu'à l'époque où on a décidé de flinguer le Bac C (Lionel Jospin ministre de l'éducation; avec Claude Allègre comme conseiller spécial), la période des maths modernes était finie depuis une dizaine d'années.
    Voir http://jpdaubelcour.pagesperso-orange.fr/histoire20.html en particulier "La contre-réforme des années 80".
    C'est cette contre-réforme qui est à l'oeuvre à l'époque où les effectifs en maths culminent et où on décide de casser les pattes des maths. Victime de sa réussite ?
  • @aléa:

    il semble que plusieurs phénomènes se superposent dans les années 1960-1980

    - la réforme des maths modernes (Lichnerowicz,1966) est une bonne réforme sur le plan intellectuel.
    Elle a très certainement été conduite par des intellectuels pour réhausser
    et moderniser le niveau en sciences et en mathématiques de la France de l'époque
    (elle se caractérisait par une géométrie un peu poussièreuse avant cette réforme, style
    faisceau de cercles à points de Poncelet)

    Mais ce n'était pas stricto sensu une réforme démocratique mais plutot une réforme intellectuelle.


    - là dessus, les décideurs (économiques et politiques) souhaitent, dans les années 1970, que tout le monde ait le baccalauréat

    - ils ne mettent pas l'argent et les moyens nécessaires sur la table pour que cet objectif, il faut le dire "ambitieux",
    se réalise et abaissent et affadissent le niveau mathématique pour réaliser cet objectif "80\% de bacheliers"

    ça a été bureaucratique et stalinien, pour que tout lemonde ait le bac, on casse le niveau.

    donc , au final, on est dans le clapot avec une réforme puis son contraire.

    cordialement,
  • Les concepteurs du programme "maths modernes" avaient manifestement pensé faire une progression dans l'abstraction: le problème est qu'elle a été (très) mal conçue. On commençait par définir les entiers relatifs comme des classes d'équivalence de couples d'entiers (ce qui était lourd et pas très utile car un entier relatif est une notion relativement intuitive) en classe de 5-ième. Le malheur est qu'on passait de là aux vecteurs comme classes de bipoints en 4-ième (et que, cerise sur le gâteau, la droite affine était définie de manière abracadabrante; probablement pour introduire à l'idée d'action de groupe?), rendant tout le programme de géométrie de ce niveau parfaitement incompréhensible (pour les enseignants aussi). La définition des fractions comme classe d'équivalence ne posait, elle, pas de problème (et il est en fait assez difficile de définir des fractions autrement.... faire des calculs sur des fractions avec des petits dénominateurs est plus du ressort de l'ecole primaire).
  • Bonjour.

    peut-on rappeler que plusieurs concepteurs des programmes "mathématiques modernes" ont démissionné lors de la création des programmes de quatrième (par exemple le regretté Maurice Glaymann, admirable pédagogue des IREM).

    Le passage par les classes d'équivalences en sixième (bases numériques) et cinquième ne posait de problèmes qu'à ceux qui restaient dans la théorie. On pouvait le faire simplement, par exemple comme les fiches Galion. De même que le nombre comme classe d'équivalence est vu en primaire (ce qu'il y a de commun à deux groupes d'objets en bijection) sans théorie (moi, c'était avec des buchettes, qu'on ramassait par paquets de 10).

    Effectivement, la bonne réaction fut en 82-83 la rénovation des programmes (Coprem) à laquelle j'ai participé de loin : jeter l'eau du bain pas le bébé. Puis il y eut la casse du bac C, les coefficients littéraires aussi importants que ceux de maths physique et biologie réunis, et 20 ans d'insistance sur "c'est abstrait, donc c'est trop difficile". Tout ça appuyé sur l'idée que les maths ne servent qu'à sélectionner.

    Dommage.
  • J'ai été scolarisé après les maths modernes, mais il y avait encore quelques restes :

    - dessins de patates au collège (pas de soucis pour moi)
    - à chaque fois qu'on introduisait $\Q$, $\R$, ou les vecteurs, on indiquait/démontrait les propriétés des opérations (associativité, commutativité, etc). Je ne comprenais pas pourquoi on démontrait sans arrêt ce genre "d'évidences". Il m'aurait manqué des exemples d'opérations non commutatives ou non associatives pour me convaincre de l'intérêt de ce genre de questionnements.
    - introduction de $\Q$ avec les classes d'équivalence. Je ne comprenais pas pourquoi on écrivait $\frac{8}{6}\equiv \frac{4}{3}$ et non $\frac{8}{6}=\frac{4}{3}$.
    - bipoints équipollents : j'ai mis un moment avant de comprendre ce qu'était un vecteur.
  • Et moi, qui ai été scolarisé avant les maths modernes, je n'ai eu aucune difficulté à comprendre ce qu'étaient des bipoints équipollents et des vecteurs (on les introduisait ainsi dans les années 1960). Donc la façon de faire du prof doit avoir une certaine importance : C'est à lui de faire sentir ce qu'on fait quand on utilise une classe d'équivalence.

    Cordialement.
  • les préserver...

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    avec le dico...
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