Polynôme irréductible de degré pair sur $\Q$

marco
Modifié (26 Nov) dans Algèbre
Bonjour,
Soit $k$ un entier, est-ce qu'il existe $P$ un polynôme irréductible de $\Q [X]$ de degré $2k$ tel que toutes les racines de $P$ dans $\C$ sont réelles ?
Si $k$ est une puissance de $2$, j'arrive à construire un tel polynôme (en considérant le polynôme annulateur de $\sqrt{p_n}+ \cdots+ \sqrt{3}+\sqrt{2}$, où $p_n$ est le $n$-ième nombre premier), mais sinon je ne sais pas. Par exemple, si $2k=6$.
Merci.

Réponses

  • On construit, à l'aide des polynômes interpolateur de Lagrange (en prenant des valeurs rationnelles), un polynôme de degré $2k$ qui effectue $2k$ changement de signes. On se retrouve avec un polynôme de degré $2k$ à coefficients dans $\Q$ qui a toutes ses racines réelles. J'ai envie de dire que sauf mauvais coup de bol, il sera irréductible.

    Exemple : pour $2k=6$, on prend le polynôme qui vaut respectivement $1,-1,1,-1,1,-1,1$ en $0,1,2,3,4,5,6$. On obtient $\dfrac{1}{45}(4 X^6  - 72 X^5  + 490 X^4  - 1560 X^3  + 2296 X^2  - 1248 X + 45)$, dont on peut vérifier avec un logiciel de calcul formel qu'il est bien irréductible sur $\Q$.

  • Soit $d$ un entier et pour tout anneau commutatif $K$, $K_d[X]$ l'ensemble des polynômes de degré au plus $d$ à coefficients dans $K$. L'ensemble des éléments irréductibles de $\Q_d[X]$ est-il dense dans $\R_d[X]$ (pour sa topologie usuelle de $\R$-espace vectoriel de dimension finie)?
    Le cas échéant et avec l'idée de @Guego on pourrait alors conclure.

    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Foys a dit :
    L'ensemble des éléments irréductibles de $\Q_d[X]$ est-il dense dans $\R_d[X]$ (pour sa topologie usuelle de $\R$-espace vectoriel de dimension finie)?
    Je pense que oui. Si $P\in\R[X]$ est de degré $d$, soit $Q\in \Z/2\Z[X]$ de degré $d$ irréductible. Il existe une suite $P_k$ de polynômes tels que $P_k\in \frac{1}{2k+1}\Z[X]$ avec $P_k$ de degré $d$, convergeant vers $P$, tels que $P_k$ soit congru à $Q$ modulo $2$. Alors $P_k$ est irréductible pour tout $k$.
  • Très astucieux ! Merci @Guego , @Foys , @JLT .
  • Foys
    Modifié (27 Nov)
    Merci et surtout bravo à @JLT pour le recours à l'arithmétique modulaire (afin d'établir l'irréductibilité d'un polynôme; on n'y pense jamais :( ).
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • De passage ! 

    Un exemple explicite , prendre pour k pair, $P(X)=1+ \cdot (x-1)(x-2)\cdots(x-k)$  et pour k impair,  $P(X)=1+ \cdot (x-1)(x-2)\cdots(x-(k-1))$
     
    Lorsque notre cher Nico, le professeur, intervient dans une question d'analyse, c'est une véritable joie pour les lecteurs..


  • LP2
    LP2
    Modifié (27 Nov)
    @Gebrane : le polynôme $1+(X-1)(X-2)$ n'est pas scindé sur $\mathbb{R}$ comme demandé (ou alors il y a quelque chose que je n'ai pas compris).

    @Marco : un théorème de Schur, utilisant le polygone de Newton et une généralisation du théorème de Tchebichef (ou postulat de Bertrand), affirme que, pour tout entier $d\in\N^*$, si $a_0$, $a_1$, ..., $a_d$ sont des entiers tels que $a_0$ et $a_d$ sont premiers avec $d!$ alors le polynôme $\dfrac{a_d}{d!}X^d + \dfrac{a_{d-1}}{(d-1)!}X^{d-1}+\cdots +\dfrac{a_1}{1!}X+a_0$ est irréductible sur $\mathbb{Q}$.
    On en déduit en particulier que les polynômes de Laguerre définis par $L_d=\displaystyle \sum_{k=0}^d (-1)^k \dbinom{d}{k}\dfrac{X^k}{k!}$ sont irréductibles sur $\mathbb{Q}$ pour tout entier $d\in \N^*$. Mais, par ailleurs, ce sont des polynômes orthogonaux donc ils sont scindés sur $\mathbb{R}$.
  • Bonjour LP2, le lien que j'ai donné ne marche pas ( il y a une condition que je n'ai pas mentionné le k >4 )
    le voici https://math.stackexchange.com/questions/2791944/finding-an-irreducible-polynomial-of-degree-n-in-mathbb-qx-with-real-root
    d'après le lien le polynôme modifié $P(X)=1+5 \cdot (x-1)(x-2)\cdots(x-k)$ marche 
    Lorsque notre cher Nico, le professeur, intervient dans une question d'analyse, c'est une véritable joie pour les lecteurs..


  • Merci @LP2 et @gebrane .
  • @LP2 : sur quel intervalle, les polynômes de Laguerre sont-ils orthogonaux ? Je vois qu'ils seront donc scindés avec les zéros dans cet intervalle. 
  • gebrane
    Modifié (28 Nov)
    les polynômes de Laguerre sont orthogonaux sur $\mathbb R^+$  ( avec le poids $e^{-x}$)
    Pour ces racines, elles sont toutes réelles distinctes http://vonbuhren.free.fr/Prepa/Problemes/Polynomes_Laguerre.pdf

    Lorsque notre cher Nico, le professeur, intervient dans une question d'analyse, c'est une véritable joie pour les lecteurs..


  • Je me demande si quelqu'un peut donner une preuve simple du fait que le polynôme $$P(X)=1+5(X-1)(X-2)\cdots (X-n)$$ a toutes ces racines réelles ( sans regarder le lien que j'ai donné). Je trouve le 5 mystérieux 
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  • MrJ
    MrJ
    Modifié (28 Nov)
    Je ne sais pas répondre exactement pour le polynôme donné, mais on peut remarquer, comme l'ensemble des polynômes scindés à racines simples est un ouvert, que $P(X)= 1 + A (X-1)\cdots (X-n)$ est aussi scindé à racines simples pour tout $A$ suffisamment grand en module.
  • LP2
    LP2
    Modifié (28 Nov)
    @Gebrane : Sauf erreur de ma part, on peut raisonner ainsi.
    Notons $P=(X-1)(X-2)\cdots(X-n)$. Ce polynôme change $n$ fois de signe en $1$, $2$, ..., $n$. En ajoutant $1$ à $P$, on va augmenter les valeurs prises par $P$ et, pour qu'il reste scindé, il suffit qu'il conserve des valeurs négatives sur les intervalles où $P$ est négatif. Or, on vérifie que, pour tout $q \in\llbracket 0, n \rrbracket$,
    \[P\left(\dfrac{2q+1}{2}\right)=(-1)^{n-q} \prod_{k=1}^q \dfrac{2k-1}{2} \prod_{j=1}^{n-q} \dfrac{2j-1}{2}.\]
    Dans ces produits, tous les termes sont supérieurs à $1$ sauf les termes d'indices $k=1$ et $j=1$ qui valent $\dfrac{1}{2}$. Ainsi, la valeur absolue de $P\left(\dfrac{2q+1}{2}\right)$ est égale à $\dfrac{1}{4} \times A$ où $A \geqslant 1$. Dès lors, la valeur absolue de $5P\left(\dfrac{2q+1}{2}\right)$ est strictement supérieure à $1$ ce qui assure que $1+5P$ conserve des valeurs strictement négatives sur chaque intervalle où $P$ est négatif donc $1+5P$ est scindé sur $\mathbb{R}$ (puisque sur les autres intervalles $1+5P$ est positif).
    Fondamentalement, l'idée est qu'en multipiant $P$ par $5$, on augmente suffisamment ses oscillations pour que sa courbe reste en dessous de l'axe des abscisses même en la translatant de 1 vers le haut. Et en fait, le coefficient $5$ ne sert vraiment que pour les petits degrés...

  • Merci LP2 pour ces details
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  • En fait, la preuve est analogue à celle prouvant que l’ensemble des polynômes scindées à racines simples est un ouvert.
  • En fait, je me rends compte d'une chose qui m'avait échappé : le facteur $5$ est également intéressant pour l'irréductibilité. En effet, en notant, pour tout $n\in\mathbb{N}^*$, $Q_n=1+5(X-1)(X-2)\cdots(X-n)$, tous les coefficients de $Q_ n$ sont divisibles pas $5$ sauf son coefficient constant. De plus, son coefficient dominant est $5$ qui n'est pas divisible par $5^2$ donc, par le critère d'Eisenstein-Schönemann, $X^nQ_n(\frac{1}{X})$ est irréductible sur $\mathbb{Q}$ et, par suite, $Q_n$ est également irréductible sur $\mathbb{Q}$.
  • Merci pour les réponses, sur les polynômes de Laguerre et sur le polynôme $1+5(X-1)(X-2) \cdots (X-n)$.
  • @marco : avec plaisir !
    C'est une question isolée ou elle est motivée par autre chose ?
  • Effectivement, le 5 joue un rôle dans l'irréductibilité dans $\Q$ quelque soit le degré, vu ce travail 
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  • Quelqu'un m'a demandé quels étaient les corps $K$ pour lesquels toutes les matrices symétriques étaient diagonalisables. Ce sont les corps réels clos, il me semble. Je crois avoir déjà posé la question sur le forum il y a quelque temps. Je vois pourquoi le corps $K$ doit être totalement ordonné. Sinon, on peut construire une matrice symétrique et nilpotente non nulle (donc non diagonalisable). Pour le fait que le corps $K$ d'admet pas d'extension algébrique ordonnée, il faut montrer que, pour tout polynôme $P$ irréductible dans $K[X]$ n'admettant que des racines réelles, il existe une matrice symétrique ayant $P$ comme polynôme caractéristique (à moins qu'il y ait moyen de faire autrement). De plus, je ne sais pas non plus montrer que $K \subset \R$ si c'est vrai, mais je l'ai supposé.
    C'est un peu différent mais c'est pourquoi je pose la question sur la construction de polynômes irréductibles à racines réelles.
  • gebrane
    Modifié (30 Nov)
    J'avais rencontré cette question,  Je donne la caractérisation pour ne pas tuer la question 
    Un  corps  où  toute matrice symétrique  est diagonalisable ssi -1 n'est pas une somme de carrées dans K 
    edit, je corrige vu le message de MC, il y a un manque Un  corps  où  toute matrice symétrique  est potentiellement diagonalisable ssi -1 n'est pas une somme de carrées dans K 
    potentiellement diagonalisable dans un corps K signifie diagonalisable dans la clôture algébrique de  K
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  • Suspect : les matrices symétriques rationnelles seraient-elles diagonalisables (sur $\Q$) ?
  • Merci @Marco pour la réponse.
    Un article en lien avec le sujet où l'on montre qu'un corps $K$ est tel que toute matrice symétrique à coefficients dans $K$ est diagonalisable en base orthonormée si et seulement si $K$ est une intersection de corps réels clos.
  • Une question qui est un peu en rapport avec la problématique : quels sont les polynômes rationnels irréductibles dont les racines sont sur le cercle ? Les polynômes cyclotomiques ?
  • MrJ
    MrJ
    Modifié (1 Dec)
    Il n’y a pas que les polynômes cyclotomiques. Par exemple, si on note $z=\dfrac35+i\dfrac45$, alors $(X-z)(X-\bar{z})$ est irréductible sur $\Q$.

    Plus généralement $X^2+qX+1$ avec $q\in\Q$ et $|q|<2$ est irréductible sur $\Q$ et ses deux racines sont sur le cercle. Ce sont tous les polynômes possibles de degré 2 avec les conditions demandées.

    Je ne sais pas s’il en existe de degré plus grand.
  • MrJ
    MrJ
    Modifié (1 Dec)
    Je pense qu'il est possible de construire des polynômes irréductibles sur $\Q$ pour n'importe quel degré pair. Par exemple, si on note $z=\sqrt{\dfrac{3}{5}}+i\sqrt{\dfrac25}$, alors le polynôme
    $$(X-z)(X-\bar{z})(X+z)(X+\bar{z}) = X^4 - \dfrac{2}{5}X^2 + 1$$
    est irréductible sur $\Q$ et ses racines sont sur le cercle unité.
  • LP2 l’a presque dit: un polynôme $f(z) \in \mathbb{Q}[z]$ de degré $n>1$, irréductible sur $\mathbb{Q}$ possède une racine sur le cercle unité si $n$ est pair et $z^nf(1/z)=f(z)$.
  • Je crois que le polynôme $(X+1)^n-1-X^n$ est irréductible et il a ses racines sur le cercle unité.
  • Une manière de compter les racines présentes sur le cercle unité d’un polynôme 
    \begin{equation}
    f(z)=c_nz^n+c_{n-1}z^{n-1}+…c_1z+c_0
    \end{equation}
    de degré pair $n=2m$ (avec une petite condition supplémentaire sur les coefficients) est d’exprimer $f$ en fonction de $z+\frac{1}{z}$:
    \begin{equation}
    f(z)=z^mg\big(1+\frac{1}{z}\big)
    \end{equation}
    On regarde alors les racines du polynôme $g$ de degré $m$ qui se trouvent sur l’intervalle $[-2,2]$. Elles sont en correspondance avec les racines de $f$ sur le cercle unité !
    Si $g$ possède $r$ racines sur $[-2,2]$, alors $f$ possède $2r$ racines sur le cercle unité.
    La démonstration est dans l’article de Keith Conrad ci-dessous.
  • LP2
    LP2
    Modifié (1 Dec)
    LP2 l’a presque dit: un polynôme $f(z) \in \mathbb{Q}[z]$ de degré $n>1$, irréductible sur $\mathbb{Q}$ possède une racine sur le cercle unité si $n$ est pair et $z^nf(1/z)=f(z)$.
    Heureusement que j'ai presque dit cela... et que je ne l'ai pas dit, parce que c'est faux  ;)
    Le polynôme $X^2+3X+1$ est symétrique et irréductible sur $\mathbb{Q}$ mais ses racines sont $\dfrac{-3\pm \sqrt{5}}{2}$ qui ne sont pas sur le cercle unité.
  • LP2
    LP2
    Modifié (1 Dec)
    Hypocrates a dit :
    Je crois que le polynôme $(X+1)^n-1-X^n$ est irréductible et il a ses racines sur le cercle unité.
    Ce polynôme ne peut pas être irréductible puisque qu'il se factorise pas $X$ (et même par $X(X+1)$ lorsque $n$ est impair).

    Pour revenir à ta question initiale, c'est faux en général comme l'a montré MrJ. En revanche, c'est vrai si on suppose que le polynôme est unitaire et à coefficients entiers d'après un théorème dû à Kronecker. Je joins un démonstration particulièrement rapide de ce résultat.
  • biguine_equation
    Modifié (1 Dec)
    Ah oui: la condition « irréductible sur $\mathbb{Q}$ » était en trop.
  • $(X+1)^{2n+1}-1-X^{2n+1}=X(X+1)Q(X)$ avec $Q$ irréductible.
  • LP2
    LP2
    Modifié (1 Dec)
    Hypocrates a dit :
    $(X+1)^{2n+1}-1-X^{2n+1}=X(X+1)Q(X)$ avec $Q$ irréductible.
    Non plus... $(X+1)^7-1-X^7=7X(X+1)(X^2+X+1)^2$.
  • Si $3$ divise $2n+1$, alors $Q$ est irréductible.
  • Les polynômes rationnels irréductibles dont les racines sont sur le cercle unité sont-ils denses dans les polynômes dont les coefficients sont inférieurs à un en valeur absolue ?
  • Hypocrates a dit :
    Si $3$ divise $2n+1$, alors $Q$ est irréductible.
    Tu as une démonstration ?
  • Il s'agit d'un polynôme classique qui est étudié, si $3$ ne divise pas, $j$ est racine.
  • Hypocrates a dit :
    Il s'agit d'un polynôme classique qui est étudié, si $3$ ne divise pas, $j$ est racine.
    Cela ne répond pas à ma question...
  • Merci @LP2 pour l'article, mais le lien ne fonctionne pas, il me semble.
  • Marco, j'ai pu avoir l'article. Il faut descendre dans les pages.

    Cordialement.
  • Hypocrates a dit :
    Les polynômes rationnels irréductibles dont les racines sont sur le cercle unité sont-ils denses dans les polynômes dont les coefficients sont inférieurs à un en valeur absolue ?
    En l'état, la question n'a pas de sens. Vois-tu pourquoi ?
  • @gerard0 : je pense que @marco fait référence au premier lien que j'ai mis. Et qui en effet ne fonctionne pas... puisque c'est un lien vers mon disque dur :)
    Je mets l'article en pièce jointe.
    Pour revenir à la question de @marco, on a vu que : 
    • les corps sur lesquels toute matrice symétrique est diagonalisable dans une clôture algébrique sont les corps réels (ou formellement réels) i.e. les corps dans lesquels $-1$ n'est pas une somme de carrés ;
    • les corps sur lesquels toute matrice symétrique est diagonalisable en base orthonormée sont les intersections de corps réels clos.
    La question initiale reste donc en suspens : sait-on caractériser les corps $K$ sur lesquels toute matrice symétrique est diagonalisable sur $K$ ?

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