Une citation de Roger Godement sur l'enseignement des mathématiques.

Cette citation est extraite de la préface de son cours d'algèbre, aux pages 15 et 16. On pourra trouver l'intégralité de cette préface sur ce site (il s'agit d'un extrait et non bien sûr de la totalité  du livre).

Beaucoup de gens, et notamment la plupart de ceux qui se bornent à utiliser les Mathématiques, prétendent que lorsqu'on écrit pour les débutants il est inutile, ou même nuisible, d'essayer de faire preuve d'une trop grande rigueur, de tout démontrer, d'introduire des notions trop générales, d'utiliser une terminologie strictement définie et dépourvue de discours fleuris. S'ils avaient raison, cela voudrait dire que, contrairement aux mathématiciens professionnels, et au bon sens, les débutants comprennent d'autant plus facilement un texte mathématique qu'il est plus mal rédigé. Les latinistes professionnels, c'est leur métier, comprennent les inscriptions tronquées qu'on extrait tous les jours du sous-sol de l'Italie, mais il n'est encore venu l'idée à aucun professeur de Latin de les utiliser pour enseigner cette langue aux débutants - on préfère avoir recours à des grammaires bien écrites... Il en est de même en Mathématiques, et lorsqu'il s'agit d'interpréter le sens d'une définition obscure, de compléter une démonstration insuffisante, ou de déceler les véritables raisons d'un théorème, on ne peut pas raisonnablement espérer que le débutant fasse preuve du même flair que le professionnel.
Vous l'aurez peut-être deviné, votre serviteur est loin de partager toutes les idées politiques de Roger Godement, notamment celles exprimées dans ses livres de mathématiques cependant je suis totalement d'accord avec cet extrait et suis consterné par la très grande régression qui est constatable dans l'état d'esprit du monde enseignant à ce sujet, par rapport à ce qu'il était lorsque la première édition de ce livre avait été rédigée et qu'au fond la gauche enseignante considérait encore que la diffusion au plus grand nombre de savoirs de très haute qualité non galvaudés participait au progrès social (alors que maintenant on les confond avec des leviers que les riches pourraient prétendument exploiter pour favoriser la réussite sociale de leurs enfants au détriment des enfants des pauvres et à ce titre on impose délibérément l'enseignement le plus bête possible).

En tout cas bonne lecture.
Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.

Réponses

  • Et sur quels leviers s'appuie la droite pour pérenniser de facto cet enseignement le plus bête possible ?
  • Déjà dix minutes et zero réactions..?, c'est que les réponses doivent être copieusement en train de se tresser.
  • Foys
    Modifié (31 Oct)
    La droite ne se préoccupe pas d'enseignement @gai requin , elle se borne à dénigrer de temps en temps les profs quelle connaît mal selon des clichés récurrents ("fainéants", "fonctionnaires", "maçons" etc), elle délaisse de fait totalement la gestion du problème à la gauche qui est aux commandes (dans le monde éducatif j'entends) depuis toujours (mais avant c'était mieux D:  ).
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Quand on lit les ouvrages pour étudiants débutants de Roger Godement, on comprend ce qu'il veut dire.
    Lui prend le temps "d'interpréter le sens d'une définition obscure, de compléter une démonstration insuffisante, ou de déceler les véritables raisons d'un théorème", et ne se contente pas d'écrire des définitions et preuves formelles. Il est même capable d'écrire une "preuve" trop légère et donc fausse pour expliquer pourquoi on a choisi une définition aussi compliquée ou développé une preuve complexe.

  • stfj
    Modifié (31 Oct)
    J'aimerais illustrer ce propos de Godement par le produit scalaire de base dans le plan. Pour n'importe quel matheux, c'est $$\mathbb R^2\times \mathbb R^2\to \mathbb R$$ $$((x,y),(x',y'))\mapsto xx'+yy'$$Or que lisons-nous ?$$\overrightarrow{AB}\cdot \overrightarrow{AC}\doteq \overline{AB}\times\overline{AH}$$où $H$ est "le projeté orthogonal de $C$ sur $(AB)$" obtenu en suivant le bras de l'enseignant du point à la craie dessiné au tableau jusqu'à la ligne tracée entre les deux autres points à la craie.
    Je ne peux que citer Godement : " lorsqu'il s'agit d'interpréter le sens d'une définition obscure, de compléter une démonstration insuffisante, ou de déceler les véritables raisons d'un théorème, on ne peut pas raisonnablement espérer que le débutant fasse preuve du même flair que le professionnel." Je mets au défi en effet un jeune ayant assisté à un tel cours de disposer de l'outil produit scalaire.
    Pire, s'il a besoin plus tard de savoir qu'un produit scalaire est une forme bilinéaire symétrique définie positive, ce genre de "cours" ne pourra que lui nuire.
    Godement avait en tête les étudiants triés sur le volet arrivant à Paris VII dans les années 60. On peut espérer que de tels étudiants s'en sortent. Mais les lycéens des lycées de la soi-disant "démocratisation scolaire", leur sort avec de tels cours$^1$ est garanti.
    ____________________________
    $^1.-$ idem dans math, nouvelle collection Durrande, 2nde, lycée 81, p. 208. 50 ans que ça dure ! Au moins.
  • Sophisme dit de l'homme de paille détecté!
    S'ils avaient raison, cela voudrait dire que, contrairement aux mathématiciens professionnels, et au bon sens, les débutants comprennent d'autant plus facilement un texte mathématique qu'il est plus mal rédigé.


    Le passé est sinistre, le présent terne, mais heureusement nous n'avons pas d'avenir.
  • Les livres de Godement  ont certainement été écrits quand même pas 30% d'une classe d'âge allait en terminale.
    Le passé est sinistre, le présent terne, mais heureusement nous n'avons pas d'avenir.
  • @Foys: L'enseignement le "plus bête possible" c'est pas d'enseignement du tout.
    C'est à quoi conduirait ce que tu préconises pour l'école.
    Le passé est sinistre, le présent terne, mais heureusement nous n'avons pas d'avenir.
  • Vassillia
    Modifié (31 Oct)
    Beaucoup de gens, et notamment la plupart de ceux qui se bornent à utiliser les Mathématiques, prétendent que lorsqu'on écrit pour les débutants il est inutile, ou même nuisible, d'essayer de faire preuve d'une trop grande rigueur, de tout démontrer, d'introduire des notions trop générales, d'utiliser une terminologie strictement définie et dépourvue de discours fleuris. S'ils avaient raison, cela voudrait dire que, contrairement aux mathématiciens professionnels, et au bon sens, les débutants comprennent d'autant plus facilement un texte mathématique qu'il est plus mal rédigé. Les latinistes professionnels, c'est leur métier, comprennent les inscriptions tronquées qu'on extrait tous les jours du sous-sol de l'Italie, mais il n'est encore venu l'idée à aucun professeur de Latin de les utiliser pour enseigner cette langue aux débutants - on préfère avoir recours à des grammaires bien écrites... Il en est de même en Mathématiques, et lorsqu'il s'agit d'interpréter le sens d'une définition obscure, de compléter une démonstration insuffisante, ou de déceler les véritables raisons d'un théorème, on ne peut pas raisonnablement espérer que le débutant fasse preuve du même flair que le professionnel.
    Bah Foys a loupé le mot important, bien sûr qu'il faut essayer, je suis d'accord, lorsque c'est possible, c'est mieux. Je ne vois pas qui pourrait être en désaccord.
    Mais réussir au détriment de la compréhension de tout le public à qui on doit enseigner, c'est juste ridicule, sauf que pour s'en rendre compte, il faut avoir un public ;)
    La philosophie nous enseigne à douter de ce qui nous paraît évident. La propagande, au contraire, nous enseigne à accepter pour évident ce dont il serait raisonnable de douter. (Aldous Huxley)
  • stfj
    Modifié (31 Oct)
    Dans Algèbre, Godement présente si je me souviens bien les espaces vectoriels sur un corps commutatif comme un cas particulier des modules sur un anneau, auxquels il consacre un chapitre préliminaire. Il se faisait quand même plaisir sans chercher l'intérêt des étudiants de son livre. Et sa préface en partie pour justifier ce genre d'excès.
  • JLapin
    Modifié (31 Oct)
    Une fonction est un ensemble f de couples tel que pour tous x,y,z, si (x,y)∈f et (x,z)∈f alors y=z.

    En tout cas, tu ne partages par la même définition d'une fonction que Roger Godement (pour ma part, j'accepte volontiers l'une ou l'autre), ce qui selon moi montre tout de même qu'il y a toujours une certaine souplesse à avoir dans l'exposé que l'on fait en fonction du public visé et aussi une certaine souplesse à avoir quand on lit un texte mathématique rédigé par autrui.

    Sinon, je suis aussi consterné par la régression que tu mentionnes.


  • Fin de partie
    Modifié (31 Oct)
    Quand j'étais au collège le théorème de Thalès était enseigné comme une propriété de la projection suivant une droite d'un axe orienté sur un axe orienté. J'étais incapable de calculer quoi que ce soit dans une configuration géométrique si je n'étais pas capable de donner les caractéristiques de la projection utilisée (les deux axes, et la droite servant de direction) et de faire la liste des points et leur projetés: pas très efficace pour calculer des longueurs alors que les collégiens d'aujourd'hui apprennent comment calculer de telles longueurs dans la configuration dite du papillon ou de celle des triangles emboîtés.
    Le premier élève en cours particulier, sans doute quinze ans après avoir reçu cet enseignement, je lui ai parlé du théorème de Thalès comme on me l'avait enseigné: le pauvre gosse n'a rien compris.


    Le passé est sinistre, le présent terne, mais heureusement nous n'avons pas d'avenir.
  • stfj
    Modifié (31 Oct)
    Cela ne m'étonne pas : je n'ai toujours pas compris le "théorème de Thalès" scolaire (des années 60,70,80,90,...)qu'il paraît que je suis censé enseigner depuis 30 ans. Le seul théorème de Thalès que je connais : c'est que la projection est une application affine.
  • umrk
    Modifié (31 Oct)
    Je ne sais pas si c'est vraiment un problème de rigueur, mais plutôt le fait (que chacun a expérimenté) que sur n'importe quel sujet, en slalomant entre les difficultés (qu'on connait par ailleurs fort bien), on peut faire un exposé qui sera jugé brillant, et parfaitement clair .. sur le moment  ... mais qui après coup apparaîtra pour ce qu'il est : un show qui ne traite pas le sujet en profondeur, et permet pas de retenir une compréhension véritable du sujet
  • gerard0 a dit :
    Quand on lit les ouvrages pour étudiants débutants de Roger Godement, on comprend ce qu'il veut dire.
    Lui prend le temps "d'interpréter le sens d'une définition obscure, de compléter une démonstration insuffisante, ou de déceler les véritables raisons d'un théorème", et ne se contente pas d'écrire des définitions et preuves formelles. Il est même capable d'écrire une "preuve" trop légère et donc fausse pour expliquer pourquoi on a choisi une définition aussi compliquée ou développé une preuve complexe.

    Tu dis ça pour Foys? Si c'est le cas je suis en désaccord. Foys repond toujours précisément à des questions parfois subtiles de manière à aiguiller de la façon la plus pertinente et ciblée possible. Parfois ça peut ne pas sauter aux yeux
  • Parfois ça peut ne pas sauter aux yeux
    Si vous ne comprenez pas un propos ce n'est pas que celui qui l'a tenu s'est mal exprimé ou qu'il ne sait pas de quoi il parle mais que vous ne l'avez pas compris parce que vous n'en êtes pas capable.
    Il y a un bouquin qui recense toutes les manières d'avoir toujours raison (dont j'ai oublié l'auteur) j'imagine que cet argument doit figurer en bonne place dans ledit livre. >:)

    Le passé est sinistre, le présent terne, mais heureusement nous n'avons pas d'avenir.
  • "Ce vieux prof
    qui parlait à son aise
    Très bien sauf
    que c'était pour les chaises"
    Léo Ferré (Quartier Latin)
    Ce n'est pas de Godement dont il parle, tu t'en doutes Foys: juste il pense à toi, si t'avais été prof, même à cette époque.
  • Mathurin
    Modifié (31 Oct)
    Je suis d'accord avec la définition d'une fonction de Godement, qu'il reprend d'ailleurs textuellement de Bourbaki, il me semble. Ne pas limiter la fonction au graphe, me parait  permettre de distinguer fonction et application et de parler de "domaine de définition" (Mais je reconnais qu'à notre époque ce n'est plus essentiel).
  • gai requin
    Modifié (31 Oct)
    @Foys : Trop facile, la droite macroniste a mis en place tout un tas de réformes qui ont encore bien fait baisser le niveau global en maths et ailleurs, à dessein !
    Edit : Orthographe corrigée, merci @depasse !
  • Deux critiques @gai requin:
    Une faute d'orthographe: c'est "dessein"
    Bien plus grave: le pléonasme "droite macroniste"
  • Vassillia
    Modifié (31 Oct)
    J'aime bien ta citation de Léo Ferré @depasse mais je croyais que la politique était mal venue sur ce forum...
    Là, on y est clairement il me semble, bon Foys a cherché en parlant de la gauche dès le début m'enfin quand même.
    La philosophie nous enseigne à douter de ce qui nous paraît évident. La propagande, au contraire, nous enseigne à accepter pour évident ce dont il serait raisonnable de douter. (Aldous Huxley)
  • Fin de partie
    Modifié (31 Oct)
    On voit arriver Foys avec ses gros sabots de loin.
    1) Il faut un enseignement ambitieux mais avec une sélection, pardon une évaluation des élèves, qui est ambitieuse elle aussi.
    2) En quelques années quand le système se sera généralisé les lycées vont se vider (il y aura sûrement un concours pour y entrer voire un concours pour passer d'une classe à la classe supérieure dès la sixième où un examen aura été mis en place pour filtrer à la sortie de l'école primaire).

    Résultat: on aura 70% de complotistes en France.
    Le passé est sinistre, le présent terne, mais heureusement nous n'avons pas d'avenir.
  • @lesmathspointclaires :  Tu n'as manifestement pas lu Godement. Ses exposés n'ont rien à voir avec les pavés que nous fournit gentiment Foys. Qui ne prend pas le temps "d'interpréter le sens d'une définition obscure, ...", se contentant d'écrire des textes mathématiquement irréprochables. Heureusement, il n'y a plus d'étudiants débutants sur "Les mathématiques.net".
  • Vassillia
    Modifié (31 Oct)
    Ne te stresse pas trop @Fin de partie les lubies pour l'enseignement de Foys n'arriveront jamais à convaincre personne. Même proche de son bord politique (comprendre l’extrême droite la moins extrême), je suis sûre que son niveau d'exigence ferait un flop tout simplement car les enfants de l'électorat en question (tristement assez populaire) ne pourront, dans leur grande majorité, jamais suivre sans aide parentale.
    La philosophie nous enseigne à douter de ce qui nous paraît évident. La propagande, au contraire, nous enseigne à accepter pour évident ce dont il serait raisonnable de douter. (Aldous Huxley)
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