Des mathématiques arabes

stfj
Modifié (October 2024) dans Histoire des Mathématiques
Bonjour
J'ai découvert une émission de France Culture, où intervient Roshdi Rashed. Je souhaite la partager avec vous dans le but pour moi de réfléchir, de mieux comprendre les apports de mathématiciens arabes.
Par exemple, j'ai appris dans cette émission que
- sans les traductions arabes de livres d'Appolonius de Perge, ces mathématiques grecques de haute volée à propos des coniques ne nous seraient pas parvenues(15:00).
- l'apport d'Al-Karaji (40:00) et l'étude de $$x^n+y^n=z^n, n=3,4$$
Avez-vous d'autres exemples précis pour étoffer les habituels poncifs ?
Cordialement.

Réponses

  • Bonjour,
    La démonstration géométrique de $\sum_{k=1}^n k^3=(\sum_{k=1}^n k)^2 $ par Al-Karaji.
  • Sauf erreur de ma part, Al Karaji n'était pas Arabe mais Persan.
    Liberté, égalité, choucroute.
  • samok
    Modifié (October 2024)
    C'est une difficulté pour moi lorsque j'aborde les maths sous forme historique : que signifie "arabe" dans ce contexte.
    La langue littéraire, celle du Coran ? la localisation géographique, L'Arabie Saoudite ? Une civilisation unie par une langue écrite et une religion pour la transmettre ?

    Le top c'est lorsque je m'essaye à prononcer Al-Khwarizmi (qui était originaire de Perse, approximé par l'Iran actuel), ceux qui savent rigolent de ma façon d'écorcher les sons gutturaux et de rouler les r. Cela tombe bien, j'aime bien faire sourire mes élèves :smile: 



  • Beaucoup de Perses chez les mathématiciens arabes...
    Un zouave pontifical vaut dix Souabes pontifiants. (Lamoricière)
  • stfj
    Modifié (October 2024)
    Merci @Said Fubini : je lis aussi dans l'article wikipedia qui fait référence aux travaux de Roshdi Rashed, le travail incroyable d'Al-Karaji sur l'arithmétique des polynomes dès le 11è siècle. Prolongés par ceux d'Ibn Yahyā al-Maghribī al-Samaw'al. On lui doit l'égalité $$1^2 +2^2 + \cdots + n^2 = \frac{n(n+1)(2n+1)}{6}$$qui fait la joie de nos taupins.
  • The real danger is not that computers will begin to think like men, but that men will begin to think like computers.
            -- Harris, Sidney J.
  • stfj
    Modifié (October 2024)
    Merci, source intéressante dont la langue ne m'arrête heureusement pas, où on peut lire avec étonnement Pierre Duhem, traduit en anglais, à propos d'un sujet qu'il connaissait visiblement fort mal.
  • Joaopa
    Modifié (October 2024)
    Archimède connaissait une forme équivalente pour la somme des carrés (voir Œuvres d'Archimède éd. Chez François Buisson, 1807)


  • Joaopa
    Modifié (October 2024)
    Je me rappelle d'avoir assisté à une conférence dans les Hauts-de-France (ça ne s'appelait pas encore comme ça....) dans laquelle un des conférenciers montrait que les premiers raisonnements par récurrence seraient dus aux arabes. Je me demande même si ce n'est pas ce Al-Kharaj. Impossible de trouver quelque chose de probant sur ça sur internet.
  • Je n’avais jamais entendu parler de ça (le raisonnement par récurrence), Joaopa, merci du tuyau.
    The real danger is not that computers will begin to think like men, but that men will begin to think like computers.
            -- Harris, Sidney J.
  • stfj
    Modifié (October 2024)
    "Al-Samawal was an Islamic mathematician who was able to extend the arithmetic operations to handle polynomials. He used an early form of induction.
    Perhaps one of the most remarkable achievements appearing in Book 2 is al-Samawal's use of an early form of induction. What he does is to demonstrate an argument for $n=1$, then prove the case $n=2$ based on his result for $n=1$, then prove the case n=3 based on his result for n=2, and carry on to around n=5 before remarking that one can continue the process indefinitely. Although this is not induction proper, it is a major step towards understanding inductive proofs. We should also comment that he was not the first to use this form of recursive reasoning, since al-Karaji had used similar methods. The result in Book 2 which al-Samawal himself was most proud of (and rightly so) is
    $$1^2+2^2+3^2+...+n^2=\frac16n(n+1)(2n+1)$$
    which does not appear in earlier texts."
    ___________________
    Perso, je ne vois pas trop la différence avec les preuves par récurrence d'un Godfrey Hardy dans Introduction à la théorie des nombres qui n'hésite pas à conclure : "and so on..."
  • Joaopa
    Modifié (October 2024)
    Quand tu sauras lire le français au lieu de l'anglais (ou en même temps), tu verras que j'ai écrit <<équivalente>>
    Et si au lieu de balancer ta bouse au bout de 20 minutes, tu avais pris quelques mois pour lire le livre que je t'ai cité, tu aurais pu faire de belles mathématiques tout en vérifiant mon message.
  • Il est bien connu que c'est grâce aux Arabes que nous sont parvenus les Mathématiques Grecques. Sans eux, tout aurait été perdu. Ce sont eux aussi qui ont importé en Occident les chiffres qu'on appelle arabes, mais qui étaient en fait indiens.
  • Je recommande la lecture du livre Une histoire des mathématiques, de Dahan-Dalmedico & Peiffer. J'y ai appris (et oublié après seulement quelques mois, malheureusement) une quantité incroyable de choses. Une petite partie du livre est consacrée aux mathématiques arabes ; de mémoire c'est très riche et très intéressant.
  • Médiat_Suprème
    Modifié (October 2024)
    Al-Khawarizmi (783 - 850)  était un mathématicien et astronome perse, il a introduit le 0 venu des Indes dans les mathématiques arabes, et qui arrivera en Italie après  être passé par l’Espagne. C’est d’ailleurs le mot "sifr" (qui veut dire vide, et qui désignait le 0) qui donna le mot chiffre.
    Al-Khawarizmi à qui on doit aussi le mot algorithme.
    Il ne faut pas respirer la compote, ça fait tousser.

    J'affirme péremptoirement que toute affirmation péremptoire est fausse
  • Joaopa a dit :
    Archimède connaissait une forme équivalente pour la somme des carrés (voir Œuvres d'Archimède éd. Chez François Buisson, 1807)
    Tu reconnaîtras toutefois que 1807, c'est largement postérieur aux mathématiques arabes dont @stfj voulait parler !
  • @MathCoss : je suis nul en histoire, mais Archimède n'a pas vécu au 19e siècle... par rapport aux mathématiques perses ou arabes citées, je n'ai pas l'impression que Archimède soit vraiment postérieur.
  • Je n'ai rien dit de tel, j'ai seulement remarqué que la référence de @Joaopa, elle, était largement postérieure.
  • Julia Paule
    Modifié (October 2024)
    Vu tout à fait par hasard, d'après Wiki, Yusuf al-Mutaman roi de Saragosse au XIème siècle (royaume musulman situé à l'est de l'Espagne), issu d'une famille arabe d'origine yéménite, a démontré le théorème de Ceva dans un livre retrouvé en 1985 :
    "Ce livre était un compendium de la mathématique grecque d'Euclide et d'Archimède entre autres, mais contenait aussi les enseignements de Thabit ibn Qurra, des Banu Musa et d'ibn al-Haytham, et enfin introduisait également des théorèmes originaux".
    "Al-Mutaman est l'auteur de la première formulation connue du théorème de Ceva, qui n'a été connu en Europe qu'en 1678 dans l'ouvrage De lineis recits de ce géomètre italien."
  • Chaurien
    Modifié (October 2024)

    Vaste question, effectivement matière à poncifs, comme dit @stfj en introduction. Roshdi Rached, Égyptien accueilli dans l'Université française, a consacré une œuvre importante à assurer la promotion des dites « mathématiques arabes », avec un certain biais.
    Présentement, je ne répondrai qu'à propos du raisonnement par récurrence, ou induction.  
    On considère généralement que l'inventeur du raisonnement par récurrence est le mathématicien sicilien, religieux bénédictin, Francesco Maurolico (1494 - 1575).
    Le premier à avoir systématisé ce raisonnement est Blaise Pascal (1623 - 1662). Voir : Pascal, Oeuvres complètes, Bibliothèque de la Pléiade, NRF,  1969, p. 237, dans l'ouvrage La roulette et traités connexes :  « Cela est aisé par Maurolic et de là paraît la vérité de ma proposition ».
    Je joins deux articles sur la question.
    Bonne journée.
    Fr. Ch.
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Francesco_Maurolico
    https://en.wikipedia.org/wiki/Francesco_Maurolico
    https://mathshistory.st-andrews.ac.uk/Biographies/Maurolico/
    https://kronobase.org/chronologie-categorie-Francesco+Maurolico.html
  • Chaurien
    Modifié (October 2024)
    À propos de l'origine du raisonnement par récurrence, on peut citer aussi l'historien des mathématiques Jean Itard (1902-1979), qui discerne ce raisonnement dans les livres arithmétiques d'Euclide. Voir : Jean Itard, Les livres arithmétiques d'Euclide, Hermann 1961, pp. 73-74. Point de vue très intéressant d'un historien réputé, mais en dépit de cet intérêt, je n'ai pas connaissance de commentaires qui relaient cette observation, de la part de nos historiens des mathématiques. Ignorance de ma part ?
  • nicolas.patrois
    Modifié (October 2024)
    Chaurien a dit :
    Roshdi Rached, Égyptien accueilli dans l'Université française, a consacré une œuvre importante à assurer la promotion des dites « mathématiques arabes », avec un certain biais.
    Roshdi Rached a surtout le biais, pour Chaurien, de dire que les mathématiciens arabo-musulmans (qui n’étaient pas tous arabes ni tous musulmans, on parle de la civilisation) ont fait un boulot important, qui n’a pas seulement consisté à transmettre les connaissances grecques.
    Je m’étonnais de ne pas encore avoir lu ses mensonges sur ce sujet, c’est fait. Youpi.
    Au fait, Chaurien, pourquoi ne vas-tu pas en discuter directement avec Roshdi Rached ?
    The real danger is not that computers will begin to think like men, but that men will begin to think like computers.
            -- Harris, Sidney J.
  • stfj
    Modifié (October 2024)
    Julia Paule a dit :
    Vu tout à fait par hasard, d'après Wiki, Yusuf al-Mutaman roi de Saragosse au XIème siècle (royaume musulman situé à l'est de l'Espagne), issu d'une famille arabe d'origine yéménite, a démontré le théorème de Ceva dans un livre retrouvé en 1985 :
    "Al-Mutaman est l'auteur de la première formulation connue du théorème de Ceva, qui n'a été connu en Europe qu'en 1678 dans l'ouvrage De lineis recits de ce géomètre italien."

    J'avais appris cela à propos de la parution d'un livre consacré à l'histoire des mathématiques par un professeur de CPGE à la retraite, maire d'une ville française, dont il a été question récemment sur les-mathématiques.net. Il y rapporte la même contribution d'un mathématicien arabe, cinq siècles avant Ceva. Petite anecdote suppl : Le Cid a servi Yusuf al-Mutaman.
  • Pour le raisonnement par récurrence, il y en a clairemnt un dans le Fakhri de Al-Kharaji
    Dans la traduction de Woepcke (disponible sur Gallica https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k99504r/f99.item# ) c'est page 61




  • Joaopa
    Modifié (October 2024)
    Il est un peu gonflé, Itard. J'ai pris au hasard la Proposition 9 du livre IX d'Euclide où il affirme qu'il y a un raisonnement par récurrence. Voici une traduction en anglais de cette proposition et de la preuve http://aleph0.clarku.edu/~djoyce/java/elements/bookIX/propIX9.html

    Il faut vraiment preuve d'imagination pour voir un raisonnement par récurrence. D'ailleurs, je n'en vois pas.
  • Sauf erreur de ma part, Al Karaji n'était pas Arabe mais Persan.

      C'est un peu hors sujet, mais il est en effet important d'insister sur la polysémie de l'adjectif arabe. On a tendance à regarder les autres civilisations d'un point de vue un peu simplifié, ce qui est tout-à-fait normal. Je m'en suis rendu compte en fréquentant ma belle famille algérienne (des berbères de Kabylie).

     On a tendance à qualifier d'Arabe toute personne vivant, ou parfois issue, d'un pays arabo-musulman, c'est-à-dire un pays musulman où l'une des langues officielles est l'arabe.  C'est évidemment un abus de langage vu que ces personnes ont dans une majorité des cas une langue maternelle et une culture (hors religion) qui n'ont rien d'arabe. C'est un peu comme si on qualifiait certains pays chrétiens de romains (la France, l'Espagne, ...) parce qu'une grande partie de leur culture (dont la religion) vient de l'ancien empire romain.  De ce point de vue nous sommes autant romains que les algériens sont arabes.

     Ce qui est cocasse c'est que les algériens, tunisiens, marocains, sont :

     -- maghrébins du point de vue des vrais arabes (étymologiquement, des "occidentaux),
     -- maghrébins ou arabes du points de vue français, arabes pouvant avoir une connotation très péjorative selon le locuteur,
     -- arabes du point de vue des maghrébins, ce qui peut selon le locuteur :
               -- être très péjoratif ("les arabes ne sont pas des berbères !"),
               -- ou être très positif ("l'arabe est la langue du Coran",  "nous sommes fiers d'être arabophones !")
     

  • Chaurien
    Modifié (October 2024)
    @Paul Broussous En effet le mot arabe  « maghreb » désigne l'ouest, l'occident. L'occident de quoi ? de la zone de  conquête arabo-islamique. C'est aussi le nom arabe du Maroc. Leur roman national raconte que le chef de la conquête Oqba ibn Nâfi a poussé son cheval dans l’Océan Atlantique en prenant Allah à témoin qu’il n’y avait plus de terre où porter l’islam. Belle image épique, que personne ne songe à « déconstruire ». « Maghreb » est donc le nom  de l'Afrique du Nord dans la géopolitique arabo-islamique.
     C'est aussi le couchant,  et c'est le nom de la prière islamique canonique qui se fait au coucher du soleil, et qui acquiert de l'importance lors du mois de Ramadan car elle marque l'heure de la rupture du jeûne.
  • Tout est relatif.
    Pour moi, arabe veut dire deux choses : 
    - Arabe : issu de la Péninsule Arabique (Arabie Saoudite, Émirats, Oman, Koweït, Yémen, ...)
    - la langue arabe.
    Et l'appellation s'est étendue confusément aux pays envahis par les Arabes, et dont les habitants sont restés locuteurs de l'arabe, comme les pays du Maghreb, mais pas comme les Turcs par exemple, bien que certains les confondent.
    Mais je ne suis pas une spécialiste, on me corrigera. 
  • stfj
    Modifié (October 2024)
    Puis-je me permettre d'inviter à recentrer la discussion ? Elle est déjà très ouverte, puisqu'il y a de nombreuses contributions, auxquelles comme Roshdi Rashed, on peut consacrer une vie de recherches.
    Cordialement.
  • Les éditions du Seuil ont publiées en 1997 Une Histoire des sciences arabes en trois volumes, qui est toujours disponible et se trouve sans peine. Le volume 2 s'intéresse aux mathématiques et à la physique.



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