En souvenir de Landau, d'Hausdorff, de sa femme et de sa soeur et de tant d'autres

stfj

Bonjour,

J'ai envie de rappeler quelques faits historiques qui pourront apparaître comme  anodins épistémologiquement, sauf pour les amateurs de mathématiques.

La définition de $\pi$ donnée par exemple par Landau à l'Université fut critiquée dans les années 30, alors qu'il ne viendrait à l'idée de presque personne aujourd'hui de la remettre en question.

Hausdorff se suicida avec sa femme et sa soeur pour échapper au pire.

Peut-être voudrez-vous compléter ou préciser ces faits historiques.

Cordialement, Stéphane.

raoul.S

Certains scientifiques juifs ont fui leurs pays (l'Allemagne), dès les premiers signes de danger. On dirait qu'Einstein est l'un de ceux-ci. D'autres comme Hausdorff, ont tardé à se rendre compte de la situation réelle, quand ils en ont pris conscience, c'était trop tard...

Je lis dans Wikipedia à propos d'Einstein : La situation s’assombrit en Allemagne dans les années 1920, et il subit des attaques visant ses origines juives et ses opinions pacifistes. Sa sécurité est menacée par la montée des mouvements nationalistes, dont celle du parti nazi. Peu après l’arrivée d’Hitler au pouvoir, au début de 1933, il apprend que sa maison de Caputh a été pillée par les nazis, et il décide de ne plus revenir en Allemagne.

Tandis que Hausdorff : Quand le parti nazi arriva au pouvoir, Hausdorff pensa que le professeur d'université qu'il était ne serait pas inquiété. Cependant ses travaux de mathématiques furent dénoncés comme « juifs », inutiles et « non allemands », et il perdit son poste en 1935. En 1942, Hausdorff, sa femme et sa belle-sœur sont internés au camp de transit de Bonn-Endenich...

PS : Excellente scène de Minority Report pour qui connaît...

Chaurien

En effet, quand on présente les fonctions usuelles à partir de l'exponentielle complexe, ce qui est à mon avis la meilleure façon de procéder, le nombre $\pi$ apparaît « naturellement », pourrait-on dire, comme le double du plus petit zéro de la fonction cosinus. J'ignorais que c'était la définition de Landau, et donc une « définition  juive » (!). Où va se nicher l'antisémitisme ? 

La notice wikipédia sur $\pi$ https://en.wikipedia.org/wiki/Pi

dit que cette définition provient de : Baltzer, Richard. Die Elemente der Mathematik. Hirzel 1870, p. 195.

J'ai bien trouvé ce traité avec Internet Archive

 https://ia601605.us.archive.org/31/items/dieelementederm02baltgoog/dieelementederm02baltgoog.pdf

mais n'étant pas germanophone, je n'y ai pas trouvé la définition en question. Et il est écrit en caractères gothiques, ce qui est pittoresque et décoratif mais n'aide pas à la compréhension.

Bonne journée.

Fr. Ch.

Chaurien

Il y a aussi eu des discriminations à l'encontre des juifs en Russie communiste :

https://math.berkeley.edu/~frenkel/Frenkel-Commentaire.pdf

Chaurien

Précisions sur la discrimination en mathématiques en URSS :

http://www.tanyakhovanova.com/coffins.html

https://www.worldscientific.com/worldscibooks/10.1142/5791#t=aboutBook

jean lismonde

Bonjour

Il faut parler ici d'Hippase de Métaponte

Il a eu l’outrecuidance de découvrir l’existence de nombres irrationnels

ce qui ne pouvait qu’horrifier les Pythagoriciens qui pensaient à l’époque

que tout phénomène naturel se mesure forcément par des rapports de nombres entiers.

Au cours d’un voyage en Méditerranée Hippase fut proprement jeté à la mer

par ses condisciples de l’école pythagoricienne.

Ce qui n’a pas empêché ces mêmes Pythagoriciens d’admettre plus tard

que la diagonale d’un carré de côté 1 était bel et bien de mesure irrationnelle.

« Celui qui le premier énonce la vérité doit être exécuté » chantait avec amertume Guy Béart ;

notre chanteur français (ingénieur des ponts et chaussées) pensait sûrement au malheureux Hippase !

Cordialement

Martial

@jean lismonde : ce que tu racontes là est très intéressant. Je savais confusément que ce n'était pas exactement Pythagore qui avait démontré l'irrationalité de $\sqrt{2}$ mais plutôt quelqu'un de son école. Je savais aussi que l'ambiance au sein de l'école pythagoricienne était plutôt "tendue". Mais là s'arrêtaient mes connaissances sur le sujet. Tu viens d'éclairer ma lanterne. Merci !

Piteux_gore

Je savais les philosophes méchants, mais j'ignorais qu'il en fût de même des mathématiciens.

stfj

@Piteux_gore : je t'invite à jeter un oeil à cet article : https://fr.wikipedia.org/wiki/Oswald_Teichmüller

Piteux_gore

Teichmüller, je connais... Un cas rare de génie marié au fanatisme.

franz_lemmermeyer

Chaurien a dit :

La notice wikipédia sur $\pi$ https://en.wikipedia.org/wiki/Pi

dit que cette définition provient de : Baltzer, Richard. Die Elemente der Mathematik. Hirzel 1870, p. 195.

La definition se trouve à page 195 du premier volume de ses "Elemente":
https://archive.org/details/dieelementederm03baltgoog
"Donc entre 1 et 2 il existe une valeur réelle x où cos x est nul" etc. 

Franz 

Thierry Poma

Je vous invite à lire la note $(4)$ dans ce cours d'analyse complexe rédigé par Michèle Audin.

stfj

Bonjour, note (4) de quel chapitre ? (j'ai trouvé : chapitre 1, p.14)

Dom

À la page 13 du document. 

La note (4) est surprenante même si je ne vois pas bien le lien, certainement par méconnaissance, entre le choix $\pi =2t_0$ et le propos. 

stfj

Réaffirmer des vérités n'est jamais inutile, même quand il s'agit de vérités mathématiques telles que $$2+2=4$$ $\pi\doteq 2t_0$ est VRAI, que ce soit Landau qui l'affirme, ou Audin, ou qui ce soit d'autre. C'est comme d'affirmer que Géométrie élémentaire et Algèbre linéaire sont intrinsèquement liés, au point qu'enseigner l'une sans enseigner l'autre, c'est bâtir sur du sable. Peu importe les "bonnes intentions affichées", les fausses solutions consistant à ne pas augmenter le salaire des enseignants et à user de poudre aux yeux, la Géométrie élémentaire et l'Algèbre linéaire sont intrinséquement liés.

plsryef

les articles que tu pointes @stfj sont édifiants, de l'APMP on devrait réfléchir au slogan « travailler moins pour apprendre mieux » qui résume bien des choses,

et il y a l'autre article encore plus surprenant n,

ça commence par:

"LE BON CALCUL - Pour améliorer le niveau des élèves, [ministre] demande aux profs de varier les supports pédagogiques et les exercices. " sous-entendu jusqu'à présent les profs font de mauvais calculs,

multi séquence "poudre aux yeux":

-redonner "le goût des maths aux élèves" (tout le monde veut ça... et tous les profs essaient à leur façon)

-par exemple, le théorème de Thalès, compréhensible et ludique (si ce n'est pas ludique c'est incompréhensible, il faut s'amuser pour apprendre ou apprendre pour s'amuser ? au passage Thalès est incompréhensible [...] en sursis ?)

il faut tout de même remarquer qu'aucun semble être fait entre les notions d'échelles et le théorème de Thalès (relativement ironique)

-Plutôt que de répondre à un calcul d'algèbre au tableau, l'idée est de faire des maths via d'autres disciplines. Par exemple, un professeur d’éducation physique et sportive peut faire mesurer les performances sportives en mettant en relation temps et distance, un professeur de géographie, travailler sur la compréhension des échelles", explique la ministre., là on est dans la synergie... sauf que faire une frise chronologique est un exercice du passé, ce n'est pas rentable pour un prof d'histoire (trop chronophage) pour les quelques discussions que j'ai pu avoir à ce sujet.(que s'est-il passé ?)

-Privilégier le calcul mental via les jeux (oui il faut s'amuser sinon...) curieusement les Chiffres et les lettres ne sont plus à l'antenne (que veut la société on se pose la question)

-Mais encore une fois, l'objectif est de rendre l'enseignement le plus ludique possible, via des énigmes à résoudre qui concernent le quotidien des élèves.

-introduire l’algorithmique pour une meilleure formation au raisonnement déductif (NDLR : l’algorithmique est un processus permettant de résoudre un problème en un nombre défini d’étapes). Un raisonnement en un nombre fini d'étapes, or écrire une phrase est déjà pour certains alors en écrire plus de  2...

Admettons... ce qui est inquiétant là dedans c'est que les heures sont rabotées depuis très longtemps (à chaque fois que l'on rajoute une nouvelle compétence/matière dans un cycle on rabote quelque part, ça c'est un fait que l'on ne peut nier) , et lorsque l'on présente les choses ainsi ce n'est pas ce qui est vrai qui compte, c'est l'on parvient à faire croire, et là si on est parvenu à faire croire des choses complétement irréalistes, ça pose souci, pire à chaque nouvelle réforme avec des méthodes innovantes(=tape à l'œil)  on renvoie et l'on inscrit dans l'opinion publique, l'idée que c'est l'enseignement qui est en défaut, et que les choses sont mal faites... alors oui c'est comme ça. Il y a des réformes positives qui demandent à chaque fois de créer le contenu, qui n'existe pas encore mais il suffit d'appuyer sur un bouton et tout marche bien au premier essai. Les média, les politiques participent indirectement à ce qu'on appelle pudiquement le sentiment de déclassement, la façon de systématiquement présenter telle ou telles innovations qui auraient échappé aux enseignants... bref... bref. Curieusement je n'ai pas l'impression que l'on demande l'avis des enseignants à chaque nouvelle mesure, et il n'y a aucun débat contradictoire pour discuter des bienfaits ou méfaits de telle ou telle nouveauté.

Julia Paule

Bonjour, il est intéressant de noter dans Wiki que Teichmüller (qui avait fait radier Landau parce que juif) s'est appuyé sur les travaux (produits croisés) d'Emily Noether, qui pourtant était juive (Wiki).

Martial

@Julia Paule  : c'est Emy Noether, pas Emily.

Médiat_Suprème

Je dirais même Emmy Noether 

Martial

Tu as raison, j'avais un doute, et la flemme de vérifier.

stfj

Expulsion de Göttingen

Quand Adolf Hitler devient chancelier en janvier 1933, l'activité nazie se répand dans tout le pays. À l'université de Göttingen, l'Association des Étudiants allemands mène l'attaque contre l'« esprit non allemand » et est aidée par un Privatdozent nommé Werner Weber, un ancien étudiant de Noether. Les comportements antisémites créent un climat hostile aux professeurs juifs. Un jeune manifestant aurait exigé : « les étudiants aryens veulent des mathématiques aryennes et non des mathématiques juives »[31].

Une des premières actions du gouvernement d'Hitler est la loi allemande sur la restauration de la fonction publique du 7 avril 1933 qui exclut les fonctionnaires juifs ou politiquement suspects de leurs emplois, à moins qu'ils n'aient démontré leur loyauté à l'Allemagne en ayant servi sous les drapeaux pendant la Première Guerre mondiale. Cette loi concerne notamment les professeurs d'université. En avril 1933, Noether reçoit une notification du ministère prussien des Sciences, des Arts et de l'Éducation qui lui signifie : « En application du paragraphe 3 de la loi sur la Fonction publique du 7 avril 1933, par la présente je vous retire le droit d'enseigner à l'université de Göttingen »[32],[51]. Plusieurs collègues de Noether, dont Max Born et Richard Courant, sont également révoqués[32],[51]. Noether accepte la décision calmement et soutient ses amis dans ces temps difficiles. Hermann Weyl écrira plus tard « Emmy Noether, avec son courage, sa franchise, son détachement devant son propre destin, son esprit de conciliation, était, au milieu de la haine, de la mesquinerie, du désespoir et de la tristesse qui nous entouraient, un réconfort moral »[31]. Typiquement, elle reste concentrée sur les mathématiques, réunissant ses étudiants dans son appartement pour discuter de la théorie des corps de classes. Quand un de ses étudiants apparaît en uniforme des SA, elle ne montre aucun signe d'agitation et même, paraît-il, en rit plus tard[32],[51].

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source : wikipedia et Emmy Noether, a tribute to her life and work (Kimberling, Mac Lane, Alexandrov, van der Waerden, ...) d'où j'ai extrait la photographie suivante :

Ici, on trouve une pétition pour le maintien de Noether à son poste de professeur en 1933.

stfj

A propos d'Oswald Teichmüller, sans même le citer, Richard Courant a écrit à Abraham Flexner: "doué scientifiquement,  complètement confus et notoirement fou."(Der Mathematiker als Zeitgenosse)