En souvenir d'Henri Lebesgue
![Image: https://les-mathematiques.net/vanilla/uploads/editor/0s/qn0e3je99bq4.jpg](https://les-mathematiques.net/vanilla/uploads/editor/0s/qn0e3je99bq4.jpg)
Réponses
-
Quand j'étais étudiant à Rennes1, il y avait un amphi Henri Lebesgue je crois qu'il a enseigné à Rennes.
-
Très belle idée @Bouzar d'honorer ainsi un de nos génies mathématiques, inventeur d'une toute nouvelle théorie de l'intégration. Les génies, ça existe, ça ne se réduit pas à savoir réparer les mobylettes...Pourquoi s'arrêter à Henri Lebesgue lycéen ? Il faut profiter de l'ouverture de ce fil pour dire tout ce qu'on peut sur Henri Lebesgue, sa vie, son œuvre, biographie, bibliographie, etc.Il ne me semble pas qu'un de nos historiens-des-mathématiques, dûment estampillés par l'Université, ait daigné publier une biographie de Lebesgue, ce qui serait pourtant un sujet du plus grand intérêt, mais peut-être trop peu exotique à leur goût.Citons quand même : Message d'un mathématicien : Henri Lebesgue, pour le centenaire de sa naissance, Introduction et extraits choisis par Lucienne Félix, Librairie scientifique et technique Albert Blanchard 1974.À suivre...Bonne journée.Fr. Ch.
-
Bonjour,
Lebesgue est entré à l'École normale supérieure de Paris en 1894 et a obtenu son diplôme d'enseignant en mathématiques en 1897. Pendant les deux années suivantes, il étudie à la bibliothèque de l'École, où il lit les articles de Baire sur les fonctions discontinues et se rend compte qu'il est possible de faire beaucoup plus dans ce domaine. Plus tard, il y aura une grande rivalité entre Baire et Lebesgue, que nous évoquerons plus loin. Il est nommé professeur au lycée central de Nancy, où il enseigne de 1899 à 1902. S'appuyant sur les travaux d'autres chercheurs, notamment ceux d'Émile Borel et de Camille Jordan, Lebesgue formule la théorie de la mesure en 1901 et dans son célèbre article Sur une généralisation de l'intégrale définie Ⓣ, paru dans les Comptes Rendus le 29 avril 1901, il donne la définition de l'intégrale de Lebesgue qui généralise la notion d'intégrale de Riemann en étendant le concept d'aire sous une courbe pour y inclure de nombreuses fonctions discontinues. Cette généralisation de l'intégrale de Riemann a révolutionné le calcul intégral. Jusqu'à la fin du 19e siècle, l'analyse mathématique était limitée aux fonctions continues et reposait en grande partie sur la méthode d'intégration de Riemann.
Sa contribution est l'une des réalisations de l'analyse moderne qui élargit considérablement le champ d'application de l'analyse de Fourier. Ce travail remarquable figure dans la thèse de doctorat de Lebesgue, Intégrale, longueur, aire Ⓣ , présentée à la Faculté des sciences de Paris en 1902, et l'ouvrage de 130 pages a été publié à Milan dans les Annali di Matematica la même année. Après avoir obtenu son doctorat, Lebesgue obtint sa première nomination universitaire en devenant, en 1902, mâitre de conférences en mathématiques à la Faculté des sciences de Rennes. Cette nomination s'inscrit dans la tradition française qui veut qu'un jeune universitaire soit d'abord nommé en province, puis qu'il obtienne la reconnaissance en étant nommé à un poste plus modeste à Paris. Le 3 décembre 1903, il épouse Louise-Marguerite Vallet, avec qui il a deux enfants. Le mariage ne dure cependant que jusqu'en 1916, date à laquelle ils divorcent.
L'un des honneurs que Lebesgue reçut très tôt dans sa carrière fut une invitation à donner le cours Peccot au Collège de France. Il le fit en 1903 et reçut ensuite une invitation à présenter le cours Peccot deux ans plus tard, en 1905. Lebesgue se brouille pour la première fois avec Baire en 1904, lorsque Baire donne le cours Peccot au Collège de France, pour savoir qui a le plus de droits pour donner un tel cours. Leur rivalité s'est transformée en une dispute plus sérieuse plus tard dans leur vie. Lebesgue écrivit deux monographies : Leçons sur l'intégration et la recherche des fonctions primitives (1904) et Leçons sur les séries trigonométriques (1906), qui découlèrent de ces deux cours magistraux et servirent à faire connaître plus largement ses idées importantes. Cependant, son travail reçut un accueil hostile de la part des analystes classiques, en particulier en France. En 1906, il est nommé à la faculté des sciences de Poitiers et l'année suivante, il y est nommé professeur de mécanique.
Essayons d'indiquer comment l'intégrale de Lebesgue a permis de résoudre de nombreux problèmes liés à l'intégration. Fourier avait supposé que pour les fonctions bornées, l'intégration terme à terme d'une série infinie représentant la fonction était possible. À partir de là, il a pu prouver que si une fonction était représentable par une série trigonométrique, cette série était nécessairement sa série de Fourier. Un problème se pose ici, à savoir qu'une fonction qui n'est pas intégrable à Riemann peut être représentée par une série uniformément bornée de fonctions intégrables à Riemann. Cela montre que l'hypothèse de Fourier pour les fonctions bornées ne tient pas.
En 1905, Lebesgue a discuté en profondeur des différentes conditions utilisées par Lipschitz et Jordan pour s'assurer qu'une fonction f(x) est la somme de sa série de Fourier. Lebesgue a pu montrer que l'intégration terme à terme d'une série uniformément bornée de fonctions intégrables de Lebesgue était toujours valide. Cela signifie que la preuve de Fourier selon laquelle si une fonction est représentable par une série trigonométrique, alors cette série est nécessairement sa série de Fourier, devient valide, puisqu'elle peut maintenant être fondée sur un résultat correct concernant l'intégration terme à terme des séries. Comme l'écrit Hawkins dans [1]:-
Dans le travail de Lebesgue ... la définition généralisée de l'intégrale était simplement le point de départ de ses contributions à la théorie de l'intégration. L'importance de la nouvelle définition réside dans le fait que Lebesgue a pu y reconnaître un outil analytique capable de traiter - et dans une large mesure de surmonter - les nombreuses difficultés théoriques qui étaient apparues en rapport avec la théorie de l'intégration de Riemann. En fait, les problèmes posés par ces difficultés ont motivé tous les résultats majeurs de Lebesgue. Il est nommé mâitre de conférences en analyse mathématique à la Sorbonne en 1910. Pendant la première guerre mondiale, il travaille à la défense de la France et se brouille alors avec Borel, qui accomplit une tâche similaire. Lebesgue occupe son poste à la Sorbonne jusqu'en 1918, date à laquelle il est promu professeur d'application de la géométrie à l'analyse. En 1921, il est nommé professeur de mathématiques au Collège de France, poste qu'il occupe jusqu'à sa mort en 1941. Il a également enseigné à l'École Supérieure de Physique et de Chimie Industrielles de la Ville de Paris entre 1927 et 1937 et à l'École Normale Supérieure de Sèvres.
Il est intéressant de noter que Lebesgue ne s'est pas concentré tout au long de sa carrière sur le domaine qu'il avait lui-même initié. Cela s'explique par le fait que son travail était une généralisation frappante, alors que Lebesgue lui-même craignait les généralisations. Il a écrit:-
Réduites à des théories générales, les mathématiques seraient une belle forme sans contenu. Elles mourraient rapidement.
Bien que les développements futurs aient montré que ses craintes n'étaient pas fondées, ils nous permettent de comprendre le cours qu'ont suivi ses propres travaux.
Il a également apporté des contributions majeures dans d'autres domaines des mathématiques, notamment la topologie, la théorie du potentiel, le problème de Dirichlet, le calcul des variations, la théorie des ensembles, la théorie des surfaces et la théorie des dimensions. En 1922, lorsqu'il a publié Notice sur les travaux scientifiques de M. Henri Lebesgue, il avait écrit près de 90 livres et articles. Cet ouvrage de 92 pages fournit également une analyse du contenu des articles de Lebesgue. Après 1922, il est resté actif, mais ses contributions se sont orientées vers des questions pédagogiques, des travaux historiques et la géométrie élémentaire.
Amicalement
-
Bonjour,J'en profite pour recommander les 5min Lebesgue que vous pouvez trouver sur le site proposé par GaBuZoMeu, c'est vraiment bien pensé pour se faire une idée d'un domaine précis, en plus le type de public visé est précisé. Enjoy !La philosophie nous enseigne à douter de ce qui nous paraît évident. La propagande, au contraire, nous enseigne à accepter pour évident ce dont il serait raisonnable de douter. (Aldous Huxley)
-
Sauf erreur, le texte de @Bouzar est la traduction de la notice :C'est toujours une source fiable pour les biographies de mathématiciens.
-
J'avais lu quelque part que Borel en voulait à Lebesgue de lui avoir piqué des idées et que Lebbbbbesgue jalousait Borel pour son statut social (homme politique, époux d'une écrivaine célèbre, etc.).Un zouave pontifical vaut dix Souabes pontifiants. (Lamoricière)
-
On parle beaucoup de son intégrale mais un peu moins de sa courbe:Elle ressemble (de loin !) à celle de Peano:Ce sont des courbes qui remplissent tout l’espace.
-
Sur les pages Wikipedia des mois de juin 1875 et juillet 1941, ni sa naissance ni son décès ne sont mentionnés.
Comme me l'a appris ma maîtresse de CE2, tata Suzanne, dite Susu, $\{l,é,o\} \cap \{t,o,t,o\}=\{o\}$ -
Sur une notice bibliographique j’ai lu:
Opinion politique: aucune. (probablement excessif)
Religion: aucune.
Consterné par la défaite de 40.
Un homme comme ça ne peut pas être totalement mauvais 😀
À propos de l’amitié contrariée de Borel et Lebesgue:
-
@Piteux_gore J'ai trouvé un article détaillé sur les relations entre les deux savants, il me semble qu'il s'agit plutôt d'attitudes différentes devant les situations de la vie.
-
Passage intéressant sur le mérite républicain:
-
Signalons au passage la célèbre "erreur de Lebesgue", qui a permis des avancées spectaculaires en analyse.Lebesgue écrit quelque part : "Il est bien évident que la projection d'un borélien est un borélien".Or ceci s'est révélé faux. Un truc qui est la projection d'un borélien a été appelé un analytique, et il y a plein d'analytiques qui ne sont pas boréliens. Un truc qui est le complémentaire dans l'espace ambiant d'un analytique a été appelé un coanalytique, et Souslin a démontré que les boréliens sont précisément les trucs qui sont à la fois analytiques et coanalytiques. Les projections de coanalytiques à leur tour constituent une classe plus large, et ainsi de suite. On a ainsi inventé la hiérarchie projective, ce qui a permis le développement de la théorie descriptive des ensembles...
-
Souslin, mort du typhus en 1919 à l'âge de 25 ans...Un zouave pontifical vaut dix Souabes pontifiants. (Lamoricière)
-
@Bouzar a eu l'excellente idée de mettre la lumière sur Henri Lebesgue (1875 - 1941), et depuis, ça me fait réfléchir. Voici un mathématicien qui a créé une intégrale universellement adoptée, ce qui rend son nom mondialement connu, et comme j'ai dit il n'existe aucun ouvrage qui donne une vision complète de l'homme et de l’œuvre. Avis à nos chers historiens des mathématiques, qui après nous avoir raconté les « Al-Kashi » & Cie pourraient se soucier de sujets plus proches de nous...Tout se passe comme si Lebesgue disparaissait derrière son invention de l'intégrale. Les notices qui lui ont été consacrées sont largement insuffisantes.
Une source importante est la « Notice sur les travaux scientifiques », mais elle date de 1922, et Lebesgue a vécu et travaillé jusqu'à son décès, en 1941.@Piteux_gore a évoqué à sa manière les dissensions entre Henri Lebesgue et Émile Borel. Peut-être l'épouse de Borel a-t-elle connu une certaine notoriété littéraire temporaire, mais ce n'était pas du niveau de Colette ni d'Anna de Noailles, et elle est oubliée aujourd’hui. Il faudra revenir sur cette question de la relation Borel-Lebesgue.Il y a des mathématiciens dont le CNRS a publié les œuvres, comme Hadamard ou Borel, mais Lebesgue n'y a pas eu droit, à se demander pourquoi... Heureusement la revue genevoise l'Enseignement mathématique a publié en 1972-73 ses Œuvres scientifiques en 5 volumes, 2000 pages en tout, mais il est même déjà difficile d'en trouver la mention dans les bibliographies.
Bref, il faudrait creuser cette question, les forumeurs pourraient s'y mettre, et j'espère y contribuer.
Bonne journée.Fr. Ch.04/07/2024 -
Bonjour Chaurien,Voici un article en anglais sur le travail de Lebesgue:Sincèrement
Bonjour!
Catégories
- 165.4K Toutes les catégories
- 63 Collège/Lycée
- 22.2K Algèbre
- 37.6K Analyse
- 6.3K Arithmétique
- 61 Catégories et structures
- 1.1K Combinatoire et Graphes
- 13 Sciences des données
- 5.1K Concours et Examens
- 23 CultureMath
- 51 Enseignement à distance
- 2.9K Fondements et Logique
- 10.8K Géométrie
- 84 Géométrie différentielle
- 1.1K Histoire des Mathématiques
- 79 Informatique théorique
- 3.9K LaTeX
- 39K Les-mathématiques
- 3.5K Livres, articles, revues, (...)
- 2.7K Logiciels pour les mathématiques
- 26 Mathématiques et finance
- 342 Mathématiques et Physique
- 5K Mathématiques et Société
- 3.3K Pédagogie, enseignement, orientation
- 10.1K Probabilités, théorie de la mesure
- 804 Shtam
- 4.2K Statistiques
- 3.8K Topologie
- 1.4K Vie du Forum et de ses membres