Produit de projecteurs orthogonaux étant un projecteur

Georges Abitbol
Modifié (April 2024) dans Algèbre
Bonjour !

Considérons l'énoncé suivant.

Enoncé :

Soit $\mathcal{A}$ une $\mathbb{C}$-algèbre involutive, i.e. une algèbre pas supposée commutative et munie d'une application $a \mapsto a^*$ antilinéaire et telle que $\forall a,b, \quad (ab)^* = b^*a^*$.

Soient $p,q$ deux projecteurs orthogonaux, i.e. des éléments idempotents fixes par l'involution. Supposons $pq = (pq)^2$. Alors $pq = qp$.

Je voudrais avoir votre avis là-dessus. Je ne sais le montrer que si je fais l'hypothèse additionnelle que $\mathcal{A}$ est une sous-algèbre involutive de $\mathbf{M}_n(\mathbb{C})$ munie de l'adjonction : j'utilise le lemme qui affirme que sous l'hypothèse $pq = (pq)^2$, alors $(pq-qp)^3 = 0$. Mais alors $i(pq-qp)$ est autoadjoint, DONC (c'est ici que j'utilise mon hypothèse) diagonalisable, et nilpotent, donc nul.

Notons au passage qu'on a le lemme suivant.

Lemme :

Sous les hypothèses précédentes, on a également $(qp)^2 = qp$.

Démonstration : on a $(qp)^2 = qpqp = (pqpq)^* = (pq)^* = qp$.

J'imagine qu'avec de l'analyse fonctionnelle, on doit pouvoir démontrer que c'est vrai en plus grande généralité, avec les théorèmes spectraux adéquats.

Est-ce que je manque quelque chose de beaucoup plus facile ?

EDIT : Ajout de "orthogonaux" dans le titre et mise d'un mot en gras pour rendre plus explicite une hypothèse faite dans le texte.

EDIT2 (suite au message de dSP) : Ajout d'un petit lemme en référence à une remarque de dSP.

Réponses

  • marco
    Modifié (April 2024)
    Si $\mathcal{A}$ n'est pas une sous-algèbre involutive de $\mathcal{M}_n(\C)$, on peut toujours se placer dans $\mathcal{M}_n(\C)$ en considérant le sous-espace vectoriel de dimension finie $E=\mathrm{Vect} (1,p,q,pq,qp,pqp, qpq)$. À $p$ on associe l'endomorphisme de $E$ qui est la multiplication par $p$ à gauche: $x\in E \mapsto px \in E$. De même, pour $q$. On peut alors appliquer ton raisonnement.
    Edit: non, c'est faux car l'involution de $\mathcal{A}$ n'est pas la même que celle de $End(E)$
  • marco
    Modifié (April 2024)
    Peut-être, on a un contre-exemple, en considérant une algèbre de dimension $5$ de base $(1, e_{p\to q},e_{p\to p}, e_{q \to p}, e_{q\to q})$. On définit la multiplication par $e_{a\to b}e_{c\to d}=e_{a\to d}$ si $a,b,c,d \in \{p,q\}$, et $1x=x1=x$.
    Et $e_{a \to b}^*=e_{b\to a}$ si $a,b \in \{p,q\}$.
    Soit $P=e_{p \to p}$ et $Q= e_{q \to q}$, alors $P^2=P=P^*$. De même pour $Q$.
    Et $PQ=(PQ)^2$. Mais $PQ\neq QP$.
  • JLT
    JLT
    Modifié (April 2024)
    J'ai pensé à $\mathcal{A}\subset M_4(\C)$ engendrée par $p=E_{11}+E_{12}$, $a=E_{13}$, $a^*=E_{42}$. On pose $q= p+a$, alors $pq=q$ est un projecteur, et $qp=p\ne pq$.
    Edit : voir correction ci-dessous.
  • @JLT : si $pq=q$, alors $qp=(pq)^*=q^*=q$, donc $pq=qp$.
  • J'avais mal recopié mon brouillon, je voulais dire $q=p+a+a^*$, $pq=p+a$, $qp=p+a^*$.
  • Euh, JLT, ton $p$ ne m'a pas l'air autoadjoint ?
  • Argh encore une faute de frappe. Je pose $p=E_{11}+E_{22}$.
  • dSP
    dSP
    Modifié (April 2024)
    On prend la $\C$-algèbre non commutative libre à deux générateurs $x$ et $y$ soumis aux relations $x^2=x$ et $y^2=y$. On prend l'involution antilinéaire de celle-ci qui fixe $x$ et $y$. L'idéal engendré par $(xy)^2-xy$ et $(yx)^2-yx$ est stable par l'involution, il est facile alors de voir que l'algèbre quotient $\mathcal{A}$ est de dimension $7$ comme $\C$-espace vectoriel, avec pour base l'ensemble des mots en $\overline{x}$ et $\overline{y}$ à au plus $3$ lettres et sans deux lettres consécutives égales. En particulier $\overline{x}\overline{y} \neq \overline{y}\overline{x}$.

    On trouve alors une solution en prenant la représentation régulière de $\mathcal{A}$ : après choix d'une base, elle permet d'obtenir un contre-exemple dans $\mathcal{M}_7(\C)$. Je pense même qu'on peut classifier toutes les représentations linéaires de $\mathcal{A}$, mais c'est une autre histoire.

  • @dSP : Merci, je n'avais pas fait attention au fait que $qp$ était un projecteur aussi.

    Merci à marco et JLT, je vais regarder vos calculs :)
  • marco
    Modifié (April 2024)
    Dans une $C^*$-algèbre, on  pose $x=pq-qp$, alors $x^*x=(qp-pq)(pq-qp)=(qp)(pq)-(pq)^2-(qp)^2+(pq)(qp)=qpq-pq-qp+pqp$. Donc $qx^*xq=0$, donc $(xq)^*(xq)=0$, donc $0=\|(xq)^*(xq)\|=\|xq\|^2$, donc $xq=0$, donc $pq=qpq$.
    De même $xp=0$, donc $pqp=qp$. Donc, en remplaçant dans l'expression de $x^*x$, on obtient $x^*x=0$, donc $x=0$ et $pq=qp$.
    Variante: si $pq=qpq$, alors $qp=(pq)^*=(qpq)^*=qpq=pq$.
  • Oooh marco, très chouette ! L'hypothèse $\forall a, aa^* = 0 \Rightarrow a = 0$ était une hypothèse que j'avais oublié de faire mais qui me semble très naturelle. Super !
  • On peut aussi poser $a=pq-pqp$. Comme $aa^*=(pq-pqp)(qp-pqp)=pqp-pqpqp-pqpqp+pqpqp=0$ on a $a=0$ c'est-à-dire $pq=pqp$. En passant à l'adjoint il vient $qp=pqp$ donc $pq=qp$.
  • Voici un contre-exemple pour des structures hermitiennes isotropes.

    On prend les matrices
    $$A=\begin{pmatrix} 1 & 1 \\ 0 & 0 \end{pmatrix} \quad \textrm{et} \quad B:=\begin{pmatrix} 1 & 0 \\ 0 & 0 \end{pmatrix},$$
    puis les projecteurs $p$ et $q$ canoniquement associés sur $\mathbb{C}^4$ aux matrices 
    $$\begin{pmatrix} A & 0 \\ 0 & A^T \end{pmatrix} \quad \textrm{et} \quad \begin{pmatrix} B & 0 \\ 0 & B^T \end{pmatrix}.$$

    Ces deux projecteurs sont autoadjoints pour la forme hermitienne hyperbolique dont la matrice dans la base canonique est
    $\begin{pmatrix} 0 & I_2 \\ I_2 & 0 \end{pmatrix}$. Ils ne commutent pas mais $pq$ est tout de même un projecteur.

    En fait, c'est la construction classique de la star-représentation hyperbolique construite sur une représentation linéaire d'une algèbre.




  • Voici une solution dans une star-algèbre définie positive, autrement dit une $\C$-algèbre ou une $\R$-algèbre munie d'une involution vérifiant
    la contrainte 
    $$\forall n \in \N^*, \; \forall (a_1,\dots,a_n)\in \mathcal{A}^n, \; \sum_{k=1}^n a_k^\star a_k=0 \Rightarrow a_1=\cdots=a_n=0.$$

    L'idée est de partir de l'argument géométrique classique pour les projecteurs orthogonaux d'un espace vectoriel réel. En effet, dans cette situation la raisonnement standard est d'utiliser la réciproque de l'inégalité de Bessel : tout projecteur dont la norme d'opérateur est inférieure ou égale à $1$ est un projecteur orthogonal. Par suite, si la composée de deux projecteurs orthogonaux est un projecteur, c'est un projecteur orthogonal, donc il est autoadjoint et ainsi les deux projecteurs de départ commutent.

    Il s'agit donc d'algébriser l'argument, pour cela on va remplacer le fait, pour un élément, d'être de norme d'opérateur inférieure ou égale à $1$ par le fait que $a^\star a=1-\sum_{k=1}^n x_k^\star x_k$ pour une liste $(x_1,\dots,x_n)$ d'éléments de l'algèbre. On note $B$ l'ensemble des éléments $a$ qui vérifient cette propriété. Ensuite on vérifie :
    • que $B$ est stable par multiplication : écrire $ba(ba)^\star=bb^\star-\sum_{k=1}^n (bx_k)^\star (bx_k)$ etc
    • que $B$ contient tous les idempotents autoadjoints : écrire $p^\star p=1-q^\star q$ où $q=1-p$ 
    Pour conclure, il suffit de démontrer que tout idempotent appartenant à $B$ est autoadjoint. Pour cela on prend un tel idempotent $p$ et l'on écrit
    $p^\star p=1-\sum_{k=1}^n x_k^\star x_k$. En multipliant par $p^\star$ à gauche et $p$ à droite, on en tire $\forall k \in \{1,\dots,n\}, \; x_k p=0$ par définie positivité, puis une simple multiplication à droite par $p$ dans l'identité de départ fournit $p^\star p=p$, donc $p$ est autoadjoint.





Connectez-vous ou Inscrivez-vous pour répondre.