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Notion de grandeur

Bonjour,
au collège, on introduit la notion de "grandeurs proportionnelles". Pourriez-vous me dire comment vous définissez, à vos élèves, ce qu'est une grandeur ? Et que donnez-vous comme exemple(s) de ce qui n'est pas une grandeur ? 

Réponses

  • Je ne suis pas prof, mais ce qui me vient immédiatement en tête comme contre-exemple, c'est la notion de température. 1mètre + 2mètres, ça donne 3 mètres, 1kg+ 2kg, ça donne 3kg, 1€+2€, ça donne 3€, mais 1°+2°, ça ne donne pas 3°.
    Tu me dis, j'oublie. Tu m'enseignes, je me souviens. Tu m'impliques, j'apprends. Benjamin Franklin
  • SocSoc
    Modifié (20 Nov)
    Ce n'est pas une notion mathématique, et je me garde bien de le définir. Je leur dis que deux grandeurs sont proportionnelles si elles varient en même temps et que l'on passe de l'une à l'autre en multipliant toujours par le même nombre.
    @Lourrran: Je ne suis pas sûr que cela empêche la température d'être une grandeur et l'on doit assez facilement pouvoir la mettre dans un tableau de proportionnalité, avec la pression par exemple si l'on ne l'éloigne pas trop des fameuses CNTP.
    The fish doesnt think. The Fish doesnt think because the fish knows. Everything. - Goran Bregovic
  • Tu as probablement raison, je n'aurais pas dû proposer cet exemple. En plus, je savais que c'était très contestable.
    En relisant 2 ou 3 choses, je lis : "la température d'un corps est une grandeur non mesurable ..." 
    Tu me dis, j'oublie. Tu m'enseignes, je me souviens. Tu m'impliques, j'apprends. Benjamin Franklin
  • Si je devais me risquer à définir une grandeur, je dirais un truc dans le genre: "Quelque chose que l'on peut quantifier."
    The fish doesnt think. The Fish doesnt think because the fish knows. Everything. - Goran Bregovic
  • Cela fait partie des nombreuses notions non définies au programme de collège. Ce n’est pas simple d’enseigner au collège  avec un minimum de rigieur….

    C’est une notion physique: il s’agit d’une propriété mesurable d’un objet ou d’un phénomène naturel.

    Personnellement je n’en donne pas la définition mais peut être le faudrait-il.

    Evidemment il est difficile d’aborder la notion de mesure avec des collégiens même si je leur en donne les prémices quand on fait des probabilités: c’est à mon sens plus juste et plus formateur que l’approche frequentielle qui sous entend un cadre complètement hors de portée.

    Par exemple la longueur d’onde est une grandeur mais pas la couleur.

    Une remarque au collège cela de dérange pas l’inspection de nous faire enseigner la section d’un solide par un plan sans définir un plan.

    Ni d’enseigner les translation ou les homothéties sans utiliser les vecteurs… ou au contraire dans un soucis louable de rigueur de nous demander d’enseigner ce qu’est une indéterminée.

    Je suis très curieux de découvrir vos avis et expériences.
  • geogeo
    Modifié (20 Nov)
    Lors d'une inspection je me suis fait allumer par l'IPR. Car dans le cahier de cours j'avais donné une définition du type de SOC.
    Il m'a alors dit: Il faut dire la mesure d'une grandeur...
    Après réflexion, je me suis dit qu'il n'y avait pas vraiment de définition d'une grandeur, car, de façon intuitive, une grandeur est quelque chose que l'on peut mesurer.
    Depuis, je donne des exemples de grandeurs et leur unité et comme définition de la proportionnalité je dis que deux grandeurs sont proportionnelles lorsque si l'on multiplie ou l'on divise la mesure de l'une  alors l'autre se retrouve aussi multipliée ou divisée.
    c'est un peu alambiquée comme définition mais c'est ce que j'ai trouvé de plus juste à mon sens.
  • J'aime bien ta définition!
    The fish doesnt think. The Fish doesnt think because the fish knows. Everything. - Goran Bregovic
  • dpdp
    Modifié (20 Nov)
    Pour reprendre les termes de Camille Lebossé et Contentin Hémery [Sixième, p24] :
    On appelle grandeur tout ce qui peut être évalué. […] On appelle grandeurs mesurables celles pour lesquelles on peut définir l'égalité et la somme.
    Sont donc des grandeurs : la longueur du double décimètre de tes élèves, le volume d'une bouteille d'eau, le prix de ta maison, etc…
    Sont donc des grandeurs mesurables : les distances, les angles, les températures (absolues), etc…
    Enfin, deux listes de nombres* (a.k.a. grandeurs) sont proportionnelles si le quotient d'un nombre quelconque d'une des listes par le nombre correspondant de l'autre liste garde la même valeur : on appelle ce quotient le coefficient de proportionnalité.
    Réciproquement, si deux listes de nombres* (a.k.a. grandeurs) sont proportionnelles, un nombre quelconque d'une des listes s'obtient en multipliant le nombre correspondant de l'autre liste par un coefficient de proportionnalité convenable.
    Il s'agit évidemment du principe qui mène à la règle de trois.
    Camille Lebossé et Contentin Hémery écrivaient alors [Sixième, p153] :
    On dit que deux grandeurs correspondantes sont directement proportionnelles si lorsque l'une d'elles devient $2$, $3$, $4$ ou $n$ fois plus grande, il en est de même de l'autre.
    Deux grandeurs correspondantes sont inversement proportionnelles si lorsque l'une d'elles devient $2$, $3$, $4$ ou $n$ fois plus grande, l'autre devient $2$, $3$, $4$ ou $n$ fois plus petite.
    * Pouvant aussi bien ne contenir qu'un seul élément.
    « En essayant continuellement, on finit par réussir. Donc : plus ça rate, plus on a de chances que ça marche. » — Proverbe Shadok.
  • Pour reprendre @dp :
    On appelle grandeurs proportionnelles deux grandeurs mesurables où l'une s'obtient en fonction de l'autre par la multiplication par une constante non nulle (appelé coefficient de proportionnalité).
    Si on multiplie l'une des grandeurs par un nombre, l'autre l'est aussi. Si on divise l'une des grandeurs par un nombre (non nul), l'autre l'est aussi.
    Si on additionne (ou soustrait) 2 mesures de l'une des grandeurs alors la même opération donne le résultat correspondant pour l'autre.

    Pas facile à formaliser  :/
  • Perrin en parle dans Mathématiques d’école. On peut mettre bout à bout des segments, accoler des surfaces, etc., avec certaines propriétés, ce qui en fait des grandeurs. On les mesure avec une unité. On peut comparer la grandeur associée aux surfaces d’une figure à une autre sans les mesurer avec un nombre, par exemple. C’est un peu ce que fait Euclide, il me semble. 

  • Les grandeurs sont juste des nombres.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Modifié (21 Nov)
    @dp a.k.a veut dire ?
    Karl Tremblay 1976-2023, je t'appréciais tellement.
  • SocSoc
    Modifié (21 Nov)
    also known as: "également connu sous le nom de"
    The fish doesnt think. The Fish doesnt think because the fish knows. Everything. - Goran Bregovic
  • Merci pour vos retours. Finalement, on rencontre le même problème. Un grandeur est donc "tout" ce qu'on peut mesurer, avec une unité.
    Longueur, aire, masse, vitesse sont des grandeurs. Dans un bouquin, on donne la couleur comme exemple de ce qui n'est pas une grandeur, je suis sceptique mais je n'ai pas trouvé d'autre exemple. 
  • dpdp
    Modifié (21 Nov)
    Une couleur en tant que longueur d'onde semble pourtant l'être, non ? Je l'aurais donc classé comme étant une grandeur ("tout ce qui peut être évalué"), personnellement. Mais peut-être que je me trompe sévèrement.
    Quoi que, s'il s'agit de s'adresser à des élèves de sixième, c'est une toute autre histoire : ils n'ont en effet pas conscience de ce qu'est une longueur d'onde et n'en auront une vague idée que quatre ou cinq ans après.
    « En essayant continuellement, on finit par réussir. Donc : plus ça rate, plus on a de chances que ça marche. » — Proverbe Shadok.
  • La couleur, en première approche, c'est comme la matière (bois, métal ...) ou la consistance ( mou, dur , coupant ). Pourquoi citer la couleur et pas la matière ou la consistance ?

    Ca me paraît un mauvais exemple. Il  y a certainement une très bonne raison de citer la couleur plutôt que la matière, parce que chaque couleur est associée à une longueur d'onde. Mais pour des collégiens, si on ne parle pas de longueur d'onde, alors cet exemple semble totalement parachuté.
    Dans le même registre, parlons de la tonalité (voix grave / aigue), est-ce une grandeur ?

    Terrain glissant.

    Attention, une grandeur n'a pas forcément une unité. Par exemple Le pH est considéré comme une grandeur sans dimension. J'imagine que la magnitude d'un tremblement de terre (échelle de Richter) est aussi une grandeur sans dimension, et les collégiens ont entendu parler de cette échelle de Richter.
    Tu me dis, j'oublie. Tu m'enseignes, je me souviens. Tu m'impliques, j'apprends. Benjamin Franklin
  • Modifié (21 Nov)
    Bonjour, si vous préférez, il y a groupe sanguin comme exemple de quelque chose qui n'est pas une grandeur. En plus, en statistiques, on a tendance à assimiler grandeur avec variable quantitative continue donc même le nombre d'humains sur terre, pas sûre qu'on puisse dire que c'est une grandeur.
    In mémoriam de tous les professeurs assassinés dans l'exercice de leurs fonctions en 2023, n'oublions jamais les noms de Agnes-Lassalle et Dominique-Bernard qui n'ont pas donné lieu aux mêmes réactions sur ce forum (et merci à GaBuZoMeu)
  • SocSoc
    Modifié (22 Nov)
    J'aime bien ma définition de truc quantifiable. Que la quantification soit une mesure ou non. Qui plus est cela distingue le truc (grandeur) de la quantification (mesure) et d'après @geo cela fait plaisir aux inspecteurs! Cela permet aussi (et surtout ?) de faire le lien avec quantitatif/qualitatif en statistiques.
    The fish doesnt think. The Fish doesnt think because the fish knows. Everything. - Goran Bregovic
  • Oui mais du coup dans truc quantifiable, tu inclus les variables quantitatives discrètes et c'est discutable m'enfin ce n'est pas dramatique comme première approche.
    In mémoriam de tous les professeurs assassinés dans l'exercice de leurs fonctions en 2023, n'oublions jamais les noms de Agnes-Lassalle et Dominique-Bernard qui n'ont pas donné lieu aux mêmes réactions sur ce forum (et merci à GaBuZoMeu)
  • Modifié (22 Nov)
    Y a-t-il besoin d'expliquer ce qu'est une grandeur ?

    Pour info, en psychologie, le fait de sélectionner une forme différente par rapport à une forme de référence contenant par exemple un liquide, se fait naturellement chez l'enfant, de manière à conserver le même volume (représenté par l'espace occupé par le liquide).

    Donc pour moi il n'y a pas grand chose à apprendre dans les petites classes sur cette notion de grandeurs.

    C'est plutôt le choix de retenir telle ou telle grandeur qui est plus délicat, mais ça ne concerne plus les maths mais la physique.
  • Modifié (22 Nov)
    bonjour ; je parlerais des nombres, pas des grandeurs
    tableau de proportionnalité avec des "nombres"
    mais je dirais ensuite qu'un nombre peut être relié à la réalité par le bon sens, exemple on peut voir les nombres comme des températures, comme des "nombres de", comme l'altitude d'une mouche, comme le poids d'un sac, et qu'à chaque fois ce sont des types de nombres différents (relatifs, entiers…)
    la notion de nombre est intéressante, et riche, et les nombres ont leur propre "univers" (nombres rationnels, irrationnels) tout comme la réalité a son propre univers…
  • SocSoc
    Modifié (21 Nov)
    Avec des nombres, l'idée de lien entre les deux est étrange et artificielle. Pourquoi multiplier l'un multiplierait l'autre? De même que pour les fonctions, je pense qu'il est plus efficace d'aller de l'intuition vers le formalisme, plutôt que l'inverse.
    The fish doesnt think. The Fish doesnt think because the fish knows. Everything. - Goran Bregovic
  • Modifié (22 Nov)
    Bonjour,
    la place des grandeurs dans l'enseignement des mathématiques, au moins en primaire et au collège, est un débat essentiel. J'y ai consacré une grande partie de mon site (https://collmath.go.yj.fr) que je vous invite à consulter.
    En attendant voici quelques réponses rapides.

    1°) Comment définir une grandeur ?

    Je me conforme aux recommandation de D'Alembert- L’Encyclopédie

    GRANDEUR (Mathématique)

    Voilà un de ces mots dont tout le monde croit avoir une idée nette, et qu'il est pourtant difficile de bien définir. Ne serait-ce pas parce que l'idée que ce mot renferme, est plus simple que les idées par lesquelles on peut entreprendre de l'expliquer ?


    2°) Une grandeur n'est pas un nombre

                    L'utilité première des grandeurs est de comparer des objets ( quel est le plus grand ? )

    Pour comparer les deux quantités d'eau, on dispose de plusieurs grandeurs : la hauteur, le diamètre, le volume, la température ....

    Ces grandeurs peuvent être mesurées : 5 cm, 24 cl, 18° ...

    On peut ajouter les quantités d'eau en les versant dans le même vase. On voit que les hauteurs ne s'ajoutent pas et malheureusement les températures non plus, elles ne sont pas additives. Par contre les volumes s'ajoutent. Le calcul s'effectue avec les nombres : 24 + 58

    On voit ici qu'interviennent 4 univers qu'il est difficile de séparer : les objets, les grandeurs, les grandeurs mesurées, les nombres.

    Réduire les grandeurs à des nombres, réduit considérablement la compréhension des phénomènes.


    3°) La proportionnalité :

    La proportionnalité est une relation entre deux grandeurs additives qu'il n'est pas possible de définir à partir des nombres.
    Voici un tableau de proportionnalité, pour autant la masse d'une personne n'est heureusement pas proportionnelle à son âge.

    Autre difficulté : si je multiplie un âge par 3, je trouve un âge. 10 ans x 3 = 30 ans 



  • Ben dis donc ils sont mal barrés
  • Je suis d'accord pour dire qu'une grandeur doit se mesurer.
    La propriété d'additivité fait référence à la différence entre grandeur extensive et grandeur intensive (masse versus température).
    La grandeur n’est pas un nombre. C'est une réalité, brute.
    Cela vient selon moi, des mathématiques grecques pour lesquelles un nombre était forcément un entier. Tout le reste était une mesure de grandeur (et il fallait dire laquelle).
    Ce qui se mesure s'oppose à ce qui se compte, se dénombre et qui à l'origine était seul à porter le nom de "quantité".
  • Modifié (23 Nov)
    Ci-dessous on explique pourquoi une grandeur (positive) est un nombre réel (positif).
    Un monoïde archimédien pointé est un quintuplet $(M,+_M,\leq_M,0_M,u)$ où 
    1°) $(M,+_M)$ est un monoïde commutatif, dont $0_M$ est l'élément neutre
    2°) $u\neq 0$
    3°) $\leq_M$ est une relation d'ordre totale dont $0_M$ est le plus petit élément et telle que pour tout $z\in M$, $x\mapsto x+_Mz$ est strictement croissante.
    (NB: après moult éditions je pense que c'est la formulation la plus concise et en même temps celle qui entraîne bien ce qu'on veut: avec la commutativité de l'addition et la transitivité de l'ordre, on en déduit que pour tous $x,x',y,y'\in M$, si $x\leq_M x'$ et $y\leq_M y'$ alors $x+_My \leq_M x' +_M y \leq x'+_M y'$).
    4°) Pour tous $a,b\in M$, si $a\neq 0_M$ alors il existe $n\in \N$ tel que $b \leq_M na$.
    ("$na$" voulant dire $a +_M+a+_Ma...+_Ma$ avec $a$ répété $n$ fois).
    Étant donnés deux monoïdes archimédiens pointés $X:=(P,+_P, \leq_P, 0_P,v)$ et $Y:=(Q,+_Q, \leq_Q, 0_Q,w)$. Une fonction $f$ de $P$ dans $Q$ est appelée "morphisme de monoïdes archimédiens pointés entre $X$ et $Y$" si 
    M1°) $f$ est croissante pour les ordres $\leq_P$ et $\leq_Q$
    M2°) $f$ est un morphisme de monoïdes entre $(P,+_P)$ et $(Q,+_Q)$
    M3°) $f(v) = w$.
    Il est clair avec la première définition que $(\R_+,+,\leq, 0,1)$ est un monoïde archimédien pointé ($\R_+$ désignant l'ensemble des nombres réels positifs). Il se trouve qu'on a la propriété (fondamentale) suivante:
    Pour tout monoïde archimédien pointé $(M,+_M,\leq_M,0_M,u)$, il existe un unique morphisme de monoïdes archimédiens pointés entre celui-ci et $(\R_+,+,\leq, 0,1)$.
    Preuve (cachée pour économiser de la place, aérer le texte et permettre aux lecteurs de s'amuser un peu; les arguments sont assez classiques).
    Soit $x\in M$. Pour tout entier $n$, il existe un plus grand entier (désigné par $k_n(x)$ dans toute la suite) tel que $k_n(x) u \leq_M 10^n x$. On a alors (en notant $<_M$ l'ordre strict associé à $\leq_M$) par totalité de $\leq_M$, $10^n x <_M (1+k_n(x)) u$. Alors pour tout entier $n$, $10k_n(x) u \leq_M 10^{n+1} x  <_M 10(1+k_n(x)) u$ ce qui entraîne les inégalités $10k_n(x) \leq k_{n+1}(x) < 1+k_{n+1}(x) \leq 10(1+k_n(x))$, et donc $$\frac {k_n(x)}{10^n} \leq \frac {k_{n+1} (x)}{10^{n+1}} < \frac 1 {10^{n+1}} + \frac {k_{n+1} (x)}{10^{n+1}}\leq \frac 1 {10^n} + \frac {k_n (x)} {10^n} \tag{$\dagger$}$$ En raison de ces inégalités, le "théorème des suites adjacentes" fournit une limite commune, notée ci-dessous "$f(x)$", aux suites $n\mapsto \frac{k_n(x)}{10^n}$ et $\frac 1 {10^n} + \frac{k_n(x)}{10^n}$. La première n'est rien d'autre que la suite du développement en base $10$ de " la mesure de $x$ exprimée dans l'unité de grandeur $u$".

    Existence: il suffit de montrer que $f$ vérifie M1°), M2°) et M3°) ci-dessus.

    M1: pour tous $a,b$ tels que $a\leq_M b$ et tout $n\in \N$, on a forcément $k_n(a) \leq k_n(b)$ puis $f(a) \leq f(b)$ par passage à la limite.
    M2: soient $c,d\in M$ et $n\in \N$. Alors $k_n(c) u +k_n(d)u  \leq_M k_n(c+d)u \leq 10^n (c+d) <_M (1+ k_n(c+d))u \leq_M (2+ k_n (c)+k_n(d))u$. Par suite $$\frac{k_n(c)}{10^n} + \frac{k_n(d)}{10^n} \leq \frac{k_n(c+d)}{10^n} < \frac 1 {10^n} + \frac{k_n(c+d)}{10^n} \leq \frac 2 {10^n} + \frac {k_n(c)}{10^n} + \frac{k_n(d)}{10^n}\tag{$\dagger \dagger$}$$ ce qui permet d'obtenir l'encadrement $f(c)+f(d) \leq f(c+d) \leq f(c)+f(d)$ par passage à la limite, puis le résultat.
    M3: soit $n\in \N$, comme $10^n u \leq 10^n u < (10^n+1) u$, on voit que $k_n(u) = 10^n$ pour tout $n$ et donc $f(u) = 1$ par passage à la limite.

    Unicité: soit $g$ un second morphisme de monoïdes archimédiens entre $(M,+_M,\leq_M, 0_M,u)$ et $(\R,+,\leq,0,1)$. Soit $y\in M$. Soit $n\in \N$. Alors par croissance de $g$ (et le fait qu'il s'agit d'un morphisme de monoïdes), l'inégalité $k_n(y) u \leq_M 10^n y <_M (1+k_n (y)) u$ entraîne $k_n(y) = k_n(y) g(u) \leq 10^n g(y) < (1+k_n(y)) g(u) = 1+k_n(y)$. Ainsi, $\frac {k_n(y)}{10^n} \leq g(y) \leq \frac 1 {10^n} + \frac{k_n(y)} {10^n}$ ce qui veut dire que $g(y)$ est entre les deux suites adjacentes utilisées dans la définition de $f(y)$, bref $g(y) = f(y)$. CQFD.
    Les catégoriciens diraient que $(\R_+,+,\leq, 0,1)$ est un "objet final" de la catégorie des monoïdes archimédiens pointés (ce qui montre au passage une propriété d'unicité très importante: les mathématiciens n'ont pas le choix de leur réglette idéale où ils expriment tous les résultats de mesures positives de grandeur).

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    Le concept de monoïde archimédien correspond intuitivement à ce qu'on attend d'un cadre hébergeant des grandeurs mesurées par une unité. Tous se plongent dans $\R_+$ qui est donc l'outil idéal pour rassembler toutes ces notions disparates.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • @Foys : Super intéressant. Le pointage est-il uniquement là pour assurer l'unicité de l'isomorphisme ? 
  • @Cyrano oui, car sinon il y a des contre-exemples avec $\R_+$ lui-même. Le pointage fournit l'unité de mesure (pied, pouce, once, etc).
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Modifié (23 Nov)
    @Foys très intéressant
    ici le formalisme est éclairant.
    Merci
  • Modifié (22 Nov)
    Comme application purement mathématique, soit $b>1$ un nombre réel. Alors $n\mapsto b^n$ tend vers l'infini (écrire $1+h := b$; d'après la formule du binôme, $(1+h)^n \geq 1+nh$ pour tout entier $n$). On en déduit que pour tout $x>1$, $([1,+\infty[, \times, \leq, 1, b)$ est un monoïde pointé archimédien et le théorème précédent construit le logarithme en base $b$ sans passer par $\exp$ ou une primitive de $x\mapsto \frac 1 x$.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Classe.
  • Le volume et la surface sont plutôt des grandeurs composées comme la vitesse et le Kwh par exemple. 
  • Modifié (22 Nov)
    Je reviens à la phrase "Le concept de monoïde archimédien correspond intuitivement à ce qu'on attend d'un cadre hébergeant des grandeurs mesurées par une unité. Tous se plongent dans $\R^+$".

    Pourquoi "se plongent" ? Il n'a pas été prouvé que l'unique morphisme en question était injectif. 
  • Oui, le mot plonger est abusif :open_mouth:
    Un exemple où il n'y a pas injectivité est $\left (]0,+\infty[ \times \R\right ) \cup \{(0,0)\}$ muni de la somme usuelle et de l'ordre lexicographique.
    Il faudrait voir si on peut rajouter des hypothèses raisonnables pour avoir l'injectivité.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • En gros, il suffirait de demander que $f$ soit un morphisme d'ordre strict dans les définitions. (Donc strictement croissant et forcément injectif car l'ordre est total.)
    Evidemment, la preuve est alors à retravailler. 
  • Malgré les apparences, ce que tu dis Foys, n’est pas en contradiction avec mon affirmation.
    Quand je dis que la grandeur n'est originellement pas vue comme un nombre, mais comme une réalité brute, je ne veux pas dire que l'on ne peut pas la modéliser mathématiquement. Nous avons fait des progrès depuis les grecs et nous savons maintenant donner un traitement mathématique à de telles "réalités".  Cela reste une modélisation, distincte des phénomènes que nous observons.
    (Indépendamment de ce que l'on pense de la relation entre les objets mathématiques en soi et la réalité en soi)
    Au fond dire qu'une grandeur est un nombre, c’est dire la même chose que dire que "la masse est un nombre".
    A notre niveau, humain, c’est un raccourci pour dire "la masse peut être représentée par un nombre".
  • Modifié (23 Nov)
    Si les grandeurs n'étaient "que" des nombres réels comme c'est prétendu ici, alors on pourrait les additionner.

    On pourra donc faire la somme d'une longueur et d'une température, c'est absurde !

    On ne pourrait pas non plus faire d'analyse dimensionnelle.

    Si on suit https://fr.wikipedia.org/wiki/Grandeur_physique , "On appelle grandeur toute propriété d'un phénomène physique  [...] s'expriment à l'aide d'un nombre et d'une référence (comme une unité de mesure)". 

    Si vous voulez formaliser cela, c'est fait ici : https://en.wikipedia.org/wiki/Physical_quantity En gros une grandeur $Z$ est un couple $(z,\mathscr Z)$ où $z$ est un nombre réel et $\mathscr Z$ une unité, qu'on écrit $Z = z \times \mathscr Z$ plutôt que $(z,\mathscr Z)$. On a alors les règles de calcul habituelles (qui empêchent notamment d'additionner deux grandeurs qui n'ont pas la même unité alors qu'on peut les multiplier).
  • @Héhéhé : Vu ce qui est écrit plus haut, une longueur et une température appartiennent à deux monoïdes différents.
    Donc même dans la formalisation mathématiques, on ne peut pas les additionner. 
  • Modifié (24 Nov)
    Bonjour
    1°) Lorsqu'on remplace monoïde par groupe dans mon laïus avec reformulation adaptée (qui est bien celle à laquelle on pense) les résultats ci-dessus sont encore valides et connus depuis Hölder avec en plus l'injectivité.
    2°) Les monoïdes $M$ dont je parle plus haut et pour lesquels l'unique morphisme croissant vers $\R_+$ envoyant un élément donné vers $1$ est injectif sont caractérisés par la condition suivante (inventée par Alimov): pour tous $a,b\in M$ tels que $\forall n\in \N$, $na \leq (n+1)b$ et $nb \leq (n+1)a$ on a $a=b$ ("$(a,b)$ forme une paire anomale"; ou encore "$a$ et $b$ sont infiniment proches"). Cela se produit lorsque $M$ est stable par différence au sens suivant: pour tous $x,y\in M$ tels que $x\leq y$, il existe $z\in M$ tel que $x+z=y$. 
    On trouve de tels résultats et des généralisations pour les semi-groupes (un ensemble avec une loi de composition associative, sans même supposer de commutativité ou d'existence d'élément neutre) dans le petit livre de L.Fuchs: "partially ordered algebraic systems". La recherche sur le web des noms comme Alimov, Clifford, Fuchs est fructueuse.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Ces auteurs avaient-ils déjà fait le lien entre ce théorème et la modélisation des unités de grandeur physique ? 
  • Formidable !
    Mais comme on est dans la rubrique pédagogie, je me demande comment faire avaler ça à un collégien. J'ai peur que le monoïde archimédien passe mal.
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