Équation diophantienne $x^3+x^2+x+1=y^2$ dans $\mathbb Z$

Chaurien
Modifié (October 2023) dans Arithmétique
Il me semble que nous avions parlé de cette équation diophantienne, à propos de la famille des équations $x^{n-1}+x^{n-2}+...+x+1=y^2$, $n \in \mathbb N, n \ge 3$, qui cherchent dans quelles bases de numération un répunit peut être un carré. Il y a une solution très simple pour $n=3$, une autre très jolie pour $n=5$, mais on ne trouvait rien pour $n=4$, et nous avions pensé à l'utilisation de courbes elliptiques, technique que je maîtrise mal. Je ne retrouve pas la référence de ce fil, peut-être serez-vous plus chanceux.
J'ai mis à profit la vacance du forum pour faire une recherche sur ce sujet.
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• L'équation s'écrit :  $(x+1)(x^2+1)=y^2$. Solutions évidentes : $(x,y)=(0,±1),( -1,0)$. 
Ces solutions mises à part, on a $x>0$.
• Soit $d=(x+1)∧(x^2+1)$ le PGCD (positif) de $x+1$ et $x^2+1$. Cet entier $d$ divise $(x^2+1)-(x-1)(x+1)=2$, c'est donc $ 1$ ou $2$.
• Si $d=1$, alors $ x+1$ et $x^2+1$ sont premiers entre eux, donc sont tous deux des carrés d'entiers. En particulier $x^2+1$ est un carré, ce qui est impossible avec $x>0$.
• Si $d=2$, alors $\frac {x+1}2$ et $\frac {x^2+1}2$ sont des entiers premiers entre eux, et sont donc tous deux des carrés d'entiers. 
D'où : $x+1=2 z^2$, $x^2+1=2 t^2$, $z∈\mathbb Z, t∈\mathbb Z$. 
Et là, surprise !
 • Ce système a été étudié et résolu par Fermat, qui écrit en septembre 1659 dans une lettre à Carcavi : « J'envoyai l'année passée à M. Frenicle la démonstration par laquelle je prouvois qu'il n'y a aucun nombre que le seul 7 qui étant le double d'un quarré moins 1, soit la racine d'un quarré de la même nature, car 49 est le double d'un quarré, 25, moins 1. », Œuvres de Fermat, Tome deuxième, Gauthier-Villars, M DCCC XCIV,  p. 441. Ceci signifie que la seule solution pour $ x$ du système : $x=2z^2-1, x^2=2t^2-1$ est $ x=7$, exception faite de la solution triviale $x=-1$.
• La démonstration était restée inédite, comme c'était souvent le cas avec Fermat. Bizarrement, ni Euler, ni Gauss ni Legendre ne se sont intéressés à cette question. Angelo Genocchi a publié une démonstration en 1883, plus de deux cents ans après.
• Les solutions de l'équation proposée sont donc : $(x,y)=(0,±1), (-1,0), (7,±20)$.
Bonne journée.
Fr. Ch.
03/10/2023
• Attention, lecteurs du futur : on me fait remarquer (voir plus bas) que je n'ai pas cité la solution $(x,y)=(1,±2)$.

Réponses

  • Math Coss
    Modifié (October 2023)
    sage: e = x^3+x^2+x+1-y^2
    sage: E = EllipticCurve(e)
    sage: E.integral_points()
    [(-1 : 0 : 1), (0 : 1 : 1), (1 : 2 : 1), (7 : 20 : 1)]
    
    PS : ce calcul illustre l'efficacité des logiciels d'aujourd'hui quand il est question de courbes elliptiques – et qu'une solution a échappé à @Chaurien.
  • Chaurien
    Modifié (October 2023)
    C'est Fermat qui ne mentionne pas  cette solution : il l'avait sans doute considérée comme trop triviale. J'ai eu le tort de ne pas vérifier derrière le grand homme  ;). J'aurais dû mieux lire Genocchi, qui donne bien cette solution parmi les solutions évidentes à écarter.
     Bravo  au logiciel , mais on peut préférer les calculs humains, avec leur histoire prestigieuse. Et pour un tel résultat, ne se pose-t-il pas un problème de vérification humaine, comme pour le théorème des quatre couleurs ?
  • LOU16
    Modifié (January 2024)
    Bonjour,
    La solution que j'avais donné est loin d'être directe et mobilise de nombreux résultats de la "Théorie des Nombres", relativement élémentaires.
    La voici:
    Je me suis à nouveau penché sur cette équation en suivant un itinéraire différent de celui emprunté il y a trois ans, et  je pense avoir cette fois-ci  mis la main sur une solution relativement élémentaire qui demande seulement de connaître $\Z[\mathrm i]$ et $"X^2-2Y^2 = \pm1".$
    Soient $x,y \in \Z$ tels que: $\quad (x+1)(x^2+1)=y^2.$
    Il a été  vu que si $x<0,\:$ alors $\:\:\boxed{x=-1}$,  et que si $x \text { est pair }$, alors $\: \boxed{x=0.}\qquad$ On suppose donc: $ \:x\in \N, \:\: x \text { impair}.$
    Alors : $\: y $ est pair $ \:\: Y:=\dfrac y2, \: A:= \dfrac {1+x}2, \:\: B := \dfrac{1+x^2}2 .\quad A\wedge B =1, \:\:Y^2 = AB.\:\:$ On déduit : $ \: A =U^2, \:\: U\in \N.$
    Notons: $C:=\dfrac{x+\mathrm i }{1+\mathrm i}\in \Z[i].\quad B=C\overline C,\quad Y^2=AC\overline C. \:\:A,C,\overline C $ sont deux à deux premiers entre eux dans l'anneau factoriel  $\Z[\mathrm i]$.
    Ainsi $C$ est associé à un carré de $\Z[\mathrm i]: \:\: \exists a,b \in \Z$ tels que: $b\geqslant 0, \:\:a\wedge b =1, \:\: \: C=(a+b\mathrm i)^2\:\:\: (\bigstar)\quad\text{ou }\quad  C=\mathrm i(a+b\mathrm i)^2\:\:(\bigstar\bigstar).$
    $\bullet \:\:\text{Cas}(\bigstar )\:\: \dfrac {1+x}2 = a^2-b^2 =A=U^2, \:\:\dfrac {1-x}2 =2ab,\quad a^2-b^2+2ab =1,\quad (a+b)^2 -2b^2 =1. \quad (1)$
    $(1)$ entraîne que $b\equiv 0 , \:\: a\equiv 1 \mod 2, \:$ puis que $(a+b)\wedge (a-b)=1, \: $ et avec $\:a^2-b^2 =U^2: \:\:a+ b=V^2 , \:\:V\in \N.$
    En reportant dans $(1): \:\: (V^2-1)(V^2+1) =2b^2,\:$ qui mène à: $\:\:V^2-1 \text{ est un carré dans }\N, \:\:\: V^2=1,\: a=1,\:b=0, \:\boxed{x=1.}$
    $\bullet \:\:\text{Cas}(\bigstar \bigstar )\:\: \dfrac {1+x}2 = -2ab =A=U^2, \:\:\dfrac {1-x}2 =a^2-b^2,\quad a^2-b^2 - 2ab =2,\quad (a-b)^2 -2b^2 =1. \quad (2)$
    L'égalité $U^2=-2ab$, combinée à $a\wedge b =1, \:b\equiv 0 \mod 2,\:$ entraîne  que: $\:\:b=2 W^2, \:\:W\in\N^*,\: $ et avec $(2): $
    $(a-b)^2 -2(2W^2)^2=1.\:\:$ La proposition suivante fournit alors l'égalité $W=1,\:\:$ puis: $\: \: b=2 ,\:a=-1, \:\:\boxed{x=7.}\square$
    $$\boxed {\text{Théorème.}\quad\forall X,Y,W \in \N^*:\quad  (\: X^2-2Y^2 =1,  \:\:Y=2W^2) \:\: \implies W=1.}$$
    Notons $:\alpha := 1+\sqrt 2,\:\: \beta := \alpha ^2 =3+2\sqrt 2, \:\: \forall n \in \N, \:\beta^n :=x_n+ y_n\sqrt2, \:\: x_n,y_n \in \N.\qquad \exists n\in \N^*$ tel que $Y=y_n$
    Si $n=2m$ est pair, alors $2W^2=Y=y_{2m }=2x_my_m, \:\:x_m^2-2y_m^2=1, \:\: x_m=Z^2, \:\: Z^4-2y_m^2 =1, $ et l'on se retrouve dans la situation rencontrée dans le cas $(\bigstar)$ qui conduit à $y_m=0$ et une contradiction.
    Si $n= 2m+1$ est impair: $\:x_n+y_n\sqrt2 =(\alpha^{2m+1})^2 =(r+s\sqrt2)^2\:$ où $r,s$ sont des entiers naturels  impairs tels que $r^2-2s^2 =-1.$
    Il s'ensuit que $Y=2W^2=2rs $ et que $r$ et $s$ sont des carrés d'entiers. Cela donne: $\:R^4-2s^2=-1, \quad s^4 -R^4 = (s^2-1)^2.$
    On récupère ainsi $R^4+ t^2 =s^4 .\:$L'objectif sera atteint si l'on démontre que l'équation diophantienne $X^4+Y^2=Z^4$ n'est possible que si $XY=0$. On y parvient par un argument de "descente infinie", c'est à dire par un raisonnement par l'absurde où l'on suppose que cette relation est réalisée avec $XY \neq 0$ et que $Z$ est minimal pour cette propriété.
    On ne quittera plus désormais le monde des "triplets pythagoriciens" dont $(X^2,Y, Z^2)$ est le premier exemplaire.
    Si $X$ est pair, alors $Z^2 =p^2+q^2, \:X^2 =2pq, \:p\wedge q =1, \:p =2c^2, q=d^2, \:Z^2= 4c^4 +d^4, \:\:(d^2 ,2c^2, Z)\:$ est un nouveau "triplet pythagoricien":$ \:\:2c^2 = 2ef, \:\: d^2 =e^2-f^2, \:\:e\wedge f =1, \:\: \:e=E^2, \:f=F^2, \quad d^2 = E^4-F^4 , \quad dF\neq 0, \:0< E<Z.$
    Si $X$ est impair, alors $X^2=p^2-q^2, \quad Z^2 =p^2 +q^2, \quad (XZ )^2=p^4-q^4, \quad q(XZ) \neq 0, \: 0<p<Z.$
    Dans les deux cas , la minimalité de $Z$ est contredite.

  • Chaurien
    Modifié (October 2023)
    Références.
    • On trouve de nombreuses références à ce problème dans :
    L. E. Dickson, History of the Theory of Numbers, Chelsea 1971, Vol. I, pp. 56-57 et Vol. II, pp. 487-488.
    • On peut prendre connaissance directement de l'écrit de Fermat ici :
    https://fr.wikisource.org/w/index.php?title=Page:Œuvres_de_Fermat,_Tannery,_tome_2,_1894.djvu/459&amp;action=edit&amp;redlink=1
    • Sur Angelo Genocchi (1817-1899), voir la notice  :
    https://mathshistory.st-andrews.ac.uk/Biographies/Genocchi/
    Son article concernant le système $x=2 y^2-1, x^2=2 z^2-1$ est disponible ici :
    http://www.numdam.org/item/NAM_1883_3_2__306_1/
  • Salut, peut être il y a un autre lien, voici une discussion https://les-mathematiques.net/vanilla/index.php?p=/discussion/1795204/une-equation/p1
    Sur math.stack je crois l'equation de degré $n$ est mentionnée avec une reference sur un livre d’arithmétique...
  • Namiswan
    Modifié (October 2023)
    Merci à tous pour avoir remonté ce vieux sujet et pour les démonstrations proposées (essentiellement élémentaires, nice).

    Je m'étais intéressé à l'équation de degré $n$. Le cas $n=5$ est classique, on peut le traiter comme suit: si $1+x+x^2+x^3+x^4=y^2$ avec $x,y\in\N^*$, alors en posant $z=x^2+x/2$, on vérifie que si $x>3$ alors $z^2<1+x+x^2+x^3+x^4<(z+1/2)^2$, donc $z<y<z+1/2$. Puisque $2z$ est entier, c'est impossible. Et on teste les cas $x=1$, $2$ et $3$ à la main. ($x=3$ marche et donne $y=11$)

    J'arrive à faire une démonstration analogue pour n'importe quel $n$ impair donné en posant un $z=P(x)$ bien choisi, mais qui ne marche que pour $x$ grand, et je dois donc vérifier un nombre fini de cas à la main, je n'ai donc pas de démo qui marche indépendamment de $n$. Si quelqu'un a, je suis preneur.

    Quand au cas $n$ pair, en faisant de bonnes factorisations j'arrive à me ramener soit au cas $n$ impair, soit au cas $n=4$. C'est pourquoi le cas $n=4$ m'intéressait particulièrement.

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