Ultrapuissance et complétude
Bonjour à tous,
Cela fait exactement un mois que je me pose cette question, i.e. précisément depuis le plantage du forum.
Soit $\mathscr U$ un ultrafiltre non principal sur $\omega$. On considère l'ultrapuissance de $\mathbb{R}$ modulo $\mathscr U$. Je note $^*\mathbb{R}$ l'objet ainsi obtenu. (Je viens de constater que le latex ne compile pas, mais tant pis). On sait que *R est un corps totalement ordonné qui n'est pas archimédien. Ma question est : est-il complet ?
Précision : on sait que si u est une suite standard, i.e. une suite qui a été obtenue en prolongeant à *N une suite classique ne prenant des valeurs standard sur N, de la manière canonique, alors u est convergente ssi elle est de Cauchy. Mais qu'en est-il dans le cas général ?
Merci d'avance, et heureux de vous retrouver enfin sur ce forum !
Réponses
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Rectification : le latex ne compile pas quand on fait un aperçu, mais il compile très bien à la publication... ce qui est l'essentiel.
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Salut Martial !Montrons que dans $^{*} \mathbb{R}$ toutes les suites de Cauchy sont stationnaires. Ainsi elles sont convergentes.Soit $(u_{n} )\in (^{*} \mathbb{R})^{\mathbb{N}}$ de Cauchy. Chaque terme est lui-même une suite $(u_{n,k} )_{k\in \mathbb{N}}$. Supposons par l'absurde que $(u_{n} )$ n'est pas stationnaire. Pour tout $n$, il existe $m_n>n$ tel que $u_{n} \neq u_{m_n}$ dans $^{*} \mathbb{R}$, i.e. $U_{n} := \{k\in \mathbb{N} \mid u_{n,k} \neq u_{m_n,k} \}\in \mathscr U$. Notons $V_{n} = U_{n} \cap [n,\infty [$, qui est aussi dans $\mathscr U$, et $s_{n,k} = |u_{n,k}-u_{m_n,k}|$ pour tout $k$. Ainsi : $\forall n\in \mathbb{N},\forall k\in V_{n} ,\; s_{n,k} >0$.Ensuite, posons pour tout $k$ : $\varepsilon _{k} = \min \{s_{n,k} \mid n\in \mathbb{N}, k\in V_{n} \}$, qui est un min sur un ensemble fini car $k\in V_{n}$ impose que $n\leqslant k$. Alors pour tout $n$, l'ensemble $\{k\in \mathbb{N} \mid \varepsilon _{k} \leqslant s_{n,k} \}$ contient $V_{n}$, donc il est dans $\mathscr U$. Donc : $\forall n, \;\varepsilon \leqslant s_{n}$ dans $^{*} \mathbb{R}$, en notant $\varepsilon = (\varepsilon _{k} )$ et $s_{n} = (s_{n,k} )$.Par ailleurs, pour tout $k\in \mathbb{N}$, $\varepsilon _{k} >0$, donc $\varepsilon >0$ dans $^{*} \mathbb{R}$. Et $(u_{n})$ est de Cauchy, donc il existe $n$ tel que $s_{n} \leqslant \frac{\varepsilon }{2}$ dans $^*\Bbb R$. D'où $\varepsilon\leqslant \frac{\varepsilon }{2}$, donc $\varepsilon \leqslant 0$ dans $^{*} \mathbb{R}$. C'est absurde.
PS : Les affaires reprennent !! -
Après une série d'édit et de re-édit, je crois que j'ai convergé vers une version stable.
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Martial a dit :Précision : on sait que si u est une suite standard, i.e. une suite qui a été obtenue en prolongeant à *N une suite classique ne prenant des valeurs standard sur N, de la manière canonique, alors u est convergente ssi elle est de Cauchy. Mais qu'en est-il dans le cas général ?
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Par contre ce qui est vrai c'est que l'ordre de $^*\Bbb R$ n'est pas complet : il n'a pas toutes ses bornes sup et inf. Par exemple $\Bbb N$ est majoré dans $^* \Bbb R$ mais n'a pas de borne sup (car si $m$ est un majorant, $m-1$ aussi).
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À propos de la complétude topologique de $^* \Bbb R$, ça ressemble beaucoup au cas de la topologie boite (voir la dernière ligne de l'article Wikipédia).
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@Calli : Oui, je savais que $^*\mathbb{R}$ n'a pas la propriété de la borne sup. C'est justement ça qui m'embêtait : il y a un théorème bien connu qui dit que, pour un corps totalement ordonné $K$, sont équivalentes, entre autres :$K$ a la propriété de la borne sup.$K$ est archimédien et complet.Du coup, comme $^*\mathbb{R}$ n'a pas la propriété de la borne sup et n'est par archimédien, je ne pouvais pas conclure.Encore merci !
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J'ai modifié une dernière fois mon premier message pour améliorer un argument qui était bancal.
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@Calli : je reconnais j'ai été imprécis. Ce que j'appelle une suite standard c'est une suite construite de la façon suivante. Pour des raisons de commodité j'emploie la notation fonctionnelle car on y voit plus clair.Soit $u : \mathbb{N} \to \mathbb{R}$ une suite classique. (Donc je note $u(n)$ le terme d'ordre $n$ de la suite). Ensuite on prolonge $u$ à $^*\mathbb{N}$ en décrétant que si $n=Cl(a_0,a_1,...,a_k,...)$, alors $u(n) = Cl(u(a_0),u(a_1),...,u(a_k),...)$, où $Cl(...)$ désigne la classe modulo $\mathscr U$ (au cas où quelqu'un aurait eu le moindre doute sur la question).
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Martial a dit :Soit $u : \mathbb{N} \to \mathbb{R}$ une suite classique. (Donc je note $u(n)$ le terme d'ordre $n$ de la suite). Ensuite on prolonge $u$ à $^*\mathbb{N}$ en décrétant que si $n=Cl(a_0,a_1,...,a_k,...)$, alors $u(n) = Cl(u(a_0),u(a_1),...,u(a_k),...)$, où $Cl(...)$ désigne la classe modulo $\mathscr U$ (au cas où quelqu'un aurait eu le moindre doute sur la question).
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@Calli : Tu as tout à fait raison, je n'avais pas fait attention. Et je ne sais pas si on peut déduire ma version (toute suite $u: ^*\mathbb{N} \to ^*\mathbb{R}$ qui est de Cauchy est convergente) de la tienne. A priori non, puisque si $u$ définie sur $^*\mathbb{N}$ est de Cauchy, on n'est pas sûrs que sa restriction à $\mathbb{N}$ soit de Cauchy, car pour un $\varepsilon$ donné il se peut que le $n_0$ soit infiniment grand.A ce niveau un autre problème se pose : qu'est-ce que c'est exactement qu'une suite de Cauchy ? 2 définitions sont possibles. Pour simplifier je note $^*\mathbb{R}^+$ l'ensemble des hyperréels $>0$. :1) $\forall \varepsilon \in\ ^*\mathbb{R}^+ \exists n_0 \in \ ^*\mathbb{N} \forall p \forall q (p \geq q \geq n_0 \Rightarrow |u_p-u_q| < \varepsilon)$.2) $\forall w,w' \in \ ^*\mathbb{N} \setminus \mathbb{N}, u_\omega \simeq u_{\omega'}$, i.e. $u_\omega - u_{\omega'}$ est un infiniment petit.Il est clair que dans le cas des suites standard les deux définitions coïncident, mais dans le cas général je ne sais pas.
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Je viens de lire l'article sur la topologie des boîtes, je ne connaissais pas. Effectivement il y a une notion de stationnarité, comme ci-dessus.Ce qui me casse la tête c'est que nulle part dans la littérature je n'ai trouvé de définition propre de la complétude topologique en ANS. (Est-ce que l'ensemble de départ est $\mathbb{N}$, ou $^*\mathbb{N}$ ?). Il semble que ces questions aient été peu étudiées. À mon avis il y a à cela une raison simple, c'est que la complétude est une propriété au second ordre, et ça ça emmouscaille tout le monde.
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@Calli : J'en rajoute une couche. Pour cela je me place dans la tête d'un habitant d'une ultrapuissance de l'univers du type $V^{\mathbb{N}}/ \mathscr U$. Bon d'accord, ce truc n'est pas vraiment modèle de ZFC (il est "un peu" mal fondé), mais presque. Pour l'habitant en question, l'"ensemble" des nombres réels c'est $^*\mathbb{R}$ et l'"ensemble" des entiers naturels c'est $^*\mathbb{N}$ on est bien d'accord ?Donc il paraît naturel de penser que pour lui une suite c'est une fonction de $^*\mathbb{N}$ dans $^*\mathbb{R}$, non ? Enfin moi j'dis ça j'suis pas psychologue mais bon...
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Ok alors il faut distinguer deux points de vue :
- Celui que j'ai adopté dans mon premier message voit $^* \Bbb R$ comme un simple corps topologique (dans l'univers $V$ de départ). Dans ce cas l'ensemble des suites à considérer est $(^*\Bbb R)^{\Bbb N}$.
- Le point de vue ANS dans l'univers $^* V := V^{\Bbb N}/\mathscr U$.
Justification de (*) :
Pour plus de clarté, je vais distinguer le $\Bbb N$ qui porte l'ultrafiltre et celui des indices séquentiels en notant $I:=\Bbb N$ le premier.- Soit $f\in (\mathbb{R}^{\mathbb{N}} )^{I}$. On peut montrer que $g:\mathbb{N}^{I} \rightarrow \mathbb{R}^{I}$, $(n_{i} )_{i\in I} \mapsto (f(i)(n_{i} ))_{i\in I}$ passe au quotient par $\mathscr U$ en une application $\tilde{g} :{^{*} \mathbb{N}}\rightarrow {^{*} \mathbb{R}}$. On pose $F(f) = \tilde{g}$.
- Montrons que $F:(\mathbb{R}^{\mathbb{N}} )^{I} \rightarrow (^{*} \mathbb{R})^{(^{*} \mathbb{N})}$ passe au quotient par $\mathscr U$ en $\tilde{F} : {^* (\mathbb{R}^{\mathbb{N}} )} \rightarrow (^{*} \mathbb{R})^{(^{*} \mathbb{N})}$. Soit $f\in (\mathbb{R}^{\mathbb{N}} )^{I}$ congru à 0 modulo $\mathscr U$. Il suffit de montrer que $F(f)=0$. On a $\{i\in I \mid \forall n\in \mathbb{N},\, f(i)(n) = 0\}\in \mathscr U$. Donc pour tout $(n_{i} )\in \mathbb{N}^{I}$, $\{i\in I \mid f(i)(n_{i} ) = 0\}\in \mathscr U$. Donc la fonction $g$ associé à $f$ est nulle. Donc $F(f) = \tilde{g}$ aussi.
- Montrons que $\tilde{F}$ est injective. Soit $f\in (\mathbb{R}^{\mathbb{N}} )^{I}$ telle que $F(f) = 0$. Il suffit de montrer que $f$ est congru à 0 modulo $\mathscr U$. Supposons par l'absurde le contraire. Alors $U:=\{i\in I \mid \exists n_{i} \in \mathbb{N}, \,f(i)(n_{i} ) \neq 0\}=\complement_I \{i\in I \mid \forall n \in \mathbb{N},\, f(i)(n) = 0\}\in \mathscr U$. Faisons un tel choix d'entiers $n_{i}$ et prolongons $(n_{i} )$ par 0 en dehors de $U$, de sorte que $(n_{i} )\in \mathbb{N}^{I}$. Comme $F(f)((n_{i} )_i)=0$, on a que $g((n_{i} )_i)$ est congru à 0, donc : $V:=\{i\in I \mid f(i)(n_{i} ) = 0\}\in \mathscr U$. D'où $ \varnothing =U\cap V\in \mathscr U$. C'est absurde.
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Je ne suis pas non plus un expert de l'ANS. J'ai récupéré un livre sur ça il y a quelques mois : "Non-standard analysis" de Abraham Robinson, 1970, 2e édition. Ce serait sympa que je le lise, si je trouve le temps.
PS : J'ai aussi récupéré "Models and ultraproducts : an introduction" de J.L. Bell et A.B. Slomson, 1969. Et "Intuitionism" de A. Heyting, 1971, 3e édition. J'espère que j'aurai le courage de les lire un jour. -
@Calli : je n'ai pas encore fini de décortiquer ta démonstration. Elle semble compréhensible mais évidemment très technique. (Evidemment, difficile de faire une omelette sans casser des oeufs).Concernant le livre de Robinson j'ai l'édition de 1966 et celle de 1974. Le livre est très difficile à lire, car il considère des "higher-order non-standard models of Analysis". Si j'ai bien compris cela revient à travailler dans une logique du "infinitième ordre". D'ailleurs il signale quelque part que si on fait abstraction de tous les prédicats d'ordre 2,3,..., on se retrouve avec un modèle non standard du 1er ordre.Pour apprendre l'ANS j'ai travaillé essentiellement sur un papier de W.A.J. Luxemburg : "Non-Standard Analysis. Lectures on A. Robinson's theory of infinitesimals and infinitely large numbers", 1962. Le livre est assez ardu aussi mais il présente un avantage considérable, c'est que l'auteur ne travaille qu'avec des ultrapuissances. Du coup on s'y promène plus facilement, avec le théorème de Los dans la poche.Toutes ces remarques m'incitent à penser qu'il serait peut-être plus opportun de se placer dans le premier point de vue que tu signales ci-dessus. A méditer...
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Je précise que le papier de Luxemburg est en libre téléchargement.
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Merci pour les conseils de lecture.
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@Calli : il y a quand même quelque chose qui me choque dans cette affaire. Considérons par exemple la suite $u$ définie sur $\mathbb{N}$ par $u_n=\dfrac{1}{n+1}$. Certes elle ne prend que des valeurs standard, mais rien n'interdit de la considérer comme une suite à valeurs dans $^*\mathbb{R}$. Comme elle converge elle est de Cauchy, donc par ton théorème elle est stationnaire... C'est quand même un peu bizarre, non ?
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Non, elle ne converge pas ! En effet, soit $\varepsilon = (\varepsilon_i)_{i\in\Bbb N}$ une suite strictement positive tendant vers 0, vue comme élément de $^*\Bbb R$. Alors $\varepsilon>0$ dans $^*\Bbb R$, et $u_n =\big(\frac1{n+1}\big)_{i\in\Bbb N}>\varepsilon$ dans $^*\Bbb R$ pour tout $n$. Donc $(u_n)$ ne tend pas vers 0 dans $^*\Bbb R$.
C'est le phénomène général suivant qui est à l'œuvre : on peut avoir une inclusion d'ensembles totalement ordonnés $E\subset F$, sans que la topologie de l'ordre sur $E$ soit la restriction à $E$ de la topologie de l'ordre sur $F$. Ici $E=\Bbb R$ et $F={^*\Bbb R}$. Un autre exemple : $E=\{-1\}\cup\{\frac1{n+1}\mid n\in\Bbb N\}$ et $F=\Bbb R$. On a $\frac1{n+1} \to-1$ dans $E$ pour la topologie de l'ordre de $E$, mais $\frac1{n+1} \cancel\to-1$ dans $F$.
En revanche, dans le cadre de l'ANS, on a bien $u_n\to 0$. Mais comme je le disais, c'est un point de vue différent. -
Oui tu as raison, il y a là une subtilité qui m'avait échappé en première instance. Pour finir je crois que je vais en rester aux suites standard, et passer à autre chose.Je suis en train de peaufiner mon Annexe 4 sur les ensembles flous, et là non plus ce n'est pas de tout repos.
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