Théorème de Felix Bernstein
$\newcommand{\eimg}[2]{#1\left\langle\,{#2}\,\right\rangle}\newcommand{\ens}[2]{\left\{\begin{array}{c|c}#1\end{array}\right\}}\newcommand{\pwr}[1]{\mathfrak{P}\left(#1\right)}$Il y a de multiples démonstrations de ce théorème proposées dans la littérature mathématique. Cependant, j'ai été particulièrement attiré par celle de (I), pages 26 et 27, puis par celle de (II), pages 259 et 260.
Lemme
I. Soient $E$ un ensemble et $S$ un sous-ensemble de $E$. S'il existe une
injection $f:E\to{}S$, alors il existe une bijection de $E$ sur $S$.
Preuve. Le cas où $S=E$ est immédiat, si
bien que nous supposons désormais que $S\ne{}E$. Posons $C=E\setminus{}S$, distinct de l'ensemble vide par notre hypothèse, et soit\[\mathscr{S}_C=\ens{P}{P\in\pwr{E}\text{
et }C\subseteq{}P\text{ et }\eimg{f}{P}\subseteq{}P}\]où l'on constate
immédiatement que $E\in\mathscr{S}_C$, de sorte que $\mathscr{S}_C$ n'est pas
vide. Raisonnons
maintenant en trois étapes.
- Soit $X\in\mathscr{S}_C$ arbitrairement choisi. Clairement, par définition de $\mathscr{S}_C$,\[X\in\pwr{E}\text{
et }C\subseteq{}X\text{ et }\eimg{f}{X}\subseteq{}X\]d'où visiblement $\eimg{f}{X}\cup{}C\subseteq{}X$, puis $\eimg{f}{C}\subseteq\eimg{f}{X}\subseteq{}S$, ainsi que\[\eimg{f}{X}\cup{}C\in\pwr{E}\text{
et }C\subseteq\eimg{f}{X}\cup{}C\text{ et }\eimg{f}{\eimg{f}{X}\cup{}C}\subseteq\eimg{f}{X}\subseteq\eimg{f}{X}\cup{}C\]Ainsi a-t-on que $\eimg{f}{X}\cup{}C\in\mathscr{S}_C$, ce qui, en vertu de l'arbitraire sur $X$, nous conduit à considérer l'application\[\Phi:\mathscr{S}_C\to\mathscr{S}_C,\,P\mapsto\eimg{f}{P}\cup{}C\]dont on a constaté que $\Phi(P)\subseteq{}P$, quel que soit $P\in\mathscr{S}_C$.
- Posons maintenant\[I_C=\bigcap\limits_{X\in\mathscr{S}_C}X\]qui est bien une partie de $E$, et prouvons que
$I_C=\Phi\left(I_C\right)=\eimg{f}{I_C}\cup{}C$. Clairement, par définition de $I_C$, nous avons $C\subseteq{}I_C$,
ainsi que\[\eimg{f}{I_C}=\eimg{f}{\bigcap\limits_{X\in\mathscr{S}_C}X}\subseteq\bigcap\limits_{X\in\mathscr{S}_C}\eimg{f}{X}\subseteq\bigcap\limits_{X\in\mathscr{S}_C}X=I_C\]d'où
$I_C\in\mathscr{S}_C$, et donc $\Phi\left(I_C\right)\subseteq{}I_C$. Par ailleurs, $\Phi\left(I_C\right)\in\mathscr{S}_C$, de sorte que, par définition de $I_C$, $I_C\subseteq\Phi\left(I_C\right)$ ; d'où le résultat attendu. Ainsi $I_C$ est-il un point fixe de $\Phi$.
- A présent, construisons une bijection de $E$ sur $S$ en nous reposant sur l'injection $f:E\to{}S$. En nous appuyant notamment sur le point 2. et sur le fait que $C=E\setminus{}S$, remarquons que\[E\setminus{}I_C=E\setminus{}\Phi\left(I_C\right)=E\setminus\left(\eimg{f}{I_C}\cup{}C\right)=\left(E\setminus\eimg{f}{I_C}\right)\cap\left(E\setminus{}C\right)=\left(E\setminus\eimg{f}{I_C}\right)\cap{}S=S\setminus\eimg{f}{I_C}\]d'où $S=\eimg{f}{I_C}\cup\left(E\setminus{}I_C\right)$. L'application\[\varphi:\left\{\begin{array}{rcl}E&\longrightarrow&S\\x&\longmapsto&\left\{\begin{array}{llll}f(x)&\text{si }x\in{}I_C\text{,}\\x&\text{sinon.}\end{array}\right.\\\end{array}\right.\]est bien la bijection recherchée, par construction même. En effet, $\varphi$ est réunion disjointe de l'application $g:I_C\to\eimg{f}{I_C},\,x\mapsto{}f(x)$ qui est injective, héritage de $f$, et naturellement surjective, et de l'application identique de $E\setminus{}I_C$.
Le lemme est démontré.
Maintenant, nous sommes en mesure de démontrer le théorème de Felix Bernstein :
Théorème. Soient $E$ et $F$ des ensembles.
S'il existe une injection de $E$ dans $F$ et une injection de $F$ dans $E$,
alors $E$ et $F$ sont équipotents.
Preuve. Faisons l'hypothèse qu'il existe une injection $\Phi_{E,\,F}:E\to{}F$ et une injection
$\Phi_{F,\,E}:F\to{}E$. Posons $E_F=\eimg{\Phi_{F,\,E}}{F}$ et considérons l'application\[\Psi_{F,\,E_F}:F\to{}E_F,\,x\mapsto\Phi_{F,\,E}(x)\]corestriction de $\Phi_{F,\,E}$ à $E_F$ qui est injective, héritage de $\Phi_{F,\,E}$, et naturellement surjective, donc bijective. Vu
que\[\eimg{\Phi_{F,\,E}\circ\Phi_{E,\,F}}{E}=\eimg{\Phi_{F,\,E}}{\eimg{\Phi_{E,\,F}}{E}}\subseteq\eimg{\Phi_{F,\,E}}{F}=E_F\]alors la corestriction de $\Phi_{F,\,E}\circ\Phi_{E,\,F}:E\to{}E$ à $E_F$ est clairement injective. Il suit immédiatement du lemme I précédent qu'il existe une bijection $\Phi_{E,\,E_F}$ de $E$ sur $E_F$, ce qui nous conduit à la bijection $\Psi_{F,\,E_F}^{-1}\circ\Phi_{E,\,E_F}:E\to{}F$, donc au résultat attendu. Le théorème est démontré.
Bibliographie.
(I) Andrée Bastiani, Théorie des ensembles, France (Centre de Documentation Universitaire), 1970.
(II) Jean Dieudonné, Pour l'honneur de l'esprit humain - Les mathématiques aujourd'hui, France (Hachette), 1987.
Réponses
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Je pense qu'il faut faire des dessins pour accompagner la preuve sinon on ne comprend pas trop l'idée.---> I believe in Chuu-supremacy : https://www.youtube.com/watch?v=BVVfMFS3mgc <---
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@Thierry Poma : A vue de nez, tes points 1) et 2) reviennent à redémontrer le théorème de Knaster-Tarski, dans le cas particulier qui t'intéresse, non ?
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Positif a dit :Je pense qu'il faut faire des dessins pour accompagner la preuve sinon on ne comprend pas trop l'idée.Grosso modo il s'agit de ça:1°) Soit $(X,\leq)$ un ensemble ordonné dans lequel toute partie admet une borne supérieure et soit $f:X \to X$ une fonction croissante. Alors $f$ possède un point fixe (par exemple $\sup \{t \in X \mid t \leq f(t)\}$ - exo).2°) Pour tout ensemble $E$, $(\mathcal P(E),\subseteq)$ satisfait les conditions précédentes (prendre la réunion pour le sup). Soient $E,F$ des ensembles, $f:E\to F$ et $g: F \to E$ deux applications injectives. Soit $\varphi: D \in \mathcal P(E) \mapsto E \backslash g (F \backslash f(D))$. Alors $\varphi$ est croissante pour l'inclusion et donc possède (1°) un point fixe $A$. $g$ est alors surjective de $F \backslash f(A)$ dans $E \backslash A$ (et donc bijective car injective). En posant $h(x):= f(x)$ si $x\in A$ et $g^{-1}(x)$ si $x\in E\backslash A$, on construit alors une bijection $h$ entre $E$ et $F$.Les théorèmes ont parfois plusieurs noms. 2°) était connu de mon côté sous le nom de "théorème de Cantor-Bernstein". Le résultat 1°) est un théorème de point fixe intéressant pour lui-même.Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
Bonjour!
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