Matrices à coefficients non-commutatifs et applications linéaires

Georges Abitbol
Modifié (January 2022) dans Algèbre
Bonsoir,
soit $k$ un anneau commutatif :D , $A$ une $k$-algèbre unitaire et associative, mais non supposée commutative. Soit $n$ un naturel non nul.
Question 0. C'est quoi, une application $A$-linéaire ? Il doit y avoir plusieurs définitions (linéaire à gauche, à droite, etc.) ?
Question 1. Je peux quand même fabriquer $M_n(A)$ et avec le produit de matrices habituel, c'est encore une $k$-algèbre associative. Par contre, c'est quoi le bon $End_A(A)$ que je dois choisir et quel joli isomorphisme $\theta : M_n(A) \rightarrow End_A(A^n)$ dois-je définir pour coller à ce qui arrive quand $A$ est commutatif ?
J'ai essayé bêtement, avec plusieurs choix, et ça ne venait pas du bon côté. Est-ce que quelqu'un pourrait me sauver la mise ? La prochaine étape c'est de mettre des normes sur ces machins...
EDIT : Oubli d'un $^n$.

Réponses

  • Foys
    Modifié (January 2022)
    Bourbaki algèbre (chap 1 à 3) répond essentiellement à ces questions.
    La plupart du temps les précautions consistent à choisir la bonne option parmi "à gauche" et "à droite".

    Soit donc $A$ une $k$-algèbre.
    1°) Un $A$-module à gauche sur $A$ est un couple $(M,\rho)$ où $M$ est un $k$-module et $\rho$ un morphisme d'anneau de $A$ dans $End_k(M)$.
    Et un $A$-module à droite est un $A$-module à gauche sur l'anneau opposé de $A$ (c'est-à-dire $A$ avec la multiplication $x,y\mapsto yx$).
    On note $A^o$ l'anneau opposé de $A$.
    2°) si $M,N$ sont des $A$-modules à gauche, les applications linéaires à gauche entre $M$ et $N$ sont les morphismes de $k$-module tels que $f(\alpha x)=\alpha f(x)$
    3°) Quand $M=A^m$ et $N=A^n$, $Hom(M,N)$ est canoniquement isomorphe à ... $M_{n,m}(A^o)$.
    (isomorphe comme $k$-module et lorsque $M=N$, on obbtient un isomorphisme de $k$-algèbres entre $End_A(M)$ et $M_n(A^o)$.)
    Je pense que c'est ce point qui t'a gêné. Il peut être utile de calculer la matrice de la composition de deux applications linéaires sur des modules libres de type fini pour voir ce qui se passe.
    Par exemple, le dual d'un $A$-module à gauche est naturellement un $A$-module à droite et vice-versa.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Georges Abitbol
    Modifié (January 2022)
    D'accord Foys, merci, je fais ça demain.

    EDIT : Suppression d'un bout de phrase qui répond à un post déplacé ou supprimé, je ne sais pas.
  • Math Coss
    Modifié (January 2022)
    Si on tient à écrire les applications $f(x)$, il peut être plus agréable de parler de modules à droite. La linéarité se dit alors $f(xa)=f(x)a$ pour $a$ dans $A$, $x$ dans $M$ et $f$ de $M$ dans $N$. Matriciellement, on multiplie par les matrices d'un côté, par les scalaire de l'autre.
  • Math Coss : tu sais, c'est amusant parce que ça fait des années que je suis partisan des modules à gauche précisément pour ça ("un truc est un module sur son anneau d'endomorphismes, et l'anneau d'endomorphismes agit à gauche"), mais depuis quelques mois/semaines je rencontre extrêmement souvent des bimodules, en particulier des bimodules sur un machin + sur leurs endomorphismes, et donc ça me force à préférer les modules à droite (précisément pour la raison que tu mentionnes)... 
  • Georges Abitbol
    Modifié (January 2022)
    Pardon d'avance pour le pavé.

    Soit $k$ un anneau commutatif unitaire, soit $A$ une $k$-algèbre associative (unitaire car $k$ est unitaire).
    On note $A_g$ le $A$-module à gauche $A$, i.e. $(A,+)$ muni de l'application $\lambda_g : A\times A \rightarrow A$ qui envoie $(a,b)$ sur $ab$.
    On note $A_d$ le $A$-module à droite $A$, i.e. $(A,+)$ muni de l'application $\lambda_d : A \times A \rightarrow A$ qui envoie $(a,b)$ sur $ba$.
    Si $a \in A$, et $m \in A_g$, on note \[a\cdot m := \lambda_g (a,m) = am\]et si $m \in A_d$, on note \[m\cdot a := \lambda_d(a,m) := ma.\]Ainsi, on a, pour tout $a,b \in A$ $m_g \in A_g$ et $m_d \in A_d$, \[(a\cdot (b \cdot m_g)) = (ab)\cdot m_g\]et \[((m_d\cdot b)\cdot a) = m_d \cdot (ba).\]Si $n \in \mathbb{N}$, on considère $A^n_g$ et $A^n_d$ munis de leur structure de somme directe de $A$-modules à gauche et à droite respectivement (on note $\lambda^n_g$ et $\lambda^n_d$ les multiplications scalaires).

    Considérons $(M_n(A),+)$ muni de la multiplication matricielle $*$, i.e.
    \[(a_{ij})_{ij} * (b_{jk})_{jk} = \left(\sum_j a_{ij}b_{jk}\right)_{ik}.\]Alors $(M_n(A),+,*)$ est une $k$-algèbre unitaire, mais pas forcément une $A$-algèbre (pour l'application $a \mapsto a I_n$, bien entendu).

    Notons ensuite, pour tout $c \in \{g,d\}$, $\mu_c$ l'application $M_n(A) \times A^n \rightarrow A^n$ qui envoie $\left((a_{ij})_{ij},(c_j)_j\right)$ sur \[\left(\sum_j \lambda_c (a_{ij},c_j)\right)_i.\]Autrement dit, $\mu_g$ est l'application de multiplication matricielle "habituelle" (si on identifie $A^n$ à des matrices à une colonne et $n$ lignes) et $\mu_d$ est la même que $\mu_g$ sauf... qu'à chaque fois qu'on fait un produit, on le fait en échangeant les gens.

    Notons $\overline{\cdot}$ l'unique involution non triviale de $\{g,d\}$.
    Alors, pour tout $c \in \{g,d\}$, et pour tout $M \in M_n(A)$, $\mu_c(M,\cdot)$ est $A_{\overline{c}}$-linéaire !
    En effet, de l'égalité \[\left(\sum_j a_{ij}c_j\right)b = \sum_j a_{ij} (c_j b),\]on déduit \[\forall M \in M_n(A),\ \forall v \in A^n_d, \forall b \in A,\ \lambda^n_d(\mu_g(M,v),b) = \mu_g(M,\lambda^n_d(v,b)),\]soit, en adoptant des notations plus sympathiques, \[(M \cdot_g v) \cdot_d b = M \cdot_g (v \cdot_d b).\]L'autre côté se fait pareil.

    Notons enfin, pour $c \in \{g,d\}$, $\phi_c$ l'application $M \mapsto \mu_c(M,\cdot)$.
    Alors \[\forall M_1,M_2 \in M_n(A),\ \phi_g(M_1 * M_2) = \phi_g(M_1) \circ \phi_g(M_2)\]mais par contre, on n'a pas du tout \[\forall M_1,M_2 \in M_n(A),\ \phi_d(M_1 * M_2) = \phi_d(M_1) \circ \phi_d(M_2)\ !\]Pour avoir ça, il faut changer la définition de $*$ (la multiplication matricielle) en faisant les produits dans le sens opposé.

    Bref, pour retenir tout ça.
    1) Mettons qu'on définisse le produit matriciel dans "le bon sens" (i.e. les multiplications dans l'anneau sont faites dans le "même sens" que celui indiqué par l'ordre des matrices qu'on veut multiplier) et
    1)a) mettons qu'on définisse l'application associée à une matrice sur les vecteurs colonnes par la multiplication matricielle où les produits sont faits dans l'ordre "élément de la matrice fois coordonnée du vecteur colonne" ; alors l'application associée à une matrice est linéaire à droite et l'application qui à une matrice associe son application est un morphisme pour la multiplication matricielle ;
    1)b) mettons qu'on définisse l'application blablablabla dans le mauvais ordre ; alors l'application associée est linéaire à gauche MAIS l'application qui à une matrice associe son application n'est PAS un morphisme pour la multiplication matricielle.
    2) Mettons qu'on définisse le produit matriciel dans "le mauvais sens" (i.e. on considère $M_n(A^{op})$ comme dit Foys) et
    2)a mettons qu'on définisse blablabla dans l'ordre "élément de la matrice fois coordonnée du vecteur colonne" alors l'application associée à une matrice est linéaire à droite MAIS l'application qui à une matrice associe son application n'est PAS un morphisme pour la multiplication matricielle ;
    2)b) mettons qu'on définisse blablabla dans le mauvais ordre, alors l'application associée à une matrice est linéaire à gauche ET l'application qui à une matrice associe son application est un morphisme pour la multiplication matricielle.

    Donc, si j'ai bien compris, je "préfère" 1)a) parce que je crois que c'est comme ça que j'ai résolu mon mal de tête (et Max préfère ce choix aussi, si j'ai bien compris, comme ça $A^n$ est un module à gauche sur l'anneau des endomorphismes à droite et un module à droite sur $A$), mais Foys "préfère" 2)b) ; et de toute façon, ces deux choix sont (anti)-isomorphes.

    EDIT : Correction de faute orthographique et ajout de :
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