Algèbre et analyse

Bonjour
En lisant le texte sur les images ci-jointes, et bien que ce texte m'interroge en bien d'autres endroits qu'il me faudra méditer, j'observe qu'il semblait que pour Lagrange, l'analyse surplombait l'algèbre.
J'en suis assez étonné. Ainsi, je viens vers vous afin de vous demander si cela était bien le cas, mais aussi afin de vous demander comment nous considérions l'analyse.
Bien cordialement.128424
128422
128420

Réponses

  • Bonjour Sn

    le terme "surplomber" n'est pas le bon, à propos de la position de l'analyse par rapport à l'algèbre,
    il vaut mieux dire : l'analyse prolonge l'algèbre en introduisant l'infini et l'infinitisimal dans les travaux mathématiques

    Le mot algèbre vient de l’Arabe Al Jabr qui veut dire assemblage, réduction, mise en ordre, résolution.
    Le mot algorithme vient du patronyme Al Khwarismi, mathématicien perse qui vers 800 après JC perfectionna l’algèbre
    et en particulier la récurrence dont l’algorithme n’est qu’une forme. L'introduction du zéro d'origine indienne est une étape décisive.
    Les Arabes ont inventé l’algèbre en même temps que la trigonométrie.
    Ils ont reçu l’héritage des Grecs (Diophante) et des Indiens (Aryabatta) et l’ont transmis à l’Occident après l’avoir enrichi et valorisé.
    Les Italiens Fibonacci, Cardan, Tartaglia et Bombiéri, les Français Oresme, Chuquet, Viète, Descartes, et d’Alembert ont fixé l’algèbre moderne
    qui intégrera plus tard le calcul matriciel mis au point par les Anglais Sylvester et Cayley
    ainsi que l’Irlandais Hamilton avec la contribution du Russe Markov élève de Tchebychev.

    On pourra considérer l’analyse comme la prolongation de l’algèbre avec l’étude des limites d’expressions et lorsque le domaine incorpore l’infini.
    Historiquement l’analyse est effectivement apparue dans le prolongement des études algébriques.
    Il est évident qu’entre algèbre et analyse il existe des liens importants : l’algèbre utilise des théorèmes démontrés grâce à l’analyse
    (les formules d’Euler par exemple entre exponentielle et fonctions circulaires) et l’analyse utilise des résultats de l’algèbre
    (pour le calcul intégral par exemple).
    D’autre part la finalité de l’algèbre et de l’analyse est la même : il faut obtenir un résultat numérique la plupart du temps.
    En ce sens parler d’analyse fonctionnelle ou analyse numérique est un pléonasme. L’analyse est forcément fonctionnelle et forcément numérique, l’algèbre elle, est linéaire ou fonctionnelle, numérique dans les deux cas. On constate bien d’ailleurs la complémentarité algèbre analyse dans la résolution de l’équation du troisième degré : le discriminant est obtenu par calcul analytique des extrema de la fonction correspondante, mais les racines réelles et complexes sont déterminées par calcul de radicaux ou de rapports trigonométriques.
    Il y a malgré tout une différence d’esprit entre les deux disciplines : l’algébriste (personnifié par Descartes) fait des raisonnements simples pour démontrer des propriétés rigoureuses même si le résultat est modeste. L’analyste (personnifié par Euler) est plus ambitieux.
    Il veut démontrer des propriétés plus riches mais plus compliquées par des procédés parfois moins rigoureux.

    Le mot analyse vient du grec « analusis » c’est-à-dire décomposition, distinction. C’est le sens habituel du mot français « analyse » (opposée à synthèse) qui s’applique aussi bien aux sciences sociales qu’aux sciences physiques et lorsque Descartes crée la géométrie analytique, il propose l’étude point par point des figures géométriques et non plus seulement l’étude globale, la géométrie synthétique.
    Mais plus tard à partir des années 1680 le mot analyse a pris une signification particulière complémentaire de celle de l’algèbre.
    L’analyse est l’étude des relations élaborées (sophistiquées pourrait-on dire) entre grandeurs, qui interviennent sous forme d’opérations en nombre infini (par exemple les séries) ou sous forme de limite (par exemple dérivation et intégration).

    En ce sens on peut dire que l’analyse est née avec Newton et Leibniz qui établissent conjointement en 1674 (mais l’Anglais avait fait sa découverte 17 ans auparavant) les « fluxions » pour le premier, les « différentielles » pour le second, c’est-à-dire la dérivation qui n’est qu’une forme particulière et importante de la recherche des limites, même si cette notion de limite était connue intuitivement depuis l’Antiquité (en particulier d’Archimède).

    C’est cette performance et cette puissance dans les résultats qui ont fait de l’analyse la reine des mathématiques, et lui a permis de rayonner dans toutes les disciplines scientifiques, de la sociologie à la médecine, de l’économie à la biologie, de la physique à l’informatique en leur fournissant des outils et instruments incomparables.

    L'opinion de Lagrange mathématicien français proche d'Euler sur l'analyse n'est pas surprenante en ce 18ème siècle riche en travaux analytiques, elle reste d'actualité même si la recherche purement algébrique a prospéré au 20ème siècle.

    Cordialement
  • Bonjour Sn, 

    Je complète ici avec ce qui a été par Jean Lismonde avec une position
    plus tranchée ou du moins restant dans le  présent  et  utilisant  la
    définition actuelle de l'analyse mathématique. 
    D'après le Dictionnaire  des  sciences  de  Michel  Serres  et  Nayla
    Farouki, nous lisons : 

    " Au sens moderne, l'analyse mathématique est l'ensemble des doctrines
    issues du développement du calcul différentiel et intégral,  mais  ce
    sens est récent ; l'usage du mot était différent à l'époque  ancienne
    et classique. ...". 

    En m'inspirant de l'ATLAS des Mathématiques  de  Fritz  Reinhardt  et
    Heinrich Soeder j'ai construit ce diagramme qui met en  relation  les
    domaines des mathématiques.  Les  parties  de  l'Analyse  (définition
    actuelle) et celles de l'algèbre sont colorisées  avec  des  couleurs
    différentes. 



    Nous pouvons y voir que l'analyse est construite à  partir  de  (Jean
    Lismonde a utilisé le mot "prolongement") l'algèbre. 

    Et l'algèbre et l'analyse sont construites à partir  la  théorie  des
    ensembles par exemple. 

    Aussi l'analyse est construite  à  partir  de  la  "construction  des
    nombres". 

    Avec cette vision nous voyons que l'analyse s'appuie sur l'algèbre et
    donc si l'analyse est "performante" (à définir)  ou  "prolifique"  (à
    définir) c'est aussi grâce à l'algèbre. 

    Ainsi nous voyons que votre question ne se pose plus. 
    Mais pour répondre à votre  question  en  s'imposant  la  volonté  de
    valoriser une partie par rapport à une autre je vous dirais ceci : 

    L'Analyse mathématique parait à priori sophistiquée pour ne pas  dire
    compliquée, disons plus simplement une partie qui demande bon  nombre
    d'années d'études avec le cycle scolaire actuel. 

    Mais comme l'a bien démontrée Godel, l'arithmétique avec ses  nombres
    premiers, à priori l'une partie des  mathématiques  considérée  comme
    élémentaire, a  trouvé  le  théorème  le  plus  fondamental,  dit  de
    l'incomplétude. 

    Le théorème des mathématiques et qui selon moi a bouleversé toutes les
    Mathématiques, toutes parties  confondues  et  a  surtout  démontré
    comment l'arithmétique peut être si puissante, et pourtant on apprend
    les nombres premiers à l'école primaire. 

    Je vous recommande de lire aussi  "Le  Théorème  de  Gödel"  d'Ernest
    Nagel, ... Edition du Seuil. 

    Cordialement, 
    Arthur Torossian 
  • Beau graphique, mais j'ai du mal avec un certain nombre de flèches.
    Evidemment, il manque des domaines car on ne peut pas tout citer et on peut disserter un long moment sur chaque flèche mais, pour n'en donner qu'une qui m'interroge : Topologie algébrique $\rightarrow$ Théorie des Graphes ???
    Certes, certains résultats sur les graphes viennent de la topologie algébrique mais un énorme morceau de théorie des graphes ne requiert aucunement l'outillage de la topologie algébrique. La majorité est constituée d'arguments combinatoires et algorithmiques.
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